Méliton était évêque dans la ville de Sardes, en Asie mineure. Sa liste du canon de l’Ancien Testament est la plus ancienne (on l’estime être datée de 170). Cette liste connut une diffusion large et fut reprise par Eusèbe dans son Histoire ecclésiastique (livre IV, chapitre XXVI). Je reproduis ci-dessous une traduction de cette section de l’Histoire ecclésiastique suivie de quelques brèves remarques.

Voilà ce qui se trouve dans l’ouvrage dont nous avons parlé. Au début des Extraits qu’il a composés, dans l’introduction, le même auteur [Méliton] fait le catalogue des écrits incontestés de l’Ancien Testament. Il est nécessaire de le reproduire ici ; en voici les termes :

« Méliton à Onésime, son frère, salut. Ton zèle pour la doctrine t’a fait souvent désirer d’avoir des extraits de la Loi et des Prophètes concernant le Sauveur et toute notre fo i; tu as souhaité aussi savoir avec précision quels sont les livres saints anciens, quel est leur nombre et l’ordre où ils sont placés. Je me suis appliqué à cette œuvre : je sais ton zèle pour la foi, ton ardeur à connaître la doctrine ; je sais que c’est par amour de Dieu que tu mets cela avant tout le reste, et que tu combats pour le salut éternel. Étant donc allé en Orient, j’ai demeuré là où a été annoncé et accompli ce que contient l’Écriture ; j’ai appris avec exactitude quels sont les livres de l’Ancien Testament ; j’en ai dressé la liste, et je te l’envoie. Voici les noms : cinq livres de Moïse : la Genèse, l’Exode, les Nombres, le Lévitique ; le Deutéronome, Jésus Navé [Josué], les Juges, Ruth, quatre livres des Rois, deux des Paralipomènes, les Psaumes de David, les Proverbes de Salomon ce qui est aussi la Sagesse, l’Ecclésiaste, le Cantique des cantiques, Job ; les livres des prophètes : Isaïe, Jérémie, les douze prophètes en un seul livre, Daniel, Ézéchiel ; Εsdras. De ces écrits j’ai fait des extraits que j’ai divisés en six livres. » Voilà ce qui est de Méliton.

Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, IV, XXVI.

1. Remarquons premièrement que la liste donnée suit le canon hébreu en ce qu’elle ne contient aucun des apocryphes ni aucun des deutérocanoniques des catholiques romains ;
2. Par ailleurs, remarquons quelle fut la démarche de Méliton pour connaître le canon : s’informer en Orient, c’est-à-dire auprès des Juifs (« là où a été annoncé et accompli ce que contient l’Écriture »), de ce que sont les livres de l’Ancien Testament ;
3. Enfin, notons que cette liste omet le livre d’Esther. Il est possible toutefois que ce livre soit inclus sous le nom d’un autre livre. En effet, la Synopsis Scripturae Sacrae, longtemps attribuée à Athanase mais datant plus vraisemblablement du cinquième siècle, rapporte que « certains des anciens ont dit que, parmi les Hébreux, le livre d’Esther est considéré comme canonique et que, tout comme le livre de Ruth est compté avec les Juges, de même celui d’Esther l’est sous un autre livre¹». Méliton, en s’informant auprès des Juifs, a pu apprendre d’eux une liste qui contenait Esther sous un autre livre, amenant le total à vingt-deux selon le nombre des lettres de l’alphabet hébreu.
4. Les 4 livres des Rois font référence à 1 et 2 Samuel et 1 et 2 Rois. Les 2 livres des Paralipomènes font référence aux Chroniques.

Illustration en couverture : Vincent Van Gogh, Bible ouverte, 1885.

1. Texte grec : Τινὲς μέντοι τῶν παλαιῶν εἰρήκασι κανονίζεσθαι παρ’ Ἑβραίοις καὶ τὴν Ἐσθήρ· καὶ τὴν μὲν Ῥοὺθ μετὰ τῶν Κριτῶν ἑνουμένην, εἰς ἓν βιβλίον ἀριθμεῖσθαι· τὴν δὲ Ἐσθὴρ εἰς ἕτερον ἕν· καὶ οὕτω πάλιν εἰς εἴκοσι δύο συμπληροῦσθαι τὸν ἀριθμὸν τῶν κανονιζομένων παρ’ αὐτοῖς βιβλίων.[↩]