Est-ce orgueilleux de dire que l'on a trouvé la vérité ?
24 décembre 2018

Dans la société, il est devenu difficile d’avoir des convictions, surtout quand nous voulons les exprimer. En effet, avoir des convictions, cela veut dire “avoir des convictions quant à la vérité de telle ou telle proposition”. Dire que l’on a une conviction sur un sujet, c’est nécessairement émettre une affirmation quant à la vérité. Et dans un monde relativiste et post-moderne, c’est faire preuve d’orgueil voire d’intolérance.

Pour ce qui est du chrétien évangélique qui, aujourd’hui plus que jamais dans l’histoire, vit dans un monde marqué par le flou théologique (rien d’étonnant car l’Église tombe souvent dans les mêmes travers que le monde), affirmer que l’on a trouvé la vérité sur un sujet débattu peut faire le même effet qu’affirmer avoir trouvé la vérité dans un monde post-moderne. Ici, j’aimerai donner 3 raisons qui me font penser que dire avoir trouvé la vérité sur tel ou tel sujet, quel qu’il soit, n’est pas faire preuve d’orgueil. Puis j’aimerai relever quel est le véritable orgueil qui peut toucher celui qui cherche la vérité et enfin montrer que celui qui pense que dire “j’ai trouvé la vérité” est une marque d’orgueil est en fait peut-être lui-même coupable d’un raisonnement plein d’orgueil.

Une raison biblique : “Je ne veux pas que vous ignoriez”

” Je ne veux pas, mes frères, que vous ignoriez”. Cette phrase revient comme un refrain dans les épîtres de Paul. Si le Christ nous apprend à être comme des enfants dans la foi, cela ne veut pas dire que nous devons être des enfants dans notre intelligence. Au contraire, Paul dit précisément le contraire : « Pour ce qui est de la malice, soyez des enfants ; mais pour ce qui est du raisonnement, soyez des hommes accomplis » (1 Cor 14:20).

Et remarquons que cette phrase, ce que Paul ne veut pas que nous ignorions, ne concerne pas seulement les vérités cardinales de l’Evangile. Paul l’utilise avant de parler du mystère d’Israël en Romains 11:25, du retour de Christ en 1 Thessaloniciens 4:13, des dons de l’Esprit en 1 Corinthiens 12:1, de la façon dont les juifs ont été jugés en 1 Corinthiens 10:1. Et même Pierre utilise cette expression pour parler du retour du Christ (2 Pierre 3:8). Ainsi, même sur des sujets aussi débattus, Paul ne veut pas que nous soyons dans l’ignorance.

Paul ne dit pas que, par révélation spéciale, il a le privilège d’en savoir plus sur ce sujet que les autres et que les autres sont condamnés à l’ignorance. Bien-sûr, Paul en savait plus, mais sur des sujets pourtant si débattus, il voulait que l’on ne soit pas dans l’ignorance. Or, ne pas être dans l’ignorance, c’est connaître. Et que faut-il connaître, si ce n’est la vérité sur tel ou tel sujet ?

Une raison logique : cherchez et vous trouverez

Quelqu’un dira peut-être “je pense que la théologie, l’étude sont des bonnes choses, mais qu’affirmer avoir trouvé la vérité est une chose mauvaise”.

Celui qui tient se discours ne se rend pas compte que si nous ne pouvions pas trouver la vérité, alors il ne servirait à rien de la chercher. Ma motivation pour faire de la théologie c’est l’espoir de découvrir la vérité sur les sujets que j’étudie. Et c’est la même motivation qui anime le chercheur en médecine et le philosophe.

Alors quelqu’un dira “oui, nous pouvons trouver la vérité, mais nous ne pouvons pas savoir que nous l’avons trouvé car nous sommes faillibles”. Mais là encore la même réponse peut être formulée : à quoi bon chercher la vérité si l’on ne peut pas savoir quand on la trouvée ?

Ou alors quelqu’un dira “nous pouvons savoir que nous l’avons trouvé, mais nous ne pouvons pas le dire et l’affirmer” et là encore je vois une incohérence et même un égoïsme : la vérité est conçue pour être partagée.

L’erreur de ce raisonnement vient en fait de Descartes qui pensait que nous ne pouvons connaître véritablement que ce que nous pouvons connaître avec certitude. Autrement dit, ce raisonnement confond connaissance et certitude. Par exemple, en philosophie, je pense qu’il est impossible de prouver que nous ne sommes pas dans la matrice du film Matrix. Pour autant, je peux savoir au delà d’un doute raisonnable que nous n’y sommes pas. Ainsi, l’imperfection de notre connaissance d’humain ne nous empêche pas de connaître la vérité, de savoir qu’on la connait et de le proclamer haut et fort.

Une raison pratique : aucune alternative

Mais y a-t-il une véritable alternative au fait de dire que nous avons trouvé la vérité ? Certains proposent de dire “ma conviction personnelle est que…” Mais comme nous l’avons fait remarqué en introduction, une conviction est une conviction quant à la vérité. “Je suis convaincu”. Convaincu de quoi ? Convaincu que telle chose est vraie ! Sans connaissance de la vérité, il n’y a pas de conviction.

Non, la Bible ne nous appelle pas à ponctuer nos phrases de “je pense que”. Le seul moment où elle nous appelle à une telle mesure dans nos paroles, c’est lorsque nous faisons des projets : disons plutôt “si Dieu le veut” car c’est lui qui règne sur nos vies.

Le véritable orgueil théologique

Je veux m’efforcer de prendre au sérieux tout risque d’être orgueilleux. Car il y a une vérité que je connais et de laquelle je suis humblement certain : mon coeur est terriblement orgueilleux. Tellement orgueilleux que je peux m’enorgueillir de mon humilité ! “À peine on se croit humble qu’on en devient orgueilleux” disait le pasteur Rochat.

Néanmoins, après réflexion, je pense qu’affirmer que l’on connait la vérité n’est pas une forme d’orgueil, même pas un peu. En effet, l’orgueil ce n’est pas trouver la vérité ni savoir et affirmer qu’on l’a trouvé, c’est se croire supérieur à l’autre parce qu’on l’a trouvé. Un théologien qui se croit supérieur à l’autre parce qu’il a découvert la vérité est orgueilleux et a encore bien des vérités à saisir ! Un théologien qui met au service des autres les vérités qu’il sait avoir trouvé est humble. Bien qu’étant supérieur aux autres par son savoir, il ne veut pas considérer ce savoir comme une raison de s’élever au-dessus de l’autre mais le servir, à l’image du Christ qui, supérieur à nous en toutes choses, nous a lavé les pieds.

Orgueil et incohérence du sceptique

Le sceptique, c’est celui qui doute. Celui qui pense que, en particulier face aux sujets débattus, les choses sont si complexes qu’il serait prétentieux de même penser avoir trouvé la vérité.

Mais ce sceptique commet la même erreur que notre théologie orgueilleux : tous les deux pensent que la connaissance de la vérité est une forme de supériorité. L’un pense l’avoir trouvé et se croit supérieur, l’autre préfère ne pas penser qu’il la trouvé de peur d’être orgueilleux. Ce faisant, les deux se privent de la vérité et de la véritable humilité.

J’aimerai poser une question à celui qui pense que dire “j’ai trouvé la vérité”, en particulier sur un sujet controversé, c’est être orgueilleux. N’es-tu pas en train d’affirmer une vérité que tu penses avoir trouvé en disant cela ? N’es-tu pas en train de dire que la vérité c’est que ceux qui disent avoir trouvé la vérité sont orgueilleux ? En pointant ainsi du doigt l’autre, tu pointes les autres doigts vers toi.

Conclusion : ma découverte de 2018

Plusieurs de mes lecteurs le savent, en 2016 et 2017 j’ai beaucoup souffert de doutes. Pendant des mois, j’étais pris par cette logique destructrice du relativisme sans m’en rendre compte. Tout a commencé avec le débat sur le pédobaptême puis le débat avec les catholiques. Je tournais les arguments dans tous les sens et j’en arrivais à croire que la Bible n’était pas tout-à-fait claire sur ces sujets. Et c’est alors que le catholicisme devenait encore plus attrayant : il propose un Magistère infaillible qui te dit qu’elle est la vérité.

Dieu sait combien mon angoisse était profonde, jusqu’aux larmes. Je peux dire que du matin jusqu’au soir, mon désir le plus fort pendant des mois fut de connaître la vérité. Mes prières étaient remplies de demande de lumière, de vérité, de clarté dans le flou dans lequel j’étais. C’était une question de vie ou de mort éternelles. Il s’agissait de l’Evangile, et je ne voyais plus clair.

Un miracle s’est produit le jour où un ami philosophe, David Haines, m’a parlé d’un concept révolutionnaire mais vieux comme le monde : l’objectivité de l’interprétation biblique. Oui, l’objectivité n’est pas un mythe, un eldorado impossible à atteindre sans gravir nos montagnes de pressuposés, il m’a conseillé la lecture d’un livre du même nom Objectivity in Biblical Interpretation. Enfin j’avais compris, j’avais la clé à mon soucis : la Bible est claire et mieux que cela, elle est claire pour que nous la comprenions ! Interpréter la Bible est un processus objectif qui obéit à des règles qui découlent logiquement de ce que la Bible est. C’est un sujet qui mériterait un développement plus important (c’est d’ailleurs pour cela que je l’ai développé dans ma série intitulée “le problème protestant”).

Mais je dis cela pour signaler à mon lecteur que c’est précisément le fait que l’on puisse trouver (et savoir que l’on a trouvé) la vérité dans un débat compliqué (celui avec les catholiques est le plus complexe que je connaisse au sein du christianisme) que je ne suis pas devenu catholique. Alors si vous voulez que je cesse de dire “voici ce que la Bible enseigne sur tel sujet”, répondez à mes trois raisons et faites de moi un papiste 🙂 !

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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