Depuis quelques mois maintenant, mon pasteur expose, lors du culte du dimanche matin, l’Évangile selon saint Marc (vous pouvez retrouver tous les sermons sur cette playlist). Ce dimanche, le sermon portait sur la Transfiguration, un épisode de la vie du Christ auquel on accorde un rôle anecdotique bien souvent, mais qui est en fait tout aussi structurant dans le ministère du Christ que l’est son baptême. Alastair Roberts, dans son livre Transfigured Hermeneutics, fait remarquer que l’on perçoit parfois la Transfiguration comme un acteur qui serait rentré trop tôt sur scène par erreur : le Christ glorifié.
Mon pasteur relevait ce dimanche qu’il existait des parallèles entre l’apparition de Dieu au Sinaï et la Transfiguration. Évidemment, les deux évènements ont lieu sur une montagne, mais il y a bien d’autres choses à relever à ce propos. Je compile ci-dessous pour alimenter cette méditation des remarques personnelles, des éléments relevés par mon pasteur et, surtout, des éléments relevés par Alastair Roberts dans le livre mentionné précédemment :
- Des miracles sont réalisés par Jésus et les Douze, conduisant Hérode (une figure pharaonique qui, comme le Pharaon en Genèse 40,20-22, vient de fêter son anniversaire par une exécution, cf. Matthieu 14,1-12) à vouloir voir Jésus.
- Jésus, comme Moïse, se rend alors dans le désert avec une multitude et Jean 6,1 précise qu’il traverse une mer pour s’y rendre (cf. aussi Luc 9,10-11), comme Moïse guidant le peuple au travers de la mer.
- La multiplication des pains pour les 5000 est parallèle au don de la manne. Dans l’Évangile de Luc cela apparaît principalement par des échos et des formulations littéraires, mais chez Jean la chose est plus explicite, puisque cette multiplication est suivie d’un discours sur la manne de Moïse et le pain venu du ciel.
- La façon dont Jésus délègue sa mission aux Douze rappelle la délégation que fait Moïse en Exode 18.
- En Marc 6,40 les personnes sont assises en rang, en groupe de 50 et 100, comme dans les formations militaires des dénombrements de l’Exode et des autres livres du Pentateuque. Le fait que seuls les mâles soient décomptés pour la multiplication des pains rappelle encore Nombres 1 et 26. Et le fait que les 5 000 soient divisés en groupes de 50 rappelle la façon dont les Israélites sont entrés dans le pays promis par groupes de 50 (Ex 13,18, Josué 1,141).
- Luc 9,12 nous dit que la multiplication des pains eut lieu dans un lieu désert.
- La montagne, que Jean mentionne dès 6,3 pour la multiplication, est plus précisément introduite par Luc au moment où Jésus la gravit avant la Transfiguration, comme Moïse qui monte sur le Sinaï avant la théophanie à laquelle il assistera.
- Il nous est dit en Marc 9,2 que la Transfiguration a lieu six jours après les évènements qui précèdent. En Exode 24,16, il est également fait mention de 6 jours durant lesquels la gloire demeure sur la montagne avant que Dieu n’appelle Moïse.
- En Exode 24, Moïse prend avec lui 3 compagnons : Aaron, Nadab et Abihu ; ainsi que 70 anciens. En Luc 9,28, Jésus se fait accompagner par Pierre, Jean et Jacques. Ceux qui accompagnent Moïse et ceux qui accompagnent Jésus assistent à la théophanie (Luc 9,29, Ex 24,10-11).
- Moïse et Élie, qui sont présents lors de la Transfiguration, sont les deux prophètes de l’Ancien Testament qui ont connu une apparition divine sur le mont Sinaï (en Exode, pour Moïse, en 1 Rois 19 pour Élie).
- Après sa descente, Jésus rencontre une multitude (Luc 9.37), tout comme Moïse en Exode 32.
- Jésus comme Moïse font alors face à des représentants (Aaron d’un côté et les apôtres restés en bas de l’autre) n’ayant pas su être à la hauteur. Les disciples sont comme Aaron et l’enfant possédé comme Israël. Le comportement d’Israël est d’ailleurs décrit en Exode 32.25 d’une manière similaire aux possessions démoniaques, bien que cela ne soit pas explicite. Quoi qu’il en soit, la violence physique de la rebellion apparait dans les deux cas.
- Le démon jette au sol le petit (Luc 9.42) et le meurtrit (9.39), le même verbe est utilisé dans la traduction des Septante pour la façon dont Moïse détruit les tablettes de pierre.
- La réponse de Jésus est étonnamment accusatoire : Ô génération perverse et incrédule, dont les échos les plus forts se trouvent dans les accusations de l’Éternel à l’égard du peuple d’Israël (Exode 16,28, Nombres 14,11, 27) et en particulier Deutéronome 32,20 où Israël est qualifié de génération perverse et de fils auxquels on ne peut pas se fier ce qui peut aussi se traduire « enfants incrédules/infidèles ».
- Sur le Sinaï, Moïse voit la gloire de Dieu, reçoit les plans du Tabernacle et la Loi. Il y a des analogies de ces trois choses dans la Transfiguration, qu’Alastair Roberts détaille chacune en son lieu dans le livre susmentionné. Par exemple, à la tente du tabernacle correspond la suggestion de l’apôtre Pierre de dresser une tente sur la montagne.
Illustration en couverture : Rembrandt, Moïse au Décalogue.
- Les versets indiqués précisent que les Israélites sont entrés en troupes militaires, qui étaient constituées de 50 personnes comme le relève Alastair Roberts dans Transfigured Hermeneutics.[↩]
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