Prières réformées (27) : prière en cas de jeûne (Charles Drelincourt)
10 janvier 2021

Pour encourager nos lecteurs dans leur dévotion et culte privé et leur faire découvrir la piété réformée, nous publierons régulièrement des prières d’auteurs réformés. Nous poursuivons avec une prière de Charles Drelincourt (1595-1669), tirée de son livre Prières et exhortation au jeûne et à la repentance. Nous remercions Philippe Lacombe de Pensées 365 pour la mise en forme des textes.


Mon Dieu, je suis trop confus pour élever, ô mon Dieu, ma face vers toi, car mes iniquités se sont multipliés au-dessus de ma tête, et ma faute s’est accrue jusqu’aux cieux. J’ai péché contre le ciel et devant toi ; et je ne suis plus digne d’être appelé ton enfant. Et même je ne mérite pas d’être mis au rang de tes esclaves, et de tes plus vils employés. Tu as un très juste sujet de me refuser le pain de ta maison. Non seulement le pain corporel, mais aussi le pain spirituel qui est descendu du ciel, et qui donne la vie au monde.

Je me reconnais indigne de la vie temporelle, et très digne de la mort et de la damnation éternelle. Je ne viens point te présenter ma requête et mes supplications sur mes justices, mais sur tes grandes compassions. Je ne comparais point aujourd’hui devant ta face pour me justifier, mais je me prosterne à tes pieds avec le sac et la cendre, pour émouvoir les entrailles de tes miséricordes et de ta charité, comme un pauvre criminel qui demande grâce à son juge. Et encore, mon Dieu, il faut que je reçoive de ta grâce les dispositions nécessaires pour te demander grâce.

Sanctifie par ton Esprit le jeûne que j’ai à célébrer aujourd’hui. Que ce ne soit pas une simple abstinence de nourriture et de boisson, car il ne différerait en rien du jeûne des bêtes brutes. Que ce ne soit pas un jeûne d’ostentation et d’orgueil, comme celui du pharisien, qui était enivré de sa justice, et tout rempli de la folle opinion de ses mérites. Que ce ne soit pas un jeûne d’hypocrisie, comme celui d’Achab, qui après avoir pris le sac et la cendre, retourna à ses crimes et sa vie infâme.

Je serais abominable à tes yeux qui me regardent jusqu’au fond, si ayant mon estomac vide de nourriture, mon coeur regorgeait de sales convoitises. Si en m’abstenant des créatures que tu as sanctifiées, et dont tu me permets d’user avec actions de grâces, je me plaisais au péché, contre lequel tu foudroies des malédictions éternelles. Je ne ferai qu’accroître ma condamnation et mon supplice, si après avoir affligé mon âme durant cette journée, et courbé ma tête comme le jonc, je montre à l’avenir un cou raide et inflexible à tes remontrances. Si après avoir entendu les oracles de ta vérité et de ta sagesse, je m’adonne au mensonge, et je retourne à mes folies.

Ô Seigneur, je sens bien la dureté de mon coeur, mais je sais bien aussi que quant il te plaît, tu changes les rochers en eau et les cailloux en huile. Frappe-le du bâton de ta bouche, et tu en feras fondre des ruisseaux de larmes. Brise et poudroie ce méchant coeur, afin que je reçoive de toutes parts la liqueur de ta grâce. Fais-en fondre la glace qui y est naturellement. Envoie-nous ton feu céleste, et embrase nos sacrifices.

Qu’en ce jour, auquel nous refusons à nos corps leur nourriture et leur boisson ordinaire, nous soyons d’autant plus affamés du pain spirituel de ta parole, et d’autant plus altérés de tes eaux jaillissantes en vie éternelle.

Chasse de nos esprits toutes les vaines pensées, qui troublent notre dévotion. Éclaire et sanctifie toutes les facultés de nos âmes. Touche tous nos sens d’un respect religieux. Ouvre nos yeux, afin que nous regardions nos péchés et nos crimes, pour les pleurs par repentance ; ta grâce et ta miséricorde, pour l’embrasser par la foi ; ta gloire et ta félicité, pour y aspirer avec zèle. Que notre coeur brûle au dedans de nous, tandis que tu parleras à nous et nous déclareras tes Écritures. Et pendant que tes serviteurs t’offriront le parfum de leurs saintes prières, que nos soupirs et nos gémissements montent jusqu’au trône de ta miséricorde.

Donne-nous, ô grand Dieu ! de célébrer un jeûne tel que tu demandes. Revêts-nous de ton Esprit et remplis-nous de ta vertu céleste. Fais-nous la grâce de délier les liens de nos méchancetés et de nos injustices, et de briser toutes les chaînes de nos iniquités. Que nous apprenions à être sobres et à veiller, d’autant que notre adversaire le Diable tourne autour de nous comme un lion rugissant, cherchant à nous engloutir. Que nous renoncions de bon coeur au monde, à toutes ses vanités, et à toutes ses pompes. Que nous renoncions à nous-mêmes, à nos volontés, et à nos inclinations terrestres. Et que comme étrangers et voyageurs sur la terre, nous nous abstenions des convoitises charnelles qui font la guerre à nos âmes.
Que nous soyons miséricordieux et charitables, comme tu es miséricordieux. Et que nous soyons saints, comme tu es saint. Que notre nourriture et notre principale volupté, soit de faire ta volonté, de regraver dans nos coeurs ton image, et d’achever l’oeuvre que tu nous as donnée à faire.

Ô notre doux et miséricordieux Seigneur ! tu résistes aux orgueilleux, mais tu fais grâce aux humbles. Tu regardes de l’oeil de ta clémence ceux qui ont le coeur froissé, et qui tremblent à ta Parole. Tu es près des coeurs désolés, et tu réjouis les os brisés. Tu rassasies ceux qui ont faim et soif de justice. Et tu ouvres tes entrailles à tous ceux qui avec sincérité te réclament dans leurs douleurs. Fais donc qu’en ce jour d’humiliation, il te plaise nous oindre intérieurement de ton huile de liesse, et nous en faire goûter les joies inénarrables.

Qu’en ce jour de jeûne, nous soyons rassasiés des biens de ta maison, et du saint lieu de ton palais. Afin que par la vertu salutaire de la nourriture et de la boisson spirituelle, qui nous sera administré par les anges de ta grâce, nous cheminions de force en force, et avancions de vertu en vertu, jusqu’à ce que nous parvenions à la montagne de Sion, à la cité du Dieu vivant, à la Jérusalem céleste, où nous n’aurons plus faim, et n’aurons plus soif, et le soleil ne donnera plus sur nous, ni chaleur quelconque, parce que l’Agneau, qui est au milieu du trône, nous paîtra, et nous conduira aux vives fontaines des eaux, et essuiera toute larme de nos yeux. Tu nous abreuveras au fleuve de tes délices. Ta face sera pour nous un rassasiement  de joie. Et nous aurons à ta droite des délices éternelles.

Amen.

Illustration en couverture : Eastman Johnson (1824-1906), Child at prayer, 1873.

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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