Daniel 7:13 et l'eschatologie (4) — Kenneth Gentry
16 avril 2019

J’en arrive enfin à mon dernier article dans cette série en quatre parties. J’ai expliqué la signification de Daniel 7:13 dans l’enseignement eschatologique de Jésus tel qu’il est rapporté dans l’Evangile de Marc.

Mes trois premiers articles traitaient de la signification de Daniel 7:13 (c’est une vision d’intronisation du Fils de l’Homme), de l’influence de ce verset sur l’enseignement de Jésus en Marc (Marc 13:26 ; 16:24), de son contexte pour Marc 9:1 (indirect, mais certain) et de l’attente concernant le moment de sa démonstration historique spectaculaire (au premier siècle, alors le Sanhédrin et plusieurs disciples étaient encore vivants).

Nous sommes maintenant prêts pour les deux derniers points de mon exposé.

V. La fonction de Daniel 7:13 en Marc 9:1

Nous devons comprendre ce qui ressort des trois versets eschatologiques de Marc qui emploient Daniel 7:13 (Marc 9:1 ; 13:26 ; 14:62). Ce qui se passe implique la venue du Royaume de Dieu. Marc ouvre son Évangile par le premier message public de Jésus, dans lequel le Seigneur déclare que le royaume vient bientôt :

Après que Jean eut été arrêté, Jésus vint en Galilée, prêchant l’évangile de Dieu, et disant : ” Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche; repentez-vous et croyez en l’évangile “.

(Marc 1:14-15)

Ainsi, nous voyons que tôt en Marc, Jésus ouvre son ministère en déclarant que le royaume est proche. Mais nous devons comprendre qu’il viendra en plénitude et en puissance (comme anticipé dans Dan. 7:13-14) dans le premier siècle. En réalité, le Royaume de Dieu vient dramatiquement à la destruction du temple, qui implique l’effondrement du système typologique d’adoration et l’achèvement de l’ancienne alliance (Heb. 8:13).

En regardant de plus près la déclaration de Jésus en Marc 9:1, nous notons certaines choses intéressantes.

Malgré sa brièveté, il est conçu pour avoir un effet puissant sur ses auditeurs. Examinons quatre questions d’interprétation importantes qui découlent de quatre expressions particulières.

“En vérité, je te le dis”

Jésus ouvre sa remarquable déclaration par un amen (en grec), qui se traduit “vraiment” et signifie “qu’il en soit ainsi ! Et il déclare aussi avec assurance : “Je vous le dis.” Or, les disciples savent bien « qu’il leur dit cela ». Le but de la phrase “je vous dis” est de donc simplement  faire comprendre la réalité dramatique de ce qu’il s’apprête à dire. Et le “vraiment” souligne sa certitude.

Dans son contexte, ce verset fait suite à l’avertissement de Jésus selon lequel les disciples et la foule qui l’écoute doivent le suivre – même si cela implique de perdre leur vie dans le processus (Marc 8:34-37). S’ils ne le font pas, alors Jésus déclare qu’il aura honte d’eux (c’est-à-dire qu’il ne les acceptera pas) au Jour du Jugement quand il reviendra pour juger tous les hommes (v. 38). Nous devons noter que Jésus s’adresse à la fois à ses disciples et à la foule, ce qui signifie qu’il s’adresse aussi à nous aujourd’hui. Nous ne devons pas avoir honte de lui, ou il aura honte de nous à sa Seconde Venue.

Jésus déclare donc avec dogmatisme et emphase : Je suis certainement (“vraiment, amen, qu’il en soit ainsi”) en train de vous déclarer (“Je vous le dis”) que certains d’entre vous mourront (ce qui laisse entendre que seulement ” quelques uns ” ne mourront pas ). Et comme il le note dans le verset précédent (Marc 8:38), cela aura des implications dramatiques (conséquences universelles et éternelles !) quand il reviendra à la fin de l’histoire.

Mais maintenant il ajoute une autre couche d’emphase sur son appel, ils doivent être prêts à mourir pour lui (Marc 8:34-37) : le fait qu’il jugera tous les hommes au Jour du Jugement (Marc 8:38) sera historiquement confirmé dans leur vie, avant leur mort.Cette preuve glorieuse est prophétisée dans l’Écriture (ici, dans le Discours du Mont des Oliviers, et ailleurs) et restera dans l’enseignement du christianisme tout au long de l’histoire comme preuve de la réalité du Jugement final auquel elle renvoie.

“Goûter la mort”

La déclaration de Jésus au sujet de la mort de certains d’entre eux est exprimée d’une manière plutôt prolixe qui nous donne un aperçu plus profond de ce qu’il déclare. Jésus affirme que certains disciples du premier siècle “ne goûteront pas à la mort”, plutôt que de simplement dire “ne mourront pas.” Pourquoi cette expression inhabituelle et verbeuse ?

Parce que le contexte fait que Jésus parle de sa propre mort (Marc 8:31) et de la mort (potentielle) de ses disciples (Marc 8:34-37). Et ces deux décès (le sien et celui de ses disciples) ne sont pas des décès par effet naturel (p. ex. maladie ou vieillesse). Ils parlent plutôt de mort par persécution. Ainsi, ses disciples doivent comprendre que même s’ils sont persécutés à mort, Jésus démontrera à ceux qui restent en vie qu’ils ne sont pas morts en vain. Ils sont morts en proclamant “le royaume de Dieu”, qui va s’exprimer dans l’histoire d’une manière puissante dont ils seront eux-mêmes témoins.

“Celui là NE”

Nous devons maintenant revenir à une phrase précédente apparaissant avant “goûter la mort”. Encore une fois, nous devons discerner l’importance dramatique de sa déclaration.

Quand il déclare : “celui là NE » goûtera pas à la mort, il utilise l’expression grecque emphatique ou me. Or il ne s’agit pas d’une simple négation, mais d’une négation catégorique. On pourrait tout aussi bien le traduire en disant que ces personnes “ne souffriront certainement pas” de la mort. La prophétie de Jésus est vraie, et elle se réalisera.

“après qu’il soit venu avec en puissance”

Encore une fois, nous devons reconnaître que tôt dans le ministère de Jésus, “le royaume de Dieu” s’approche (Marc 1:15). Mais quand Jésus parle de cette preuve qui arrive dans la vie de certains de ses disciples, il emploie le participe parfait en grec. Cela peut être traduit avec précision : “après qu’il soit arrivé avec puissance.”

Ainsi, certains de ceux qui sont avec lui ne reconnaîtront pas seulement sa proximité. Bien plus, ils verront qu’il est venu. C’est-à-dire qu’il verront que le Royaume de Dieu est arrivé à son accomplissement historique.

VI. L’accomplissement de Daniel 7:13 dans l’Histoire

J’ai  affirmé que les allusions de Marc à Daniel 7:13 pointent vers la destruction imminente du temple en 70 après JC. Mais maintenant, je dois prouver cette observation.

Marc 9:1 ne dit pas directement que Jésus parle de la destruction du temple comme il le fait, par exemple, dans Marc 13:1-3. Nous devons donc trouver des preuves de cette interprétation de leur expérience historique future correspondant aux attentes révélées dans le texte.

Il est vrai que sa transfiguration (Marc 9,2ss) peut être mise en avant  ici, car il s’agissait alors d’une manifestation spectaculaire aux yeux de ses disciples, qu’il est l’accomplissement de la loi (Moïse, Marc 9,4) et des prophètes (Elie, Marc 9,4) et qu’il possède la gloire de Dieu (Marc 9,3.7). Mais cela ne peut pas être ce dont il parle en premier lieu, car il dit que seuls “certains” d’entre eux ne goûteront pas la mort jusqu’à ce que l’événement se produise. Or aucun des disciples n’est avant avant la « transfiguration ». Ce dont parle Jésus  donc être plus éloignée que la transfiguration.

Il est vrai que sa résurrection est impliquée aussi, car s’il meurt et reste dans la tombe, alors l’œuvre de son royaume a échoué. Mais là encore cela ne peut pas être ce à quoi il se réfère principalement, car il dit que seuls “certains” d’entre eux ne goûteront pas la mort jusqu’à ce que l’événement se produise. Or aucun des disciples n’est mort avant sa résurrection. Ce dont parle Jésus donc être plus éloignée que la résurrection.

Cependant, nous apprenons de l’étude du Discours du Mont des Oliviers que la destruction du temple en 70 ap. J.-C. correspond bien à l’attente d’un événement spectaculaire. Après tout, les disciples sont surpris par sa prophétie de la destruction du temple et lui demandent plus d’informations à ce sujet (Marc 13:3-4). Cela conduit au plus long discours eschatologique de Jésus à la fin de son ministère d’enseignement (Marc 13:5ss).

Et dans son explication de la destruction du temple, il parle de manière spectaculaire de ses implications : ce sera comme si « le soleil et la lune s’obscurcissaient », « les étoiles tombaient du ciel », et « les puissances du ciel étaient secouées » (Marc 13:24). Ce sera une démonstration de la “venue de Jésus sur les nuées avec une grande puissance et une grande gloire”,selon Daniel 7:13 (Marc 13:26). (Voir les articles précédents de cette série.)

De plus, comme historiquement prévu dans Marc 9:1, tout ce drame glorieux est “proche” (Marc 13:28), “à la porte”(Marc 13:29), et se produira dans “cette génération”. Ainsi, Marc 9:1 pointe indiscutablement vers la destruction du temple en 70 ap. J.-C., qui est un événement catastrophique bien documenté dans l’histoire et une démonstration spectaculaire de l’intronisation du Christ par le Père (Dn. 7:13)( selon le premier article de la présente série )


Article de K. Gentry traduit par Ulisses De Sousa Mendes.

Lisez aussi : La fin du monde, c’est pour quand ?

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

1 Commentaire

  1. Patrick KIZEYI DIOKO

    Beaucoup de disciples judéens le perçurent comme vous venez de le décrire, au moment de la destruction du temple. Signifiant pour eux la fin de monde hébreu !
    Et pourtant, ce n’était que l’application du jugement d’Israël, comme le rapport la parabole du bon grain et de l’ivraie ainsi que les 4 premiers sceaux dans Apocalypse.
    À partir de cet évènement, entrent en scène la parabole des vierges sages et folles ainsi que le 5ème sceau. Trouvant leurs aboutissements à l’ouverture du 6ème sceau avec le signe du Fils de l’homme rendant justice aux saints en jugeant Rome sur la baie de Naples en 79.
    Tout ceci étant fortement lié aux premiers évènements dans la Génèse, comme vous le savez déjà.

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