Le troisième jour, selon les Écritures ?
17 août 2023

Il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures. (1 Cor 15,4) Cette phrase a rendu perplexes plusieurs lecteurs et commentateurs : l’Ancien Testament, à première lecture, ne semble pas annoncer clairement que le Messie sortira de la tombe au troisième jour. Comment donc l’apôtre pense-t-il non seulement que la résurrection est selon les Écritures mais en particulier que sa résurrection le troisième jour l’est ?

Dans cet article, je vous proposerai d’examiner quelques textes habituellement suggérés pour répondre à cette question et quelques autres propositions un peu plus audacieuses et de considérer ce que cela nous enseigne sur la résurrection du Christ.

Le signe de Jonas

Cette typologie est probablement la plus simple et la plus incontestable, puisque le Christ lui-même nous l’indique :

Il leur répondit : Une génération méchante et adultère demande un miracle ; il ne lui sera donné d’autre miracle que celui du prophète Jonas. Car, de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d’un grand poisson, de même le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre.

Matthieu 12,39-40.

Le prophète Jonas, comme on le sait, a passé trois jours et trois nuits dans le ventre d’un poisson. Ce faisant, il fut englouti dans les profondeurs de la terre et de la mer, un vocabulaire associé à la mort dans les Psaumes (Psaumes 42, 69, 130) mais aussi dans la prière de Jonas elle-même, qui d’ailleurs n’est presque composée que de paraphrases tirées du Psautier. Jonas, en effet, est tantôt décrit comme étant dans le ventre du poisson, le séjour des morts, l’abîme, le cœur de la mer, la fosse, à la racine des montagnes. Mais il garde espoir de revoir le saint temple de Dieu.

L’association entre trois jours dans le ventre du poisson et trois jours de mort n’est donc pas une spiritualisation arbitraire des auteurs du Nouveau Testament mais bien quelque chose qui est déjà indiqué dans l’Ancien Testament.

Or, Jonas n’est pas resté dans cette antre mortelle mais le poisson a dû le recracher sur l’ordre du Seigneur. Si son engloutissement était analogique à une mort, il s’ensuit que sa libération est une résurrection, le troisième jour.

Le troisième jour, il nous relèvera

Depuis au moins saint Augustin, un texte de l’Ancien Testament a été identifié par les chrétiens comme prophétisant une résurrection le troisième jour :

Venez, retournons à l’Éternel ! Car il a déchiré, mais il nous guérira ; il a frappé, mais il bandera nos plaies. Il nous rendra la vie dans deux jours ; le troisième jour il nous relèvera, et nous vivrons devant lui. Connaissons, cherchons à connaître l’Éternel ; sa venue est aussi certaine que celle de l’aurore. Il viendra pour nous comme la pluie, comme la pluie du printemps qui arrose la terre.

Osée 6,1-3.

Dans la section du prophète en question, Israël fait l’objet d’une condamnation de la part de l’Éternel. Puis, dans la section citée, le peuple répond par la repentance ou, ce qui est peut-être plus probable, l’Éternel énonce ce que le peuple devrait dire. Le peuple est atteint de maladie, et cela ne doit pas être artificiellement opposé à la notion de mort : la maladie est un prélude à la mort et la guérison est comprise comme une résurrection1. Dieu est présenté dans cette section comme celui qui donne la vie, la pluie qui féconde la terre. Joshua Moon fait remarquer que le prophète évoque toute une tradition scripturaire de délivrances qui ont lieu le troisième jour2. Ce commentateur mentionne encore une pléthore de textes issus de la tradition juive qui considèrent le troisième jour comme celui de la délivrance.

La résurrection d’Isaac

L’histoire du sacrifice d’Isaac est couramment associée au sacrifice du Christ : un fils unique et bien aimé sacrifié sur une montagne… Néanmoins, il ne s’agit pas de la seule allusion à l’œuvre du Christ dans ce récit. En effet, en échappant de justesse à la mort, Isaac connait en quelque sorte une résurrection. Et c’est bien alors qu’il traite de résurrection que l’auteur de l’épître aux Hébreux nous dit :

[Abraham] pensait que Dieu est puissant, même pour ressusciter les morts ; aussi le recouvra-t-il par une sorte de résurrection.

Hébreux 11,19.

Il y a un type en ce que Isaac fut rendu à son père. Or, lorsque l’on prête attention au chapitre de la Genèse où cette histoire apparait, la seule indication temporelle que nous avons est que cet évènement eut lieu au troisième jour :

Abraham se leva de bon matin, sella son âne, et prit avec lui deux serviteurs et son fils Isaac. Il fendit du bois pour l’holocauste, et partit pour aller au lieu que Dieu lui avait dit. Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit le lieu de loin. 

Genèse 22, 3-4.

Un roi en larmes

Ô Éternel ! souviens-toi que j’ai marché devant ta face avec fidélité et intégrité de cœur, et que j’ai fait ce qui est bien à tes yeux ! Et Ézéchias répandit d’abondantes larmes.

Ésaïe, qui était sorti, n’était pas encore dans la cour du milieu, lorsque la parole de l’Éternel lui fut adressée en ces termes: Retourne, et dis à Ézéchias, chef de mon peuple : Ainsi parle l’Éternel, le Dieu de David, ton père : J’ai entendu ta prière, j’ai vu tes larmes. Voici, je te guérirai ; le troisième jour, tu monteras à la maison de l’Éternel.

2 Rois 20,3-5.

Dans ce récit, il est question d’un roi d’Israël dont les actes d’obéissance viennent d’être détaillés dans les chapitres précédents. Promis à une mort prochaine, il adresse à Dieu des supplications avec larmes pour être délivré de la mort en invoquant sa piété. Dieu le délivre miraculeusement, lui accordant un signe miraculeux et lui promet qu’il montera à la maison de Dieu le troisième jour.

Or, à propos de la résurrection du Christ, l’épître aux Hébreux nous dit :

C’est lui qui, dans les jours de sa chair, a présenté avec de grands cris et avec larmes des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et il a été exaucé à cause de sa piété.

Hébreux 5,7.

Un autre roi couronné d’épines a supplié Dieu avec larmes d’être délivré de la mort. Il a été exaucé à cause de sa piété, a été délivré miraculeusement par le signe ultime de la résurrection d’entre les morts et est monté au troisième jour dans la maison de Dieu, son temple céleste.

Selon son espèce

Si l’on demeure dans le chapitre où Paul mentionne cette résurrection au troisième jour, un autre élément intéressant apparait. Paul, en effet, vise plus loin à répondre à des questions sur la résurrection et notamment sur la nature des corps ressuscités. Ce faisant, il emprunte son imagerie à l’horticulture et dit que tout comme il y des plantes différentes, de même il y a des corps différents. Il joue sur l’imagerie de mort-résurrection que comporte la graine mourant en terre pour « ressusciter » en un corps plus glorieux qu’est la plante. Tout au long du chapitre, il parle du corps mourant comme étant « semé » en terre. À chaque semence il donne un corps qui lui est propre.

Cette section ne peut manquer d’évoquer la Genèse qui nous parle de la création des plantes, contenant chacune leur semence selon leur espèce, c’est-à-dire « qui lui est propre ». Ces plantes sont créées le troisième jour. Michael Reeves dit en commentant 1 Corinthiens 15 :

Je pense qu’il y a là un point important. Vous voyez, ces plantes du troisième jour sont les prémices de la création du troisième jour. Mais qu’est-ce qui se passe vraiment ici ? Elles se reproduisent, chacune selon son espèce. Mais comment se reproduisent-elles selon leur espèce ? Quelle est la chose qui se répète vraiment ? La semence ! Ils ont des fruits dans lesquels se trouve leur semence. La semence, qui est la génération suivante, est contenue en eux. Et là où le fruit pousse, la semence pousse. C’est ainsi, dit Paul, qu’il en est d’Adam et du Christ. Ils sont les prémices de deux cultures très différentes.

La restauration de l’échanson

Joseph, fils de Jacob, interpréta plus d’un rêve dans le livre de la Genèse. Alors qu’il était en prison, il rencontre deux serviteurs du Pharaon, un panetier et un échanson. L’échanson, après cette mort que fut son séjour en prison, est rétabli dans sa fonction à l’occasion d’une fête royale :

Le troisième jour, jour de la naissance de Pharaon, il fit un festin à tous ses serviteurs ; et il éleva la tête du chef des échansons et la tête du chef des panetiers, au milieu de ses serviteurs : il rétablit le chef des échansons dans sa charge d’échanson, pour qu’il mît la coupe dans la main de Pharaon.

Genèse 40,20-21.

La délivrance, pour l’échanson, vint au troisième jour.

Sauvés du massacre

Mais l’échanson n’est pas le seul à connaître la délivrance au troisième jour. Au temps de la reine Esther, en effet, les Juifs furent promis à un grand péril, étant destinés au massacre par la jalousie de leurs opposants. Dans un retournement de situation, la reine Esther obtient la faveur du roi et parvient à libérer son peuple, une demande qu’elle formule ainsi : accorde-moi la vie. (Est 7,3)

Or, voici quel est le moment que la reine choisit pour paraître devant le roi :

Le troisième jour, Esther mit ses vêtements royaux et se présenta dans la cour intérieure de la maison du roi, devant la maison du roi. Le roi était assis sur son trône royal dans la maison royale, en face de l’entrée de la maison. Lorsque le roi vit la reine Esther debout dans la cour, elle trouva grâce à ses yeux ; et le roi tendit à Esther le sceptre d’or qu’il tenait à la main. Esther s’approcha, et toucha le bout du sceptre. Le roi lui dit : Qu’as-tu, reine Esther, et que demandes-tu ? Quand ce serait la moitié du royaume, elle te serait donnée.

Esther 5,1-3.

La délivrance, pour les Juifs, vint au troisième jour.

La montagne fumante

Le principal modèle de délivrance dans l’Ancien Testament est l’Exode. Le peuple traverse les eaux, symbole de mort, et en sort victorieux sur ses ennemis. Il peut alors faire la rencontre de son Dieu, finalité de cette délivrance :

Et l’Éternel dit à Moïse : Va vers le peuple ; sanctifie-les aujourd’hui et demain, qu’ils lavent leurs vêtements. Qu’ils soient prêts pour le troisième jour ; car le troisième jour l’Éternel descendra, aux yeux de tout le peuple, sur la montagne de Sinaï.

Exode 19,10-11.

L’apparition de Dieu à son peuple après l’accomplissement de leur délivrance eut lieu un troisième jour.

La grande délivrance

En bref, ces diverses typologies ne nous apprennent pas que Jésus est ressuscité un troisième jour. Et, en effet, les typologies fonctionnent rarement de telle sorte qu’elles fonderaient un article de foi. En revanche, elles viennent lui donner sa texture, manifester sa profondeur, le faire résonner dans toute l’Écriture canonique, nous faire contempler ses reliefs.

La résurrection du Christ au troisième jour, c’est la délivrance de son peuple dans un retournement inespéré de situation plus digne d’être fêté que Pourim ; c’est notre restauration pour être au service d’un roi plus puissant que le Pharaon ; c’est une œuvre du Christ comme prophète, en tant que nouveau Jonas qui annonce la paix aux nations ; c’est une œuvre du Christ comme roi, en tant que nouvel Ezéchias, le roi véritablement pieux dont la piété fonde nos prières ; c’est une œuvre du Christ comme prêtre, en tant que sacrifice du fils d’Abraham, plus parfait que celui qu’Isaac aurait pu être ; c’est les prémices d’une nouvelle création, plus glorieuse que la première ; c’est la rencontre entre Dieu et son peuple, après la mort de leurs ennemis. Oui, au troisième jour, il nous a relevés.

Il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures.


Illustration : Eugène Burnand, Les disciples Pierre et Jean courant au tombeau le matin de la résurrection, huile sur toile, 1898 (Paris, musée d’Orsay).

  1. Je remercie Alastair Roberts pour cette remarque.[]
  2. Moon, Joshua N., Hosea, IVP Academic, 2018, vol. 21.[]

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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