Sauvés par la foi seule – Jacques Lefèvre d'Étaples (1450-1536)
10 juillet 2018

Jacques Lefèvre d’Étaples est un personnage intéressant. Il vécut à la Réforme et illustre vraiment bien son siècle : il est un homme de transition entre la papauté et la Réforme. Il dénonçait les abus de l’Église, favorisait l’enseignement des lettres à Paris ainsi que l’étude de l’Écriture sainte, dont il traduisit et commenta plusieurs parties, en particulier les épîtres de Paul. Comme souvent dans l’histoire, ces épîtres devaient jeter sur son coeur une lumière toute divine. Son étude lui montra comment la justification était une oeuvre divine, basée sur une justice qui n’est pas la nôtre et qui n’est pas en nous non plus. C’est par son oeuvre que des Réformateurs comme Guillaume Farel (qui poussa Calvin à s’installer à Genève) et Olivétan (le célèbre traducteur de la Bible, cousin de Calvin) arrivèrent à la connaissance de la vérité et s’affranchirent de la papauté. Pour Farel, ces faits sont certains, pour Olivétan, on le suppose. Voici donc quelques extraits de ses écrits, qui montrent comment la lumière éclairait, avant même Luther ou Zwingli, son esprit :

C’est Dieu seul qui par sa grâce, par la foi, justifie pour la vie éternelle. Il y a une justice des oeuvres, il y a une justice de la grâce; l’une vient de l’homme, l’autre vient de Dieu; l’une est terrestre et passagère, l’autre est divine et éternelle; l’une est l’ombre et le signe, l’autre est la lumière et la vérité; l’une fait connaître le péché pour fuir la mort, l’autre fait connaître la grâce pour acquérir la vie.

(Commentaire des épîtres de Paul, page 70 de l’édition latine)

Quoi donc ! Y eut-il jamais un seul homme justifié sans les oeuvres ? Il en est d’innombrables. Combien d’entre les gens de mauvaise vie qui ont demandé avec ardeur la grâce du baptême, n’ayant que la foi seule en Christ, et qui, s’ils sont morts aussitôt après, sont entrés dans la vie des bienheureux, sans les oeuvres.

Il se servait de cela comme d’un argument pour montrer que les oeuvres n’intervenaient pas dans la justification mais étaient le signe de la foi.
Et, à ceux qui opposaient Jacques et Paul, il répondait :

Saint Jacques ne dit-il pas (chapitre Premier) que toute grâce excellente et tout don parfait viennent d’en-haut ? Or qui nie que la justification soit le don parfait, la grâce excellente ?… Si nous voyons un homme se mouvoir, la respiration que nous remarquons en lui est pour nous le signe de la vie. Ainsi les oeuvres sont nécessaires, mais seulement comme signe d’une foi vivante que la justification accompagne. Sont-ce des collyres, des purifications qui illuminent l’oeil ?… Non, c’est la vertu du soleil. Et bien, ces purifications et ces collyres, ce sont nos oeuvres. Le rayon seul que le soleil darde d’en haut est la justification même.

(Ibid, page 73)

En parlant de l’imputation de la justice de Christ, de comment Christ prenait sur Lui nos péchés et nous donnait sa justice, il s’écrie :

Échange ineffable, l’innocence est condamnée et le coupable est absous; la bénédiction est maudite, et celui qui était maudit est béni; la vie meurt, et la mort reçoit la vie; la gloire est couverte de confusion, et celui qui était confus est couvert de gloire.

(Ibid, page 145 verso)

Sur la grâce de l’élection et la prédestination, il s’accorde encore avec nos Réformateurs :

Ceux qui sont sauvés le sont par l’élection, par la grâce, par la volonté de Dieu et non par la leur. Notre élection, notre volonté, notre oeuvre sont sans efficace; l’élection seule de Dieu est très puissante. Quand nous nous convertissons, ce n’est pas notre conversion qui nous rend élus de Dieu, mais c’est la grâce, la volonté, l’élection de Dieu qui nous convertissent.

(Ibid, page 89 verso)

C’est aussi par sa prédication que Farel a rejeté l’invocation des saints, après de rudes combats dans sa conscience, il disait en effet :

La religion n’a qu’un fondement, qu’un but, qu’un chef, Jésus-Christ béni éternellement; il a seul foulé au pressoir. Ne nous nommons donc pas du noms de saint Paul, d’apollon ou de saint Pierre. La croix de Christ seule ouvre le ciel et seule ferme la porte de l’enfer.

C’est après ces combats que, dit Farel “la Parole de Dieu eut le premier lieu en mon coeur” (Ép. de Farel, A tous seigneurs, peuples et pasteurs).

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

sur le même sujet

3 Commentaires

  1. Pascal

    Excellent! As-tu les dates des publications JLÉ que tu cites?

    Réponse
    • Maxime Georgel

      Elles sont antérieures à Luther, mais je n’ai pas les dates précises puisque je suis en voyage et je n’ai pas le volume de D’Aubigné en question…

      Réponse
  2. Bucerian

    Salut, excellent article. Je crois que le commentaire de Romains est de 1512.

    Réponse

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *