Recueil de prières pour le Carême
22 février 2023

L’apôtre Paul nous exhorte à prier « sans cesse ». Bien des chrétiens se questionnent sur la façon de vivre cela. Quel est le rapport de la prière au temps qui s’écoule ? Un élément de réponse qui peut nous aider est de relever les cycles que Dieu a établis en notre monde. Il y a, tout d’abord, le cycle quotidien. Le jour et la nuit, le matin et le soir, les repas. Dès l’Ancien Testament, on voit Dieu mettre à profit ce rythme pour la prière. Pensons aux offrandes sacrificielles du soir et du matin. Pensons aux Psaumes nous témoignant de prières faites « jour et nuit », c’est-à-dire au début du jour et au début de la nuit. Il est dit que Daniel priait trois fois par jour. La règle de saint Benoît aussi tend à proposer une « liturgie des heures » qui connut un long développement et vise à sanctifier les diverses heures de la journée. Le Formulaire des prières ecclésiastiques de la Genève réformée comprend des prières du lever, du coucher, avant les repas et après les repas. Prier sans cesse, c’est déjà rythmer nos journées de prières. « Il y eut un soir et il y eut un matin », autant d’occasion de prier.

Un autre cycle que nous voyons établi dès la Genèse est celui de la semaine, que Dieu a marquée singulièrement d’un repos sabbatique hebdomadaire. Depuis la résurrection du Christ, ce repos est respecté le jour du Seigneur, à savoir le dimanche, qui marque le début d’une nouvelle création. Bien entendu, la principale manière de « prier sans cesse » en ce jour est d’assister aux prières publiques du culte rendu à Dieu en Église. Toutefois, la semaine entière peut être ainsi sanctifiée, rythmée qu’elle est par ce jour dominical. Ainsi, on trouve dans la tradition des prières pour les veilles du dimanche, des prières pour ce jour et pour le début d’une semaine de travail ou d’étude.

Le dernier cycle que l’on voit assez nettement être établi dans la Genèse est celui des « saisons » que marquent le soleil, la lune et les autres luminaires du firmament. Notre temporalité s’étend au-delà de la seule semaine et c’est ainsi que dans l’Ancien Testament Dieu a établi plusieurs fêtes annuelles. Toutes les cultures semblent aussi avoir marqué annuellement certains temps comme les solstices ou les anniversaires marquants. De même, l’Église a, dès l’Antiquité et progressivement, en commençant par Pâques, marqué l’année de diverses fêtes couvrant les principaux évènements de l’œuvre de la rédemption en Christ : sa naissance, sa circoncision, son baptême, sa mort, sa résurrection, son ascension, etc.

Prier sans cesse, c’est enfin prendre en compte le fait que la vie humaine n’est pas une simple répétition prévisible des cycles que nous avons décrits mais aussi l’expérience temporelle d’étapes de vie et d’états d’âme. Le mariage, le deuil, une naissance mais aussi la simple joie et la reconnaissance, l’adversité et le doute, l’espérance et la foi. Tous ces temps sont à mettre à profit pour la prière.

Dans l’esprit que nous venons de décrire, le livret électronique qui suit propose quelques lectures bibliques, méditations et prières compilées pour le temps de Pâques et le Carême. Les deux premières compilations concernent le jeûne, les sept suivantes font parcourir au lecteur les Psaumes de pénitence, les deux suivantes invitent à méditer sur la brièveté de la vie et le jugement divin. Les dernières conduisent dans la méditation de la passion du Christ, en débutant par la Pâque juive et en se concluant par la Pâques et la résurrection. Elles sont au nombre de vingt-trois et permettent donc d’être suivies un jour sur deux durant les quarante-six jours (quarante jours et six dimanches) du temps du Carême.

Ce livret était destiné à une diffusion restreinte initialement et nécessiterait un travail de mise en page plus abouti que je n’ai pas été en mesure de faire pour cette année mais que j’envisagerai pour l’an prochain.

Les protestants et le Carême

Il est bien connu que certains protestants se sont élevés contre le Carême, notamment en tant que jeûne obligatoire pour le croyant. Les réformateurs ont, à juste titre, objecté que l’Église ne disposait pas de l’autorité nécessaire pour ajouter de telles obligations à la loi de Dieu. Leur compréhension du rôle des mérites dans notre acceptation aux yeux de Dieu les a aussi mené à objecter sous cet angle au Carême. Plusieurs protestants m’ont témoigné de leur envie de faire le Carême et c’est donc pour eux que j’ai entrepris cette compilation. Mais si un protestant souhaite faire le Carême, il ne doit en aucun cas penser qu’il s’agirait d’un commandement divin pesant sur sa conscience ou celle des autres.

Toutefois, la pratique du jeûne public a existé dans les Églises réformées et, par ailleurs, le jeûne privé, volontaire, est une bonne chose. En fait, la Synopsis purioris theologiae, dans son chapitre sur les vœux, dit que si le temps et la durée du jeûne ne nous est jamais prescrite, le fait que nous devions jeûner fait partie des “vœux obligatoires”, c’est-à-dire que Dieu parle dans sa Parole non pas comme si le jeûne était une option pour le chrétien mais comme étant un de ses devoirs, sans qu’une période particulière ne lui soit imposée. Ainsi, Jésus dit “quand vous jeûnez” et non “si vous jeûnez” lorsqu’il introduit son propos sur le jeûne hypocrite.

Racines et maturité

Puisqu’on parle du jeûne hypocrite, il me semble opportun d’offrir quelques remarques à certaines personnes particulièrement susceptibles d’être intéressées par le Carême. Cela surprendra peut-être parmi mes lecteurs, mais les jeunes sont en particulier susceptibles de souhaiter faire le Carême. La jeune génération a soif de symboles et de s’inscrire dans quelque chose qui dépasse l’individualité. Dans des phénomènes aussi antagonistes que la séduction que représentent l’islam, le militantisme woke ou l’appétence pour la messe en latin, on retrouve dans la jeune génération une envie de se rattacher à une communauté qui a ses symboles, ses codes, ses inside jokes et qui offre un certain ancrage (même si celui-ci consiste à tout déraciner).

Par ailleurs, ces communautés se construisent pour certaines d’entre elles en réaction les unes aux autres. Vous n’aurez pas de peine à discerner, entre l’islam, le militantisme woke et le retour à des racines et traditions chrétiennes lequel des mouvements m’est le plus sympathique. Mais à ceux qui ont soif de racines, je profite de l’occasion pour leur adresser un appel au discernement et à la maturité. Je sais que vous saisissez fortement l’agression dont est victime ce à quoi vous êtes attachés et que vous avez parfois l’impression d’être un organisme en constante réaction immunitaire. Mais cela ne doit pas vous faire perdre le discernement. Comment ne pas être pris de sympathie pour une statue de Marie Reine du ciel que d’infâmes “déboulonneurs”, justiciers auto-proclamés, ont décidé de faire tomber ? En prenant sa défense, on en viendrait à oublier que la dévotion qu’elle représente demeure superstitieuse et impie. À une époque où le déracinement n’était pas un souci, le sentiment de devoir défendre certaines traditions était bien moins fort et le discernement avait plus d’espace pour dire, avec saint Cyprien, qu’une tradition erronée n’est qu’une erreur antique. Ainsi, les réformateurs ont pu avoir des discours enflammés contre certaines traditions. Saint Bernard a lancé des traits brûlants contre les processions de l’Immaculée Conception.

J’encourage donc cette génération, qui voit dans le Carême une tradition de plus en danger qu’il faudrait défendre pour ne rien céder à des opposants politiques, à mettre de côté un instant ce mécanisme de réaction pour une réflexion principielle et mature. Et, quand on fait cela, je pense qu’il reste de très bonnes raisons de consacrer ce temps pour le jeûne, d’où mon livret. Que cette exhortation soit reçue comme provenant de l’un des vôtres qui, s’il se sonde, voit en son cœur les mêmes principes être à l’œuvre.

Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Le jeûne que Dieu agrée, nous dit Ésaïe, c’est de s’abstenir des œuvres mauvaises plus que des aliments. Pourquoi ne pas profiter de ce temps de Carême pour lire un classique protestant sur ce sujet comme La Mortification du péché de John Owen ou les Chrétiennes méditations de Théodore de Bèze sur les Psaumes de pénitence (que nous avons rééditées) ? Pourquoi ne pas s’abstenir non seulement d’aliments mais aussi de réseaux sociaux qui sont, dans notre génération, particulièrement susceptibles de nous éloigner de la prière et de susciter l’immaturité ?

Nous souhaiterions que la foi des anciens vive ? Oh ! puissions-nous imiter leur sérieux, leur piété et leurs cœurs contrits ! Que ce Carême en soit l’occasion, par un jeûne véritablement agréable. J’espère de tout cœur que mon livret pourra vous être utile en ce sens.


Illustration : Pieter Brueghel l’Ancien, Le combat de Carnaval et Carême, 1559.

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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