J’ai récemment écouté une conférence de Faysal Hafini, donnée à Casablanca, sur l’éducation. Avant d’écrire sur la base ce que m’a appris cette conférence, j’aimerai signaler que je n’ai rien contre ceux qui travaillent pour l’éducation nationale, plusieurs membres de ma famille y sont ou y ont été et je constate que ce travail est honorable et au-delà de mes capacités. C’est plutôt envers nos méthodes éducatives que j’aurai des reproches. Mais, moi qui ai été scolarisé dans le public et le privé, je suis satisfait de mon éducation, même si je vois aujourd’hui comment elle aurait pu être meilleure.
Par ailleurs, je veux dire que l’école publique n’est pas le grand méchant loup. Mon titre et le reste de mon article pourrait laisser entendre que l’école est catastrophique et que réussir à l’école c’est rater dans la vie. Ce n’est pas ce que je veux dire. J’ai plutôt bien réussi à l’école et je suis content de ma vie ^^! Je pointe du doigt ce qui est négatif dans l’école pour permettre de ne pas reproduire ces erreurs et pour inspirer les parents qui ont fait le choix du homeschool mais aussi les autres à qui je conseille d’instruire leurs enfants (d’une autre manière) et de s’informer de ce qui se dit à l’école pour être en dialogue à ce sujet avec l’enfant.
Et, bien entendu, mon article ne doit pas servir d’excuse à la paresse d’un élève qui tomberait dessus !
Faysal Hafini s’est passionné pour la vie des « grands-hommes-qui-semblent-avoir-réussi » (Einstein, Steve Job, Lincoln, Bill Gates, Victor Hugo, etc.). Il a repéré chez eux 2 choses courantes : un rapport compliqué avec l’école et 5 qualités responsables de leur réussite.
Mais il a poussé la réflexion un peu plus loin : pourquoi n’étaient-ils pas bons à l’école ? Pourquoi n’y a-t-il pas de lien direct entre réussite scolaire et réussite dans la vie ? L’école n’est-elle pas censée préparer à la vie ? Et il s’est rendu compte que c’est précisément parce que l’école ne développait pas ces 5 qualités que l’on pouvait réussir à l’école et pas dans la vie et inversement.
Être passionné
Être passionné, c’est avoir une approche émotionnelle et sentimentale vis-à-vis d’un travail ou d’une activité. C’est être de tout coeur dans un sujet. Le passionné n’a pas besoin de faire d’effort pour travailler. En fait, il doit faire plus d’effort pour cesser sa passion que pour s’y mettre. Sa passion peut même prendre la place d’autres choses nécessaires, c’est peut-être là qu’elle devient idole.
Imaginez demander à Steve Jobs s’il était passionné par la technologie et l’innovation. C’est une évidence. Tout ce qu’il a fait le manifeste et sa réussite est en grande partie due à sa passion.
À l’école, la passion peut se traduire par le fait d’être à fond dans une matière. Oui, mais une telle passion, pourtant utile dans la vie, ne sera pas valorisée voire pénalisée à l’école. En effet, les coefficients sont fixes, le proviseur ne va pas venir demander a l’élève s’il a une passion pour la valoriser dans son coefficient. Ce qui compte le plus pour l’élève, ce pour quoi ils pourraient donner des heures sans compter, tout cela ne comptera pas vraiment pour sa réussite scolaire.
À la passion, l’école oppose la standardisation des évaluations.
Être curieux
La curiosité va souvent avec la passion. La curiosité permet d’enrichir ses connaissances sur sa passion, mais aussi de découvrir d’autres domaines utiles. Le curieux est conduit à s’informer davantage. Oui, mais l’école valorise rarement la curiosité. Puisqu’elle fonctionne selon des programmes définis et des évaluations standardisées, rien ne sert de chercher à en savoir plus, il faut simplement connaître le programme pour réussir. C’est un effort inutile « scolairement » que d’approfondir une matière au-delà du programme.
Pire, cela peut même être pénalisé d’un « Hors sujet ». Je me souviens avoir demandé de l’aide à un de mes frères quand j’étais au collège pour résoudre un problème mathématique. Oui, mais la solution qu’il m’a expliqué était d’un niveau plus avancé que le programme, j’ai donc du la retirer de mon devoir pour ne pas être pénalisé. Ainsi, la curiosité est peu développée par ce système et même parfois réprimée.
Au contraire, dans la vie professionnelle, on parle « d’évolution professionnelle », « d’adaptation », d’apprendre plus, de se former en continu. Il ne faut pas demeurer sur ses acquis et se dire « j’ai fini mes études », comme si nous avions validé le programme.
Ces gens qui ont réussi et que le conférencier a étudié manifestaient leur curiosité par le fait de penser toujours qu’ils n’en savaient pas assez, qu’il y a plus à apprendre, que l’on peut encore s’informer. Ils étaient de véritables autodidactes pleins de curiosité.
Avoir des objectifs
Aujourd’hui on a compris que dans le milieu professionnel ce qui compte ce n’est pas d’être performant partout mais performant dans les choses qui nous font atteindre nos objectifs.
Dans le domaine de l’éducation, un objectif peut être telle carrière professionnelle ou telle compétence (parler une langue, lire tant de livres, être à l’aise à l’oral, savoir taper à dix doigts, etc.).
Ceux qui ont des objectifs se donnent pour ceux-là mais ne gaspillent pas leur énergie ailleurs et se confrontent alors à l’école au même problème que celui du passionné : les coefficients qui imposent d’équilibrer ses efforts.
On récompense la note mais jamais l’élève qui dit : « voilà mon projet professionnel et voilà ce que j’ai travaillé pour l’atteindre ». Et, puisque la vie à la maison et la vie scolaire sont séparées, on ne valorisera pas les activités extra-scolaires (formelles ou non) qui contribuent à atteindre cet objectif. L’approche manque donc de globalité et ne développe pas le fait de savoir se fixer et atteindre des objectifs, ce qui est indispensable pour réussir.
Être créatif
Selon le conférencier, c’est la première chose qu’on nous retire à l’école : dans les examens standardisés, il faut donner la réponse et non être créatif. Oui, il y a exceptionnellement des exercices qui font appel à la créativité mais ils sont minoritaires voire anecdotiques. Qu’importe si vous avez trouvé une meilleure manière de résoudre tel problème mathématique, ne cherchez même pas à le faire, on veut le résultat et la créativité ici sera même pénalisée.
92% des personnes les plus créatives ont moins de 5 ans, dit-il, et il ajoute que l’école est un des facteurs principaux qui est responsable de la baisse de créativité ensuite. À l’école, celui qui est créatif ne verra pas (ou peu, pour être plus juste) sa créativité valorisée. Le créatif c’est l’enfant qui dessine, qui pose toujours des questions bizarres, et veut aborder des sujets hors programme. « Dispersé », dira le bulletin.
Dans la vie professionnelle, la créativité est valorisée, et pas seulement dans les arts ! La capacité d’innover est devenue nécessaire dans un monde qui change si rapidement.
Être sociable
L’enfant sociable, c’est celui qui aura « Excès de bavardage » sur son bulletin, et je ne dis pas ça pour excuser mes bulletins, même si j’aurai bien aimé pouvoir dire cela à mes profs !
Il y a une forme d’intelligence qui est l’intelligence sociale. Celui qui a cette intelligence assez développée aura du mal à travailler seul et à écouter une heure un prof. L’écrasante majorité des évaluations sont individuelles et interagir est dans le domaine de l’interdit : c’est tricher. Mais certaines personnes ont besoin d’échanger et de débattre.
Statistiquement, ceux qui développent ce type d’intelligence sont en effet plus susceptibles de tricher ou d’aider les autres pendant une évaluation (et cela ne les excuse pas pour autant, les statistiques ne tiennent pas lieu de destin irrésistible).
Dans le monde professionnel, on parle de « team building », de « synergie » ou, dans mon domaine, de la notion d’équipe médicale. On sait que l’on est meilleur en groupe et pourtant ce mode de travail est évalué très rarement !
Dans certains métiers la personne va travailler constamment avec d’autres et toute sa vie on l’aura formaté à être évalué seul, à ne surtout pas collaborer.
Il ne s’agit pas de détruire les compétences individuelles mais de considérer que la sociabilité en est une qui doit aussi être valorisée. Oui, l’individu doit être responsable et avoir un degré d’autonomie, mais rien ne nous dit que c’est en réprimant la sociabilité que l’on développe ces qualités complémentaires.
Tout le monde connaît cet élève très « intelligent » mais qui semble n’avoir aucun ami. Car il est possible de très bien réussir à l’école sans l’intelligence sociale alors que ce n’est pas le cas dans la vie.
Conclusion
J’ai régulièrement été étonné du décalage entre ce que l’on prétendait nous transmettre dans nos cours de médecine et la forme du cours. Dans les Sciences Humaines, où l’on nous parle d’humain, de l’importance du psychologique et du fait que chaque patient doit être abordé comme sujet et non de façon standardisée; on nous évalue par un test standardisé qui consiste à recopier mot pour mot le cours. Avec le recul, cela fait presque sourire, mais je pense qu’il est important que nous prenions conscience que la forme du cours transmet autant que son fond, surtout quand il s’agit de concepts comme ceux abordés dans les Sciences Humaines.
Si nous voulons apprendre aux enfants ces 5 qualités, ne nous contentons pas de quelques activités périphériques. Elles ne serviront à rien si tout le reste du temps ces qualités ne sont pas valorisées.
Pour les objectifs je dirais aussi que les cours pertinents pour l’un ne le sont pas pour un autre ! Oui les maths c’est important mais combien d’heures ai-je perdu à dormir aux cours pour finir par avoir mon diplôme avec 0/20…