Le Dieu vivant – Thomas D'Aquin
20 avril 2019

La dernière fois que nous avons fait un article dans cette série, c’était sur l’omniscience de Dieu, la question 14. Aujourd’hui, nous allons présenter la question 18: la vie en Dieu. Pourquoi est ce que je saute les questions 15, 16, 17? Et bien, parce qu’il s’agit de finasseries métaphysiques qui ont probablement leur intérêt, mais pas vraiment quand on vise un public moderne. Je saute donc volontairement les Idées, la Vérité et la Fausseté, qui vont de pair avec l’omniscience et j’attaque directement l’attribut suivant. Si jamais vous souhaitez déposer une pétition pour demander l’intégralité , vous pouvez toujours le faire dans l’onglet « contact ».

Parlons maintenant de la vie en Dieu, et de la vie tout court, telle que le Scholastique la définit.

Article 1: Qui sont les vivants?

Question simple, réponse simple:

On appellera donc vivants tous les êtres qui se déterminent eux-mêmes à un mouvement ou à une opération quelconque. Ceux qui n’ont pas la capacité naturelle de se porter d’eux-mêmes à quelque mouvement ou opération ne seront dits vivants que par métaphore. – Ia, Q18, a1

Article 2: Qu’est ce que la vie?

Il y a une définition de la vie comme une opération: est vivant ce qui accomplit une activité vivante: respirer, penser, sentir etc… C’est la définition que j’ai apprise sans le faire exprès dans mes cours de biologie. La vie c’est l’œuvre d’un corps qui pense, bouge, agit, sent etc…

Et par extension: une ville pleine de vie est une ville active, où l’on fait plein de choses. Un environnement de travail vivant est un lieu où l’on a plein de choses à faire. Profondément implanté dans notre époque, régissant notre compréhension de l’économie, des loisirs et de notre spiritualité, il y a cette définition de la vie comme une opération.

Une définition fausse.

En sens contraire, le Philosophe écrit que “ pour les vivants, vivre, c’est être ”. – Ia, Q18, a2

Vivre est d’abord et avant tout une façon d’être particulière. Vous n’êtes pas vivant par ce que vous faites, vous êtes vivants par ce que vous êtes. C’est votre nature, le quoi-vous-êtes qui fait que vous êtes vivants.

Parlons tout de suite de ce que ca change dans la vraie vie: si vous voulez davantage de vie, ce n’est pas votre liste d’activités qu’il faut augmenter, mais grandir en maturité de manière à acquérir davantage d’Être. On imagine souvent la jeunesse comme une période plus vivante que l’âge mûr. En réalité c’est complètement l’inverse: ce n’est pas parce que vous faites plus de choses quand vous êtes jeune, que vous êtes plus vivant. C’est dans votre âge mûr, quand vous aurez acquis davantage d’épaisseur, que vous aurez gagné en vie.

Si l’on peut parler de vie pour une nation, alors cette vie ne viendra pas davantage d’activité économique, davantage de programmes nationaux ou de grandes causes morales. Une nation n’est vivante que par son être, son identité, quand sa société maintient fortement le quoi elle est. Alors, une nation est vivante, peu importe son activité extérieure.

Et notre vie spirituelle? Notre vie spirituelle ne se définit pas par la quantité de prière, d’études, de bonnes oeuvres, de belles paroles ou de bons enseignements que nous faisons. La vie, c’est l’être. Votre vie spirituelle c’est votre identité d’enfant de Dieu. Tout ce qui vient par dessus -discipline spirituelles, oeuvres etc- n’est qu’une expression de cette vie, elles n’ajoutent rien. Si vous êtes sans vie spirituelle, aucune oeuvre, aucune opération ne pourra en rajouter. Votre seul secours est de demander davantage d’Être auprès du Père.

Il y a des idées comme celle-là qui sont stockées chez les pères, et qui sauvent votre vie spirituelle.

Article 3: Est ce que Dieu est vivant?

Nous avons interagi par ci et par là sur les critiques qui sont souvent faites au « théisme classique » qui insiste justement sur l’immutabilité et la simplicité de Dieu. Très souvent, la racine de ces critiques est une mauvaise compréhension de ce que signifie « vie » en Dieu. Parce que nous comprenons que la vie est une fonction, nous croyons qu’il faut absolument qu’il y ait un changement en Dieu pour qu’on puisse dire comme la Bible que Dieu est vivant. Mais maintenant que vous avez la juste et historique définition de vie, nous voyons cette objection disparaître comme de la neige sur du fer rouge.

Dieu est vivant, même s’il est immuable et simple, parce que la vie n’est pas changement et fonction, mais être. Or Dieu est l’Être grand E. Il lui appartient donc d’être suprêmement vivant.

Ainsi, bien qu’elle se meuve à quelque fin, il faut pourtant qu’à d’autres fins elle soit mue par un autre. C’est pourquoi celui dont la nature est son intellection même et en qui le naturel n’est pas fixé par un autre, détient la forme suprême de la vie. Et tel est Dieu. En Dieu donc il y a vie au plus haut point. – Ia Q18, a3

Le paragraphe précédent était mon commentaire, mais voici maintenant le raisonnement médiéval de Thomas en soutien de cette affirmation: On a dit à l’article 1 que les vivants sont ceux qui peuvent se déterminer eux-même à un mouvement ou une opération quelconque.

Donc plus un être peut se déterminer à un mouvement ou une opération, plus il est vivant.

Ainsi, les plantes sont tout juste vivantes, parce qu’elles se contente de croître et se reproduire. Les animaux sont un peu plus vivants, parce qu’en plus de ces fonctions basiques, ils peuvent se déplacer, développer une vie de groupe, rentrer en relation avec un humain et ainsi de suite au fur et à mesure qu’ils sont perfectionnés. Les humains sont les plus vivants de tous les animaux, parce que leur âme commande à un grand nombre de capacités pour accomplir des buts impossible à atteindre pour les autres animaux (genre la civilisation). Plus notre intelligence est développée et capable d’orchestrer un grand nombre de capacités (sentir, organiser, mémoriser, vouloir…), plus nous sommes vivants.

Mais à ce petit jeu-là, celui qui est au sommet de la pyramide, celui qui a la vie la plus parfaite, et bien c’est Dieu.

Article 4: Toutes choses sont-elles vie en Dieu?

La vie de Dieu a-t-elle un lien avec la nôtre, ou bien l’existence de ce monde?

S. Jean écrit (1, 3) : “ Ce qui a été fait était vie en lui.  » Or toutes choses, hors Dieu, ont été faites. Donc toutes choses sont vie en Dieu. – Ia, Q18, a4

A ceci près que nos traductions et la critique textuelle ont évolué depuis la vulgate. En réalité il est écrit: « Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. » 1 Jean 1.3-4. Cette différence de traduction ne remet pas en cause l’enseignement de Thomas. Voici le raisonnement, très court, très digeste:

Ainsi qu’on l’a expliqué, le “ vivre ” de Dieu est son “ connaître ”. Or en Dieu l’intellect, le connu, l’intellection même sont une seule et même chose. Donc tout ce qui se trouve en Dieu comme connu est son “ vivre ”, sa vie même. Et comme toutes les choses que Dieu a faites sont en lui comme connues on doit dire que toutes les choses, en Dieu, sont la vie divine même. – Ia Q18, a4

Quand je pense que certains voudraient se débarrasser de la simplicité divine parce qu’elle éloigne trop Dieu de ses créatures… Cependant, vous aurez peut-être -comme moi je l’ai eu- un réflexe de défense: Queuah? Nous sommes la vie divine? Et bien… oui.

Rappelez vous premièrement qu’il est écrit: « En lui nous avons la vie, le mouvement et l’être ». Actes 17.28 ce qui montre à minima que notre vie n’est pas extérieure à Dieu, mais finalement en lui, à l’intérieur de lui. Ne bâtissons pas de mur là où l’Écriture trace des pointillés.

Rappelez vous ensuite que nous ne faisons que recevoir notre existence, elle n’est pas indépendante de celle de Dieu. Comme nous l’avons dit il y a fort fort longtemps, Dieu est l’Existence même et toute existence qui n’est pas celle de Dieu est en réalité donnée par Dieu. Il en est exactement de même pour la vie: aucune vie n’est indépendante de celle de Dieu: c’est la vie de Dieu donnée aux créatures.

Synthèse

Qui sont les vivants? 

Les êtres qui peuvent se déterminer eux-même à un mouvement ou une opération.

Qu’est ce que la vie?

L’être des vivants.

Dieu est-il vivant?

Oui, de façon suprême. Il est la Vie- grand V.

Toutes choses sont elles vivantes de la vie de Dieu?

Oui, aucune vie n’est indépendante de celle de Dieu.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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