Qu’on se le dise : Dieu n’était pas obligé de faire mettre par écrit sa révélation. Il aurait très bien pu employer d’autres moyens pour perpétuer et conserver la connaissance de sa volonté de sauver l’humanité et ainsi empêcher la vérité de disparaître complètement. S’il lui avait plu de confier la préservation et transmission de sa révélation dans l’histoire de la rédemption aux capacités innées des hommes, cette révélation aurait pu, d’une manière ou d’une autre, être préservée et propagée par la bonne providence de Dieu. Il est néanmoins très clair qu’étant donné ce que sont devenus les hommes après la chute, il n’y avait pas de moyen plus sûr de fixer la révélation spéciale que par une mise à l’écrit, une inscripturation.
Dieu aurait pu décider de s’en remettre à une tradition orale. Il aurait pu décider que Moïse confie à Josué ce qu’il avait reçu de Dieu, et Josué à Caleb et ainsi de suite… Jésus aurait pu décider de confier son enseignement oralement à Pierre, pour que celui-ci le confie à Lin, pour que celui-ci le confie à Anaclet, pour que celui-ci le confie à Clément, pour que celui-ci le confie à Évariste (la liste des cinq premiers successeurs présumés de Pierre comme évêque de Rome suivant une tradition ancienne). Que serait-il arrivé dans ce cas — si tout ce qu’il y avait eu était une tradition orale ? Très certainement ceci : une accumulation de faussetés serait venue s’agréger à l’enseignement des prophètes et des apôtres, telle une boule de neige qui grossit au fur et à mesure qu’elle descend la pente.
Dans les conditions présentes de l’humanité, et en mettant de côté l’hypothèse d’une transmission orale miraculeusement fidèle à l’enseignement original, il y avait, non pas une nécessité, mais une convenance à ce que Dieu mît sa révélation par écrit. Ainsi l’Église chrétienne pouvait-elle avoir en sa possession la parole de Dieu mise par écrit : une parole de Dieu écrite, capable de se dresser à travers tous les âges comme un témoin immuable contre tous les ajouts humains à la vérité divine, et contre sa corruption. L’Écriture, présentée ainsi, apparaît donc d’abord comme le compte-rendu de la révélation divine spéciale. Elle est indiscutablement, sous cet angle, le témoignage à une révélation antécédente : l’Écriture est bel et bien sous cet angle un témoignage à la Parole de Dieu.
Il faut toutefois immédiatement ajouter qu’il s’agit là d’un compte-rendu de la révélation divine spéciale dont Dieu lui-même prend le soin d’être l’auteur, puisque c’est lui qui a fait mettre cette révélation par écrit. Autrement dit, non seulement Dieu communique par révélation spéciale et veut que cette révélation spéciale soit mise par écrit, mais il est lui-même l’auteur et le garant de la fiabilité du témoignage à la révélation divine spéciale que constitue l’Écriture sainte, si bien que ce compte-rendu est lui aussi, in fine, la révélation spéciale de Dieu pour le salut, sous forme de document. Ou comme l’écrit Warfield : « Les Écritures ne sont pas simplement le compte-rendu de la révélation divine, mais elles sont elles-mêmes révélation de Dieu, en vertu du fait que Dieu les a lui-même fait mettre par écrit, c’est-à-dire, en vertu du fait qu’il est leur auteur dans un sens tel qu’elles sont sa parole, et qu’il prononce tout ce qui est écrit en elle. » Les Écritures ne sont donc pas uniquement un témoignage à la révélation divine. Elles sont ce témoignage à la révélation divine tel que Dieu lui-même a voulu qu’il fût consigné.
Vous trouvez ici la finalité de l’inspiration des Écritures : l’inspiration garantit que le témoignage qui est donné à la révélation dans l’Écriture est lui-même divin. L’Écriture est le témoignage de Dieu concernant la révélation spéciale qu’il a donné précédemment. La doctrine de l’inspiration divine assure ainsi au lecteur de ce compte-rendu de la révélation divine que sont les Écritures que ce compte-rendu est lui-même une révélation divine : la parole même de Dieu. Le compte-rendu de la révélation divine est lui-même le produit de l’activité révélatrice divine, si bien que Dieu lui-même peut et doit en être appelé l’auteur. L’inscripturation a donc pour objet la préservation et la propagation du contenu de la révélation spéciale. Et cette inscripturation inspirée de Dieu est ce qui fait que l’Écriture n’est pas seulement le témoignage de ses auteurs humains à la révélation divine, mais également le témoignage de Dieu lui-même vis-à-vis de sa propre révélation.
Même sans l’inspiration biblique, il est fort à parier qu’il y aurait certainement eu une mise à l’écrit, par les hommes de Dieu, de ce dont ils avaient été témoins. L’inspiration vient alors garantir que cette mise par écrit est entièrement digne de confiance, dans ses moindres détails. Elle garantit la préservation de l’exactitude de la vérité sur la révélation spéciale, et met en place les conditions pour que celle-ci soit largement propagée à travers le temps et l’espace. Elle certifie et garantit que le compte-rendu de la révélation divine qui constitue l’Écriture est exactement tel que Dieu veut qu’il soit.
Moise n’aurait-il pas reçu le contenu de la Genèse par tradition oral? Il me semble que des recherches ont prouvé la fidélité de la transmission orale chez les peuples de l’Antiquité.
Bonjour Louis,
Ce que j’écris ici n’invalide pas le fait qu’il y a certainement eu certaines traditions orales transmises d’une génération à la suivante avant leur mise par écrit.
Les traditions orales s’avèrent, dans certaines sociétés, fiable quant au contenu préservé dans la transmission, mais toutefois pas avec une préservation toujours totale. Qui plus est le fait qu’elles soient correctement transmises ne dit rien de leurs véracités foncières.
L’inspiration garantit cette véracité sur le fond de l’enseignement des Écritures.