Sans se prétendre complet, cet article cherchera à montrer les éléments qui me font penser que les discours sur la fin des temps de Jésus ainsi que le livre d’Apocalypse sont en partie déjà accompli puis à montrer l’intérêt d’une telle étude.
Alors que vous commencez cet article, j’aimerai que vous gardiez en tête un principe tout simple d’interprétation de la Bible : les textes obscurs doivent être interprétés à la lumière des textes clairs.
Un accomplissement imminent.
Les prophéties de Jésus en Luc 21, Matthieu 24 et Marc 13 ainsi que le livre d’Apocalypse se présentent comme devant recevoir un accomplissement rapide, là, dans les années à venir. Quand on les lit, quoi que l’on puisse dire sur l’interprétation de tel ou tel détail, il y a un point qui est clair : c’est pour bientôt !
Je vais donc vous présenter les raisons qui me font croire que ces discours ainsi que le livre d’Apocalypse ont reçu un accomplissement dans les premiers siècles, quand le temple fut détruit par Titus en 70 après Jésus-Christ, et non un accomplissement futur plus de deux mille ans plus tard. Je vous conseille de lire la suite de l’article avec une Bible ouverte aux passages concernés.
Marc 13:4 comporte une question des disciples quant à l’avenir du temple, le but du discours est donc de répondre à cette question. Jésus leur donne alors les signes qui précèderont la destruction du temple. Puis, au verset 14, le lecteur Judéen est prévenu de fuir quand il verra ces signes, ce que les chrétiens ont fait à cette époque (voir Eusèbe, Histoire Ecclésiastique). Jésus poursuit alors son discours en employant un langage apocalyptique puis le conclut par ces paroles, au verset 30 : « En vérité, je vous le dis, cette génération ne passera point que tout cela n’arrive. (…) pour ce qui est du jour ou de l’heure, personne ne les connait ». Les choses sont claires, ces évènements vont avoir lieu au cours de cette génération toutefois le jour et l’heure ne sont pas révélés.
Luc 21 nous rapporte le même discours. Aux versets 5-7, nous avons la même introduction : face aux temples, les disciples demandent à Jésus le moment où leur destruction aura lieu. Encore une fois, le discours va répondre à cette question. Luc 21:12 nous parle de persécution dans les synagogues, ce qui était une situation qu’ont connu les premiers chrétiens. Luc 21:20 nous parle de Jerusalem et de sa destruction. Puis, là encore, Jésus précise au verset 32 que « cette génération ne passera point que tout cela n’arrive ».
Matthieu 24 nous rapporte aussi le même discours. Aux versets 1-3, nous assistons encore à la même scène : les disciples demandent à Christ quand aura lieu la destruction du temple. Le discours répond à cette question. Il conclut encore une fois ce discours au verset 34 par « En vérité, je vous le dis, cette génération ne passera point, que tout cela n’arrive. »
Passons à Apocalypse. Dès le début du livre et jusqu’à la fin, Jean avertit son lecteur que l’accomplissement est pour « bientôt ». Ap 1:1 dit ainsi « pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt. » cette parole est répétée en Ap 22:6. Toutefois, certains commentateurs ont fait remarqué que le mot grec traduit par bientôt peut aussi se traduire par « vite ». Et, tout comme en français, ce mot peut avoir le sens de bientôt ou de rapidement. Mais l’interprétation qui consiste à dire que cela va se produire de façon rapide doit être rejetée car le texte précise ce que veut dire bientôt : Ap 1:3 dit explicitement « Heureux celui qui lit et ceux qui écoutent (car ce livre était destiné à être lu dans les églises) les paroles de la prophétie et gardent ce qui s’y trouve écrit ! Car le temps est proche. » Cette parole est répétée en Apocalypse 22:10. Bref, s’il y a bien une chose qui est claire dans Apocalypse, c’est que c’est pour bientôt !
Un bouleversement cosmique
À la lumière de ces textes clairs, interprétons les obscurs. Certains diront « mais ces discours décrivent des bouleversements cosmiques, de la fumée, des milliers de saints, des montagnes qui tremblent, cela n’a pas pu s’accomplir en 70 à Jerusalem. »
À ceci, il faut répondre en deux temps : (1) Premièrement, le genre de ces textes est apocalyptique. Or, il faut reconnaitre que ce genre doit être interprété de façon propre : en respectant les symboles qui sont utilisés et en cherchant leur sens. (2) Deuxièmement, il faut se demander si d’autres textes dans la Bible permettent d’éclairer cela.
Je prétends que beaucoup de ces textes s’appliquent à la destruction et au jugement de Jérusalem en 70. Cette idée vous semble bizarre ? Elle l’était aussi pour moi à première vue, mais il ne faut pas rejeter une opinion parce qu’elle est bizarre, il faut se demander : est-ce que la Bible a déjà annoncé des jugements divins en employant le vocabulaire de montagnes qui tremblent, de Dieu qui se manifeste avec gloire, de Dieu qui descend, de nuage sous ses pieds, etc.
Et, nous constatons qu’il y en a en effet plus d’un :
- En Genèse 11:5 le jugement de Babel est présenté en parlant de Dieu qui descend.
- En Deutéronome 33:2, la descente de Dieu est décrite comme étant accompagnée de 10 000 saints.
- Esaie 19:1 promet le jugement de l’Egypte en décrivant Dieu venant sur les nuées.
- En Esaie 31:4, Dieu promet qu’il va délivrer Jerusalem en descendant avec puissance.
- En Esaie 64:3, les montagnes ont tremblé face à Dieu.
- En Esaie 66:15, l’Eternel est annoncé avec feu et chars.
- Le Psaume 18 décrit la délivrance de David comme Dieu descendant, les nuages sous les pieds, la fumée sortant de ses narines, les chérubins le portant.
- Psaume 47:5 décrit l’action de Dieu comme accompagnée d’un coup de trompette.
- Psaume 97:2,5 parle des montagnes secouées par la présence du Seigneur.
- Osée 8:1 parle de Dieu jugeant Israel comme un aigle.
- Michée 1:3-4 parle de Dieu descendant pour juger, faisant fondre les montagnes.
- Exode 3:8 décrit la délivrance d’Israel et le jugement de l’Egypte comme une descente de Dieu.
- Joel 2:1-2 et Sophonie 1:14-15 parlent du jugement de Dieu comme d’un jour de nuage, de ténèbres.
- Nahum 1:3 annonce le jugement avec les nuées sous les pieds de Dieu.
Mais certains diront : Marc 13:24 et d’autres textes ne parlent-t-ils pas de soleil qui s’obscurcit, d’étoiles qui tombent, tu ne vas pas me dire que c’est ce qui s’est passé à Jerusalem en 70 ?! Écoutons plutôt comment l’Écriture parle du jugement que Dieu a amené sur les nations autour d’Israel :
10 Alors les étoiles du ciel et toutes leurs constellations cesseront de briller, le soleil sera obscurci dès son lever, il n’y aura plus de clarté répandue par la lune. 11 J’interviendrai contre le monde pour le punir de sa méchanceté et contre ceux qui font le mal à cause de leurs fautes. Je mettrai fin à l’arrogance des insolents, je ferai tomber l’orgueil des tyrans. 12 Je rendrai les humains plus rares que de l’or fin, plus rares que de l’or d’Ophir. 13 J’ébranlerai le ciel, et cette terre sera secouée sur ses bases par la fureur de l’Eternel, le Seigneur des armées célestes, au jour où il déchaînera son ardente colère.
Ésaie 13:10-13
Et écoutons comment l’Écriture prophétisait le retour d’Israel de sa captivité, « quand je ferai revenir les captifs de Juda » (verset 1) et quand Dieu annonçait son jugement sur les Philistins (verset 4) :
Le jour de l’Eternel est proche
dans le val du Verdict.
15 Le soleil et la lune sont obscurcis,
les astres perdent leur éclat.
16 Il rugit, l’Eternel, depuis Sion
et, de Jérusalem, il donne de la voix,
et le ciel et la terre sont ébranlés.
Mais l’Eternel est un refuge pour son peuple.
Il est une retraite pour les Israélites.
Joel 4:14b-16
Bref, tout au long de l’Ancien Testament, les jugements de Dieu sur Egypte, les ennemis de David, les nations et plus généralement les ennemis du peuple de Dieu sont décrits en des termes qui font ressortir la puissance de Dieu de manière symbolique et poétique. Il en est de même pour les textes du Nouveau Testament.
C’est un signe fort pour les Juifs : Dieu utilise le même vocabulaire pour parler de leur jugement en 70 que pour parler de la destruction des ennemis du peuple de Dieu dans l’Ancien Testament ! En effet, en rejetant le Messie, ils se sont rendus ennemis de Dieu (2 Thess 2:14-16).
Si cela ne vous convainc pas, écoutez ce que l’historien juif Flavius Josèphe, qui a vu de ses yeux la destruction de Jérusalem, rapporte à ce sujet :
Ces trompeurs, ces gens qui se prétendaient envoyés de Dieu abusaient ainsi le misérable peuple, qui n’accordait ni attention ni créance aux clairs présages annonçant la désolation déjà menaçante : comme si la foudre fût tombée sur eux, comme s’ils n’avaient ni des yeux ni une âme, ces gens ne surent pas entendre les avertissements de Dieu. Ce fut d’abord quand apparut au-dessus de la ville un astre semblable à une épée, une comète qui persista pendant une année. Avant la révolte et la prise d’armes, le peuple s’était rassemblé pour la fête des azymes, le 8e jour du mois de Xanthicos, Quand, à la neuvième heure de la nuit, une lumière éclaira l’autel et le Temple, assez brillante pour faire croire que c’était le jour, et ce phénomène dura une demi-heure. Les ignorants y virent un bon signe, mais les interprètes des choses saintes jugèrent qu’il annonçait les événements survenus bientôt après. Dans la même fête, une vache amenée par quelqu’un pour le sacrifice mit bas un agneau dans la cour du Temple, et l’on vit la porte du Temple intérieur, tournée vers l’Orient, – bien qu’elle fût en airain et si massive que vingt hommes ne la fermaient pas sans effort au crépuscule, qu’elle fût fixée par des verrous munis de chaînes de fer et par des barres qui s’enfonçaient très profondément dans le seuil formé d’une seule pierre -, s’ouvrir d’elle-même à la sixième heure de la nuit. Les gardiens du Temple coururent annoncer cette nouvelle au capitaine, qui monta au Temple et fit fermer la porte à grand’peine. Ce présage aussi parut encore très favorable aux ignorants : ils disaient que Dieu leur avait ouvert la porte du bonheur mais les gens instruits pensaient que la sécurité du Temple s’abolissait d’elle-même, que la porte s’ouvrait et s’offrait aux ennemis. Ils estimaient entre eux que c’était le signe visible de la ruine. Peu de jours après la fête, le vingt-et-un du mois d’Artemisios, on vit une apparition surhumaine, dépassant toute créance. Ce que je vais raconter paraîtrait même une fable, si des témoins ne m’en avaient informé : du reste, les malheurs qui survinrent ensuite n’ont que trop répondu à ces présages. On vit donc dans tout le pays, avant le coucher du soleil, des chars et des bataillons armés répandus dans les airs, s’élançant à travers les nuages et entourant les villes. En outre, à la fête dite de la Pentecôte, les prêtres qui, suivant leur coutume, étaient entrés la nuit dans le Temple intérieur pour le service du culte, dirent qu’ils avaient perçu une secousse et du bruit, et entendu ensuite ces mots comme proférés par plusieurs voix : « Nous partons d’ici. »
Flavius Josèphe, Guerre de Juifs, VI, 5, 3.
Ce témoignage vous parait peut-être peu fiable, mais notons que Josèphe, en historien, est conscient que tout cela semble sortir d’une fable. Il tient toutefois à le mentionner pour 2 raisons : (1) Des témoins oculaires lui ont rapporté ces faits, et (2) quand on considère l’ampleur de la catastrophe qu’était la destruction du temple et de Jérusalem, il n’est pas étonnant que des choses l’aient annoncé.
De plus, l’historien romain Tacite confirme cela au Livre V de son Histoire :
Il était survenu des prodiges dont cette nation, aussi ennemie de tout culte religieux qu’adonnée aux superstitions, aurait craint de conjurer la menace par des voeux ou des victimes expiatoires. On vit des bataillons s’entrechoquer dans les airs, des armes étinceler, et des feux, s’échappant des nues, éclairer soudainement le temple. Les portes du sanctuaire s’ouvrirent d’elles-mêmes, et une voix plus forte que la voix humaine annonça que les dieux en sortaient ; en même temps fut entendu un grand mouvement de départ. Peu de Juifs s’effrayaient de ces présages ; la plupart avaient foi à une prédiction contenue, selon eux, dans les anciens livres de leurs prêtres, « que l’Orient prévaudrait, et que de la Judée sortiraient les maîtres du monde ; » paroles mystérieuses qui désignaient Vespasien et Titus. Mais la nation juive, par une illusion de la vanité humaine, s’appliquait ces hautes destinées ; et le malheur même ne la ramenait pas à la vérité. Le nombre des assiégés de tout âge et de tout sexe allait, dit-on, à six cent mille. On avait donné des armes à quiconque pouvait les porter, et la quantité des combattants surpassait la proportion commune. Même obstination dans les hommes et dans les femmes : si pour vivre il leur fallait changer de demeures, ils redoutaient plus la vie que la mort. C’est à une telle ville, à une telle nation que Titus faisait la guerre. Comme le lieu se refusait à un assaut et à un coup de main, il résolut d’employer les terrasses et les galeries. On distribua la tâche aux légions ; et les combats furent suspendus, jusqu’à ce que tous les ouvrages imaginés par l’antiquité ou inventés par le génie moderne pour forcer les villes fussent élevés contre Jérusalem.
Une nuance
Cet article n’est pas complet sur la question, je suis moi-même en réflexion sur le sens de plusieurs passages concernés et cet article soulève certainement plus de questions qu’il n’en résout. Des articles à venir traiteront éventuellement point par point de divers détails sur la fin des temps. Et je le précise tout de suite : Oui, je crois que Christ va revenir dans le futur, va juger le monde et nous réssusciter et oui je crois que plusieurs prophéties du Nouveau Testament ne sont pas encore accomplies. Cet article était juste une invitation à remettre en question vos préjugés quand vous lisez Apocalypse ou les textes qui parlent de la fin des temps. Souvent, nous sommes plus influencé par tel ou tel film de science-fiction ou telle ou telle légende évangélique, mais prenons le temps d’écouter le texte, de chercher à comprendre une expression.
Par exemple, quand nous lisons l’expression « les derniers temps » ou « les derniers jours » beaucoup pensent à des jours à venir. Mais la Bible dit clairement que depuis la venue du Messie, nous sommes dans les derniers jours. Hébreux 1:1 dit par exemple « Dieu nous a parlé par le Fils en ces jours qui sont les derniers. » Et 1 Jean 2:18 dit même « Jeunes enfants, c’est la dernière heure (…) par là nous savons que c’est la dernière heure. »
Transformer une critique en argument
J’avais annoncé que cet article montrerait aussi l’intérêt d’une telle interprétation. Si vous étudiez un peu les critiques que l’on a formulé sur la Bible, une critique assez courante est la suivante : Luc 21, Marc 13 et Matthieu 24 parlent du retour de Jésus et promet que cela aura lieu dans la génération à laquelle il parle. Cela ne s’est pas produit. Jésus s’est donc trompé.
Il y a deux types de réponses à ceci : il y a ceux qui essayent de faire dire au texte que finalement ce n’est pas « bientôt », ni « cette génération », ni « proche » mais que c’est un accomplissement futur. Cette réponse ne peut convaincre que les convaincus… L’autre option est celle que je vous ai présenté : ces textes ne parlent pas du Retour de Christ mais de la destruction de Jérusalem, décrite en des termes apocalyptiques et symboliques, comme les autres jugements de Dieu dans l’Ancien Testament (descente de Dieu sur des nuages, montagnes qui tremblent, flammes, etc.)
Ainsi, ce qui était une critique de la Bible devient un argument en sa faveur car celle a prédit la destruction de Jérusalem, le siège des romains, la destruction du temple et a même donné une référence temporelle dans laquelle ces choses devait se produire : une génération, celle de Jésus et des disciples. C’est effectivement ce qui s’est produit.
P.S. : La position défendue dans cet article se nomme prétérisme modéré.
Illustration en couverture : Le Dernier Jour de Pompéi, Karl Brioullov (1830-1833).
Je suis d’accord, mais rien n’empêche un double accomplissement comprenant un accomplissement final au retour de Christ. Paul reprend l’expression « jour de l’Eternel » (donc tout le bagage théologique qu’il véhicule) dans une optique christologique « jour du Seigneur (Jésus-Christ) » pour parler du jugement à venir.
Après tout, l’emploi d’un vocabulaire surnaturel et cosmique ne pointe t-il pas vers un jugement ultime encore plus terrible à venir ?
Pas nécessairement. Mais ça se tient, c’est aussi l’opinion de John Owen, que l’on classe dans les prétéristes historiques, sur les discours de Christ.
Je suis d’accord avec Laurent. Pour avoir un peu creusé la question, les différents auteurs prétéristes que j’ai consulté ne m’ont pas convaincu. Je pense que certains des textes en question ont une portée trop intense, trop naturellement évidente, pour être simplement restreinte à la destruction de Jérusalem.
Néanmoins l’apport de ce mouvement est tout de même non négligeable. Il permet de rappeler à quel point la destruction de Jérusalem constitue un évènement majeur de l’histoire biblique.
Je suis partagé aussi.
Bonjour,
Si vous saviez à quel point l’illustration choisie est à-propos !