Nous vous proposons pour ce dimanche la conclusion d’une brève étude de Joachim Jeremias (théologien luthérien allemand spécialiste du Nouveau Testament, professeur à l’université de Göttingen) sur le Notre Père (Das Vater-Unser im Lichte der neueren Forschung, Stuttgart : Calwer Verlag, 1962 ; traduction française de Dom Marie Mailhé, o.s.b., Paroles de Jésus, Paris : éd. du Cerf, 1969).
Clément d’Alexandrie nous a conservé un mot du Seigneur qui ne figure pas dans les Évangiles : « Demandez les grandes choses et Dieu vous accordera les petites. » Vous priez mal, dit le Seigneur Jésus. Vos prières se meuvent toujours dans la sphère de votre petit « moi », de vos besoins, de vos difficultés, de vos désirs. Demandez les grandes choses : la Gloire et le Règne du Dieu tout-puissant, le don des grandes grâces, pain de vie et miséricorde infinie de Dieu, dès maintenant, dès ici-bas, dès aujourd’hui. Ce n’est pas à dire que vous ne puissiez exposer à Dieu vos pauvres nécessités personnelles. Mais elles ne doivent pas déterminer votre prière. Car c’est votre Père que vous priez. Il sait tout. Il sait, avant qu’ils le lui demandent, de quoi ses enfants ont besoin. Et il ajoute aux grandes grâces ces petits dons. Jésus dit : « Demandez les grandes choses et Dieu vous accordera les petites. » L’oraison dominicale nous apprendre à demander « les grandes choses ».
Voudrait-on tenter de récapituler en une formule brève l’inépuisable mystère des quelques phrases qui composent la prière du Seigneur, l’expression la plus appropriée serait celle qui a si fort occupé, dans les dernières décennies, l’exégèse néo-testamentaire : l’« eschatologie en train de se réaliser » (die « sich realisierende Eschatologie »). Elle signifie l’ère du Salut qui s’actualise, le don anticipé de l’achèvement, l’irruption dans notre vie de l’Aujourd’hui divin. Partout où des hommes osent, au nom de Jésus, prier avec une confiance d’enfants le Père céleste de révéler sa Gloire et de leur accorder dès ici-bas le pain de vie et l’annulation des dettes, là se réalise dès maintenant, au fort du péril permanent de défection et d’apostasie, le Règne souverain de Dieu sur la vie de ses enfants.
Illustration de couverture : Henrik Olrik, Le Sermon sur la montagne (détail), fresque, 1880 (église Saint-Matthieu, Copenhague).
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