Romel Quintero est un jeune théologien réformé colombien, responsable du site Irenismo Reformado [Irénisme réformé], partenaire de Par la foi. L’article que nous proposons aujourd’hui en traduction a été publié en espagnol en décembre dernier.
Le catéchisme de Heidelberg, à la question 103 sur le jour de repos, affirme que « Dieu veut premièrement que le ministère de la Parole et les écoles se maintiennent ». Une distinction est faite : l’Église (« le ministère ») et le monde académique (« les écoles »), qui doivent coexister et coopérer. Certes, l’Église a la place principale, sotériologiquement et eschatologiquement ; mais au point de vue politique et laïque, le monde académique est tout aussi nécessaire et fondamental, j’oserais même dire qu’ils sont là tous deux égaux. C’est pour cela, par exemple, que Frédéric III le Pieux (électeur palatin) ordonna qu’on composât le catéchisme « pour les pasteurs des Églises et les maîtres d’école. » Zacharias Ursinus dit lui-même l’avoir préparé « pour les écoles et Églises du Palatinat ». Écoles et Églises sont comme des sœurs.
Mais qu’est-ce que le catéchisme appelle « école » (latin schola) ? Ursinus, son auteur, a en tête un établissement universitaire où l’on enseigne « les arts et les sciences ». Il entend par là l’étude de la logique, de la philosophie, du droit, des langues, de la rhétorique, de la grammaire, etc. Et bien sûr aussi de la théologie, et pas seulement des sciences bibliques ; à son époque, la théologie, c’est aussi l’étude d’Augustin, de Pierre Lombard, de Thomas d’Aquin et de réformateurs comme Mélanchthon, Vermigli et Calvin.
De plus, sans école, dit-il, « on ne peut être dûment capable d’enseigner, et la pureté de la doctrine ne peut être préservée et défendue contre les assauts des hérétiques ». De cette manière, l’école vient directement au secours du ministère de l’Église, et elle est donc importante pour cette dernière. Son importance est telle qu’Ursinus déclare que « le ministère de l’Église est méprisé […] quand on n’établit et n’entretient pas d’écoles, [et] quand l’apprentissage est négligent1 ».
Un bon exemple d’un tel lieu au temps d’Ursinus est le Collegium Sapientiæ de Heidelberg, où l’on formait en philosophie et théologie des pasteurs et prédicateurs, et où il fut lui-même professeur ; mais aussi l’université de Wittemberg, où il avait étudié sous la direction de Mélanchthon, ou cette de Heidelberg, dont il fut doyen de la chaire de dogmatique. Ou encore le Casimirianum, un séminaire qu’il dirigea à la fin de sa vie à Neustadt, et dont la faculté de théologie hébergea bien des théologiens scolastiques renommés comme Zanchi, Junius, Tossanus et Piscator.
Tout cela devrait nous inciter à reconsidérer la place et le statut du monde académique chrétien et protestant aujourd’hui. Il y a des institutions académiques (universités, séminaires, revues, sites internet, etc.) qui travaillent dans cette perspective, et pour lesquelles nous pouvons être reconnaissants. Mais il existe aussi des courants anti-intellectuels : les uns cherchent à couper tout lien avec le monde académique, tandis que d’autres voudraient le subordonner à l’Église, qui serait souverain sur son existence, sans aucune indépendance. L’une et l’autre tentations se manifestent parfois tout simplement par une attitude négative et hypercritique envers tout ce qui vient des milieux académiques.
Dans ce contexte, il est opportun aujourd’hui encore de répondre à l’appel d’Ursinus et de se préoccuper du monde académique. Tout au long de sa vie, il n’a jamais été qu’un universitaire. Il n’a jamais été ordonné, ni exercé aucun autre ministère dans l’Église. Et pourtant, grâce à la position qu’il occupait, son travail de formation théologique des ministres et ses ouvrages théologiques apologétiques ont été une grande bénédiction pour l’Église.
Illustration de couverture : Ferdinand Keller, La fondation de l’université de Heidelberg, 1886 (salle des actes de l’université de Heidelberg). Zacharias Ursinus y est représenté, deuxième en partant de la gauche.
- Continetur hac parte honoris erga ministerium, etiam sebolarum conservatio, si quidem sine studiis litterarum et artium nec idonei fiunt homines ad docendum, nec puritas doctrinæ conservari, et contra hæreticos defendi potest. […] Honori erga ministerium ecclesiasticum contrarius est, contemptus ministerii, […] cum scholarum studiorumque et doctrinæ conservatio negligitur. (Corpus doctrinæ orthodoxæ, q. 103 « De sabbatho », §4.7.4).[↩]
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