Raimondas Stankevičius est surintendant des Églises réformées de Lituanie depuis 2019. Cet article est la traduction d’une méditation parue en lituanien sur le site de l’union d’Églises en juin 2020.
Ainsi donc, qu’on nous considère comme des serviteurs de Christ et des administrateurs des mystères de Dieu. Du reste, ce qu’on demande des administrateurs, c’est qu’ils soient trouvés fidèles. Pour ma part, il m’importe très peu d’être jugé par vous ou par un tribunal humain. Bien plus, je ne me juge pas non plus moi-même. Ma conscience, il est vrai, ne me reproche rien, mais ce n’est pas pour autant que je peux être considéré comme juste. Celui qui me juge, c’est le Seigneur. C’est pourquoi ne portez aucun jugement avant le moment fixé, avant le retour du Seigneur, car il mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et il dévoilera les intentions des cœurs. Chacun recevra alors de Dieu la louange qui lui revient.
1 Co 4:1-5
Continuons notre lecture de la première épître aux Corinthiens avec le chapitre 4. La péricope d’aujourd’hui parle des serviteurs du Christ et des administrateurs des mystères de Dieu. De qui donc s’agit-il ?
Oui, ce sont les enseignants, pasteurs, ministres ou, pour le dire encore autrement, les serviteurs de la Parole de Dieu. Ou les prêtres1. Il est difficile de prêcher sur ses propres particularités, qualités et défauts, et ceux de ses collègues. On préférerait que d’autres s’en chargent. Car lorsqu’on parle du ministère pastoral, qu’on le veuille ou non, on définit un but, on fixe un objectif, ou même on promet d’être tel ou tel. Et il faut alors être à la hauteur. Peu importe ce que l’on dira, ce dont on rêvera, nous ne sommes qu’un homme, une brindille dans la Création du grand Dieu — un homme tout aussi pécheur, tout aussi faible et qui, tout autant que les autres, se fourvoie continuellement.
Nous étudions aujourd’hui les cinq premiers versets du chapitre 4 de l’épître, adressée à la paroisse de la ville de Corinthe. Paul enseigne dans l’épître que les paroissiens doivent être avec leur pasteur. Cependant, ils étaient divisés — rappelons-nous le verset souvent cité : « Moi, je me rattache à Paul ! Et moi, à Apollos ! Et moi, à Céphas ! Et moi, à Christ ! (1 Co 1:12) » Nous savons que Paul, dans les passages précédents de l’épître, désapprouve cet état d’esprit, cette fragmentation. Les Corinthiens voulaient se choisir des pasteurs. Sans doute que nous aussi, nous aimons cela. Untel en aime un, un second en préfère un autre… un troisième n’aime ni l’un ni l’autre.
Cependant, Paul ordonne aux Corinthiens de regarder tous les pasteurs comme serviteurs de Christ, et administrateurs des mystères de Dieu. Et, de la part des administrateurs, il est exigé qu’ils soient trouvés fidèles. Paul n’enseigne pas de plaire à quelqu’un, de faire des compromis, mais d’être un administrateur fidèle de ses mystères. Ce que cela signifie, c’est que chacun de nous doit d’abord plaire à Dieu, et non aux hommes. C’est lui que nous devons craindre, et non les hommes.
Certainement, il y a toutes sortes de pasteurs, et il est indispensable de les critiquer s’ils ne sont pas de fidèles serviteurs de la Parole de Dieu. Jésus aussi critiquait les pasteurs, les pharisiens. Et il le faisait très sévèrement :
Malheur à vous, spécialistes de la loi et pharisiens hypocrites, parce que vous fermez aux hommes l’accès au royaume des cieux ; vous n’y entrez pas vous-mêmes et vous ne laissez pas entrer ceux qui le voudraient.
Mt 23:13-17a
Malheur à vous, spécialistes de la loi et pharisiens hypocrites, parce que vous dépouillez les veuves de leurs biens tout en faisant pour l’apparence de longues prières ; à cause de cela, vous serez jugés plus sévèrement.
Malheur à vous, spécialistes de la loi et pharisiens hypocrites, parce que vous parcourez la mer et la terre pour faire un converti et, quand il l’est devenu, vous en faites un fils de l’enfer deux fois pire que vous.
Malheur à vous, conducteurs aveugles ! Vous dites : « Si quelqu’un jure par le temple, cela ne compte pas, mais si quelqu’un jure par l’or du temple, il est engagé. » Espèces de fous aveugles !
C’est bien pourtant des pasteurs de l’époque, des pasteurs très divers, qui enseignaient l’Église de Corinthe. Où est-ce qu’était le problème de l’époque ? Nous pouvons le comprendre à partir des passages déjà étudiés — je suis de Céphas, de Paul, d’Apollos ou de Christ… Le problème, c’était que les gens avaient leurs idées, leur compréhension, leur point de vue de ce que doit être un pasteur — comme Paul, comme Céphas, comme Apollos… Il doit être très amical, sensible, avoir une bonne voix, être éloquent, éduqué, parler beaucoup de langues, ne pas fumer et ne pas boire ; il doit avoir une bonne épouse, une famille, des enfants obéissants et bien éduqués, ou inversement — être chaste et respecter son célibat… Paul nous enseigne cependant ce que Dieu nous dit au sujet des bons pasteurs. Nous ne devrions donc pas agréer ceux qui nous plaisent en raison de quelques traits de caractères qui nous sont agréables, mais chercher à savoir quelles qualités plaisent au Seigneur. Nous devrions observer avec quelle échelle de notation Dieu considère un pasteur. C’est précisément cela que Paul enseigne dans son épître aux Corinthiens. Comme le manque de pasteurs est triste ! Pas seulement chez les réformés. Le manque de bons pasteurs, et pas seulement d’après notre évaluation, mais aussi d’après celle de Dieu. Comment les trouver, les former, les préparer ? Il nous faut savoir quelle sorte de pasteurs le Seigneur veut voir, afin d’apprendre à la jeunesse à servir Dieu et son Église.
Paul a écrit :
En effet, nous sommes ouvriers avec Dieu. Vous êtes le champ de Dieu, la construction de Dieu […]. Cependant, que chacun fasse attention à la manière dont il construit dessus, car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, à savoir Jésus-Christ.
1 Co 3:9-11
Le Christ est le fondement, et un bon pasteur doit édifier l’Église sur lui. Non pas sur ses qualités personnelles, son charisme, son attrait, mais sur le Christ. Sur lui seulement.
Quel est donc le bon pasteur ? Paul révèle aux Corinthiens les qualités et conditions que Dieu exige des pasteurs :
Premièrement, au sujet du rôle du pasteur dans l’Église, dans la paroisse : Qu’on nous considère comme des serviteurs de Christ et des administrateurs des mystères de Dieu. Le pasteur est serviteur du Christ. Le mot grec serviteur se traduit aussi par esclave. Un esclave qu’on envoie dans les lieux les plus difficiles, les moins agréables et les plus périlleux. Qui n’a pas le droit de s’opposer à la volonté de son maître. Qui fait tout ce que le maître peut bien ordonner.
Le pasteur a une vocation et une mission très semblable. Il est appelé à être serviteur — à servir le Christ. Paul a écrit : « Qui est donc Apollos et qui est Paul ? Ce sont des serviteurs par le moyen desquels vous avez cru, conformément à ce que le Seigneur a accordé à chacun (1 Co 3:5). » Le commandement divin d’aller dans le monde et d’y annoncer l’Évangile leur a été confié. Et Jésus a dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu […] (Jn 18:36). » Jésus utilise lui aussi le mot serviteur pour qualifier ses apôtres. Jésus a donné à Paul un ordre sur le chemin de Damas : « Je te suis apparu pour faire de toi le serviteur […] (Ac 26:16). » La position de serviteur n’est donc pas un titre honorifique. Et pourtant, il vaut mieux être serviteur ou même esclave du Christ que d’être prince de ce monde. Le service sincère dévolu au Christ est éternel, celui rendu au prince de ce monde passera.
La vie d’un esclave n’est pas aisée ; elle est difficile car on n’accorde pas d’attention à sa personne, mais seulement au travail qu’il accomplit. Il en va de même du pasteur. Sa responsabilité est d’annoncer l’Évangile, et non sa propre sagesse. Le pasteur n’agit pas en nom propre, mais seulement par le Christ. Il est serviteur de l’Église du Christ. « C’est d’elle que je suis devenu le serviteur, conformément à la charge que Dieu m’a confiée pour vous : annoncer pleinement la parole de Dieu. (Col 1:25) »
Mais le pasteur n’est pas qu’un serviteur. Ce serait trop simple. Il est aussi administrateur des mystères de Dieu. Le mystère de Dieu, c’est de « conna[ître] les saintes Écritures qui peuvent te rendre sage en vue du salut par la foi en Jésus-Christ » (2 Tm 3:15) ; Paul a encore écrit à Timothée : « Efforce-toi de te présenter devant Dieu comme […] un ouvrier qui n’a pas à rougir mais qui expose avec droiture la parole de la vérité (2 Tm 2:15). » Il doit se souvenir que « toute l’Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit formé et équipé pour toute œuvre bonne (2 Tm 3:16-17). »
Deuxièmement, essayons de continuer à clarifier les exigences pour un pasteur. Du reste, ce qu’on demande des administrateurs, c’est qu’ils soient trouvés fidèles. C’est une exigence très claire de l’employeur à l’employé : la fiabilité (ou la fidélité). Il en va pareillement pour Dieu. Le Seigneur veut vraiment avoir des employés fidèles — des serviteurs, des prédicateurs, des bergers. Paul donne beaucoup d’exemples de serviteurs fidèles, de ses meilleurs amis, les serviteurs du Christ Tychique, Épaphras. Nous lisons au sujet de Moïse, fidèle serviteur de Dieu, qu’il « a été fidèle dans toute la maison de Dieu comme serviteur, pour témoigner de ce qui allait être dit (Hé 3:5) ». Dieu n’a pas besoin de gens particulièrement riches ou dotés de talents exceptionnels ; Dieu a besoin de serviteurs fidèles, et la fidélité est le fruit d’une bonne attitude.
Troisièmement, Paul nous enseigne cette bonne attitude. Paul apprend aux Corinthiens à reconnaître l’attitude du cœur d’un pasteur. À ce propos, Paul écrit dans les versets d’aujourd’hui : Pour ma part, il m’importe très peu d’être jugé par vous ou par un tribunal humain. Bien plus, je ne me juge pas non plus moi-même. Nous faisons très souvent face à une telle attitude — que diront de nous les gens, les proches, le monde ? Et cela nous importe indéfiniment. Souvenons-nous de nos discussions lorsqu’une autre Église a demandé à prier dans le temple de Vilnius. Le principal argument était sans doute : que diront les autres ? Le tribunal populaire ne nous jugera-t-il pas ? Beaucoup de questions et d’hésitations sont posées par le fait que nous, réformés, collaborions aujourd’hui avec les chrétiens dits « non-traditionnels2 ». Allez savoir ce qu’en pensera notre entourage ! Ou bien encore, de quoi aurons-nous l’air lorsque nous serons en procès ? C’est en effet très important pour l’entourage. Mais n’est-il pas plus important d’être du côté des justes ? Quand bien même ils seraient condamnés, critiqués, diffamés ou raillés ? La question qui me vient à l’esprit, c’est plutôt : qu’en pense le Seigneur ? Et Paul de répondre : Pour ma part, il m’importe très peu d’être jugé par vous ou par un tribunal humain. Bien plus, je ne me juge pas non plus moi-même. Alors que choisirons-nous : les honneurs des hommes, la reconnaissances, les éloges ? Ou la justice de Dieu, sa gloire et sa reconnaissance à toujours ?
Chers frères et sœurs, comment devons-nous comprendre l’évaluation que Dieu fait de ses ministres, des pasteurs, des enseignants, de ses administrateurs et de ses serviteurs ?
Nous devrions nous rappeler la parabole des talents, à la fin de laquelle le Maître déclare : « Puisque tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup. » Ainsi donc, chers amis, souvenons-nous toujours que celui qui évalue avec justice, dans les grandes comme dans les petites choses, c’est seulement le Seigneur : « Voici, je viens bientôt et j’apporte avec moi ma récompense pour traiter chacun conformément à son œuvre (Ap 22:12). » Si nous le servons fidèlement, il nous bénira.
Chers amis, je me suis concentré longtemps sur l’office des pasteurs, leur évaluation, leur compréhension, les exigences auxquelles ils sont soumis. Mais que devrait faire un paroissien ordinaire ? Dans le conseil presbytéral, on se demande sans cesse comment aider les pasteurs. Alors, comment ?
En premier lieu : Les paroissiens demandent souvent à leurs pasteurs de prier pour eux, pour leurs proches, pour le pays, pour le gouvernement, les responsables, les malades et ceux qui sont dans le deuil, et pour beaucoup de choses encore. Paul, quant à lui, a écrit : « Frères et sœurs, priez pour nous (1 Th 5:25). » Dans vos prières donc, n’oubliez pas les pasteurs, et tous les serviteurs et ministres de l’Église de Dieu.
En deuxième lieu : Souvenez-vous que les pasteurs sont au service de Dieu et non au vôtre. Ils doivent faire ce qu’ordonne la Parole de Dieu, même si cela ne leur plaît pas toujours. Ils doivent avant tout annoncer la Parole, en lieu commode comme peu commode ; convaincre, corriger, instruire dans la justice. Souvenez-vous que leur première obligation est d’enseigner la Parole de Dieu.
En troisième lieu : Soutenir fidèlement et sincèrement ses pasteurs. L’apôtre Paul a écrit : « Que les anciens qui dirigent bien soient jugés dignes d’une double marque d’honneur, surtout ceux qui travaillent à la prédication et à l’enseignement. En effet, l’Écriture dit : Tu ne mettras pas de muselière au bœuf quand il foule le grain et : L’ouvrier mérite son salaire (1 Tm 5:17-18). »
Et enfin, suivre leur bon exemple — comme l’écrit l’apôtre Paul dans l’épître : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ (1 Co 11:1). » Dans la lettre aux Philippiens, il a aussi écrit : « Soyez tous mes imitateurs, frères et sœurs, et portez les regards sur ceux qui se conduisent suivant le modèle que vous avez en nous (Ph 3:17). » Si nous gardons ces instructions de l’apôtre Paul, si nous ne dévions pas de l’enseignement de la Parole de Dieu, si nous annonçons l’Évangile, l’Église sera forte et unie.
Illustration de couverture : John Henry Lorimer, The Ordination of Elders in a Scottish Kirk, 1891.
- En lituanien, le terme kunigas « prêtre, pasteur » est généralement commun aux catholiques, orthodoxes, luthériens et réformés ; seuls les évangéliques ne l’utilisent pas et empruntent aux langues occidentales le titre de pastorius (note du traducteur).[↩]
- C’est-à-dire des Églises et communautés évangéliques. Le gouvernement lituanien reconnaît neuf confessions présentes traditionnellement sur son territoire : les catholiques romains, les gréco-catholiques (uniates), les luthériens, les réformés, les orthodoxes, les orthodoxes vieux-croyants, les israélites, les musulmans sunnites (Tatars) et les juifs karaïtes. Cette reconnaissance permet notamment le financement par l’État des écoles confessionnelles et certaines exemptions d’impôt. L’Église catholique bénéficie de privilèges supplémentaires en raison du concordat signé avec le Vatican (note du traducteur).[↩]
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