5 raisons d'adopter une confession de foi détaillée plutôt que minimale
7 novembre 2019

Pendant les générations qui ont suivi la Réforme, l’Église réformée a été mise au défi de se définir elle-même, puisqu’elle refusait de se définir par l’adhésion à une lignée de succession apostolique. Sa réponse a été d’élaborer des confessions de foi, soit des documents qui servaient à la fois de ressource pédagogique, constitution politique, document culturel et résumé de la saine et vraie doctrine. A chaque génération, elles ont eu tendance à s’étoffer. C’est ainsi que la plus sophistiquée d’entre elles, la confession de foi de Westminster fait 35 pages !

Faisons un bond dans le temps et regardons le standard actuel : la déclaration de Lausanne fait 4 pages. Et c’est une des plus complètes en circulation. La déclaration de foi de l’EPUdF — normalement héritière de l’Église Réformée — arrive difficilement aux deux tiers d’une page. En général, il y a rarement plus de quelques sections, comme celle de Reasonable Faith qui fait 8 courts paragraphes.

Pourtant nous n’avons pas abandonné de doctrine — sauf dans le cas de l’EPUdF. Notre contenu est toujours aussi riche qu’avant, même si nous perdons de vue certains sujets. Alors pourquoi cette réduction de taille dans nos documents fondateurs ?

Les causes sont assez bien connues : premièrement, les divisions multiples des Églises protestantes ont rendu ardue toute déclaration commune de notre foi au-delà de quelques points universels. Ensuite, l’individualisme théologique et l’anti-traditionalisme décourage la démarche même de faire une confession de foi commune. Nous avons aussi l’héritage du fondamentalisme qui considère toutes les doctrines comme également nécessaires, alors que l’essence d’une confession de foi est de distinguer les doctrines essentielles des doctrines secondaires. Enfin, nous avons acquis l’idée fausse que faire une longue confession de foi détaillée est l’ennemi de l’unité.

Concernant le premier point, Dieu s’en occupe et restaure(ra) l’unité de son Église. Concernant le deuxième, l’existence même de ce blog témoigne que nous sommes en train de changer collectivement, ainsi que je le décrivais davantage dans mon article sur le retour de la scolastique réformée. C’est à propos du troisième point que je veux écrire aujourd’hui.

Ma thèse dans cet article est que loin de s’y opposer, une confession de foi longue et détaillée est au contraire la meilleure aide à l’unité de l’Église.

1. Une confession de foi délimite clairement les doctrines importantes des doctrines secondaires

A la fin du XIXe siècle, le conflit entre christianisme libéral et conservateur a engendré aux Etats-Unis le fondamentalisme (je parle bien du mouvement d’Église). Ce dernier à prospéré surtout au début du XXe siècle, et se caractérise par une adhésion rigide à des marqueurs doctrinaux particuliers (le prémillénarisme en est le meilleur exemple) et surtout un refus de faire une distinction entre doctrines essentielle et doctrine secondaire.

La Bible affirme la Trinité ? C’est biblique donc à confesser ! La Bible affirme que les néphilims sont des anges déchus qui se sont incarnés avant le Déluge ? C’est biblique donc à confesser ! Anathème à celui qui remettra en doute le moindre petit article de la Bible !

Le mouvement s’est essoufflé au milieu du XXe siècle et Billy Graham l’a définitivement enterré. La déclaration de Lausanne est la première confession de foi qui dépasse le fondamentalisme. Mais l’empreinte culturelle du fondamentalisme a été bien présente dans nos Églises jusqu’à la précédente décennie.

Or le fondamentalisme n’a aidé en rien à l’unité de l’Église : au contraire il a enflammé davantage les débats et divisé davantage les Églises alors que des schismes avaient lieu parce que certains confessaient que l’enlèvement de l’Église aurait lieu non pas avant mais après les sept années de tribulation, ou bien au milieu… Ne pas faire de distinction entre doctrines essentielles et secondaires est un danger pour l’unité de l’Église.

Or, les confessions minimales ne permettent pas de faire cette distinction : elles sont trop courtes pour inclure tous les points essentiels, ou bien alors elles les abordent de façon trop ambiguë, si bien qu’en réalité chacun garde sa liste de doctrines essentielles, et la désunion théologique continue de faire rage.  Ou alors nous avons dans notre esprit une hiérarchie bizarre de doctrines auxquelles ils faut adhérer parce que c’est écrit dans la confession, doctrines qui ne sont pas décrites mais qu’il faut affirmer quand même, et des doctrines libres. Cette « zone grise » est catastrophique parce qu’on ne sait pas finalement quelles sont les limites et engendre soit de l’angoisse d’avoir sans le savoir une doctrine centrale fausse, soit un relativisme doctrinal complet et dévastateur. Sans compter les accusations d’hérésies qui volent en permanence parce que vous prenez à la légère une doctrine que votre frère prend très au sérieux.

Pour cette raison, faire une confession de foi détaillée et volumineuse permet de définir clairement ce qui est à confesser et garder, et signale clairement et sans ambiguïté que les autres doctrines sont réellement libres. Ainsi, quand tout le monde a les mêmes règles, les recherches théologiques sont plus apaisées et moins déchirantes.

2.Une confession de foi minimale encourage l’individualisme théologique, qui catalyse la désunion doctrinale.

L’autre problème d’une confession de foi minimale, c’est qu’elle est trop courte pour servir à quoi que ce soit, et elle n’est donc pas utilisée du tout. Une confession minimale équivaut dans la pratique à pas de confessions du tout.

Et j’en veux pour preuve : au moment d’enseigner la Bible ou d’exposer les Écritures, lequel a déjà utilisé la confession de foi de Lausanne ? Qui s’est déjà servi de celle-ci comme ressource pédagogique ? En sens inverse, il existe encore aujourd’hui des commentaires de la confession de foi de Westminster tel que celui écrit par Sproul.

En l’absence d’une confession de foi utile pour l’enseignement, il n’y a donc pas de guides pour la définition d’une théologie chrétienne. Chacun est laissé seul face à sa bible et doit se débrouiller seul pour bâtir un système doctrinal chrétien. Même les prêches textuels ne sont pas suffisants pour cela, à moins qu’ils n’aient une forte composante systématique.

Il en résulte que nous avons un système doctrinal par personne, avec les conséquences que l’on peut imaginer. L’unité devient très difficile à réaliser, sauf autour de confessions de foi minimales qui sont donc inutiles.

3. Une confession de foi détaillée promeut les bons critères d’unité, alors qu’une confession minimale en promeut des mauvais.

Un pasteur racontait comment il s’était fait une fois accusé d’être un hérétique parce qu’il avait eu une opinion positive d’un auteur qui avait une fois dit une phrase malheureusement trop ouverte sur l’Islam. Donc ce pasteur était un soutien de l’Islam, aux yeux de cette personne.

Malgré l’absurdité de cette situation, vous savez qu’elle est en réalité très courante : nous passons notre temps à former des listes d’enseignants de confiance, et nous les rayons de cette liste à chaque fois qu’ils parlent au même endroit qu’un autre « faux » enseignant. John Piper a prêché dans la même église que Benny Hinn ? Que John Piper soit anathème.

Nous savons que c’est absurde, mais nous ne pouvons pas nous empêcher de faire de même. Même chez les néo-calvinistes, nous entretenons de telles listes, et notre unité vient du fait que nous avons les mêmes « maîtres ».

En réalité, c’est tout à fait normal : si vous n’êtes pas unis autour d’idées communes, vous développez votre unité autour de personnes communes. Si vous ne définissez pas l’appartenance par une doctrine vous la définirez forcément par une pratique. Je ne sais pas expliquer ce fait, je le constate, c’est tout. C’est valable pour tout groupe humain : les chrétiens, les musulmans, les gilets jaunes…

C’est à ce moment-là que la confession de foi détaillée et solide vient nous aider grandement : par son niveau de détail, elle développe un réseau d’idées capable de générer de l’unité. Par son autorité, elle rassemble autour d’une doctrine et non de personnes.

Depuis que je suis confessant, je ne m’inquiète plus de l’orthodoxie ou des fréquentations de tel ou tel enseignant particulier. Il est hétérodoxe ? Je ne retiens que ce qui est conforme à la confession de foi, et je l’accueille comme un frère. Il fréquente une Église sulfureuse ? Tant qu’il est conforme à la confession de foi, je lui accorde ma confiance. Ainsi l’unité devient possible, non autour des personnes faillibles, mais autour d’une doctrine solide.

En vérité, je suis même plus ouvert à l’unité générale de l’Église, parce que mon identité n’est plus fondée sur le rejet de telle école ou telle autre. Mon identité est fondée sur l’affirmation positive de ma confession de foi, et je n’ai plus à craindre les idées et docteurs étrangers.

4.Une confession de foi détaillée unifie et homogénéise l’enseignement et donc l’unité doctrinale

Une fois qu’il est clairement défini quelles sont les doctrines fondamentales et essentielles, il est normal ensuite de les exposer plus clairement et de revenir régulièrement dessus pour s’assurer que l’assemblée est toujours unie autour de cette confession de foi. Ainsi, nous mettons fin à cette manie que nous avons de prêcher toujours nos « dadas » et s’il y a plusieurs enseignants, les unifie autour d’un même contenu, ce qui promeut l’unité pour tous les enseignants qui adhèrent à la même confession de foi.

Nous avons déjà fait un pas majeur dans cette direction en adoptant la prédication textuelle. Allons plus loin et adoptons une confession détaillée.

5.Une confession de foi détaillée engendre une plus grande confiance en ses coreligionnaires qu’une confession minimale.

Comment une confession de foi génère-t-elle de l’unité ? En créant une base positive pour notre identité commune. Sans confession de foi commune, nous sommes davantage définis par ce que nous rejetons que par ce que nous affirmons. C’est ce genre de raison qui fait que nous sommes dans une culture de l’indignation permanente, qui touche beaucoup de chrétiens également. Or, nous ne sommes pas indignés par les mêmes choses au même niveau. Halloween est source chez certains d’un blocage immense, alors que d’autres participent. Pour certains il n’y a rien de plus évangélique que de crier « Macron démission », pour d’autres il n’y a rien de plus évangélique que de ne pas le faire. Et ainsi de suite, nous nous blessons les uns les autres régulièrement sur ce genre de comportement.

Il nous faut une confession de foi détaillée qui précise au juste pour quoi nous sommes. Une fois qu’il est défini ce pour quoi nous sommes, nous nous alignerons plus facilement sur ce que nous rejetons. Nos instincts tribaux seront alors canalisés en une belle unité, conforme à Dieu et sa volonté, pour la plus grande gloire de lui-même.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

2 Commentaires

  1. David

    Excellent, merci Etienne 🙂 Prions pour que tu sois entendu et que nous puissions aller sereinement vers plus d’unité entre nous.

    Réponse
    • Etienne Omnès

      Merci pour ta prière 🙂

      Réponse

Trackbacks/Pingbacks

  1. Que faudrait-il pour vous convaincre du pédobaptisme ? - Par la foi - […] Je ne le dénonce pas, au contraire de notre société qui a tendance à le pointer du doigt en…
  2. Synopse des confessions de foi œcuméniques et protestantes – Par la foi - […] de Heidelberg. Ces derniers mois, nous avons eu notamment l’occasion d’insister sur l’importance d’une formulation détaillée de notre foi.…

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *