Le plus grand réveil réformé a lieu à notre époque, mais pas en Occident
27 novembre 2020

L’Occident qui a vu naître la Réforme n’est pas dans ses jours les plus glorieux pour la foi réformée. Il poursuit de longues décennies de sécularisation. Aussi, il peut être encourageant pour les réformés d’Occident de considérer ce que Dieu fait ailleurs dans le monde.

Dans un article intitulé Pourquoi la Chine pourrait être en train de connaître son plus grand réveil de l’histoire récente sur le blog Mercatornet, William Huang explique que le visage des Églises chinoises n’est plus tout à fait celui que l’on imagine. Lorsqu’on pense Églises en Chine, on se représente des Églises rurales pentecôtistes/évangéliques, discrètes voire souterraines. En réalité, Huang explique qu’un mouvement réformé ambitieux bouleverse cette représentation.

En 2009, The Guardian chiffrait à 500 000 le nombre de chrétiens réformés en Chine, expliquant que ceux-ci gagnaient principalement les universités et les intellectuels. L’article mentionne notamment la traduction de plusieurs œuvres d’Augustin, directement du latin en chinois, par des réformés qualifiés. La plupart des grandes œuvres des Pères sont en cours de traduction par les réformés en chinois. Un facteur clé que The Guardian pense identifier pour ce succès tient dans la forme presbytérienne de gouvernement de l’Église réformée qui, contrairement au catholicisme, n’implique pas une ingérence étrangère, et dans la solide articulation entre le rôle de l’Église et celui de l’État que livre la théologie réformée, particulièrement importante lorsqu’il s’agit de résister à un État communiste. La propagande communiste a été efficace pour détruire le confucianisme. Mais elle a ce faisant ôté tout obstacle intellectuel à la conversion au christianisme. C’est au point que le Dr Tan prédit que bientôt la majorité des étudiants dans les universités chinoises seront des calvinistes. Si cette prédiction faite en 2009 pouvait sembler optimiste, elle se vérifie en grande partie aujourd’hui. En 2017, ce ne sont plus 500 000 mais 2 à 3 millions de réformés que l’on compte en Chine, principalement dans la jeunesse intellectuelle du pays.

Une Église engagée face à la répression

Cette croissance ne se fait pas sans opposition. Ainsi, le pasteur Wang Yi, qui sert une assemblée de 700 personnes, a été arrêté avec plus de 100 membres de cette Église entre le 9 et le 12 décembre 2018. Suite à cette arrestation, ce pasteur a publié sa  « déclaration de désobéissance fidèle »  expliquant pourquoi il maintenait son ministère malgré la répression communiste. Il fut condamné à 9 ans de prison pour prédication subversive.

Un autre pasteur, Huang Xiaoning, de l’Église réformée de Guangzhou, avait trouvé à sa sortie de prison son Église fermée avec des chaînes et une affiche expliquant que le gouvernement communiste y interdisait désormais les cultes. Son premier acte fut de retirer les chaînes, d’arracher l’affiche et d’ouvrir son Église pour un culte.

Stephen Tong, le Réformateur de l’Asie

Si une personne doit être remerciée pour cette résurgence réformée en Chine (et, comme nous le verrons, dans toute l’Asie), c’est bien Stephen Tong.

Stephen Tong naquit en 1940, à Fujian en Chine. Il perdit son père à 3 ans et sa famille quitta la Chine pour l’Indonésie lorsqu’il avait 9 ans pour fuir le nouveau régime communiste. Sa mère était chrétienne et l’emmena écouter un prédicateur lorsqu’il avait 12 ans qui fit une forte impression sur lui au point qu’il s’engagea dès lors à suivre le Christ. Il fut l’un des premiers chinois de l’ère contemporaine à embrasser la foi réformée.

Il s’engagea dans le ministère pastoral et de proclamation de l’Évangile dès ses 17 ans et fonda en 1989 l’Église réformée évangélique d’Indonésie pour, dit-il, glorifier Dieu et faire obstacle au mouvement charismatique et au libéralisme.

Stephen Tong

On estime aujourd’hui qu’il a fait connaître le Christ à 33 millions de personnes au travers de son ministère et que 520 000 personnes ont été poussées par lui au ministère pastoral. Son Église, la cathédrale du Messie à Jakarta, compte 8 000 membres, mais son ministère s’étend bien au-delà encore. Il prêche tous les dimanche deux fois à Jakarta et deux fois le soir à Singapour, tous les lundi à Kuala Lumpur en Malaisie, tous les mardis soir à Hong Kong et tous les mercredis soir à Tiapei à Taïwan. Le synode de son Église regroupe ainsi 56 autres Églises-filles dans toute l’Asie.

Cathédrale du Messie de Jakarta

Le bâtiment de l’Église de Jakarta, dont Stephen Tong est l’architecte, arbore une croix de 66 mètres, du nombre des livres canoniques, située au milieu de douze colonnes, du nombre des apôtres. Les cinq Solae de la Réforme surplombent les colonnes entre quatre tours, du nombre des évangélistes. Il accueille une salle pour les cultes dominicaux mais aussi une université, une école primaire, un institut théologique, un musée (le Sophilia Fine Art Center), des appartements et un auditorium dont il est aussi l’architecte (le premier et le seul en Indonésie ; Stephen Tong est aussi chef d’orchestre). Stephen Tong a fondé parallèlement un orchestre symphonique et une société de musique de chambre qui proposent diverses représentations. Un grand concert fut donné à l’occasion des 300 ans de la naissance de Bach et de Haendel où plusieurs de leurs œuvres furent représentées notamment le Messie de Haendel ; 27 000 personnes y assistèrent. Le site de cette salle de concert signale qu’elle existe pour remplir le mandat culturel donné par Dieu. C’est en effet une caractéristique importante de la foi réformée de considérer à la fois le mandat culturel et le mandat missionnaire comme centraux dans la vie du chrétien.

Aula Simfonia Jakarta — Auditorium au 1227 places

Vous pouvez visionner plusieurs de leurs représentations via cette playlist où j’ai rassemblé quelques-unes de leurs vidéos, dont la représentation de 2015 du Messie :

Visite guidée de la galerie d’art Sophilia :

Quant à leur théologie, elle a tout pour plaire aux contributeurs de ce blog. L’Église utilise le catéchisme de Heidelberg, et la confession de Westminster est parmi ses documents confessionnels. C’est donc une Église réformée confessionnelle, pédobaptiste, engagée culturellement, active dans la mission mais aussi dans la formation théologique. En octobre 2020, des conférences en ligne ont été données par l’Église et on comptait parmi les orateurs notamment Richard Pratt, Steven Lawson, Don Carson, Sinclair Ferguson, Craig Bartholomew, William Edgar, Joel Beeke, Tim Keller, John Piper, Os Guiness et d’autres personnalités calvinistes anglo-saxonnes. Une conférence sur le courage comme vertu de la persévérance chez Thomas d’Aquin a même été donnée dans une des Églises du synode récemment1. L’Église a aussi un ministère dédié aux jeunes, axé sur l’apologétique, qui anime un blog et donne des conférences. Stephen Tong entretient des rapports étroits avec le Westminster Theological Seminary, qui l’a fait en 2008 docteur honoris causa. Il intervient aussi comme orateur avec le ministère Ligonier. La World Reformed Fellowship indique que Stephen Tong a, en outre, publié 75 ouvrages théologiques et pastoraux.

Intervention de Stephen Tong sur la mission avec Ligonier :

Depuis Hong Kong, des milliers de Bibles et d’enregistrements des sermons de Stephen Tong ont été diffusés en Chine ces dernières décennies, si bien qu’un bon nombre de chrétiens chinois sont venus à la foi en écoutant une prédication de Stephen Tong. Ainsi, bien que Tong ait souvent voulu prêcher en Chine et que l’État ne l’ait jamais permis, Internet et les supports numériques portent sa voix dans toutes les provinces. Les Églises rurales chinoises se vidant de leurs jeunes partis étudier en ville trouvent dans ces Églises réformées urbaines un puissant relais, permettant de soutenir la foi de leur jeunesse et de les stimuler dans leurs études par un ancrage historique et intellectuel de leur foi plus solide. Ces Églises rurales elles-mêmes ont été pour un bon nombre renouvelées et réformées dans leur théologie sous l’influence de ce ministère. Le système synodal permet aussi aux Églises de coordonner leurs efforts et de se tenir informées. Elles ont ainsi pu fonder plus de 300 écoles chrétiennes, plaider pour la protection de la vie, publier en ligne leurs sermons et œuvrer auprès des mères célibataires et des prostituées. Les ministères réformés sont presque les seules ONG auto-suffisantes du pays. Cette société chrétienne se construit en effet indépendamment du contrôle de l’État communiste.

Une vidéo promotionnelle de leur dernier grand concert à Jakarta :

La Réforme, entre communisme et islam

À la lecture de ces choses, on peut s’étonner que tant de dons se trouvent rassemblés dans une unique personne et qu’un tel ministère existe de nos jours. Dieu a bien voulu susciter un tel réformateur à l’Asie car l’ampleur du travail est immense et les ennemis de l’Église féroces. Si le communisme opprime l’Église en Chine, l’Indonésie est le plus grand pays musulman du monde en nombre de personnes. Bien que Stephen Tong ait déjà prêché à 1,5 millions d’Indonésiens en 2012, l’Indonésie compte 250 millions de personnes réparties dans un nombre immense d’îles qui en fait le plus grand archipel au monde. Stephen Tong faisait remarquer que même en atteignant 1 million de personnes par an, l’Église réformée mettrait 218 ans à atteindre tous les musulmans du pays, encourageant son Église à redoubler d’efforts pour répandre la nouvelle du salut en Jésus-Christ. Quoi qu’il en soit, leurs efforts payent et plusieurs estiment qu’aux alentours de 2050, le plus grand pays musulman sera devenu le plus grand pays protestant.

Comment ne pas rendre grâce pour cette œuvre divine ? Prions le Seigneur de conserver cette Église dans la fidélité et d’assurer une succession au pasteur Tong. On peut déjà se réjouir que son fils David Tong marche dans les traces de son père comme évangéliste et doyen de la faculté de théologie réformée et que deux de ses filles, Eunice et Rebecca, assurent la relève en tant que chefs d’orchestre du Jakarta Simfonia. Rebecca Tong a d’ailleurs remporté face à 200 concurrentes en septembre 2020 le concours de la meilleure chef d’orchestre d’ARTE concert La Maestra à Paris et a ainsi pu conduire l’orchestre philharmonique de Paris.

Puissions-nous être encouragés par l’exemple d’une Église réformée audacieuse, exemplaire et florissante face à l’adversité. Les portes de l’enfer tomberont devant l’Église.

Illustration en couverture : Ancienne carte de la République de Chine (1926).


  1. L’Église réformée de Kelapa Gading.[]

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

sur le même sujet

1 Commentaire

  1. Tribonien Bracton

    Heureux d’apprendre que les bonnes tendances se maintiennent, malgré la rage répressive du Léviathan néo-maoïste et la scélératesse du prédateur islamiste.

    Quelques articles sur l’actuelle Réformation dans l’« Empire du Milieu » :
    https://monarchomaque.org/category/chine/

    Réponse

Trackbacks/Pingbacks

  1. Brève histoire des Églises réformées de Pologne-Lituanie – Par la foi - […] des pays qui n’ont rien de protestant un réveil réformé. C’est ce qui se passe en Indonésie. C’est ce…

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *