Du besoin vital de l’adoration pour l’âme
4 octobre 2020

Comme beaucoup d’assemblées parisiennes, notre Église n’a pas le privilège de posséder son propre bâtiment pour ses réunions publiques et doit donc en louer un. Mais si l’Éternel nous fait cette grâce un jour, c’est ce verset, dont nous devrions nous souvenir à chaque fois que nous franchissons les portes de l’église, que je proposerais aux anciens pour en orner le fronton :

Prends garde à ton pied, lorsque tu entres dans la maison de Dieu ; approche-toi pour écouter, plutôt que pour offrir le sacrifice des insensés, car ils ne savent pas qu’ils font mal. 

Ecclésiaste 5:1

Il y a pour nous dans ce verset un rappel important, à l’occasion de ce dimanche : c’est Dieu qui est au centre de nos cultes. Il en est le sujet central. Les chrétiens se réunissent dans un même lieu pour adorer Dieu premièrement. Nous ne venons pas premièrement pour recevoir quelque chose de la part de Dieu, pour passer un moment qui nous fasse du bien, pour être bénis ou encore pour nous faire valoir à travers nos dons, dont il est lui-même le dispensateur. Mais plutôt, nous venons premièrement pour offrir notre être entier en sacrifice vivant à Dieu, pour le servir, pour proclamer sa gloire et pour l’honorer.

Mais dans le même temps, nous faisons tout cela en reconnaissant que Dieu n’a besoin de rien et que nous avons besoin de tout, qu’il ne dépend en rien de nous, mais que nous dépendons de lui pour absolument tout. La gloire de l’être de Dieu mérite toute notre adoration, elle la nécessite intrinsèquement, mais Dieu resterait tout aussi glorieux et en rien diminué si nous n’étions pas là pour l’adorer ce matin. La magnificence de Dieu exige toute notre adoration, mais Dieu n’en a pas besoin. Cela est évident même pour Euripide, le poète tragique grec, et pour Platon1, qui disent sur l’aséité (ou auto-suffisance) de Dieu, la chose suivante :

Quel temple, bâti de main d’homme, pourra contenir la Divinité dans son enceinte de pierre2?

(fragment)

Dieu n’a pas besoin de ces oblations, puisqu’il est le roi de l’univers. Chimères et inventions des poètes, que tout cela3.

Hercule furieux, vv. 1345-1346.

Car Dieu, n’a point créé le monde pour en tirer quelque profit, ni pour recueillir les hommages des hommes, des dieux et des génies, sorte d’impôt qu’il lèverait sur tout ce qu’il appelle à la naissance ; tribut de fumée de la part des mortels, d’honneurs et de services de la part des dieux et des génies4.

(fragment attribué à Platon)

Nous, en revanche, ses créatures, nous avons besoin de l’adorer, car nous avons été créés pour cela. La bonne santé de notre âme dépend de l’adoration que nous rendons à notre créateur. Tout comme notre corps a besoin de nourriture pour vivre, de même l’adoration n’est pas un luxe pour l’âme, mais un besoin vital, plus essentiel encore que la nourriture physique. Car ce n’est pas du corps, voué à retourner à la poussière pour un temps, que dépend notre destin éternel, mais bien de notre âme5. Si notre destin éternel est conditionné par la santé spirituelle de notre âme, et que c’est par l’adoration authentique de son créateur qu’elle est renouvelée, il s’ensuit que notre destin éternel est directement lié au fait que nous rendions à Dieu l’adoration qui lui est due.

Donc si nous nous rendons dans la maison de Dieu premièrement pour le servir et pour l’adorer, nous venons aussi car nous reconnaissons par la même occasion que nous avons un besoin vital qui ne peut être comblé qu’à travers l’adoration que nous rendons à notre créateur. C’est pourquoi nous venons à la fois pour tout offrir à Dieu et pour tout recevoir de lui, et c’est cette disposition de cœur qui mène toute l’assemblée vers une adoration qui non seulement honore Dieu, mais qui bénit également ses membres en vue de l’éternité.

Celui qui franchit les portes de l’église pour donner sans recevoir pense que Dieu dépend de lui, et celui qui vient pour recevoir sans donner pense que Dieu lui doit quelque chose. Le véritable adorateur, lui, donne tout ce qu’il possède à un Dieu qui le mérite, mais qui n’en a pas besoin, et reçoit tout ce qu’il n’a pas d’un Dieu qui possède tout et qui le donne gracieusement avec générosité. Ce sont là les adorateurs que notre Père qui est aux cieux mérite.

Alors en ce jour du Seigneur posons-nous les questions suivantes : Pourquoi allons-nous adorer Dieu ? Qui est au centre de ce culte pour nous ? Est-ce nous et nos désirs, que Dieu devrait accomplir ? Est-ce nous et nos actions, nos paroles, dont Dieu aurait besoin afin de bien commencer sa semaine ? Ou bien est-ce le Christ, notre sauveur et seigneur, qui règne sur toute domination et qui a reçu le monde en héritage comme récompense de ses œuvres de justice ? Celui à qui rien de ce que vous direz ou ferez n’ajoutera ou n’enlèvera une once de gloire, mais aussi celui qui vous fera parvenir à la gloire éternelle.

Prenons garde à notre pied en entrant dans la maison de Dieu, car il est un Dieu grand, terrible et trois fois saint. C’est une juste conception de la nature divine qui nous protègera d’offrir à Dieu « le sacrifice des insensés », celui qui consiste à s’approcher de Dieu et à s’adresser à lui sans la révérence qui lui est due, et sans prendre la peine d’écouter sa voix en premier lieu. Prenons garde à une telle attitude qui s’oppose au fait de « s’approcher pour écouter ». Approchons-nous plutôt de Dieu pour écouter sa Parole, pour recevoir sa grâce à travers le culte, afin de pouvoir lui rendre en retour une adoration digne de sa personne. Venons honorer et glorifier ce Dieu majestueux dont nous dépendons entièrement pour notre vie et notre salut.

Prière

Éternel, alors que nous nous apprêtons à franchir tous ensemble le seuil de ta maison, nous t’attendons, notre Père, pour qu’à travers l’adoration que nous te rendons au nom de notre sauveur et avocat Jésus-Christ, nous puissions recevoir de toi toute la grâce que tu nous as promis à travers ton alliance scellée en son sang, cette grâce dont nous avons absolument besoin pour grandir en tant qu’enfant du Dieu vivant. Puisses-tu ramener ceux qui sont éloignés, fortifier ceux qui sont affaiblis, humilier ceux qui sont fiers, encourager ceux qui sont lassés, restaurer ceux qui sont accablés.

Reçois l’adoration que ton peuple réuni élève vers toi au nom de Jésus-Christ comme un parfum de bonne odeur. Adoucis et embrase nos cœurs d’affection pour toi, Dieu fidèle. Loué sois-tu pour la grâce que tu nous as manifesté, loué sois-tu pour le peuple d’adorateurs que tu t’es formé et parmi lequel nous nous réjouissons de nous trouver en ce jour.

Au Dieu trinitaire unique et trois fois saint soit notre louange pour sa gloire infinie.

Amen.

Illustration de couverture : Anonyme, La récolte de la manne, 1510-1520, peinture sur huile, 113.5×82,5 cm.


  1. Ces trois citations sont empruntées à Clément d’Alexandrie, Stromates, V, XI ; la citation attribuée à Platon doit provenir d’une œuvre perdue du philosophe.[]
  2. Ποῖος δ´ ἂν οἶκος τεκτόνων πλασθεὶς ὕπο
    δέμας τὸ θεῖον περιβάλοι τοίχων πτυχαῖς;[]
  3. Δεῖται γὰρ ὁ θεός, εἴπερ ἔστ´ ὀρθῶς θεός,
    οὐδενός· ἀοιδῶν οἵδε δύστηνοι λόγοι.[]
  4. Οὐ γὰρ χρείας ἕνεκεν ὁ θεὸς πεποίηκεν τὸν κόσμον, ἵνα τιμὰς πρός τε ἀνθρώπων καὶ πρὸς θεῶν τῶν ἄλλων καὶ δαιμόνων, φησὶν ὁ Πλάτων, καρποῖτο, οἷον πρόσοδόν τινα ἀπὸ τῆς γενέσεως ἀρνύμενος, παρὰ μὲν ἡμῶν καπνούς, παρὰ δὲ θεῶν καὶ δαιμόνων τὰς οἰκείας λειτουργίας.[]
  5. En Matthieu 4:4, lorsque le Seigneur Jésus cite les mots de l’Éternel (Deutéronome 8:3) pour contrer Satan, il réaffirme et illustre par la même occasion une vérité absolument fondamentale de l’existence humaine : l’âme a besoin de nourriture tout autant que le corps pour vivre, et les nourritures physiques et spirituelles sont toutes deux pourvues par Dieu dans sa grâce.[]

Nathanaël Fis

Nathanaël est ancien en formation à l'Eglise Bonne Nouvelle à Paris. Il est l'heureux époux de Nadia et père de Louis. Il étudie la théologie à Thirdmill Institute ainsi qu'au Birmingham Theological Seminary.

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