La première tragédie française par Théodore de Bèze
29 avril 2020

C’est en 1550 que fut publiée la première tragédie en langue française, Abraham sacrifiant. Elle est l’œuvre de Théodore de Bèze et est une théâtralisation du chapitre 22 de la Genèse où Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils, Isaac. Le réformateur l’avait rédigée en vue d’une représentation par ses étudiants de l’Académie de Lausanne. Le jeune français venait en effet d’y être engagé comme professeur de grec après s’être exilé de Paris suite à sa conversion. La préface de l’ouvrage commence d’ailleurs ainsi :

Il y a environ deux ans que Dieu m’a fait la grâce d’abandonner le pays auquel il est persécuté, pour le servir selon la sainte volonté

Abraham sacrifiant était d’abord destiné à encourager la foi des Réformés réfugiés en Suisse. En effet, la pièce met en scène les doutes et les luttes d’Abraham face à la demande de son Dieu de sacrifier Isaac. En creusant sa souffrance, sa peur d’être abandonné par Dieu et d’être rejeté par ses proches, Bèze cherche à ce que ses lecteurs puissent s’identifier à lui dans cette épreuve exceptionnelle. L’encouragement atteint son sommet lorsque l’on voit le Père de la foi ressortir victorieux de cette épreuve, malgré les embûches de Satan. Bèze n’oublie pas de souligner la grâce de Dieu dans de nombreux vers. Des traits satiriques dirigés contre le clergé catholique sont aussi présents avec, par exemple, la présence de Satan habillé en moine.

Le statut de première tragédie en langue française est disputé ; on qualifie parfois ainsi la Cléopâtre captive d’Estienne de Jodelle de 1553. En effet, certains rejettent les propos de Bèze même qui qualifient son œuvre de tragique. Ce n’est pas l’avis de Anne G. Graham, qui justifie dans un article cette “classification générique grâce à une analyse de la pièce selon le code de la tragédie antique développé par Florence Dupont dans ses travaux sur le théâtre de Sénèque”. Graham montre ainsi comme le réformateur “incorpore les quatre composantes de ce code tragique — dolorfuror, crime et monstre tragique — dans sa dramatisation du récit biblique”.

Nous avons justement la grâce de pouvoir consulter cette oeuvre gratuitement ici. Faisons ainsi honneur à l’un de nos Pères en lisant son œuvre, destinée à fortifier la foi de ceux qui l’ont défendue et répandue et que nous avons désormais.

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