Jean Damascène sur la lecture de l'Écriture et le Canon biblique
2 septembre 2019

Extrait intéressant de La Foi Orthodoxe de Jean Damascène. Au livre IV, il nous exhorte à nous plonger dans l’Écriture et livre ensuite une liste des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. On remarque que celui-ci, comme la majorité des Pères de l’Église, tient en haute estime certains livres de la littérature juive intertestamentaire sans pour autant les considérer égaux aux livres du canon des écrits inspirés. Voici ses mots : “ces livres sont élevés et bons mais non comptés au canon”.

Je divise l’extrait en trois section par des titres ci-dessous.

Exhortation à la méditation de l’Écriture

Dieu est un, que prêchent l’Ancien et le Nouveau Testaments, et qu’on chante et glorifie dans la Trinité ; le Seigneur dit : « Je ne suis pas venu détruire la loi mais l’accomplir. » (Mat. 5-17). Car c’est Lui qui a opéré notre salut auquel tendaient toute l’Écriture et tout le mystère : « Vous scrutez les Écritures et ce sont elles qui rendent témoignage de moi, dit-il encore. » (Mat. 5-39). L’apôtre dit : « Dieu nous a en plusieurs manières parlé autrefois par les prophètes ; dans les derniers temps il nous a parlé par son Fils ». (ibid.). C’est donc par le Saint-Esprit qu’ont parlé la Loi, les prophètes, les évangélistes, les apôtres, les docteurs, les pasteurs.

« Toute Écriture est inspirée de Dieu et toujours utile. » (2 Tim. 3-10). C’est pourquoi il est très bon et utile pour l’âme de scruter les Écritures. Comme un arbre planté au bord des eaux, l’âme est arrosée par la divine Écriture; elle croît, donne du bon fruit (la foi orthodoxe), et des feuilles drues, je veux dire des actions dignes de Dieu, font son ornement. Elle rythme en nous l’action vertueuse et la pure contemplation. Nous y trouvons un appel à toute vertu, une dissuasion de tout mal. Aimons-en l’étude et nous la connaîtrons; avec du soin, un peu d’effort et la grâce de Dieu qui donne tout, tout s’obtient : « Celui qui demande reçoit, qui cherche trouve et l’on ouvrira à celui qui frappe. » (Luc 11-10). Frappons donc au merveilleux paradis des Ecritures, embaumé, succulent, admirable, tout bruissant de chants d’oiseaux célestes à nos oreilles noétiques (oreilles de notre intelligence), touchant notre cœur, consolant l’affligé, apaisant l’irrité et remplissant d’une joie éternelle ; elle embarque notre intelligence sur le dos d’or de l’éclatante colombe divine et sur ses ailes brillantes elle nous conduit en haut vers le Fils monogène (Fils unique), l’héritier du vigneron de la vigne noétique, et par lui nous amène au Père des lumières. Et ne frappons pas négligemment, mais avec ardeur et sans relâche ; ne nous lassons pas de frapper. C’est ainsi qu’il nous sera ouvert. Si en lisant une fois, deux fois, nous ne comprenons pas ce que nous lisons, ne nous décourageons pas de frapper, mais persistons, méditons, interrogeons. : « Interroge ton père et il t’annoncera, tes anciens et ils te diront », (Deut. 32-7) car la connaissance n’est pas chez tous.

Puisons à la source du paradis ses eaux courantes, inépuisables et très pures, jaillissant dans la vie éternelle. Jouissons et abandonnons-nous insatiablement à cette joie ; elle procure la grâce sans qu’il en coûte. Il n’est pas défendu de recueillir de l’utile dans les auteurs profanes, mais soyons de prudents banquiers ; entassons l’or pur, refusons le falsifié. Retenons les paroles profondes et jetons aux chiens ces dieux ridicules, ces mythes absurdes, car c’est d’elles que dès lors nous tirerons une plus grande force pour les combattre.

Le Canon de l’Ancien Testament

Il faut savoir que l’Ancien Testament a vingt-deux livres, comme les lettres de l’alphabet hébraïque. Car il y a vingt-deux lettres, dont cinq sont doubles, ce qui fait vingt-sept éléments ; doubles sont le caph, le mem, le noun, le , le sadé. C’est pourquoi on compte vingt-deux livres alors qu’il y en a vingt-sept, à cause des lettres doubles. Ruth est joint aux Juges, et ils sont comptés pour un livre par les Hébreux ; le premier et le second livre des Rois, un livre; le troisième et le quatrième des Rois, un livre ; le premier et le second des Paralipomènes, un livre ; le premier et le second d’Esdras, un livre. Ainsi donc les livres tiennent en quatre pentateuques, il en reste deux autres et tels sont les livres reçus. Cinq pour la Loi : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome. C’est le premier pentateuque ou Loi. Il y a ensuite un autre pentateuque, que l’on appelle les Graphies, ou encore l’Hagiographie ; ce sont : Josué fils de Noun, les Juges avec Ruth, premier livre et second des Rois, les troisième et quatrième des Rois : un livre, les deux des Paralipomènes : un livre. C’est le deuxième Pentateuque. Le troisième Pentateuque comprend les livres en vers : Job, Psaumes, Proverbes de Salomon, l’Écclésiaste, le Cantique des Cantiques (du même auteur). Le quatrième pentateuque, le prophétique : les douze Prophètes : un livre, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Daniel ; ensuite les deux d’Esdras réunis en un livre, et celui d’Esther. Le Panaretos (tout vertueux) ou sagesse de Salomon, et la Sagesse de Jésus que le père de Sirach donna en hébreu et que traduisit en grec Jésus, fils de Sirach ; ces livres sont élevés et bons, mais non comptés au canon, ni déposés dans l’arche.

Le Canon du Nouveau Testament

Dans le Nouveau Testament il y a les quatre Évangiles : selon Matthieu, Marc, Luc, Jean ; les Actes des Saints Apôtres, par l’évangéliste Luc ; sept épîtres catholiques : une de Jacques, deux de Pierre, trois de Jean, une de Jude ; quatorze épîtres de l’apôtre Paul ; l’apocalypse de Jean l’évangéliste. Ce sont les canons des Saints apôtres transmis par Clément.

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

5 Commentaires

  1. Jean-Mikhaël B.

    Merci pour l’extrait 🙂
    C’est malheureusement un des témoins les plus vieux. Que faire de ceux d’avant (Concile de Rome en 382 ou Augustin en 397 par exemple) ?
    http://www.bible-researcher.com/canon4.html

    Réponse
    • Jean-Mikhaël B.

      Correction : * les plus tardifs

      Réponse
        • Jean-Mikhaël B.

          Oui, oui j’avais lu.
          Mais :
          – À part chez Cajetan, où pouvons-nous voir clairement cette distinction de canon ecclésiastique et canon biblique ? Turretin semble appuyer cette distinction par Augustin dans sa Réponse à Faustus le Manichéen 11.5. Mais quand je lis Augustin (http://www.abbaye-saint-benoit.ch/bibliotheque-monastique/bibliotheque/saints/augustin/polemiques/manicheens/fauste/fauste11.htm#_Toc28095744) je ne vois pas de distinction au sein du Canon. Il parle de l’opposition des livres canoniques aux “livres des écrivains postérieurs” mais pas plus. Il parle d’un “canon ecclésiastique” au 11.8 mais je ne sais pas si c’est l’habitude d’Augustin et/ou des Pères d’employer ce terme pour notre Canon ou le canon plus large… À creuser !
          – Que faire des anciens témoins ? Cette distinction se retrouve-t-elle chez eux ?
          – Quand Augustin (http://www.abbaye-saint-benoit.ch/bibliotheque-monastique/bibliotheque/saints/augustin/doctrine/index.htm#_Toc15481346), par exemple, fait la liste des livres, il semble tout mettre tous ces livres au même niveau. Et j’ai l’impression que c’est la même manière de fonctionner pour les autres (du moins ceux que j’ai lus). Et pour Augustin, c’est troublant puisque, comme tu l’as cité, Macchabées est “reçu, non sans utilité” malgrè qu’il le cite dans son “De la Doctrine Chrétienne”.
          – Je ne savais effectivement pas que les Conciles de Cartage et d’Hippone n’étaient pas considérés comme universels par les protestants, merci. Tu connais un article, un ouvrage sur ce sujet ? C’est le cas de celui de Rome en 382 ?
          Merci pour tous ces articles sur le Canon en tout cas. Hâte que ton article promis en réponse aux romains sur le canon juïf sorte !

          Réponse
          • Maxime N. Georgel

            J’ai pu retrouver la citation d’Augustin. Comme le dit Calvin (Institution, III, IV, 8), considérons avec quelle certitude Augustin reçoit ces livres. En effet, celui-ci dit : « Les Juifs ne considèrent pas l’histoire des Maccabées comme la Loi, les Prophètes et les Psaumes, auxquels le Seigneur rend témoignage comme à ses témoins, disant qu’il fallait que tout ce qui y a été écrit de lui s’accomplisse (Luc 24:44). Toutefois, l’Église l’a reçu, non sans utilité, à condition qu’on le lise avec prudence. » (Augustin, Contre Gaudentius, évêque des donatistes, I, XXXVIII). Si Maccabées est « reçu, non sans utilité », ce n’est pas sans condition. On voit donc que même chez ceux qui, comme Augustin, considèrent ces livres comme canoniques, ceux-ci jouissent d’un statut moins élevé que la Torah, les Prophètes et les Psaumes.

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