Qu'est-ce que la Scolastique Protestante ? – Partie 5
21 septembre 2018

La méthode Scolastique

Au fur et à mesure que la théologie réformée se développait, une attention croissante était accordée à la méthode. Pour faire de la théologie avec clarté, une certaine méthodologie a été utilisée pour donner de la cohérence au système réformé. Naturellement, il y a un éclectisme de méthode parmi les théologiens réformés. Tous les théologiens réformés, dans leur quête de vérité, ont développé leur théologie à partir des Écritures. Mais ils n’hésitaient pas à accepter des éléments de la tradition philosophique chrétienne et non chrétienne si de tels outils philosophiques pouvaient les aider à mieux énoncer et défendre la vérité.

La dernière édition des Loci Communes de Melanchthon nous offre un aperçu de la méthodologie qui sera utilisée par les scolastiques réformés dans leurs vastes travaux sur l’ensemble de la théologie. L’ordre selon la méthode du locus a été adopté par la plupart des théologiens réformés qui passaient souvent de l’Écriture à Dieu, à la Trinité, etc. Sous chaque locus, l’auteur argumentait souvent contre ses adversaires (par exemple, anabaptistes, catholiques romains, sociniens) afin de faire connaître la vérité.

Outre la méthode des loci, les scolastiques réformés ont également utilisé la disputatio (note : “controverse”, ou “débat public”). Mais même les controverses étaient souvent organisées comme les  loci. Les étudiants débattaient de théologie selon un ensemble de thèses, souvent organisées par le professeur pour qu’un étudiant se défende contre les attaques de ses adversaires. Des questions de type aristotélicien sont fréquemment utilisées pour ordonner la disputatio (la technique de la quaestio). Ce sont donc ces types de questions qui structuraient les différents débats théologiques :

  1. Que signifie ce terme ?
  2. Ce que ce terme désigne existe-t-il ? L’objet existe-t-il ?
  3. Qu’est-ce que c’est ? Quel est cet objet ?
  4. Quelles sont ses parties ?
  5. Quels sont les aspects spécifiques que l’on peut discerner ?
  6. Quelles sont les causes de l’objet ?
  7. Quels effets ou conséquences en découlent ?
  8. À quelles autres entités est-il lié ?
  9. Quelles sont les choses qui lui sont opposées ou en contradiction avec lui ?[1]

La méthode des loci et la méthode de la disputatio intégrèrent toutes deux ces types de questions énumérées ci-dessus. Comme Dolf Te Velde l’indique clairement dans son Introduction to Synopsis Purioris Theologiae (Synopsis d’une théologie plus pure),

“Ces genres ont en commun des caractéristiques importantes : une délimitation claire du sujet étudié ; un vif intérêt pour les définitions ; un traitement exhaustif des aspects pertinents au moyen d’une structure thématique ; un usage fréquent des distinctions, en partie pour anticiper un traitement des différents éléments du sujet, en partie pour résoudre les difficultés qui sont présentes dans la définition initiale ; des déclarations explicites, des preuves et arguments qui soutiennent sa position, et une réfutation correspondante des contre-arguments”. [2]

De plus, les quatre “causes” (empruntées à Aristote) faisaient partie intégrante de la clarification de nombreuses questions théologiques épineuses. Les causes efficiente, formelle, matérielle et finale aident à expliquer, par exemple, comment et pourquoi Dieu fait ce qu’il fait (note : voir ICI comment Calvin utilisait ces 4 causes pour parler de notre salut).


[1] Questions tirées de Dolf Te Velde’s Introduction to Synopsis Purioris Theologiae, Latin Text and English Translation, Volume 1/Disputations 1-23 édité par Dolf Te Velde, et al. (Leiden: Brill, 2014), 5.
[2] “Introduction,” 4.
 

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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