Pensées sur la nécessité d'un Magistère infaillible
19 octobre 2018

Il est courant d’entendre les catholiques romains prétendre qu’un Magistère infaillible est nécessaire pour que nous puissions connaître la vérité.

Récemment, un ami catholique a exprimé cette nécessité ainsi : Oui, il est possible de connaître le sens de la Bible, mais 1) cela nécessite une étude très complexe et 2) nous sommes faillibles et susceptibles d’errer dans ce domaine, 3) ce que l’histoire confirme. Ainsi, un Magistère infaillible est là pour nous guider et “faciliter” le travail.

Une amélioration quantitative seulement

En quoi un Magistère, organe vivant et actuel, permettrait-il d’y voir plus clair dans nos débats théologiques ? Prenons une analogie : si un ami vous explique par écrit, disons par un article comme celui-ci, ce qu’il pense d’un sujet en particulier, il est probable que tel ou tel point reste flou et nécessite une explication. Si donc vous pouviez écrire à cet ami pour demander des explications et qu’il répondait par un autre écrit, vous seriez, potentiellement, plus à même de comprendre son point de vue. C’est ainsi, dira-t-on, que fonctionne le Magistère.

Remarquons que le Magistère se limite à la publication de textes. Ainsi, si la Bible est absolument floue comme le disent certains apologètes catholiques, un Magistère n’y changera rien car ce Magistère utilise le même mode de communication que la Bible : le langage (écrit). Et si la Bible n’est pas floue, que le langage permet vraiment de véhiculer des informations (ce que vous croyez puisque vous êtes en train de lire un article), alors l’amélioration potentielle que peut apporter un Magistère pour connaître la vérité ne sera que quantitative, puisqu’il utilise encore le même mode de communication. Il faudrait une communication d’une autre nature pour ôter toute ambiguïté.

Le témoignage de l’histoire

Toute personne un peu au fait de l’actualité et des débats dans l’Église Catholique Romaine sait qu’il existe une foule de débat sur l’interprétation de tel ou tel texte du Magistère. “Pire” encore, certains textes semblent avoir été écrits avec l’intention précise de pouvoir y lire deux sens, parfois contradictoires (je pourrai y revenir si j’écris sur Vatican II et l’inerrance biblique). Ainsi, non seulement un Magistère ne peut pas changer qualitativement l’accès du croyant à la vérité, mais même l’amélioration quantitative est à relativiser. Certains iront jusqu’à dire que le Magistère rend les choses plus floues.

Des présupposés à questionner

Derrière certains arguments catholiques se cache un présupposé qu’il convient de questionner : Dieu veut-il nécessairement que nous ayons quelque chose de plus clair que la Bible ? Certes, il y a un tas de débats sur le sens de tel ou tel passage biblique, mais qui nous dit que cela révèle que Dieu a du nous donner un autre moyen que l’exégèse de connaître le sens de ce texte ? N’est-ce pas plutôt simplement le signe que nous ne sommes pas encore dans l’eschaton ? Dieu pourrait en effet nous donner une connaissance immédiate et parfaite de sa Parole, il n’a pas choisi de le faire pourtant. D’ailleurs, le Magistère ne se prononce pas sur le sens des textes bibliques, il se contente souvent d’exclure une doctrine ou d’en présenter une.

Un autre présupposé évident des apologètes catholiques romains est celui que, si nous acceptons la nécessité d’un Magistère, c’est le leur qui rempli les conditions. Accepter l’idée d’un Magistère infaillible n’est pas un argument décisif en faveur du système papal. Certaines formes d’anglicanisme et la foi orthodoxe grecque ont les mêmes prétentions.

Sola Scriptura : suffisance et clarté

Sola Scriptura est une doctrine couramment déformée. Les protestants prétendent que la Bible est claire et suffit formellement au croyant pour connaître ce que la Bible enseigne quant au salut. Pour faire simple, le plus simple des croyants comprendra, si on lui lit la Bible, le message de l’Evangile qu’il lui faut croire pour être sauvé.

Nous admettons aussi l’existence d’un “magistère”, chargé, non pas de clarifier le sens de la Bible en y ajoutant des textes mais d’exposer le sens de cette Bible (d’où l’insistance sur la prédication textuelle dans les cercles réformés). C’est précisément la fonction que Saint Cyrille donnait au Credo, par exemple.

Encore un peu d’histoire

L’historien Carl Trueman, en parlant des dizaines de confessions de foi que les protestants ont publié aux XVI et XVIIème siècles, remarque qu’elles témoignent d’une étonnante unité. Le “système de doctrine”, tel que le définit Charles Hodge (Cf. What is the “System of Doctrine”) de ces confessions est le même, bien que les détails varient. Ainsi, contrairement à ce que l’on entend souvent, ceux qui ont appliqué le Sola Scriptura sont arrivé à des conclusions similaires. Les divers schismes et sectes évangéliques d’aujourd’hui viennent de l’abandon du Sola Scriptura pour des autorités illégitimes et non pas de son application.

Réorientons le débat

Mes interlocuteurs catholiques reconnaissent que la Bible est compréhensible, mais que son étude est difficile et semée d’embûche pour un individu. Néanmoins, le théologien comme docteur privé peut étudier la Bible et tirer des conclusions. Si la Bible est compréhensible, alors il est raisonnable de se demander si elle enseigne qu’un Magistère infaillible a été établi par Dieu.

De même, les textes du Magistère romain font toutes sortes de prétentions historiques. Puisque l’histoire est aussi possible à étudier, il est possible de vérifier ces prétentions du Magistère.

Ainsi, plutôt que de spéculer et de fantasmer sur l’existence d’un Magistère qui pourrait potentiellement tout rendre clair, réorientons le débat en nous demandant si les prétentions du Magistère romain sont compatibles avec l’histoire et l’enseignement de la Bible. Or, il me semble qu’il est possible et facile de montrer que les prétentions de ce Magistère contredisent et la Bible et l’histoire. C’est pour cela que j’ai commencé à publier une série sur le sujet. Vous pouvez la consulter ICI.

Je suggère donc à mes amis catholiques de poursuivre le débat sur le terrain de l’exégèse et de l’histoire (et le meilleur moyen d’être sur que je lise vos réponses est de me les envoyer par mail, voir section Contact).

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

1 Commentaire

  1. Alain Rioux

    En tous cas, une fois admis l’unique signe de reconnaissance entre chrétiens que constitue le Symbole inaltéré de Nicée-Constantinople (Jean Bosc/La Foi Chrétienne, J.M.Tillard/Confesser la Foi commune, Dz,265, 303 et 559), il semble qu’on doive admettre les six premiers conciles œcuméniques et la doctrine-pas la discipline ni la pastorale-de la confession d’Augsbourg comme son interprétation adéquate et scripturaire, une fois appliqué le principe de “fides quaerens intellectum”, de l’intelligence de la Foi, selon Mt.13/52 et Is.7/9 (LXX) et les ss. Augustin et Anselme:

    1- Le Symbole de Nicée-Constantinople est le dogme (opinion), le récit réglementaire de l’Histoire sainte de la Bible. Car, la Bible est la parole du Dieu TRINITAIRE.

    2- Articles (articulation) de Foi : résolution du problème de l’UN et du MULTIPLE.

    2.1- Trinité/UN seul Dieu, TROIS personnes, selon la perspective du salut : Économie de la Révélation = récapitulation dans le Père (Mt.28/19 : notion de « relation » ) * Nicée/325 et Constantinople/381 = Origine du Christ

    A- Être/Le Père est Dieu, infini, plénitude de l’être, de la vérité et de la bonté, béatitude illimitée : Salut et Bonheur infinis en Dieu. Ac.17/28, Ex.3/14.
    B- Un/Le Fils est Dieu. Car, seul Dieu peut relier à Dieu, puisqu’il n’y a aucune commune mesure entre le fini (homme) et l’infini (Dieu): Alliance avec Dieu. Jn.8/24, 28. N.B. Dieu est Père. Car, il a un Fils.
    C- Multiple/Le Saint-Esprit est Dieu, puisque seul Dieu peut révéler Dieu : Incorporation (intégration) en J-C, par la Foi, fruit de l’Esprit Saint. Car, sans l’infini du Saint-Esprit, aucun esprit fini ne peut percevoir (foi) l’infinité du Christ, Dieu fait homme. I Cor.12/3, I Jn.4/15

    ( Récapitulation: C/multiple → B/un →A/être)

    N.B. Il n’y a qu’un seul Dieu, en trois personnes, car il ne peut y avoir plus d’un infini. Cependant, on peut concevoir trois fois un même infini, selon trois rapports différents: Père, Fils et Saint-Esprit. (I Jn.5/7, Dt.6/4, Mt.28/19, II Cor.13/13). Ces trois rapports sont fondés sur deux relations, une de production intellectuelle ou de savoir, entre le Père et le Fils, sujet et objet de la connaissance; l’autre, d’amour ou de réciprocité, le Père et le Fils s’aiment, comme la personne et son image, amour infini qui souffle l’Esprit Saint éternellement.

    2.2- Incarnation/ UN seul Seigneur, DEUX natures : Alliance par la Personne du Fils de Dieu fait homme, laquelle relie et unifie, sans les confondre, Dieu et l’homme, non pas en tant qu’intermédiaire, impossible moyen terme entre le fini (homme) et l’infini (Dieu) mais comme médiateur, comme centre d’attribution de la divinité et de l’humanité, en tant que seule réalité apte à en être responsable: la Personne divine du Fils de Dieu. C’est Jésus-Christ, Vrai Dieu et vrai homme. Car, si Jésus n’est pas pleinement Dieu, il ne peut rien sauver, et s’il n’est pas pleinement homme, il ne peut sauver rien, en tant que Christ. (Jn.1/14 : notion de « personne”) * Ephèse/431, Chalcédoine/451, Const. II/553 et Const. III/681 = Être du Christ

    2.3- Justification/ UN seul Baptême, DES péchés de la vie entière, jusqu’à la mort : Transaction entre Dieu et l’homme, sur la base de la représentation de J-C, compte tenu de l’Incorporation du fidèle en Lui, au moyen de la Foi seule. Dieu a manifesté l’éligibilité du Christ par sa Résurrection, l’Homme vote pour le Christ, par sa foi. Ainsi, ce qui est au Christ (justice/salut et vie nouvelle) revient au fidèle et vice-versa (mort/damnation et péchés). L’homme est sauvé par la foi seule du baptême, indiquée par l’invocation trinitaire, foi SEULE et constante en Jésus-Christ, selon une démarche quotidienne et viagère de repentance, signifiée par le geste baptismal d’immersion/émersion. (Mc.16/16 : notion de « foi/acte » ) * Augsbourg/1530 = Agir du Christ

    2.4.- Interprétation/UNE seule Église, Cat-holique = selon la totalité: C’est la Tradition catholique, globale, du Symbole de Foi et du Canon scripturaire, qui garantit l’impartialité de l’Évangile, selon le barème du JUXTA SCRIPTURA, indiqué par l’article pascal du Credo = « SELON les Écritures ». Car, le Credo débute par la Création et se termine à l’Eschatologie. De sorte que, son point focal se trouve être la résurrection du Christ, leur synthèse, en tant que prémices de l’Évangile. Or, la crédibilité de la Résurrection, ainsi promue comme spécificité du Christianisme-I Cor.15, est tributaire, pour sa validation, du témoignage des Écritures. Ce qui a pour conséquence de soumettre à cette règle tout le dogme catholique. C’est pourquoi, l’Église a toujours considéré le Canon scripturaire comme la source et la norme ultime de la théologie, dont le Symbole de Nicée-Constantinople est l’expression réglementaire. (Rom.12/6 : notion de « foi/contenu » ) * Augsbourg/1530 = Annonce du Christ

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