1 mai 2021

Les Infiltrés est une histoire d’hommes. Il narre essentiellement l’histoire de deux hommes aux parcours opposés mais qui finissent par se croiser. À Boston, une lutte sans merci oppose la police à la mafia irlandaise dirigée par Frank Costello, un parrain des quartiers sud. Lors d’un racket dans une épicerie, Costello rencontre le jeune Colin Sullivan. Il le prend sous son aile et l’introduit dans le monde du gangstérisme et du crime. Devenu adulte, Colin rejoint la police d’État du Massachusetts à Boston et devient une taupe au service de Costello.

Au même moment, une autre unité de la police d’État du Massachusetts repère Billy Costigan, un jeune homme brillant issu de la même promotion que Colin. Il a grandi dans les quartiers sud et sa famille compte de nombreux truands. Pour ces raisons, le capitaine Queenan et le sergent Dignam l’engagent pour s’infiltrer dans le gang de Costello.

Ainsi, deux infiltrations se croisent. Colin est une taupe dans la police au service de Costello tandis que Billy est une taupe dans l’équipe de Costello au service de la police. Colin est promu sergent, trouve un appartement et entretient une relation avec une psychiatre, Madolyn, qui devient sa petite amie. Il informe Costello des enquêtes menées à son encontre et évite à plusieurs reprises une arrestation par la police. Costello commence à soupçonner l’existence d’une taupe dans son équipe et demande à Colin d’enquêter et de la trouver. L’infiltration de Billy Costigan devient alors très difficile, d’autant que le sergent Dignam, au caractère abrupt, est dur avec lui. Il consulte régulièrement la psychiatre Madolyn (sans qu’il connaisse l’identité de son fiancé) à cause de ses envies de suicide. Il finit par avoir une liaison avec elle.

Pendant ce temps, mandaté et menacé par Costello pour trouver la taupe dans son équipe, Colin n’hésite pas à utiliser tous les moyens. Il ira jusqu’à faire suivre son capitaine Queenan pour retrouver la taupe avec laquelle il avait rendez-vous. Les hommes de Costello, tenus au courant par Colin, se rendent sur place. Billy parvient à s’échapper sans être découvert mais Queenan est tué en étant jeté du toit. Le sergent Dignam soupçonne la corruption de Colin et le dénonce. Mais c’est en vain, il est renvoyé.

Queenan décédé, Colin se permet d’examiner le dossier d’infiltration de Billy sans connaître son nom. Il apprend que Costello est un informateur du FBI ! Lors d’un trafic de drogue, la police tend un piège à Costello : tous les malfrats sont tués, et Colin abat Costello. Colin est ensuite promu. Une fois l’opération d’infiltration de Billy terminée et Costello et son équipe morts, Colin découvre qui était la taupe au compte de la police. Mais tandis que Colin vérifie son dossier, Billy se rend compte que Colin était la taupe de Costello et s’enfuit. Colin se rend compte qu’il a été démasqué et couvre ses traces en détruisant le dossier de Billy : Billy n’a officiellement jamais travaillé pour la police.

Billy s’échappe mais fait chanter Sullivan avec des enregistrements sonores prouvant son attachement à Costello. Madolyn apprend alors que son compagnon est un flic véreux. Furieuse, elle le quitte malgré sa grossesse. Grâce à ce chantage, Billy exige une rencontre entre les deux hommes. Lors de cette rencontre, il met en joue Colin et l’arrête pour le dénoncer. Mais Barrigan, l’un des collègues policiers de Colin qui était également infiltré pour le compte de Costello, tire sur Billy. Un autre policier est également tué, puis Colin tire à bout portant sur Barrigan. Il ne reste plus que Colin. Il s’en sort grâce à des explications qui mettent tout sur le dos de Billy. Finalement, Colin rentre chez lui et est tué par le sergent Dignam qui est revenu pour venger le meurtre de Queenan.

Cette histoire est une histoire où s’entremêlent de nombreuses infiltrations, mais c’est surtout une histoire d’hommes. Ce film révèle toute une gamme de personnages masculins. Il est évident que l’histoire racontée n’est pas commune, mais elle sert à mettre en avant ce qu’un homme peut faire. Elle sert de catalyseur pour révéler la virilité. En effet, « la virilité recherche le drame, elle l’accueille à bras ouverts ; elle est à son aise en temps de guerre, elle se délecte des crises ; le risque est son élément1 » et c’est un véritable drame que Scorsese nous présente. Il sert à montrer à notre société que la virilité n’est pas mauvaise en soi et qu’elle peut accomplir le meilleur, et pas seulement le pire.

Pour y voir plus clair et révéler ce qu’est réellement la virilité, Aristote peut nous aider. Il n’en parle pas directement mais révèle ce qu’elle est sous différents angles. À travers ses propos sur le θυμός thumós, le courage et le pouvoir de l’homme sur la femme, la virilité se révèle. Nous verrons alors comment la sagesse d’Aristote viendra nous éclairer sur le véritable homme viril du film de Scorsese.

Thumos

Dans le livre VII de sa Politique, Aristote énumère les différentes conditions nécessaires à la réalisation de l’état parfait, « car il n’est pas possible qu’existe une constitution qui soit excellente sans des moyens adéquats2 ». Le nombre de citoyens, la taille du territoire, la nature du territoire, et enfin le caractère des citoyens doivent être bien définis avant de pouvoir s’exprimer ensemble, pour créer l’harmonie souhaitée. L’état parfait est visé. En examinant le dernier critère, Aristote affirme que les gens en Europe possèdent la détermination (thumos), mais manquent d’intelligence (διάνοια diánoia) et d’habileté (τέχνη tékhnē) en raison du climat froid. Cette cacophonie de vertus rend ces hommes libres mais sans organisation politique et les empêche de régner sur les autres. En revanche, les peuples d’Asie manquent de thumos et possèdent l’intelligence et l’habileté en raison du climat plus chaud. Ils ont donc tendance à être dans un état de sujétion et d’esclavage. Les Grecs se situent entre les Européens et les Asiatiques. Ils ont un caractère intermédiaire : à la fois déterminé et intelligent. Cette harmonie leur permet d’être libres, bien gouvernés et capables de dominer les autres. Les Grecs sont les meilleurs candidats pour un état parfait.

Cette comparaison permet à Aristote d’affirmer « que ce sont ceux qui sont à la fois intelligents et courageux (thumos) par nature qui pourront se laisser conduire à la vertu par le législateur3 ». Une coordination doit exister entre le thumos et l’intelligence. Nous avons besoin de l’intelligence pour contenir le thumos, pour qu’il ne s’exprime que dans une bonne mesure et dans les bonnes conditions. En effet, le thumos est « une impulsion qui peut nous égarer en même temps qu’elle est fondamentale pour se gouverner et dominer les autres4 ». C’est ce qui pousse Aristote dans le livre III à dénoncer le rôle du thumos et de l’epithumia dans la perversion de la justice et des gouvernants : « vouloir le gouvernement de la loi, c’est, semble-t-il, vouloir le gouvernement du dieu et de la raison seuls, mais vouloir celui d’un homme, c’est ajouter celui d’une bête sauvage, car c’est ainsi qu’est le désir (ἐπιθυμία epithumía), et la passion (thumos) fait dévier les magistrats, même quand ils sont les meilleurs des hommes5 ».

L’idée du thumós n’est pas née avec Aristote. En fait, on la retrouve déjà chez Homère et les auteurs qui le succèdent, jusqu’à Platon6. Mansfield parvient à synthétiser le thumós de Platon en quelques lignes :

Dans La République, celui-ci présente thumos, le hérissement du chien en colère, comme le trait remarquable qu’affichent les gardiens ou les gouvernants de la cité de justice dont il est en train de jeter les fondements. Un chien se défend, et il défend son maître et son territoire ; et thumos est la part de l’âme humaine qui remplit cette même fonction de défense. Comme un chien défend son maître, la part canine de l’âme humaine défend les visées humaines, qui sont au-dessus d’elle. Le paradoxe de cette défense est que l’inférieur défend le supérieur et proclame ainsi la valeur du supérieur. Au lieu d’employer la raison à une défense d’elle-même où elle mobilisera le calme énoncé des principes ainsi que le déroulé soigneux d’une argumentation, la personne raisonnable se met souvent en colère, et son thumos entreprend en maître absolu la défense de son prétendu maître, la raison. En additionnant les caractéristiques de thumos que détaille Platon, nous nous retrouvons sur le versant violent de la virilité, loin de son versant chevaleresque7.

Ainsi, pour Platon, le thumos est le fondement de l’affirmation de soi. Il affirme l’indépendance d’un individu, regarde vers sa propre fin et vers ses propres ennemis pour faire réagir tout son être. Cependant, les limites individuelles sont rapidement dépassées pour se retrouver à agir en coordination avec ses pairs. Il est « communicatif et a de l’affinité pour ses congénères » car « il a besoin de vivre avec ceux pour lesquels il  éprouve de la sympathie, afin de recueillir une confiance8 ».

Ce qu’est le thumos

Qu’en pense Aristote ? Pour lui, le thumos est un désir. Appartenant à la partie non rationnelle de l’âme, il est plus proche de l’appétit que du souhait. Dans l’Éthique à Eudème, Aristote affirme qu’il est hors de lui. Ce désir est cependant contrôlable par la raison et doit même être soumis à la raison. Dans l’Éthique à Nicomaque, nous apprenons que « l’ardeur (thumos) …a l’air d’entendre un peu la raison, mais de travers, comme les serviteurs pressés qui, avant d’avoir entendu tout ce qu’on leur dit, sortent au pas de course puis exécutent fautivement ce qu’on leur prescrit, ou comme les chiens qui, avant de voir s’ils n’ont pas affaire à un ami, se mettent à aboyer au seul bruit perceptible. De la même façon, l’ardeur (thumos), que l’on doit à la chaleur et à la vivacité de sa nature, entend bel et bien une voix, mais n’entend pas un commandement et se précipite pour tirer vengeance9. ». Par conséquent, résume Deslauriers, « le thumos, en tant que désir, devrait écouter la raison, mais il ne peut pas compter sur lui-même pour le faire10 ».

Deslauriers montre ensuite que le philosophe antique considère aussi le thumos comme un affect. C’est un pathē, étroitement associé à la colère et à l’affection dont il est issu. Pour la colère, Deslauriers nous offre ces mots :

Une personne au tempérament thumotique est prompte à se mettre en colère face aux insultes et aux manifestations de mépris, tandis qu’une personne au tempérament moins thumotique est moins encline à la colère et à la recherche de la vengeance. Si le thumos est un désir d’honneur et de victoire, c’est un désir qui est le plus susceptible de surgir lorsque l’honneur et la victoire menacent d’être bafoués, par des insultes ou des affronts, et il est donc associé au sentiment de colère et à une attitude positive face au désir de vengeance et d’affirmation de soi11.

Pour l’affection, Aristote affirme que le thumos est la qualité de l’âme qui engendre l’amitié et nous permet d’aimer12. Il y a donc une dimension relationnelle dans le thumos, il tend à s’étendre vers les autres. Pour le meilleur et pour le pire. Cela rejoint la position de Platon qui, comme nous l’avons vu, considère le thumos comme expansif. Il peut aussi bien renforcer une relation que la détériorer. En fait, il peut combiner à la fois la colère et l’affection face aux ennemis perçus. C’est en leur nom qu’il agira pour se défendre ou défendre ses proches.

Nous avons dit que le thumos est considéré comme un appétit. Il faut néanmoins souligner la distinction apportée par le Stagirite : le thumos est une sorte d’appétit lorsqu’il s’agit d’un désir irrationnel. Cependant, à la différence de l’appétit, il « doit interpréter les informations fournies par la raison ou l’imagination, bien qu’il ne soit pas toujours prudent et donc enclin à se méprendre sur le commandement de la raison13 ». Cela explique pourquoi « il est une impulsion plus honorable que le désir de plaisir, qui se manifeste directement lorsque la raison ou la perception indique que quelque chose est agréable, sans processus d’interprétation13 ». Mais cela ne l’empêche pas d’échapper aux barrières sagement définies par la raison. Il peut trop s’écouter et devenir excessif, dépassant les limites de la vertu. Le vice pénètre alors par la porte indésirable de l’incontinence : « on parle encore d’incontinentsen matière d’ardeur (thumos), d’honneur et de profit14 ».

Le thumos et les vertus

Le thumos peut être associé à au moins trois vertus différentes15. La première est la vertu de douceur qui dispose notre âme à réagir justement face à la douleur associée au thumos et à la colère, entre l’excès de douceur (conciliant) et l’excès de colère (irascible)16.

La vertu du courage est aussi concernée. Pour Aristote, il est parfois difficile de distinguer un acte de courage d’une simple expression de thumos. Toutefois, « les actions courageuses émanent d’un processus de délibération et visent le bien, alors que les actions thumotiques sont impulsives et ne visent pas le bien en tant que tel, mais une sorte d’honneur17 ». En même temps, le thumos a un rôle noble, celui d’impulsion du courage, d’aide à l’accomplissement de sa tâche. Mais il doit se contenter de ce rôle secondaire, se limitant à un rôle servile, s’effaçant devant la noblesse de l’acte courageux. C’est une aide nécessaire mais pas une condition suffisante. Économisons nos mots pour un approfondissement ultérieur de cette vertu.

Enfin, la justice est également associée au thumos. Pour Aristote, il est préférable de ne pas contrôler notre thumos plutôt que de ne pas contrôler nos appétits18. « C’est vraisemblablement parce que contester les insultes ou les méfaits, comme le fait le thumos, est plus honorable que la poursuite du plaisir, comme le fait l’appétit, et que si une impulsion thumotique peut être hâtive ou erronée, elle est en principe en quête de justice19. » De plus, nous avons vu que le thumos est la source de l’amitié, en tant que source de l’affection. Et pour Aristote, l’amitié est une forme de justice ; en réalité, sa forme la plus authentique20. Par conséquent, le thumos est aussi un élément nécessaire de la justice. « En tant que source d’affection et de courage, et en tant qu’impulsion à l’honneur et à la justice, le thumos a une valeur morale21 ».

Mais les vertus morales ne sont pas les seules concernées par les bienfaits du thumos. Il peut en effet étendre ses bienfaits aux vertus intellectuelles associées à la raison pratique et au pouvoir politique en particulier. Comme l’observe Deslauriers, « les bienfaits du thumos pour le pouvoir politique ressortent de ses effets : il est à la fois source d’affection (qui est associée à la justice, à l’amitié et à l’unité politique) et de colère (qui est associée au courage et à la défense civique)22 ». Il sert ainsi la cause d’un rapprochement entre les individus, d’une consolidation de leur union. Il est également le protecteur de cette communauté, étant à l’affût d’une intrusion ennemie. La communauté doit sa survie interne et externe au thumos.

Mais il y a plus, le thumos poursuit son invasion de la capacité à gouverner : « le goût du commandement et de la liberté vient chez tous les hommes de cette faculté, car le cœur est autoritaire et indomptable23 ». Ainsi, plus directement, il est relié à la capacité de diriger, associée ici à la liberté. La relation est plus directe, avec pour seul intermédiaire la capacité de décision. Pour gouverner, cette capacité est nécessaire en raison du changement qu’elle apporte. Se gouverner soi-même et gouverner les autres est rendu possible par cette aptitude à décider. La liberté devient alors possible.

Mais, comme pour les autres vertus, le thumos doit être domestiqué, sagement soumis à la raison. Les paroles d’Aristote, déjà citées, montrent que la politique n’échappe pas à la règle :

Vouloir le gouvernement de la loi, c’est, semble-t-il, vouloir le gouvernement du dieu et de la raison seuls, mais vouloir celui d’un homme, c’est ajouter celui d’une bête sauvage, car c’est ainsi qu’est le désir (epithumia), et la passion (thumos) fait dévier les magistrats, même quand ils sont les meilleurs des hommes. Voilà pourquoi la loi est une raison sans désir5.

La menace pèse donc sur les autorités. Elles doivent veiller à ce que le thumos soit placé sous la tutelle de la raison. Il ne doit surtout pas s’enflammer et amener la corruption à la tête d’une communauté. Sinon, c’est toute la société qui en pâtira.

Le thumos et la vertu

Mansfield illustre le danger du soi par un passage de la Politique où les démocrates et les oligarques défendent leur vision de la justice. Les premiers défendent que toute justice est égalité tandis que les seconds soutiennent que toute justice est inégalité. Mais Aristote est sévère avec eux, il considère qu’ils portent un faux jugement. Ce n’est pas un futile reproche, Aristote condamne leur possessivité. En effet, « c’est eux-mêmes qu’ils jugent, et que la plupart des gens sont mauvais juges de leurs affaires propres24 ». Comme le dit Mansfield, leur affirmation de soi est devenue de la possessivité. C’est ce reproche que l’on retrouve à plus grande échelle quelques livres plus tard, au livre VII : quand Aristote dénonce la corruption de toutes les formes de gouvernement, c’est aussi la possessivité qu’il vise. Face à ce danger, une fois de plus, c’est la vertu qui nous sauve : « s’il y avait quelqu’un de supérieur à la fois en vertu et en capacité à accomplir les meilleures actions, il serait beau de le suivre et juste de lui obéir. Mais il faut qu’il possède non seulement la vertu, mais aussi la capacité qui lui permette d’agir25. » La vertu empêche le dirigeant de se focaliser sur ses passions et lui donne de regarder ce qui est supérieur en lui et autour de lui. Il peut regarder ce qui est bon individuellement et collectivement. Le barrage ne cède pas à l’appétit du soi. La vertu sauve un peuple !

De même, la vertu mérite d’être revendiquée26. Elle est digne d’être entendue dans l’arène politique. Mais qui fera raisonner sa voix ? Le thumos rend capables des avocats, des défenseurs de la vertu pour la défendre au milieu d’un tas de propositions.

Pour faire preuve d’assurance dans le débat, nul besoin d’avoir la force physique d’un hoplite, ou d’un homme en armes : rien n’empêche un orateur à la tribune d’être un gringalet, à la condition expresse qu’il possède une certaine qualité de l’âme, essentiellement virile. Pour justifier pleinement un pouvoir transcendant le pouvoir, et pour que cette justification soit une bonne raison d’exercer le pouvoir, le levier de cette transcendance doit être une qualité essentiellement mâle. Les hommes ne sont pas seulement supérieurs dans la guerre, ils le sont également dans le mode guerrier de la parole que nous appelons « polémique »27.

Le thumos et le sexe

Comment le thumos alimente-t-il les différences entre les hommes et les femmes ? Dans l’Histoire des animaux, Aristote associe ce caractère aux différences observées entre le mâle et la femelle de chaque espèce et plus particulièrement entre l’homme et la femme. Il ose dire que « Toutes les femelles sont moins courageuses (ἀθυμότερα athumótera) que les mâles, sauf pour l’ourse et la panthère : les femelles de ces espèces semblent être plus courageuses28 ». Il ajoute :

Mais, dans les autres familles, les femelles sont plus douces, plus rusées, moins simples, plus vives et plus avisées pour l’élevage des petits, alors que les mâles, au contraire, sont plus courageux (θυμωδέστερα thumōdéstera), plus sauvages, plus simples et moins roués. Des traces de ces traits de caractère se retrouvent pour ainsi dire chez tous les animaux, mais sont plus manifestes chez ceux qui possèdent un caractère plus développé29.

Plus précisément, Aristote développe sa vision de l’être humain. Pour lui, l’être humain possède « la nature… la plus achevée, de sorte que chez lui ces états sont les plus manifestes30 ». Cela l’amène à prononcer ces mots sur la femme qu’il conclut par une déclaration laconique sur l’homme :

C’est pourquoi la femme manifeste plus de compassion que l’homme et est plus portée aux larmes, elle est aussi plus jalouse et plus portée à se plaindre, plus portée aux cris et à donner des coups. La femelle est aussi plus encline au découragement et au désespoir que le mâle, elle est plus impudente, plus menteuse, plus facile à tromper, plus rancunière, de plus elle dort moins longtemps, elle est plus timide et, d’une manière générale, plus difficile à mouvoir que le mâle, et elle a besoin de moins de nourriture. Le mâle, en revanche, est plus prompt à porter secours et, comme on l’a dit, plus courageux que la femelle, puisque même chez les mollusques, quand la seiche est frappée par un trident, le mâle vient au secours de la femelle, alors que la femelle prend la fuite quand c’est le mâle qui est frappé31.

Le thumos accompagne l’homme dans la nature humaine. Il est à la base du courage dont il a besoin et de son élan vers ses proches. Ces mots font partie d’un livre dans lequel les guerres entre animaux sont étudiées. C’est donc naturellement le courage et la protection qui sont mis en avant chez le mâle et l’homme alors que les déficiences de la femelle et de la femme sur ces points y sont soulignées. Le discours sur la femme n’est pas flatteur ici. Aristote n’épargne pas les femmes dans ce passage mais, comme nous le verrons dans la suite de cet article, elles prendront leur revanche sur d’autres points. En attendant, Mansfield se propose de justifier ces affirmations aristotéliciennes sur la femme :

Si on laisse de côté la remarque sur la nourriture, Aristote néglige tout ce qui se rapporte au physique plus faible des femelles. Bien qu’elles aient moins d’allant, il ne semble pas que leurs âmes soient moins bien trempées. Elles ont des désirs forts, mais, ayant moins de fougue, elles les satisfont indirectement ou, comme le dit Aristote sans plus de précautions, ruse et tromperie à l’appui. On contrôle mieux les femelles que les mâles, mais cela signifie qu’elles savent se contrôler elles-mêmes. Elles doivent négocier avec les mâles, qui ont un corps plus puissant mais un esprit qui fait d’eux des êtres simples et confiants, même s’ils demeurent rigides et difficiles à contrôler. Une personne pétulante, indomptable et infatuée d’elle-même est plus sociable et par conséquent, sait-on jamais, plus facile à berner32.

La faiblesse des femmes est-elle un problème ? Non, elle les rend plus réalistes et plus vigilantes car elles sont plus attentives au contexte. L’autosuffisance des femmes est moindre et contrebalance celle des hommes.

Il ne s’agit donc pas simplement d’une question de pouvoir, mais d’une question de perspective. Peut-être vaut-il mieux adopter un point de vue téléologique et se dire qu’il y a un sexe faible pour qu’un des deux sexes soit plus réaliste et moins suffisant que l’autre plutôt que de supposer cyniquement que les femmes doivent être réalistes parce qu’elles sont faibles. Réaliste ne veut pas dire inférieur ; l’être, c’est apporter quelque chose à la force, surtout quand on y ajoute le mâle esprit d’initiative33.

Comme nous l’avons vu dans la comparaison des différentes expressions du thumos dans le monde, Aristote associe le froid à une expression plus timide du thumos et la chaleur à un thumos plus développé. Et parce qu’il considère que le froid est associé aux femmes et la chaleur aux hommes, nous pouvons en déduire que cette différence de température est la cause d’une expression psychologique différente pour Aristote. Cela nous laisse penser que, comme le suggère Deslauriers34, c’est aussi le niveau de thumos qui explique les propos controversés de sa Politique : « le mâle est par nature à la femelle ce que le supérieur est à l’inférieur, c’est-à-dire ce que le commandant est au commandé35 ». Plus loin, il affirme que c’est en raison du manque d’autorité de sa faculté délibérative que la femme n’est pas un dirigeant politique36.

Deslauriers conclut :

Une des raisons pour lesquelles Aristote pense que les femmes ne doivent pas diriger est que leur physiologie ne supportera pas le degré de thumos qui est nécessaire au courage et à la justice, comme nous l’avons vu. Mais il y a une deuxième raison. Les circonstances politiques dans lesquelles les hommes mènent leur vie, en public, nouant des amitiés avec leurs concitoyens, donnent lieu à des occasions de désirs thumotiques, tant affectueux que colériques. Les femmes, en tant que citoyennes n’ayant pas le droit d’occuper un poste ou de mener une vie publique, n’auront pas l’occasion d’établir les liens d’affection avec d’autres citoyens qui sont fondamentaux pour la participation politique. Ainsi, tant la physiologie des hommes que leurs activités politiques leur permettent d’éprouver et de manifester des désirs thumotiques d’une manière qui fait partie intégrante des activités de direction37.

Cette suggestion semble être soutenue par l’observation faite précédemment. Nous avons vu que pour gouverner, une bonne dose de thumos et d’intelligence délibérative sont nécessaires. La femme manque de la première et n’est donc pas adaptée au rôle de chef politique.

Le courage

Le terme grec ἀνδρεία andreía exprime traditionnellement la virilité ou le courage viril. Aristote le considère comme une vertu, l’une des quatre vertus cardinales. C’est un équilibre face aux sentiments de peur et de confiance en soi38, mais aussi un équilibre relatif aux choses qui inspirent la confiance ou la peur39. Par conséquent, l’andreia peut être un sentiment ou concerner les choses qui inspirent de tels sentiments. Ce sentiment se situe justement entre deux extrêmes que sont l’excès de confiance et l’imprudence. L’homme courageux ne craint ni trop ni trop peu, il possède une qualité destinée à « rendre hardi40 ».

Affronter la mort

Nous craignons des choses terribles41, mais l’andreia parle de la chose la plus terrible de toutes : la mort42. La mort est la plus terrible car elle est la limite de la vie43 et « en tant que limite de la vie, la mort marque la fin de toute possibilité humaine, de tout désir, choix et action44 ». En effet, pour Aristote, le bien et le mal ne semblent pas exister pour les morts45 alors que le désir, le choix et l’action sont fondés sur eux, ils sont motivés par eux. Ainsi, même si les humains sont toujours en compétition, de sorte que le courage imprègne notre quotidien, le test ultime est d’affronter la mort. Être courageux, c’est répondre comme il se doit à la peur de la mort.

Mais toutes les morts ne sont pas considérées comme courageuses. Aristote n’accorde pas généreusement la vertu de courage à tous ceux qui sont morts. La noblesse de la mort restreint l’attribution de cette vertu. Et quelle mort plus noble que celle qui survient sur un champ de bataille46 ? Cette mort est la plus noble parce qu’elle se produit dans le risque le plus grand et le plus noble et parce que « cela s’accorde d’ailleurs aussi avec les honneurs que méritent ceux qui les affrontent, dans les cités et auprès des monarques47 ». Le présent et l’avenir de la mort déterminent sa noblesse. Les circonstances et la reconnaissance de la communauté sont déterminantes pour exhumer une mort courageuse.

Noblement

Mais surtout, l’andreia est mariée pour toujours à la noblesse. Différents passages relevés par Deslauriers montrent que pour Aristote, l’andreia pousse à choisir ou à supporter des choses parce qu’il est noble d’agir ainsi48. L’homme courageux endure et agit comme le courage l’exige en vue d’une fin noble49. L’andreia choisit et endure les choses parce qu’il est noble de le faire et parce qu’il est honteux de ne pas le faire50. Les hommes courageux agissent pour l’honneur51 et c’est ce qui les distingue des hommes en colère : « Les hommes aussi, par conséquent, lorsqu’on les irrite, éprouvent de la douleur et, lorsqu’ils se vengent, du plaisir ; mais ceux qui se battent poussés par ce qu’ils éprouvent ainsi, quoique pugnaces, ne sont pas courageux pour autant. Ils n’ont pas en effet pour mobile ce qui est beau et ne se comportent pas de façon raisonnable mais suivent leur affection, bien qu’ils aient une attitude très similaire52

La noblesse trace ainsi le chemin sur lequel un homme courageux peut avancer. En dehors de celle-ci, il est soumis aux caprices de ses passions, non maîtrisé par la raison. Cela ne signifie pas que les passions n’ont pas leur mot à dire dans l’accomplissement d’un acte de bravoure, mais elles doivent savoir rester à leur place.

Ainsi donc, bien que l’action des courageux soit motivée par ce qui est beau, l’ardeur leur sert d’auxiliaire, mais le comportement des bêtes est motivé, lui, par la peine. Elles attaquent en effet parce qu’on les frappe ou parce qu’elles ont peur, car si elles sont au bois ou au marais, elles ne viennent pas attaquer. Elles ne sont donc pas courageuses, puisque c’est la souffrance et l’ardeur qui les poussentà s’élancer devant le danger, sans rien prévoir d’effroyable. Car, à ce compte, même les ânes seraient courageux quand ils ont faim, puisque les coupsne les font pas quitter le pâturage ; et les adultères aussi, que la concupiscence porte à bien des audaces ! D’autre part, la disposition que suscite l’ardeur a l’air d’une disposition tout à fait naturelle qui demanderait que s’y ajoutent la décision et l’intention d’un but pour être du courage53.

Cette quête de la noblesse est donc aidée par les passions, par le thumos. Cependant, comme nous l’avons déjà brièvement évoqué, le thumos ne doit rester qu’une aide et ne doit pas prendre le dessus pour motiver une action car il conduit les hommes à ne pas viser la noblesse, l’honneur. Les hommes passionnés ressemblent à des hommes courageux mais ne le sont pas vraiment.

C’est ici que nous voyons la distinction entre un acte thumotique et un acte courageux. Platon et son exemple de la hargne d’un chien pour illustrer le thumos se développe ici comme une bête blessée ou effrayée. Le thumos est inculte et doit être apprivoisé par la vertu du courage. En effet, « la vertu est un état décisionnel qui consiste en une moyenne » et qui implique la raison54. C’est une habitude de choisir le juste milieu entre deux vices et non une simple impulsion, un désir brut. Le choix doit être cultivé. La seconde nature doit dépasser – mais pas effacer ! – la première nature. Par conséquent, le courage transforme le thumos en une noble vertu.

La paix

Même si « le courage est-il chose pénible et à juste titre objet de louanges, puisque c’est plus difficile d’affronterles choses pénibles que de se garder des choses agréables55 », la noblesse doit être recherchée en premier. C’est le premier critère d’un acte de bravoure, la capacité à supporter la douleur jouant un rôle secondaire pour Aristote. Il considère en effet que la maladie et la noyade ne sont pas de belles manières de mourir56. Mais pourquoi la mort sur un champ de bataille est-elle la plus noble ? Deslauriers suggère que cette excellence dans la noblesse est due au but de la bataille : la paix.

Ce qui est en cause, c’est le but de toute activité vertueuse, qui est la vie heureuse. Le but immédiat de l’action courageuse est la victoire au combat, mais la victoire au combat est pour la paix (10.7 1177b5-6). Et la paix n’est pas une fin en soi, mais elle est au service des activités intellectuelles qui constituent la vie heureuse. En d’autres termes, la personne qui entreprend une action courageuse pour remporter la victoire afin de jouir de la paix et de s’amuser avec des occupations futiles n’est pas, selon les termes d’Aristote, une personne vertueuse. Il n’est pas vertueux parce qu’il n’a pas agi, en définitive, en vue de ce qui est noble. Si cela est vrai, alors la noblesse de la mort au combat est liée à ce que la mort au combat apporte à la polis : les conditions dans lesquelles les citoyens peuvent mener une vie heureuse57.

C’est aussi ce que nous voyons dans la Politique où le Stagirite met en évidence un dualisme de la vie :

La vie entière aussi se divise : en loisir et labeur, guerre et paix, et parmi les actions les unes concernent ce qui est indispensable et utile, les autres ce qui est beau. En ces domaines le choix est nécessairement le même que pour les parties de l’âme et leurs actions : la guerre doit être choisie en vue de la paix, le labeur en vue du loisir, les choses indispensables et utiles en vue de celles qui sont belles58.

Par conséquent, le loisir et la paix sont meilleurs que le labeur et la guerre, même s’ils sont nécessaires. De même, ce qui est honorable est meilleur que ce qui est nécessaire et que ce qui est utile59. Nous devons viser la meilleure fin et c’est pourquoi le législateur doit « s’efforcer de préférence d’arrêter les mesures concernant la guerre et le reste de la législation en vuedu loisir et de la paix60 ». Le courage est nécessaire mais reste un moyen.

Aristote prend l’exemple des Spartiates qui ont éduqué leur cité à faire de la conquête et de la guerre son unique but. L’insistance sur ce point a pu paraître salutaire dans la défense et la conquête de la cité, mais elle ne devait pas être un but en soi. Il faut regarder au-delà de la guerre. « Grâce à leur entraînement à faire face aux dangers, ils gouvernaient beaucoup de peuples » mais « il est évident, aujourd’hui que le pouvoir n’est plus aux mains des Laconiens, qu’ils ne sont pas heureux, et que leur législateur n’a pas été bon61 ». En effet, leur stratégie n’était pas faite pour la paix, qui est pourtant l’état normal d’une cité.

Que le législateur doive s’efforcer de préférence d’arrêter les mesures concernant la guerre et le reste de la législation en vuedu loisir et de la paix, les faits témoignent en faveur de cette thèse. En effet, la plupart des cités de ce genre assurent leur salut tant qu’elles font la guerre, mais une fois qu’elles ont acquis la domination elles périssent. Comme l’acier, elles perdent leur trempe en temps de paix. Le responsable, c’est le législateur qui ne leur a pas appris à mener une viede loisir62.

Le courage et le sexe

Le courage est-il une vertu que possède la femme ? En I.13, Aristote se demande si un esclave peut avoir les vertus « comme tempérance, courage, justice et autres dispositions de ce genre » ou s’il ne possède que des vertus relatives aux « services qu’il rend avec son corps ». Il se demande aussi s’il faut que la femme « soit tempérante, courageuse, juste63 ». Partant du fait que la femme est un sujet et non un dirigeant, Aristote affirme que les femmes possèdent effectivement les mêmes vertus que les hommes, mais différemment :

Il faut donc supposer qu’il en est nécessairement de même aussi pour les vertus éthiques : tous doivent y avoir part, pas cependant de la même manière, mais dans la mesure où l’exige leur fonction. C’est pourquoi celui qui commande doit posséder la vertu éthique achevée (car toute œuvre est, au sens absolu, celle du maître d’œuvre, et la raison est un maître d’œuvre), alors que chacun des autres n’en a besoin que dans la mesure où cela lui convient.Si bien qu’il est manifeste que tous ces gens dont nous avons parlé ont une vertu éthique, mais aussi que la tempérance n’est pas la même chez la femme et chez l’homme, ni le courage ni la justice, comme Socrate pensait que c’était le cas, mais chez l’un il y a un courage de chef, chez l’autre un courage de subordonnée, et il en est de même pour les autres vertus64.

Ce courage d’obéir est certainement dévalorisé aujourd’hui alors qu’il est pourtant associé à la modération. C’est en fait une force. Et la citation d’Ajax de Sophocle, que fait Aristote quelques mots plus loin, le résume bien. « Pour une femme sa parure c’est son silence65. » Mansfield nous fait une faveur en nous expliquant ce qui se cache derrière ces quelques mots :

Il s’agit d’un vers d’Ajax, la pièce de Sophocle, et plus précisément de la scène où le protagoniste est sur le point de quitter sa tente et se prépare, dans sa folie furieuse, à commettre l’irréparable. Sa compagne Tecmesse tente de le calmer et de le convaincre de rester. En vain : Ajax part sans un regard pour elle mais non sans lui jeter par-dessus son épaule l’adage cité. Nous avons là une femme supérieure à son homme tant au plan intellectuel que du point de vue de la capacité délibérative, mais akuros relativement à lui, sans l’autorité voulue, un cas qui dans l’histoire des relations entre sexes n’est ni le premier ni le dernier. Le silence lourd de sens de femmes intelligentes regardant des hommes se ridiculiser jette un voile de regret et de détresse sur maints exploits virils. On ne peut s’empêcher de penser à La Muta, le portrait que Raphaël a fait d’une jeune femme de cette espèce, la Muette, dont les yeux comprennent tout. Mais les hommes qui gouvernent n’écoutent pas66.

Et cela semble être confirmé par un passage de la Rhétorique. On y apprend que le courage ne se sépare pas de l’homme. Il est considéré comme l’excellence de l’âme du jeune homme, avec la vertu de tempérance67. En revanche, pour la femme, Aristote parle de maîtrise de soi et de goût du travail (dénué de servilité)68. Le grec du premier terme signifie sagesse, tempérance, prudence, modération. De plus, dans la Politique, il affirme que la tempérance et le courage des hommes et des femmes diffèrent. En effet, « un homme passerait pour lâche s’il n’était courageux qu’au sens où une femme est courageuse, et une femme pour effrontée si elle n’avait que la réserve d’un homme de bien69 ». Ces mots scellent l’idée que la tempérance est davantage associée à la femme alors que le courage reste lié à l’homme.

Par conséquent, comme le suggère Mansfield, « Pour une femme, sa parure c’est son silence » traduit bien une vérité profonde. Le pouvoir de la femme est dans sa tempérance, dans son silence face au thumos exprimé par elle-même ou par l’homme. Elle est le calme dans la tempête. Sa force n’est pas aussi bruyante que celle de l’homme, mais elle est tout aussi puissante car l’affront est tout autant contrasté. Le bruit ne fait pas la force. Comme celle de l’homme, cette force silencieuse est détachée de l’environnement dans lequel elle opère. Le contrôle de son environnement n’est pas direct mais est pourtant d’une efficacité redoutable. Quelle noblesse !

L’autorité politique du foyer

Au début de la Politique, Aristote nous fait entrer dans le monde du code de maisonnée. L’approche pourrait surprendre aujourd’hui mais il transpose à petite échelle ce qui se fait à grande échelle. De même que l’état est une communauté ordonnée à la recherche du meilleur bien, la maisonnée doit être ordonnée dans cette perspective. Le Stagirite s’attache donc à présenter les différents gouvernements naturels que contient le foyer. Il y a l’autorité du maître sur ses esclaves, l’autorité du père et l’autorité du mari.

Pour ce dernier, il considère l’autorité de l’homme sur la femme comme étant à la fois aristocratique et politique. Ce règne est aristocratique car « le mâle est par nature à la femelle ce que le supérieur est à l’inférieur, c’est-à-dire ce que le commandant est au commandé70 ». De plus, dans l’Éthique à Nicomaque, il affirme explicitement le caractère aristocratique de cette relation : « l’association d’un mari et de sa femme paraît évidemment aristocratique, parce que c’est sur le mérite que repose l’autorité du mari et elle s’exerce dans les matières où il est besoin de l’homme, tandis que tout ce qui convient à une femme est laissé de son ressort à elle71 ».

Cependant, il dit explicitement que le régime marital est également politique :

sur la femme s’exerce une autorité politique, sur les enfants une autorité royale. Le mâle est, en effet, plus apte que la femelle à gouverner, sauf si sa constitution va contre la nature, et le plus âgé, c’est-à-dire celui qui est complètement développé, plus que le plus jeune encore imparfait. Dans la plupart des cas où le pouvoir est politique on est tour à tour gouvernant et gouverné (car on veut être égaux de nature sans différence aucune) ; pourtant, durant le temps où tel gouverne et tel est gouverné, celui-là s’efforce qu’il existe une différence aussi bien par un insigne que par des titres et des honneurs, comme le fit remarquer Amasis à propos du bassin où il se lavait les pieds72.

Un paradoxe

Ce double caractère de l’autorité crée un paradoxe. Comment une autorité politique qui est un autorité de personnes libres et égales peut-elle être en même temps une autorité aristocratique basée sur le mérite inégal du commandant et du commandé73 ? Pour comprendre comment l’homme dirige, il faut étudier l’histoire du bain de pieds d’Amasis puisqu’il y fait référence dans les mots suivants : « pourtant, durant le temps où tel gouverne et tel est gouverné, celui-là s’efforce qu’il existe une différence aussi bien par un insigne que par des titres et des honneurs, comme le fit remarquer Amasis à propos du bassin où il se lavait les pieds ». Cette histoire, relatée par Hérodote, raconte que le peuple sur lequel Amasis était devenu roi le méprisait et ne l’estimait pas à cause de son origine modeste. Il eut alors l’idée de transformer le bain de pieds en or utilisé par ses hôtes en une statue en l’honneur d’un dieu. Comme prévu, son peuple se mit à vénérer cette statue sans en connaître l’origine. Amasis révéla alors que l’objet devant lequel ils se prosternaient était le même que celui dans lequel ils vomissaient, urinaient et se lavaient les pieds. Ainsi, de la même manière que cet objet était honoré malgré sa modeste origine, Amasis devait être honoré en tant que roi74.

Cette vieille histoire est utilisée par Aristote pour mettre en évidence une réalité : même si les hommes et les femmes sont semblables par leur statut d’adultes et de personnes libres (contrairement aux relations avec les enfants et les esclaves), une supériorité d’un dirigeant sur un dirigé est observée dans le foyer. Cette supériorité n’apparait pas ex nihilo mais découle de l’autorité supérieure de la faculté délibérative de l’homme :

En effet, c’est d’une manière différente que l’homme libre commande à l’esclave, l’homme à la femme, l’homme à l’enfant. Tous ces gens possèdent les différentes parties de l’âme, mais ils les possèdent différemment : l’esclave est totalement dépourvu de la faculté de délibérer, la femme la possède mais sans autorité, l’enfant la possède mais imparfaite75.

Mais dans un autre passage, dans l’Éthique à Nicomaque, Aristote parle de l’autorité de l’homme sur la femme sans justifier l’aspect aristocratique de celle-ci par l’autorité de la faculté délibérative :

De son côté, l’association d’un mari et de sa femme paraît évidemment aristocratique, parce que c’est sur le mérite que repose l’autorité du mari et elle s’exerce dans les matières où il est besoin de l’homme, tandis que tout ce qui convient à une femme est laissé de son ressort à elle. En revanche, s’il décide en souverain de tout, le mari transforme la communauté en oligarchie, parce que c’est contrairement au mérite qu’il fait cela et non en vertu d’une supériorité76.

Ainsi, pour lui, l’autorité de l’homme semble avant tout se justifier par sa valeur supérieure – une valeur morale77. Cependant, cette autorité rencontre des limites dans le cadre de la communauté familiale. L’autorité aristocratique ne peut s’étendre au-delà de certaines limites pour ne pas se transformer en autorité oligarchique. Et cette transformation du régime politique soulignée par Aristote n’est pas anodine. L’oligarchie est une forme vicieuse d’un régime constitutionnel, elle est corrompue. Elle ne regarde pas l’intérêt du peuple gouverné mais l’intérêt des gouvernants. L’autorité de l’homme sur la femme doit donc se faire pour le respect du bien commun de la petite communauté familiale. L’aspect vertical de cette relation est présent pour consolider l’aspect horizontal, c’est son véritable but.

Une autorité partagée

Nous voyons que dans le foyer, l’homme doit commander et la femme doit être commandée. Cependant, quel est le domaine d’autorité de la femme ?

Un homme passerait pour lâche s’il n’était courageux qu’au sens où une femme est courageuse, et une femme pour effrontée si elle n’avait que la réserve d’un homme de bien, puisque même dans l’administration familiale l’homme et la femme diffèrent : son rôle à lui est d’acquérir, son rôle à elle de conserver78.

L’autorité de la femme au sein du foyer sert à le conserver et à le préserver. L’autorité de l’homme est davantage orientée vers l’extérieur, définie pour acquérir ce qui est bon pour la maisonnée. Par conséquent, l’autorité de l’homme sur la femme est politique en raison de leur statut commun de liberté et d’âge adulte, et de la répartition de l’autorité dans le foyer. Aristote poursuit :

Or la prudence est la seule vertu propre au gouvernant, car il semble que les autres sont nécessairement communes aux gouvernés et aux gouvernants, et assurément, pour un gouverné, l’excellence n’est pas la prudence, mais l’opinion vraie. Car le gouverné est comme le fabricant de flûtes, alors que le gouvernant est commele flûtiste qui les utilise79.

Nous apprenons que les vertus du gouverné et du gouvernant sont les mêmes, hormis celle de la prudence, de la sagesse pratique. Cette vertu n’est pas nécessaire pour le gouverné mais elle l’est pour le gouvernant. Cependant, le gouverné possède une « opinion vraie » plutôt qu’une sagesse pratique. Mais, qu’est-ce que cette opinion vraie ? Deslauriers suggère qu’elle correspond à la vertu de σύνεσις súnesis80. Cette hypothèse est construite à partir de différents indices.

Dans l’Éthique à Nicomaque, nous apprenons que la compréhension (sunesis) et la sagesse pratique (ou sagacité) ont les mêmes objets. Elles travaillent avec le même matériel mais leurs fins sont différentes. « la sagacité est prescriptive (elle ordonne en effet ce qu’on doit exécuter ou non ; c’est sa fin) », tandis que la sunesis ne fait que juger81. La sagesse pratique donne des ordres, tandis que la sunesis juge. Les rôles de ces deux vertus sont complémentaires mais l’une d’elles va plus loin. Cela semble être confirmé par les propos qui suivent :

Cependant, la compréhension n’est le fait ni de détenir la sagacité, ni de l’apprendre. Elle se compare au contraire au fait de saisir ce qu’on dit (ce qu’on appelle comprendre) lorsqu’on exerce sa science ; on fait preuve en effet de compréhension lorsqu’on exerce son opinion pour juger des matières qui font l’objet de la sagacité lorsqu’un autre en parle, et pour s’en faire le jugement qui convient (un bon jugement revient à dire en effet celui qui convient)82.

Cela concorde avec la manière dont les femmes sont considérées par rapport aux hommes. Les femmes ne sont pas « des parties de l’homme de la même manière que les esclaves sont des parties de leurs maîtres, ou les enfants de leurs pères, et il est frappant qu’il ne parle pas des femmes comme des possessions des hommes83 ». Il ne s’agit pas d’une relation dans laquelle X est soumis à Y si Y est le tout dont X fait partie. Au contraire :

C’est une structure dans laquelle, lorsque X et Y sont tous deux des parties du tout Z, et que Y est meilleur que X, alors X est naturellement soumis à Y. C’est la structure modelée par la relation entre la faculté de raison et la faculté de désir dans l’âme. Dans cette structure, le commandant n’est pas le tout dont le commandé est une partie ; plutôt, le commandant et le commandé sont tous deux des parties d’un tout, mais le commandant est la meilleure partie. Ainsi, de même que le désir et la raison sont des parties de l’âme, de même l’homme libre et la femme libre sont des parties de la relation entre l’homme et la femme84.

Cette différence n’est pas anodine car « cela signifie que l’autorité que l’homme exerce sur la femme ne doit pas être justifiée de la même manière que celle exercée sur les esclaves ; ce n’est pas parce que la femme fait partie de l’homme qu’elle est soumise à l’autorité de l’homme84. » Par conséquent, contrairement aux esclaves ou aux enfants, la femme participe à la délibération sur les affaires du foyer. Même si c’est à l’homme de prendre la décision, la femme juge et délibère pour le bien du foyer. Cette situation est analogue au pouvoir donné aux citoyens : ils pouvaient participer aux délibérations et aux jugements, mais ils restaient soumis à l’autorité.

Conclusion

Fort de toutes les données fournies par Aristote, tentons une définition de la virilité. Mansfield nous est, une fois de plus, d’une grande aide. Il identifie deux premiers aspects que l’on retrouve chez l’homme viril : la confiance en soi et la capacité à commander. Mansfield souligne que ces deux réalités équilibrent la proximité qu’il peut avoir avec la société. Si la confiance en soi conduit l’homme à l’indépendance, la capacité à commander le ramène aux siens85. La première tendrait à ne compter que sur lui-même tandis que la seconde le pousse à dépendre des autres. Par cette harmonie, l’homme reste un animal politique et social.

Une définition apophatique de la virilité souligne qu’elle apparaît en réaction à la peur. En effet, le mot grec pour la virilité est andreia, également utilisé pour parler du courage, une vertu utilisée pour surmonter la peur. Également, « la virilité préfère l’action à la réflexion », elle est son pain quotidien86. Elle peut donc avoir un côté héroïque. Mansfield réunit ces différentes facettes dans une définition synthétique de la virilité. La virilité est la confiance en soi et la compétence en présence du risque87. Tout au long de son livre, Mansfield va mettre à l’épreuve cette définition et la justifier avec l’apport d’Aristote. Il ne semble pas revenir sur la définition qu’il donne au début et qu’il répète plusieurs fois par la suite. À cette définition, nous voudrions simplement ajouter un adjectif qui, nous pensons, résume la pensée d’Aristote sur la virilité. Aristote fait de bonnes observations et trouve les bonnes causes mais l’ultime cause qu’il propose, celle de la nature supérieure de l’homme, associée à une plus grande valeur morale, est erronée. Ceci étant dit, je propose la définition de la virilité qu’Aristote aurait probablement approuvée : la noble confiance en soi et compétence face au risque. Le changement ne semble pas important mais il l’est pourtant.

Le thumos est la base d’un acte viril. Il regarde le risque en face et s’y oppose pour protéger celui qui le possède et sa famille. Il donne la confiance nécessaire à ce combat et permet à l’homme de se dresser. Mais le thumos ne doit pas être incontrôlé. Il a tendance à se répandre, à déborder, à se rebeller contre la raison, contre le calme. Mais il doit être dompté, apprivoisé par la raison pour servir la vertu. À travers elle, il doit viser une fin noble pour nourrir différentes vertus. La raison délimite le thumos, le condense pour lui permettre de s’exprimer dans ce qui est le mieux pour l’homme et pour les siens. Le thumos est servile, donnons-lui le bon maître.

Le thumos est ainsi au service de vertus plurielles mais s’exprime particulièrement dans le courage et dans l’autorité politique. À la première, il donne la confiance nécessaire face au risque, à la seconde, la capacité de prendre des décisions et de commander. Si l’on considère que le second est rendu possible par le premier dans un but noble, la noble confiance en soi et compétence face au risque semble bien résumer en quelques mots ce qu’est la virilité. Voilà ce qu’est un homme.

Équipés, retournons à notre film. Colin n’est pas un homme viril. Il est séduisant et charmant mais ne fait pas face au risque. Il l’évite par la ruse, le mensonge et la malice. Et quand il l’affronte, ce n’est pas le bon. Il est capable de prendre une décision et de commander, mais pas pour le bon objectif. Il ne se préoccupe pas tellement de défendre sa maison mais préfère lui faire courir des risques importants. Il est suffisant, indépendant et n’étend pas son souci de lui-même aux autres. Il est faible, craintif et lâche. D’ailleurs, Scorsese a choisi d’illustrer sa faiblesse par son impuissance et sa stérilité.

Et Costello ? Contrairement à Colin, il ne se cache pas en tant que bandit et meurtrier, il assume ce qu’il est. Il représente la pire corruption de l’homme, celle qui conquiert le monde par le sang pour son propre intérêt.

Le sergent Dignam est thumotique. Bien qu’il ait restreint son thumos au bien de la cité, il ne le contrôle pas. Ainsi, tout en servant ce bien général, il se permet de donner plus de latitude à son thumos sur le reste. Il est très dur avec Billy, croyant que c’est ainsi que sa mission peut être accomplie. Il est capable de détruire d’un côté pour construire de l’autre. Son thumos est justifié lorsqu’il accuse Colin d’avoir tué le capitaine Queenan. Il était alors le mégaphone de la justice, mais il n’a pas été écouté. En fait, il pensait qu’il devait continuer à assumer ce rôle lorsqu’il a malheureusement choisi de tuer Colin lui-même.

Le capitaine Queenan est un homme viril. Il prend les bonnes décisions pour sa ville et son équipe, il vise la paix. Il transmet l’amour de lui-même aux autres, notamment à son fils dont il est fier. Il se bat pour la justice. Il est courageux face au risque et noblement courageux face à la mort, se sacrifiant pour Billy.

Justement, parlons de Billy. Il est en permanence confronté à la mort sur un champ de bataille, au milieu de ceux qui peuvent mettre fin à sa vie à tout moment. Cette menace constante, considérable, explique ses doutes et ses envies de suicide. Sa confiance face à la mort varie dans le temps mais reste néanmoins ferme. Il est noblement courageux. Il cherche aussi la paix, mais pas seulement celle de la ville. Bien qu’il fréquente une femme qui est déjà prise, il prend soin d’elle. Lorsqu’il assiste à la mort de Queenan, il est prêt à mourir en se tenant devant son corps, comme en deuil. Il a soif de justice et est prêt à faire les sacrifices les plus insensés pour la défendre. Son thumos est au service de la vertu, qui l’accompagne dans ses choix. Il est récompensé par l’enfant de Madolyn, qui est probablement le sien ; il peut ainsi continuer sa lignée. Il est un homme viril.

Enfin, Madolyn. Bien qu’elle trompe l’homme pour lequel elle devrait se préserver, elle essaie de lui faire confiance dans les choix qu’il fait. Elle s’éloigne de lui lorsqu’elle découvre qu’il est dangereux, pour se protéger et protéger l’enfant qui est en elle. Au milieu de tout ce tumulte masculin, de toute cette expression de testostérone, elle reste calme et montre sa sagesse. Elle essaie de consoler et de réparer. Dans l’épilogue, son regard et son silence illustrent à merveille les propos de Sophocle sur la véritable force d’une femme face à la virilité corrompue. Elle est une femme féminine.

La virilité a encore de beaux jours devant elle. Ce n’est pas Aristote qui aurait dit le contraire.


Illustration de couverture : Joseph-Marie Vien, Les adieux d’Hector et d’Andromaque, huile sur toile, 1786 (Paris, musée du Louvre).

  1. Harvey Claflin Mansfield, Virilité, trad. Robert Sctrick, Paris : Cerf, 2018, p. 9.[]
  2. Politique VII.7, 1325b37-38.[]
  3. 1327b36-37.[]
  4. Marguerite Deslauriers, “Thumos in Aristotle’s Politics VII.7,” Polis: The Journal for Ancient Greek and Roman Political Thought 36, no. 1 (March 2019): 58.[]
  5. Politique, III.16, 1287a28-32.[][]
  6. Ibid., p. 59.[]
  7. Mansfield, Virilité, 337.[]
  8. Ibid., p. 207.[]
  9. Éthique à Nicomaque VII.6, 1149a24-31.[]
  10. Deslauriers, “Thumos in Aristotle’s Politics VII.7:”, p. 65.[]
  11. Ibid., p. 66.[]
  12. Politique, VII.7, 1327b38-39.[]
  13. Deslauriers,“Thumos in Aristotle’s Politics VII.7:”, p. 68.[][]
  14. Éthique à Nicomaque, VII.1, 1145b19-20.[]
  15. Deslauriers,“Thumos in Aristotle’s Politics VII.7:”, pp. 68-71.[]
  16. Éthique à Eudème, II.5, 1222a41-b4 ; III.3, 1231b5-24.[]
  17. Deslauriers,“Thumos in Aristotle’s Politics VII.7:” 69.[]
  18. Éthique à Nicomaque, VII.6, 1149b13-26.[]
  19. Deslauriers,“Thumos in Aristotle’s Politics VII.7:”, p. 70.[]
  20. Éthique à Eudème, VIII.1, 1155a27-29.[]
  21. Deslauriers,“Thumos in Aristotle’s Politics VII.7:”, p. 71.[]
  22. Deslauriers,“Thumos in Aristotle’s Politics VII.7:”, p. 71.[]
  23. Politique VII.7 1328a5-7.[]
  24. Politique, III.9, 1280a14-16.[]
  25. Politique, VII.3, 1325b10-13.[]
  26. Politique, III.12, 1283a37.[]
  27. Mansfield, Virilité, 345.[]
  28. Histoire des animaux, IX.1, 608a34-35.[]
  29. Histoire des animaux, IX.1, 608a36-b6.[]
  30. Histoire des animaux, IX.1, 608a34-35, 608b6-8.[]
  31. Histoire des animaux, IX.1, 608b10-20.[]
  32. Mansfield, Virilité, p. 347.[]
  33. Ibid., p. 386.[]
  34. Deslauriers, “Thumos in Aristotle’s Politics VII.7:”, p. 75.[]
  35. Politique, I.5, 1254b13-5.[]
  36. Politique, I.13, 1260a13-5.[]
  37. Deslauriers,“Thumos in Aristotle’s Politics VII.7:”, p. 75.[]
  38. Éthique à Nicomaque, III.6, 1115a6–7.[]
  39. Éthique à Nicomaque, III.7 1116a10-11.[]
  40. Politique, I.9, 1258a11.[]
  41. Éthique à Nicomaque, III.6, 1115a8.[]
  42. Éthique à Nicomaque, III.6, 1115a25.[]
  43. Éthique à Nicomaque, III.6, 1115a27.[]
  44. Marguerite Deslauriers, “Aristotle on andreia, divine and sub-human virtues,” in Andreia, éd. Ralph Rosen, Ineke Sluiter, Leyde : Brill, 2003, p. 188.[]
  45. Éthique à Nicomaque, III.6, 1115a28.[]
  46. Éthique à Nicomaque, III.6, 1115a30.[]
  47. Éthique à Nicomaque, III.6, 1115a30-32.[]
  48. Deslauriers, “Aristotle on andreia, divine and sub-human virtues:” 189.[]
  49. Éthique à Nicomaque, III.7, 1115b23-24.[]
  50. Éthique à Nicomaque, III.7, 1116a11-12, 1117a17.[]
  51. Éthique à Nicomaque, III.7, 1116b30–31.[]
  52. Éthique à Nicomaque, III.7, 1117a5-9.[]
  53. Éthique à Nicomaque, III.7, 1116b30-1117a5.[]
  54. Éthique à Nicomaque, II.6, 1107a1-2.[]
  55. Éthique à Nicomaque, III.9, 1117a34-35.[]
  56. Éthique à Nicomaque, III.6, 1115a28-29.[]
  57. Deslauriers, “Aristotle on andreia, divine and sub-human virtues:” 191.[]
  58. Politique, VII.14 1333a29-37.[]
  59. Politique, VII.14, 1333b1-4.[]
  60. Politique, VII.15, 1334a2-5.[]
  61. Politique, VII.14, 1333b20-23.[]
  62. Politique, VII.15, 1334a3-11.[]
  63. Politique, I.13, 1259b20-30.[]
  64. Politique, I.13 1260a14-24.[]
  65. Politique, I.13, 1260a30.[]
  66. Mansfield, Virilité, p. 342.[]
  67. Rhétorique, I.5, 1361a3-4.[]
  68. Rhétorique, I.5, 1361a8-9.[]
  69. Politique, III.4, 1277b19-23.[]
  70. Politique, I.5, 1254b13-14.[]
  71. Éthique à Nicomaque, VIII.10, 1160b32-33.[]
  72. Politique, I.12, 1259b1-9.[]
  73. Ce paradoxe semble être assumé par Aristote. En effet, il affirme dans la Politique I.5 que le règne de l’intellect sur les désirs est despotique et constitutionnel (1254b4-5). Et parce qu’il compare l’autorité des hommes sur les femmes avec l’autorité de l’intellect sur le désir dans 1254b6-14, nous pouvons conclure qu’il assume ce paradoxe. Ainsi, pour Aristote, il y a à la fois similitude et supériorité. Marguerite Deslauriers, “Political Rule over Women in Politics I” in Thornton Lockwood, Thanassis Samaras, Aristotle’s Politics, Cambridge University Press, 2015, pp. 51-52.[]
  74. Hérodote, Histoires, II.172.[]
  75. Politique, I.13, 1260a8-15.[]
  76. Éthique à Nicomaque, VIII.10, 1160b32–1161a1.[]
  77. Dans sa Rhétorique, Aristote affirme que parce que « les vertus et les actions des êtres naturellement meilleurs », sont plus belles, celles de l’homme sont plus nobles que celles de la femme (I.9 1367a17-18). Ainsi, il semble réellement considérer que la nature de la femme est inférieure à celle de l’homme. Dans d’autres passages, Aristote parle bien d’une valeur morale, d’une supériorité morale et pas seulement d’une valeur physique ou psychologique. Voir Deslauriers, “Political Rule over Women in Politics I :”, p. 60.[]
  78. Politique, III.4, 1277b20–25.[]
  79. Politique, III.4, 1277b25–30.[]
  80. Deslauriers, “Political Rule over Women in Politics I:”, p. 62.[]
  81. Éthique à Nicomaque, VI.10, 1143a7–9.[]
  82. 1143a11–15.[]
  83. Deslauriers, “Political Rule over Women in Politics I:” 59-60.[]
  84. Ibid., p. 60.[][]
  85. Mansfield, Virilité, pp. 43-44.[]
  86. Ibid., p. 48.[]
  87. Ibid., p. 54.[]

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