Dans le premier chapitre de son Discours aux Païens, Clément d’Alexandrie décrit l’oeuvre qu’opère le Christ en le comparant aux mythes grecs. Ces mythes parlent de musiciens extraordinaires, charmant même les animaux. Mais Clément distingue une plus belle mélodie, celle qui opère la régénération dans le coeur des hommes :
Qu’il est différent le chantre merveilleux dont je parle ! Il est venu, et à l’instant il a brisé nos chaînes, détruit la cruelle tyrannie du démon ; il nous a fait passer sous un autre joug, le plus doux, le plus facile à porter, celui de la piété. Il a relevé vers le ciel le front des hommes tristement courbé vers la terre; lui seul a pu attendrir la barbarie apprivoiser l’homme, de tous les animaux le plus féroce. Le oiseaux sont légers, les serpents trompeurs, les lions furieux les pourceaux impurs, les loups rapaces ; le bois et la pierre sont insensibles : l’homme plongé dans l’ignorance est plus stupide encore. J’en atteste cette parole prophétique d’accord avec la vérité, déplorant le malheur de l’homme, usé par la rouille de l’ignorance et de l’insensibilité : Dieu peut des pierres mêmes susciter des enfants à Abraham.
La vérité ne parlait plus au cœur des hommes ; ils lui opposaient toute la dureté du marbre depuis qu’ils portaient à la pierre le tribut de leur foi et de leurs hommages. C’est alors que ce Dieu, touché d’une misère si profonde, fit sortir de la pierre, c’est-à-dire du cœur des Gentils, un germe de piété, le sentiment de la vertu.
Les imposteurs, les hypocrites, habiles à se déguiser, toujours en embuscade pour surprendre la justice, il les appelle race de vipères. Mais que le repentir touche leur cœur, qu’ils suivent le Verbe, de serpents qu’ils étaient, ils seront des hommes divins. Il en appelle d’autres loups couverts de peaux de brebis, désignant par là les hommes rapaces et avides. Eh bien ! toutes ces natures si féroces, toutes ces pierres si dures se sont amollies, sont devenues les hommes les plus doux. Et voilà l’œuvre de notre chantre céleste et de ses divins accords.
Et nous aussi, pour me servir du langage de l’Écriture, nous étions autrefois insensés, incrédules, égarés, asservis à nos passions et à nos plaisirs, pleins de malice et d’envie, dignes de haine, et nous haïssant les uns les autres. Mais, depuis que la clémence du Dieu Sauveur a paru sur la terre, nous avons été sauvés, non par nos œuvres de justice, mais par sa miséricorde. Admirez donc la puissance de ces nouveaux accords, ils transforment en homme la brute sauvage, la pierre insensible. Ceux qui étaient comme morts, ils n’avaient plus part à la véritable vie, n’eurent pas plutôt entendu ce chant céleste, qu’ils se sentirent renaître, et sortirent de leur tombeau.
N’est-ce pas le Verbe, ce chantre des cieux, qui a mis ce bel ordre, ce bel ensemble dans l’univers, qui a enseigné aux éléments en désaccord à former un concert admirable, de sorte que ce monde est tout harmonie ?
0 commentaires