Les sacrements comme paroles visibles : les racines patristiques de la Réforme.
22 novembre 2017

Article du Calvinist International, traduit par Ulisses de Sousa Mendes.


Les réformateurs protestants désignaient régulièrement les sacrements comme des paroles visibles, c’est-à-dire qu’ils communiquaient le même Évangile et les mêmes promesses que les mots écrits, mais sous une forme différente, qui pouvait être manipulée, touchée, goûtée.

Néanmoins, les éléments sacramentels ne s’expliquent pas d’eux-mêmes. Pour cette raison, ils doivent être unis à la Parole, de sorte que ce qui fait un sacrement, c’est l’union de l’élément avec la Parole (sans laquelle les éléments restent communs et sans signification), pour être reçu dans la foi. Sans compréhension et foi, les sacrements ne peuvent pas “prêcher”.

Cette position est augustinienne. Ainsi, dans son Petit Traité sur la Cène du Seigneur, Calvin fait appel à Augustin pour un appui patristique de sa doctrine de la Cène du Seigneur. Il croit que les changements Réformés concernant la célébration de la Cène rétablissent cette emphase Augustinienne, contrairement à son effacement, selon lui, dans la Messe non vernaculaire (en latin) et à peine audible.

Rhétoriquement, cette position inverse les rôles vis-à-vis de ses adversaires, qui prétendent que les protestants se privent de la vraie substance de la Cène, parce que celle-ci n’est pas la messe romaine.

Pas du tout, dit Calvin; sans une «déclaration claire des promesses» attachées aux sacrements – une déclaration qui est intelligible aux auditeurs – «la propre et principale substance de la Cène est absente. Il écrit:

La principale chose recommandée par notre Seigneur est de célébrer l’ordonnance avec une véritable compréhension. D’où il sen suit que l’essentiel réside dans la doctrine. Que cela vienne à manquer et ce n’est plus qu’une cérémonie inutile et glaciale. Cela est non seulement démontré par l’Écriture, mais attesté par les canons du Pape, (Can., Detrahe, I, 4,1,) dans un passage de Saint-Augustin, (Tract 80, dans Joan.), et dans lequel il demande – “Qu’est-ce l’eau du baptême sans la parole sinon uniquement un élément corruptible ? La parole (ajoute-il immédiatement) pas seulement prononcée mais aussi comprise »

Par cela il veut dire que les sacrements tirent leur vertu de la Parole quand elle est prêchée intelligiblement. Sans cela, ils ne méritent pas le nom de sacrements. Or, loin s’en faut que l’on reçoivent une doctrine intelligible à la Messe, au contraire, il semble que le mystère soit considéré comme gâché si tout n’est pas dit et fait à voix basse, de sorte que rien n’est compris.

Il en va ainsi de leur consécration, qui n’est qu’une espèce de sorcellerie, considérant qu’en marmonnant et en gesticulant comme des sorciers, ils pensent contraindre Jésus à venir entre leurs mains. Nous voyons donc comment la Messe, étant ainsi arrangée, n’est qu’une profanation évidente de la Cène du Christ, plutôt qu’une observance de celle-ci, puisque la « propre et principale « substance de la Cène, à savoir, la pleine explication de l’ordonnance et claire déclaration des promesses, est manquante et à sa place nous avons un prêtre se tenant à part et marmonant pour lui-même des mots sans ni raison ni sens. J’apelle cela également une bouffonnerie, à cause des mimiques et gesticulatrions qui seraient mieux adaptées à une comédie plutôt qu’à une ordonnance comme la Cène sacrée de notre Seigneur.

Comme il l’a également fait dans le passage discuté dans le post précédent, Calvin se réfère à nouveau aux « Tractates sur l’Evangile de Jean » d’Augustin, bien que dans ce cas la référence soit correcte : Tractates 80, une brève discussion sur Jean 15.1-3. Je cite le passage en son entier, afin que l’on puisse voir comment Augustin traite de la relation entre les éléments, la Parole et la foi.

Maintenant vous êtes purs par la parole que je vous ai dite. Pourquoi ne dit-il pas: vous êtes purs à travers le baptême par lequel vous avez été lavé, mais par la parole que je vous dite, sinon que, même à travers l’eau, c’est la parole qui purifie ? Otez la parole, et l’eau n’est ni plus ni moins que l’eau. Le mot est ajouté à l’élément, et il en résulte le sacrement, constituant lui-même une sorte de parole visible. Car il a dit également dans le même sens, quand il lava les pieds des disciples, celui qui est lavé n’a pas besoin que de se laver les pieds, car il est pur en tout son être.

Et d’où l’eau tient-elle une si grande efficacité, qu’en touchant le corps elle purifie l’âme, sinon par l’opération de la parole; et cela non pas parce que serait prononcé seulement, mais parce qu’elle est crue ? Car y compris dans la parole elle-même, le son entendu est une chose, l’efficacité qui y demeure en est une autre. C’est la parole de la Foi que nous prêchons, dit l’apôtre, de sorte que si tu confesses de ta bouche que Jésus est le Seigneur, et que tu crois dans ton coeur que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. Car c’est en croyant du cœur que l’on parvient à la justice, et en confessant de la bouche la confession que l’on parvient au salut. ( Romains 10:10 ).

En conséquence, nous lisons dans les Actes des Apôtres, « purifiant leurs coeurs par la foi » (Actes 15: 9 ) et, ainsi que le dit le bienheureux Pierre dans son épître, « de même le baptême nous sauve maintenant, qui est non pas la purification des souillures du corps mais, mais le témoignage d’une bonne conscience ». C’est la parole de la foi que nous prêchons, par laquelle le baptême, sans l’ombre d’un doute, est aussi consacré, afin qu’il possède le pouvoir de purifier. Car Christ, qui est la vigne avec nous, et le laboureur avec le Père, a aimé l’Église et s’est donné Lui-même pour cela. Et puis lisez l’apôtre, et voyez ce qu’il ajoute : « afin qu’il puisse la sanctifier, la purifiant par le lavement de l’eau et par la parole. (Ephesiens 5: 25-26 ) La purification, par conséquent, ne saurait en aucun cas être attribuée à l’élément éphémère et périssable, si ce n’est qu’il y soit ajouté la parole. Cette parole de foi possède une telle vertu dans l’Église de Dieu, que par celui qui, dans la foi, la présente, la bénit et l’asperge, elle nettoie même le tout petit enfant, même s’il n’est pas encore capable de croire pour parvenir à la justice et confesser de la bouche pour parvenir au salut. Tout cela est fait au moyen de la parole, dont le Seigneur dit : Maintenant vous êtes purs par la parole que je vous ai dite.

Auteur : E.J. HUTCHINSONE.J. Hutchinson est professeur adjoint de lettres classiques au Hillsdale College.

The Calvinist International

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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