Porter sa croix – Gilles Georgel
20 mai 2019

Article de Gilles Georgel, mon père.


Nous venons, il y a peu, de célébrer Pâques qui nous rappelle le fait le plus extraordinaire de l’histoire de l’humanité et l’acte le plus élevé, le plus grand qui soit prêté à la Divinité. Ce fait est celui de la mort suivie de la résurrection de Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme. Dès le début de l’Evangile, nous avons par Jean-Baptiste, le prophète, l’explication de la raison de cet acte.  » Jésus, a dit Jean, est l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde » (Jean 1,29).  Jésus est le sacrifice auquel Dieu a pourvu pour que la faute, les péchés de l’humanité entière soient ôtés, enlevés, expiés. Jusqu’à ce que Jésus vienne, vous le savez, les Juifs devaient eux-mêmes pourvoir à la victime innocente qui se chargerait de leurs fautes. Mais ce temps est désormais révolu. Les sacrifices nombreux du passé ne pouvaient jamais assurer un salut complet, puisque, sans cesse, il fallait les renouveler. Mais, parce qu’Il est éternel, le Fils de Dieu, par Son sacrifice, nous assure un pardon, une justice définitive et gratuite. C’est là le fondement, le cœur du message de l’Evangile.

A Pâques, nous nous sommes intéressés à la mort de Jésus sur la croix. C’est là ce qu’il a de plus important pour notre foi. Aujourd’hui, nous allons nous intéresser au seul personnage qui a partagé avec Jésus le fardeau de porter la croix avec Lui dans les rues de Jérusalem jusqu’à ce qu’ils arrivent ensemble sur le mont Golgotha où Jésus sera crucifié. Voyons ce que nous pouvons apprendre de Simon de Cyrène en tant que disciple de Jésus.

SIMON DE CYRENE : LUC 23,26

Simon de Cyrène, une ville de Libye, est le premier personnage que nous rencontrons sur le chemin qui conduit Jésus au lieu de son supplice. Ce Simon, qui venait de la campagne, ne savait absolument rien de ce qui se passait à ce moment-là en ville, à Jérusalem. Venu pour on ne sait quel but, peut-être faire des courses, il fut choisi par hasard par les soldats romains pour porter la partie arrière de la croix de Jésus. Jésus était devant Simon, portant la partie la plus lourde de la croix et Simon le suivait, portant la partie la plus légère de la croix.

Simon ne connaissait sans doute pas Jésus, mais le voilà contre son gré mêlé à Son histoire, témoin en première ligne de ce qui se passe. Qu’a ressenti Simon ? Quel impact a eu cet évènement dans sa vie ? Nous ne pouvons le dire avec certitude. Ce que l’on sait de certain est que Marc note à l’intention de ses lecteurs que Simon était le père de deux garçons, Alexandre et Rufus, qui étaient connus de la première communauté chrétienne : Marc 15,21. Ce qui laisse à penser que, suite à ce que Simon a vécu, la foi en Jésus est entrée dans le foyer de Simon de Cyrène. 

Quoi qu’il en soit, la principale leçon que Simon nous apprend ici est que l’on ne peut pas suivre Jésus sans partager avec Jésus le fait de porter Sa croix. Comme je l’ai dit, Jésus est celui qui porte la partie la plus lourde de la croix, mais Simon dut aussi connaître le poids qu’avait la croix de Jésus. Si pour Simon, ce fait était nouveau, il ne devait pas l’être pour les disciples. Lorsqu’Il était avec eux, Jésus les a prévenus qu’Il était impossible pour eux de Le suivre sans porter la croix :

« Alors Jésus dit à ses disciples : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive : Matthieu 16,24. »

Qu’est-ce que Jésus voulait dire par là ? Que signifie se charger de sa croix ?

PORTER LA CROIX DE JESUS

Être mis au rang des condamnés

Au temps de Jésus, la croix était un instrument de condamnation. On voit plus tard qu’au moment où Jésus a été crucifié, deux brigands seront crucifiés avec Lui, l’un à Sa droite, l’autre à Sa gauche. Le 1ersens littéral que l’expression « porter sa croix » signifie consiste dans le fait d’accepter d’être mis au rang des condamnés de la société. Dans le cas de Jésus, nous le savons, la condamnation dont on l’a chargé n’était pas légitime. Elle était injuste. C’est ce que reconnaîtra l’un des brigands crucifiés avec Jésus :

 » Pour nous, dira-t-il à l’autre brigand qui insultait Jésus, c’est justice, car nous recevons ce qu’ont mérité nos actes. Mais celui-ci n’a rien fait de mal  » (Luc 23,41)

Se charger de sa croix signifie d’abord accepter le fait d’être injustement condamné, persécuté ou mis de côté par les autres parce que l’on croit en Jésus. Alors que Simon portait la croix avec Jésus, il était au premier rang pour entendre toutes les moqueries, les insultes que l’on adressait à Jésus. Simon a dû se demander ce que cet homme qui était devant lui avait dû faire pour susciter autant de haine. Il se peut même qu’ici ou là, parce qu’il était le compagnon de Jésus à cet instant, lui-même fut insulté.

Alors que nous avons la liberté de nous réunir aujourd’hui, il faut savoir que ce n’était pas le cas dans les premiers siècles de l’histoire des chrétiens. Les chrétiens étaient pourchassés, mis à mort, et certains furent crucifiés comme Jésus pour leur foi. Aujourd’hui encore, on estime qu’un chrétien sur 9 est persécuté à cause de sa foi. En tant que chrétien, nous devons toujours nous souvenir que, même si la moquerie, le rejet, les insultes nous sont adressées, en vérité, c’est contre Jésus Lui-même qu’ils sont tournés. C’est ce que Jésus rappellera à Saul de Tarse qui persécutait les chrétiens.

 » Saul, Saul, pourquoi Me persécutes-tu ? lui demandera Jésus quand Il se révèlera à Lui  » (Actes 9,4.)

Suis-je prêt, comme Simon de Cyrène, à partager la croix de Jésus ? Suis-je prêt à ce que l’on se moque de moi, ou que l’on me méprise, parce que je dis que je crois en Jésus comme mon Sauveur ? Avoir honte ou ne pas avoir honte de Jésus dans ce monde n’est pas sans conséquence pour l’avenir. Voici ce que Jésus a dit :

« Car quiconque aura honte de moi et de mes paroles, le Fils de l’homme aura honte de lui, quand il viendra dans sa gloire, et dans celle du Père et des saints anges » (Luc 9,26)

« C’est pourquoi, quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux » (Matthieu 10,32)

Croire en Jésus, Le suivre, ne peut rester inaperçu. Où l’on est avec Jésus, où l’on est contre Lui. Où l’on croit en Lui pour le salut de notre âme, où on Le renie. Que Dieu nous donne la force d’être des personnes qui suivent Jésus sur le chemin de la croix.

Accepter la souffrance 

La 2èmesignification que peut avoir le fait de porter la croix avec Jésus est d’accepter, en tant que disciple de Jésus, les souffrances qui nous sont imposées par Dieu en vue de Son projet pour nous ou pour le salut des autres. Même si Jésus savait dès le début quelle serait Sa fin (Il en a souvent parlé à Ses disciples), ce n’est pas d’abord Jésus qui a choisi la croix. C’est Dieu le Père et ce sont les hommes qui ont été les instruments de Sa volonté.

A plusieurs reprises dans le Nouveau Testament, nous voyons le principe qui a conduit Jésus à porter la croix s’appliquer à Ses disciples. Alors que Pierre s’interroge sur ce qu’il va devenir après la résurrection du Seigneur, voici ce que Jésus lui dit :

 » Vraiment, je te l’assure : quand tu étais plus jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu étendras les bras, un autre nouera ta ceinture et te mènera là où tu n’aimerais pas aller » (Jean 21,18)

Autrement dit : quand tu étais jeune, tu étais libre de tes mouvements. Tu pouvais décider de la direction que tu donnais à ta vie, des lieux où tu pouvais aller. Quand tu seras vieux, ce ne sera plus le cas. On t’imposera des choses dures sans te demander ton avis. Ce sera ta croix pour me suivre.

De même, l’apôtre Paul, qui était un serviteur de Dieu exceptionnel, a dû accepter de vivre bien des choses désagréables contre son gré. Il nous en fait une liste dans ses lettres. Paul a été de nombreuses fois en prison, il a été battu, il s’est trouvé en danger de mort de toutes sortes de façons. Il a été de plus frappé par un mal mystérieux dans son corps. Il a prié à ce sujet trois fois pour que Dieu le guérisse, mais en vain ! Tout cela représente la croix que Paul a dû partager avec Jésus.

Nous ne devons donc pas nous étonner donc, si en tant que chrétien, nous sommes soumis à des maux ou des souffrances que nous n’aurions jamais choisies. Elles sont la part de la croix que nous devons porter avec Jésus dans ce monde.

Comme Jésus a souffert dans Son être entier en vue du salut du monde, ceux qui Le suivent, sans jamais souffrir autant que Lui, vont aussi connaître dans une certaine mesure la souffrance qu’Il a connu dans leur corps et dans leur âme. Dès le début de la vocation de Paul, Jésus n’a pas cherché à cacher à l’apôtre Paul ce qu’il allait endurer. Alors que celui-ci était aveugle, suite à la vision qu’Il avait reçu de Jésus, Ananias, un disciple de Jésus, est envoyé vers lui pour lui dire :

« Va, car cet homme est un instrument que j’ai choisi, pour porter mon nom devant les nations, devant les rois, et devant les fils d’Israël ; et je lui montrerai tout ce qu’il doit souffrir pour mon nom »  (Actes 9,15-16)

C’est pourquoi Paul écrira dans ses lettres queles souffrances du Christ abondent dans sa vie : 2 Corinthiens 1,5et que s’il souffre, c’est pour achever ce qui manque aux souffrances du Christ pour la formation de Son corps, qui est l’Eglise : Colossiens 1,24.

Comprenons que ce qui touche à notre vie dépasse largement le cadre de celle-ci ! En tant que chrétien, nous faisons partie d’un vaste plan divin de sauvetage du monde. Le but de Dieu n’est pas d’abord que nous réussissions notre vie ici-bas selon les critères de ce monde. Il est que nous portions avec Christ la croix, parce que ce n’est que si le grain de blé tombe en terre et meurt qu’il peut porter du fruit : Jean 12,24.

Vivre dans la perspective de la croix

Alors que Simon de Cyrène portait la partie arrière de la croix de Jésus, il n’avait pour horizon que celle-ci. Il portait la croix derrière Jésus et aligné à Jésus. Sans qu’il l’ait choisi, Simon était un avec Jésus, marchant au même pas que Jésus, attendant qu’Il se relève s’Il chutait, recevant avec Lui toutes les injures qui pleuvaient sur Lui. Simon apprit ainsi à vivre dans la perspective de la croix.

Si Jésus a beaucoup perdu de Sa gloire en quittant la Divinité pour revêtir l’humanité, on ne se trompera pas en disant que la croix fut pour lui le sommet de Son dépouillement. Ici, Jésus perd plus que Son aspect divin. Il perd même Sa dignité humaine. Il est mis au rang des criminels. Il perd toute justice.

Nous devons nous rappeler pour nous aussi que le premier but des épreuves et des souffrances qui nous sont imposées est le même : le dépouillement de ce que nous sommes. Quelle est la signification la plus profonde de la croix pour nous ? Je laisse Georges Steinberger, un homme de Dieu du 19èmesiècle y répondre : « La signification la plus profonde de la croix est la délivrance de nous-mêmes. Nous sommes vraiment sauvés que lorsque nous sommes sauvés de nous-mêmes. »

Nous pouvons essayer de chercher des explications humaines ou de trouver des solutions humaines pour alléger nos fardeaux. Mais rappelons-nous que le premier but de Dieu est de faire de nous de nouvelles créatures qui ne vivent plus par leur propre force, mais par celle du Christ en eux. C’est dans ce but que Dieu veut que nous apprenions, comme Simon de Cyrène, à vivre dans la perspective de la croix !

LA GLOIRE DE PORTER LA CROIX

L’acceptation

Simon de Cyrène, lorsqu’on lui a imposé de porter la croix de Jésus, aurait pu se rebiffer et dire : « Qu’ai-je à faire avec ce condamné ? Ses affaires ne me regardent pas ! »Ce ne fut pas là son attitude. Nous ne lisons rien de sa part d’une réaction d’irritation ou de colère. Simon s’est soumis, plié à ce qu’on lui imposait. En le faisant, non seulement il obéissait aux hommes, mais à Dieu.

Nous devons savoir que le plus grand combat qu’il nous faille livrer contre les épreuves désagréables qui nous sont imposées par Dieu est celui de l’acceptation. Tant que nous nous rebiffons, nous souffrons. Ce n’est que lorsque nous acceptons que la volonté de Dieu pour nous passe par là que nous nous trouvons en communion avec Jésus qui est devant nous. Simon de Cyrène n’a pas choisi de lui-même de porter la croix de Jésus. Certainement cela ne lui fut pas agréable sur le moment. Mais le revers de cela fut que, pour tous les siècles, son nom fut associé à celui de Jésus. Simon a reçu la gloire de partager les souffrances de Jésus, et nous pouvons croire qu’Il partagera aussi avec Jésus la gloire de Sa résurrection.

Nous noterons aussi ici que si Simon a fait un bout de chemin avec Jésus pour porter Sa croix, à un certain moment, il a été délesté, débarrassé de la croix. Jésus seul a dû finir le parcours, aller jusqu’au bout, avoir les pieds et les mains percés et être abandonné de Dieu pour subir la sanction de nos péchés.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, la partie de la croix que nous partageons avec Jésus est la plus légère. Nous connaîtrons tous des afflictions dans le monde, mais, en comparaison de celles qu’a connues Jésus, Paul parle d’elles comme des afflictions légères.

La glorification

Il promet cependant que nos légères afflictions produiront pour nous au-delà de toute mesure un poids éternel de gloire : 2 Corinthiens 4,17. La Bible dit que si nous souffrons avec Lui, nous serons aussi glorifiés avec Lui : Romains 8,17. Que Dieu nous aide à voir au-delà des souffrances et des afflictions présentes la gloire que Jésus nous prépare dans les cieux avec Lui !

CONCLUSION

Que signifie porter la croix de Jésus ? Au moins trois choses :

  • Consentir à être injustement traité dans ce monde à cause de la foi en Jésus que nous affichons
  • Accepter les souffrances que Dieu nous impose afin de nous faire participer à Son plan de sauvetage du monde
  • Vivre quotidiennement dans la perspective du dépouillement de soi pour ressusciter en Christ.

Rappelons-nous enfin que si nous souffrons avec Christ, nous serons aussi glorifiés avec Lui !

« Qu’eût été Jésus sans la croix ? Ne lâche donc pas la tienne ! Retiens-la fermement, car le Seigneur reconnaît Ses disciples à ce qu’ils portent leur croix. N’essaye pas non plus de l’amoindrir, car tu ne ferais qu’amoindrir la gloire qui t’es réservée. Ne prétends pas la choisir ; prends plutôt celle que le Seigneur t’a préparée. Ne la porte pas triomphalement devant toi comme un héros ; ne la traîne pas non plus péniblement derrière toi comme quelqu’un qui est à bout de forces et de courage. Porte-la avec patience sur l’épaule, en sorte que Dieu en voie la plus grande part et les hommes la moindre. Ne t’irrite donc point contre ta croix ! Elle est la conséquence de ta fidélité, comme Jésus le dit pour lui-même et pour les Siens ! » 

(Georges Steinberger)

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *