La foi a ses raisons, Guillaume Bignon – Recension
28 novembre 2019

J’ai découvert l’existence de Guillaume Bignon il y a des années en arrière, alors que je m’intéressais beaucoup à l’apologétique. Il commençait à l’époque tout juste à écrire ce livre, et j’étais déjà curieux de le lire. Plusieurs années plus tard, j’ai pu enfin découvrir s’il valait le coût ou non… et c’est le cas.

La foi a ses raisons est à cheval sur deux genres très différents : le témoignage de conversion et l’essai apologétique. J’ai déjà lu l’un ou l’autre, et j’étais surpris devant l’audace de ce choix : ces deux genres ont des formes très différentes et mélanger les deux promettait d’être acrobatique. Mais le pari est réussi.

Commençons déjà par décrire le contenu du livre, ensuite je commenterai ses qualités.

Contenu

Au chapitre 1 : de l’athéisme religieux à l’athéisme athée, il s’agit principalement de son témoignage, celui de son enfance et adolescence, et quel fut son historique religieux. Il y apparaît que Guillaume Bignon vient d’une bourgeoisie catholique à la pratique très superficielle, malgré un engagement très intense de sa mère. C’est intéressant car 1. Cela change radicalement des témoignages d’anciens membres de gang et montre que tous ont vraiment besoin de salut et 2. Cela permet de tracer un peu à quoi ressemble l’initiation religieuse des catholiques à l’heure actuelle, un sujet qui demeurait encore mystérieux pour moi.

Au chapitre 2 : la course à l’intelligence, Guillaume Bignon, il y a principalement du témoignage mais déjà on voit que le récit sert à l’essai, car il y est développé une réflexion très intéressante sur la façon que nous avons de nous approprier la religion, et qui fait la guerre à l’idée que « la religion c’est l’absence de raison ». Une préparation très bien écrite – et originale- au déploiement d’arguments qui suivra.

Au chapitre 3 : la poursuite du succès : ma vie a-t-elle un sens ?, le contenu est principalement biographique, mais Guillaume Bignon fait de très adroites remarques sur le fait qu’en fin de compte sans Dieu notre vie n’a pas de sens. C’est d’autant plus intéressant que contrairement à 99% des histoires de conversions que vous avez entendus jusqu’ici, la vie de Guillaume Bignon ETAIT remplie de succès : sportif de rang national, musicien accompli et reconnu, métier prestigieux et rentable, conquêtes féminines… Que Guillaume Bignon puisse prendre son exemple et dire : « Tout ceci est de peu de valeur » avec des arguments convaincants vous fera réfléchir. Rien que ce chapitre valait la lecture du livre entier.

Au chapitre 4 : Mon bonheur à tout prix : quelle place pour le bien et le mal ? Guillaume part de ses histoires avec les femmes pour déployer l’argument moral pour l’existence de Dieu. L’argument est classique, mais sa présentation est très bien gérée, et le résultat est très accessible, même pour quelqu’un qui n’aime pas la philosophie.

Au chapitre 5 : Avalanche : une réflexion sur la souffrance, la part biographique est minimale, juste assez pour lancer la réflexion sur le problème du mal. Ce chapitre est plus théorique que le précédent, mais Guillaume Bignon a fait un boulot extraordinaire pour vulgariser et garder accessible des raisonnements qu’il est pourtant capable de défendre à un niveau académique et technique très élevé. Pour avoir lu un traitement semblable de sa part sur le même sujet, mais à son vrai niveau de formation, je me permets de souligner l’énorme talent pédagogique à l’œuvre dans ce chapitre.

Au chapitre 6 : Des Caraïbes à la porte de Saint-Ouen : retour improbable du théisme, Guillaume Bignon raconte comment il est venu au contact du christianisme et ses premières interactions avec le christianisme. Chapitre biographique, d’une honnêteté touchante.

Au chapitre 7 : A l’assaut des barrières intellectuelles, Guillaume Bignon réfute plusieurs préjugés contre le christianisme qu’il avait à l’époque et qui forment 80% des objections réelles encore aujourd’hui, dans le genre « Bouh intolérance » ou « Chrétiens = fascistes anti-sexe ». Il fait aussi une excellente interaction avec le scientisme, qu’il réfute définitivement. Un autre chapitre qui à lui seul vaut la lecture du livre.

Au chapitre 8 : En quête de certitudes, Guillaume Bignon aborde la question de l’autorité du témoignage en général, puis du témoignage biblique en particulier. Les athées en effet ont des exigences démesurées et des idées fausses sur ce qui fait autorité en matière de religion, voire délirantes quand ils en arrivent au témoignage biblique. Il explique donc comment lui en tant qu’athée il a traité la question de « comment savoir ce qui est vrai ». Enfin, il défend la crédibilité historique des évangiles et du témoignage des apôtres, ainsi que la fiabilité des documents bibliques. Des arguments classiques mais très bien présentés, sans trop de technicité.

Au chapitre 9 : Croire aux miracles, histoire ou mythologie ? Guillaume Bignon traite la question des miracles en général, et du miracle de la Résurrection en particulier. Un traitement concis et efficace.

Au chapitre 10 : Le cœur suit la tête bonne nouvelle, Guillaume Bignon raconte enfin le moment de sa conversion et de son baptême. Surtout biographique, mais il aborde tout de même sur plusieurs pages les objections que l’on peut avoir au salut par la foi seule –non pas en théologie mais sous l’angle apologétique- et son apparente injustice.

Au chapitre 11 : Déménagements et débats, la moitié est biographique, mais il en profite aussi pour aborder la question de l’évolutionnisme, en tant qu’objection apologétique. Un traitement très efficace et qui m’a enchanté.

Au chapitre 12 : « Au commencement » la rentrée des classes, Guillaume Bignon raconte comme il en est venu à être apologète professionnel, et présente l’argument cosmologique du Kalam et l’argument de l’accord fin des constantes universelles.

Enfin, l’épilogue clôt son témoignage et explique avec précision quelle est la place de la tête par rapport au cœur, et à quoi servent les arguments dans une démarche de foi.

La qualité

Guillaume Bignon est un auteur intéressant, avec un sens de l’auto-dérision assez efficace et qui rend son témoignage très agréable à lire. L’auteur ne fait ni dans l’orgueil ni dans la fausse modestie dans ses témoignages : il est honnête dans son récit, mentionnant ce qui est utile pour le lecteur sans déballages, ni maquillage. Comme je l’ai déjà dit, rien que le témoignage en lui-même est intéressant parce qu’il est atypique : cela nous change du drogué membre de gang qui passe par la prison et rencontre Jésus sous les verrous. On s’aperçoit alors que Jésus est vraiment pour tous : le taulard comme le bourgeois.

Cependant, le témoignage n’est qu’un outil au service du vrai contenu de l’ouvrage : l’essai apologétique. Les objectifs sont parfaitement atteints : un défaut courant de l’essai apologétique est d’être trop technique, trop préoccupé par la rigueur logique et pas assez par l’efficacité rhétorique. Guillaume Bignon a parfaitement géré cet équilibre : il n’a transmis que les arguments les plus simples et les plus basiques, et au niveau le plus simple possible. Il n’a pas assommé le lecteur sous des montagnes de détails, mais au contraire le prend tel qu’il est, là où il est. J’apprécie en particulier ses remarques sur le vrai usage des arguments dans la vie religieuse, car c’est un sujet qui passe généralement en dessous du radar des apologètes. Le fait d’avoir collé le déroulement de ses arguments sur la façon dont ils les avaient affrontés au cours de sa conversion donne une grande fraîcheur et beaucoup d’authenticité à son essai. Du très beau travail.

Mon seul regret –mais c’est mon défaut et non celui du livre- est de ne pas avoir eu « plus ». Je connaissais déjà son témoignage par une vidéo, et les arguments. Je n’ai donc rien découvert ni dans son témoignage ni dans son essai. Mais pour les 99,99999 autres pourcents qui ne connaissent pas Guillaume Bignon, ca ne change rien.

Enfin, une mention spéciale : je suis un grand fan de l’usage de ses sources athées. A quasiment chaque page, il y a une citation de Bertrand Russel, le baron d’Holbach, Michel Onfray etc. Il les invoque à chaque fois qu’il présente une objection contre le christianisme, ce qui donne une vraie crédibilité à son livre : il montre qu’il a réellement compris l’athéisme, mais qu’il est allé plus loin. Et puis bien sûr, il y a toujours la sensation délicieuse qui vous saisit lorsqu’un athée laisse échapper une remarque qui réfute l’athéisme et que Guillaume laisse bien entendu paraître… Cela permet aussi de donner le livre à un ami athée en étant sûr qu’il ne sera pas rebuté d’entrée de jeu, vu que même les têtes de chapitres contiennent des citations d’athées, et que les citations de la Bible sont très discrètes et « déconfessionalisées » (par ex : il préfère dire « Paul de Tarse » plutôt que « Ephésiens »). Cela fait partie de son effort de prendre son lecteur où il est tel qu’il est.

Conclusion

Je recommande vivement ce livre pour toute personne qui aurait besoin de découvrir l’apologétique. Il est très bien calculé pour les lecteurs qui n’ont pas de formation théologique, qui doutent à propos du christianisme voire qui lui sont hostiles. C’est une porte d’entrée idéale.

Disclaimer : Ce livre m’a été offert par BLF, pour que j’en fasse en retour une recension honnête.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

2 Commentaires

  1. Mishi Misha

    Excellent retour, le plus complet que j’ai lu et qui me donne vraiment envie de lire ce livre !

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    • Etienne Omnès

      Tout le plaisir est pour moi^^

      Réponse

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