Il est bien démontré, par toutes les preuves que vous ai apportées, que le Christ est véritablement Seigneur, Dieu et Fils de Dieu ; et que, par l’effet de sa puissance, il s’est montré autrefois sous la forme d’un homme et sous celle d’un ange, et avec l’éclat du feu, comme dans le buisson et dans le jugement de Sodome, je rappelai de nouveau ce que j’avais cité de l’Exode sur la vision du buisson ardent, et sur le nom de Jésus donné au fils de Navé, et j’ajoutai :
Si je reviens aussi souvent sur les mêmes passages, ne regardez pas ces redites comme de vaines superfluités de paroles. Je me les permets parce que je sais comment quelques-uns interprètent ces passages : ils disent qu’à la vérité cette vertu qui apparut de la part du Dieu créateur à Moïse , ou à Abraham, ou à Jacob, est appelée ange lorsqu’elle apparaît aux hommes, parce qu’elle leur transmet tes ordres du Père de toutes choses; gloire, parce qu’elle se manifeste quelquefois par des visions, dont on ne peut soutenir l’éclat; homme, lorsqu’il plaît à Dieu qu’elle prenne cette forme; vertu enfin, parce qu’elle fait entendre aux mortels la parole du Très-Haut. Mais cette vertu, selon eux, ne peut se détacher et se séparer du Père, comme la lumière ne peut, sur la terre, se détacher et se séparer du soleil qui est dans le ciel et finit lorsque le soleil se couche. « Ainsi, quand Dieu le veut, ajoutent-ils, sa vertu jaillit au loin, et quand il le veut elle rentre en lui-même. » Il est prouvé que les anges sont des êtres qui existent et demeurent toujours et ne rentrent point dans le néant d’où ils sont sortis. Eh bien ! cette vertu que l’Esprit saint appelle Dieu et appelle ange, ainsi que nous l’avons montré par tant de passages, j’ai fait voir plus haut qu’elle était permanente et distinguée, non-seulement de nom comme le rayon du soleil, mais de nombre; oui, cette vertu est engendrée du Père par sa volonté et par sa puissance; mais ce n’est point par retranchement ou diminution, comme si sa substance était divisée et diminuée, ainsi que les objets qui se partagent et se divisent cessent d’être ce qu’ils étaient avant le partage et la division; et plus haut j’ai cité pour exemple les feux que nous voyons allumer à un autre feu : ces feux ne diminuent point le premier, il reste toujours le même.Permettez-moi de reproduire ici les témoignages déjà cités comme des preuves de cette vérité. Lorsque l’Esprit saint dit :
« Le Seigneur fit tomber du ciel par le Seigneur une pluie de feu, » (Genèse 19:24)
il nous montre bien ici deux personnes distinctes; l’une sur la terre, descendue pour entendre la clameur élevée de Sodome; l’autre dans le ciel, c’est-à-dire le maître du maître qui se montrait sur la terre, le Dieu et Père qui lui communique sa puissance, et le fait Seigneur et Dieu.
Justin Martyr, Dialogue avec le Juif Tryphon, chapitres 128-129.
Nous voyons ici dans un texte ancien une affirmation de la divinité du Fils d’un côté (il l’appelle trois fois « Dieu ») et de son engendrement par le Père de l’autre (le feu qui allume un autre feu, le Père qui communique sa puissance et sa divinité). Certes, ce n’est pas encore la formulation précise de Nicée mais ce sont les premiers « balbutiements » de cette doctrine qui nous dépasse.
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Illustration en couverture : Le Concile de Nicée, fresque de la Chapelle Sixtine.
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