Cyrille de Jérusalem était évêque de l’Église de Jérusalem au IVe siècle, que nous avons déjà pleinement introduit dans un autre article. Ses conférences catéchétiques sont le seul parcours de formation des nouveaux convertis (catéchètes) que nous ayons à cette époque. Loin de la haute théologie patristique, vous découvrez ici la théologie pour chrétiens ordinaires que l’on enseignait au IVe siècle. Je vous souhaite une bonne lecture.
1 Doxologie trinitaire (même si elle ne mentionne que le Père et le Fils).
2 Cyrille avertit ses auditeurs que Dieu est incompréhensible, c’est à dire impossible à enfermer complètement dans une description exhaustive.
Maintenant, bien que l’esprit soit très rapide dans ses pensées, la langue a besoin de mots et d’un long récit de parole intermédiaire. Car l’œil embrasse en un instant une multitude de la « chorale étoilée » ; mais quand quelqu’un veut les décrire une par une, laquelle est l’étoile du Matin, laquelle l’étoile du Soir, et laquelle chacune d’elles, il a besoin de beaucoup de mots. De même, l’esprit embrasse en un instant la terre, la mer et toutes les limites de l’univers ; mais ce qu’il conçoit en un instant, il le décrit avec de nombreux mots. Pourtant, aussi puissant que soit l’exemple que j’ai mentionné, il reste faible et inadéquat. Car de Dieu, nous ne parlons pas tout ce que nous devrions (car cela Lui seul le sait), mais autant que la capacité de la nature humaine a reçu, et autant que notre faiblesse peut supporter. Car nous n’expliquons pas ce que Dieu est, mais nous confessons franchement que nous n’avons pas de connaissance exacte à Son sujet. Car en ce qui concerne Dieu, confesser notre ignorance est la meilleure connaissance. Par conséquent, magnifiez le Seigneur avec moi, et exaltons ensemble Son Nom, — tous ensemble, car un seul est impuissant ; ou plutôt, même si nous étions tous unis, nous ne le ferions pas comme il se doit. Je ne veux pas dire seulement vous qui êtes ici présents, mais même si tous les nourrissons de toute l’Église à travers le monde, celle qui existe maintenant et celle qui sera, se réunissaient ensemble, ils ne seraient pas capables de chanter dignement les louanges de leur Berger.
3-4 Pour comprendre, songez à quel point vous êtes petits face à votre ville, combien votre ville est petite face à l’Empire Romain, combien l’empire Romain est petit par rapport à la Terre entière, et combien la Terre est petite par rapport à l’univers. Et bien l’univers entier n’est qu’une poussière devant Dieu.
5 Si Dieu est incompréhensible, pourquoi en parler? → Je ne peux pas boire toute la rivière, dois je renoncer à boire ce dont j’ai besoin? Si je ne peux pas regarder le soleil en face, dois-je renoncer à voir ce qu’il éclaire ?
6 Certes les anges peuvent voir Dieu (Mt 18.10) mais selon leur mode propre, qui n’est pas complet. Seul le Fils et l’Esprit peuvent voir Dieu (1 Co 2.10 et Mt 11.27). Ce n’est donc pas un obstacle à notre vie spirituelle.
7 Résumé de la doctrine de Dieu :
Pour la dévotion, il nous suffit de savoir que nous avons un Dieu ; un Dieu qui est Un, un Dieu vivant, un Dieu toujours vivant ; toujours semblable à Lui-même ; qui n’a pas de Père, aucun plus puissant que Lui, pas de successeur pour le chasser de Son royaume : Qui en nom est multiple, en pouvoir infini, en substance uniforme. Car bien qu’Il soit appelé Bon, Juste, Tout-Puissant et Sabaoth, Il n’est pas pour autant divers et varié ; mais étant un et le même, Il envoie d’innombrables opérations de Sa divinité, sans excéder ici et être déficient là, mais étant en toutes choses semblable à Lui-même. Pas grand en bonté seulement, et petit en sagesse, mais avec la sagesse et la bonté en pouvoir égal : pas voyant en partie, et en partie dépourvu de vue ; mais étant tout œil, et toute oreille, et tout esprit : pas comme nous percevant en partie et en partie ne sachant pas ; car une telle affirmation serait blasphématoire, et indigne de la substance divine. Il prévoit les choses qui existent ; Il est Saint, Tout-Puissant, et excelle tous en bonté, majesté, et sagesse : de Qui nous ne pouvons déclarer ni commencement, ni forme, ni figure. Car vous n’avez jamais entendu Sa voix, ni vu Sa forme, dit l’Écriture Sainte. C’est pourquoi Moïse dit aussi aux Israélites : Et prenez bien garde à vos propres âmes, car vous n’avez vu aucune ressemblance. Car si il est totalement impossible d’imaginer Sa ressemblance, comment la pensée pourrait-elle approcher Sa substance ?
8-11 Cyrille ensuite avertit ses auditeurs contre les antropomorphismes.
Le texte argumente que les diverses représentations humaines de Dieu ont été erronées et inappropriées. Voici un résumé de l’argument :
- Échecs des Représentations Humaines : Les humains ont imaginé Dieu de nombreuses façons, comme le feu ou un homme avec des ailes, mais ces images sont basées sur des malentendus de textes sacrés. Ces représentations anthropomorphes dévalorisent la grandeur de Dieu, qui est au-delà de la compréhension humaine.
- Métaphores et Symboles : Des passages bibliques utilisant des métaphores (comme les ailes pour représenter la protection) ont été mal interprétés, menant à des concepts physiques de Dieu. Par exemple, l’idée des « sept yeux » de Dieu a été prise littéralement par certains, suggérant une vision imparfaite, ce qui est blasphématoire.
- Perfection et Omniprésence de Dieu : Cyrille insiste sur la perfection divine en termes de vue, pouvoir, grandeur, prévoyance, bonté, justice, et bienveillance. Dieu n’est pas limité par l’espace mais est le créateur de tout espace, omniprésent et omniscient.
- L’Incompréhensibilité de Dieu : Dieu est décrit comme une entité insondable, au-delà de la compréhension humaine, dont même les œuvres les plus simples sont incompréhensibles. Les Écritures soulignent que l’essence de Dieu dépasse l’entendement humain.
- Critique de l’Idolâtrie : L’évêque de Jérusalem critique sévèrement l’idolâtrie, où des humains ont adoré des créatures et des objets naturels (comme des animaux, des plantes, et même des légumes) au lieu de Dieu. Cette pratique est vue comme une dégradation extrême de la conception de la divinité.
Des hérésies
12-13 Cyrille émet ensuite un avertissement contre les gnostiques en général, et les manichéens en particulier. Dans un style soudainement très dense, il avance les arguments suivants :
- Dualité de Dieu :
- Cyrille critique l’idée d’une dualité divine où il existerait un Dieu bon et un Dieu mauvais. Il argue que si quelque chose est appelé « divinité », il doit nécessairement être bon, car la bonté est inhérente à la notion de Dieu. Il questionne ainsi la logique de ceux qui attribuent le mal à une divinité.
- Contradiction dans les Attributs Divins :
- Il souligne l’incohérence de décrire une divinité comme mauvaise tout en l’appelant « Dieu », car les attributs comme la bonté, la bienveillance, et la puissance sont associés à la divinité. Si ces attributs sont absents, alors pourquoi appeler cette entité « Dieu » ?
- Problème de l’Origine du Mal :
- Cyrille interroge comment, si les deux divinités sont égales et éternelles, le mal pourrait exister contre la volonté du Dieu bon. Si le Dieu bon a le pouvoir, pourquoi le mal existe-t-il ? Si le Dieu bon ne peut pas arrêter le mal, cela suggère-t-il un manque de puissance ou une complicité ?
- Incompatibilité des Deux Divinités :
- Il utilise l’analogie de la lumière et des ténèbres pour montrer que les deux ne peuvent coexister ou partager le même espace, mettant en question la logique de deux divinités opposées coexistantes.
- Contradiction dans la Création :
- Il critique l’idée que le monde pourrait être créé par une divinité maléfique, tout en affirmant que le Christ (considéré par certains gnostiques comme le soleil) serait le fils du Dieu bon. Cela pose la question de comment le fils du Dieu bon pourrait être pris au piège dans un monde créé par une divinité mauvaise.
- Critique de la Logique Gnostique :
- Cyrille expose l’inconstance dans les doctrines gnostiques, comme l’affirmation que le Dieu mauvais n’aurait qu’une part limitée dans la création du monde ou que le Dieu bon serait le père de Christ, qui serait le soleil. Il met en lumière ces contradictions pour montrer l’absurdité de ces croyances.
- Mise en Garde contre l’Hérésie :
- Finalement, il souligne l’importance de connaître ces hérésies pour éviter de tomber dans leurs pièges, même si cela implique de discuter de concepts aberrants, car il est préférable de connaître et de rejeter ces doctrines que de les adopter par ignorance.
14-15 Cyrille relaie ensuite la légende de la confrontation entre Simon le magicien et les apôtres Pierre et Paul à Rome : Simon avait monté son culte à Rome lorsque les apôtres Pierre et Paul le retrouvent. Par ses pouvoirs magiques, Simon démontre sa « divinité » en faisant de la lévitation, mais par la prière, Pierre lui enlève ses pouvoirs, et Simon meurt dans la chute.
16-19 Ensuite, Cyrille critique les doctrines de plusieurs figures gnostiques (Cérinthe, Ménandre, Carpocrate, Marcion, Basilide, Valentin) et les accuse de corrompre la foi chrétienne. Marcion est dénoncé pour avoir séparé le Dieu de l’Ancien Testament du Dieu du Nouveau Testament, tandis que Valentin est critiqué pour sa cosmologie complexe impliquant trente éons, dont Sophia (la Sagesse), qui engendre le Diable. Ces enseignements sont qualifiés d’absurdes et d’impies, car ils déforment la nature de Dieu, du Christ et de la création. Le texte exhorte à rejeter ces hérésies et à éviter tout contact avec leurs adeptes pour préserver la pureté de la foi.
20-27 Il y a ensuite la critique virulente de Cyrille contre le manichéisme, une hérésie fondée par Manès (ou Mani), qu’il considère comme une synthèse impie de diverses doctrines hérétiques. Manès, originaire de Perse, se proclame le « Paraclet » (l’Esprit Saint), blasphémant ainsi contre la foi chrétienne. Cyrille retrace l’histoire de Manès, en le présentant comme un imposteur et un esclave nommé Cubricus, qui a adopté le nom de Manès pour masquer ses origines. Manès est accusé de multiples crimes, notamment la mort d’un enfant qu’il a prétendu guérir par la prière, causant ainsi sa perte en éloignant les médecins. Capturé et emprisonné, il s’évade mais est finalement arrêté, jugé, et exécuté par le roi de Perse. Sa peau est exhibée comme un trophée.
Cyrille critique aussi les doctrines manichéennes, qui rejettent le Dieu de l’Ancien Testament comme mauvais et enseignent une cosmologie dualiste opposant lumière et ténèbres. Les manichéens sont accusés de pratiques blasphématoires, comme maudire le créateur de la nourriture tout en la consommant, et de rituels secrets jugés immoraux. Cyrille met en garde contre leurs écrits, comme l’Évangile selon Thomas, qu’il attribue [faussement] à un disciple de Manès, et exhorte les fidèles à éviter tout contact avec eux. Le manichéisme est dépeint comme une menace pour la foi et la morale, combinant absurdité doctrinale et immoralité pratique.
35
Mais que le Seigneur nous délivre d’une telle illusion : et qu’il vous soit donné une haine contre le serpent, afin que, comme ils guettent le talon, vous puissiez marcher sur leur tête. Souvenez-vous de ce que je dis. Quel accord peut-il y avoir entre notre état et le leur ? Quelle communion la lumière a-t-elle avec les ténèbres ? Qu’a la majesté de l’Église à voir avec l’abomination des Manichéens ? Ici, il y a de l’ordre, ici de la discipline, ici de la majesté, ici de la pureté : ici, même regarder une femme pour la désirer est une condamnation. Ici, le mariage est sanctifié, ici une continence ferme, ici la virginité est honorée à l’égal des Anges : ici, on partage la nourriture avec action de grâce, ici la gratitude envers le Créateur du monde. Ici, le Père du Christ est adoré : ici, on enseigne la crainte et le tremblement devant Celui qui envoie la pluie : ici, nous rendons gloire à Celui qui fait le tonnerre et les éclairs.
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