Les baptêmes à Philippes (Actes 16) – Notules d’exégèse
16 juillet 2025

Cet article est un extrait de la conversation Telegram qui correspond à notre plan de lecture biblique. Ceci explique le ton plus direct.

Statut marital de Lydie

En lisant Actes 16, je me suis reposé la question du statut marital de Lydie. Vous savez sans doute qu’il y a une controverse entre pédobaptistes et antipédobaptistes concernant la présence d’enfants dans les maisonnées qui furent baptisée dans les Actes. Certains baptistes écartent d’emblée le cas du baptême de la maisonnée de Lydie, car, au vu de l’absence de mention de mari dans le récit la concernant, ils estiment qu’elle était célibataire (et donc sans enfants dans sa maisonnée).

Cette controverse précise ne m’intéresse pas tellement, et me paraît un peu anecdotique. (Je vous partage tout de même cet article de Maxime Georgel sur la notion de maisonnée dans la Bible, car c’est là qu’est la réflexion importante concernant les baptêmes de maisonnée : il faut d’abord comprendre que le concept de « maisonnée » à une histoire dans la Bible.)

En tout cas, concernant Lydie, il m’apparaît que le plus probable pour elle était un état de veuvage. Le fait que Lydie dirige sa propre maisonnée et qu’aucun homme (mari, père, frère) ne soit mentionné dans Actes 16 est un indice majeur. Dans la société du Ier siècle, une femme à la tête de sa maison, avec l’autorité d’inviter des étrangers et de prendre des décisions pour l’ensemble de son foyer, était une situation très inhabituelle pour une femme mariée ou célibataire. Cela suggère fortement qu’elle était indépendante, ce qui correspond au statut d’une veuve ou, beaucoup plus rarement, d’une femme divorcée ou exceptionnellement autonome

Dans 1 Corinthiens 7, Paul distingue explicitement entre les célibataires (« vierges ») et les veuves. Il indique que la veuve, à la mort de son mari, est libre de se marier à qui elle veut, seulement dans le Seigneur (1 Co 7,39). Cette liberté est plus grande que celle d’une jeune femme célibataire, qui, dans la culture gréco-romaine, restait souvent sous l’autorité de son père ou d’un tuteur jusqu’au mariage. La veuve, en revanche, gérait ses propres affaires et pouvait prendre des décisions pour sa maison.

Le fait que Lydie dirige sa maisonnée, prenne des décisions et offre l’hospitalité à Paul sans mention d’un homme renforce l’hypothèse qu’elle était veuve. 1 Corinthiens 7 confirme que la veuve jouissait d’une liberté et d’une autonomie que la célibataire n’avait pas dans la société antique. Il est donc historiquement et contextuellement plus probable que Lydie était veuve plutôt que célibataire.

Tiens, c’est rigolo, nous lisons le récit de la conversion de Lydie le même jour que Romains 7, dans lequel nous trouvons :

Romains 7,2 (NEG1979)
²Ainsi, une femme mariée est liée par la loi à son mari tant qu’il est vivant ; mais si le mari meurt, elle est dégagée de la loi qui la liait à son mari.

Sotériologie augustinienne

Par ailleurs, le v. 14 est important en sotériologie augustinienne (donc calviniste) :

Actes 16,14 (NEG1979)
¹⁴L’une d’elles, nommée Lydie, marchande de pourpre, de la ville de Thyatire, était une femme craignant Dieu, et elle écoutait. Le Seigneur lui ouvrit le cœur, pour qu’elle soit attentive à ce que disait Paul.

La fin du verset indique une intervention du Seigneur (ouvrir le cœur) pour la rendre attentive à la prédication de Paul.

Cela suggère une intervention spéciale de Dieu qui n’est pas accordée à tous les auditeurs du message de l’Évangile : pour certains, Dieu n’ouvre pas leur cœur, de telle sorte qu’ils ne sont pas attentifs au message de l’Évangile.

Mode de baptême du geôlier

Actes 16,30-34 (NEG1979)
³⁰il les fit sortir, et dit : Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé ? ³¹Paul et Silas répondirent : Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille. ³²Et ils lui annoncèrent la parole du Seigneur, ainsi qu’à tous ceux qui étaient dans sa maison. ³³Il les prit avec lui, à cette heure même de la nuit, il lava leurs plaies, et aussitôt il fut baptisé, lui et tous les siens. ³⁴Les ayant conduits dans son logement, il leur servit à manger, et il se réjouit avec toute sa famille de ce qu’il avait cru en Dieu.

Le baptême du geôlier de Philippe (et de sa maisonnée) indique au moins deux choses :

  • Le baptême est fait dès que le geôlier confesse sa foi au Christ – pas de longue catéchèse pré-baptismale.
  • Vu que le baptême a été administré sur place (soit dans la prison, soit dans la maison du geôlier), l’immersion est hautement improbable, puisque les particuliers (ou les prisons) ne possédaient généralement ni baignoire ni piscine !

Pierre-Sovann Chauny

Pierre-Sovann est professeur de théologie systématique à la Faculté Jean Calvin, à Aix-en-Provence. Il s'intéresse particulièrement à la doctrine des alliances, à l'interprétation des textes eschatologiques, à la scolastique réformée, aux prolégomènes théologiques et aux bons vins. Il est un époux et un père heureux.

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