Aussi étonnant que cela puisse paraître, certains orthodoxes affirment que saint Luc aurait peint une icône de Marie. Cette tradition tardive n’est plus soutenue par aucun historien, et toutes les icônes prétendant être de saint Luc datent au plus tôt du Moyen Âge. Pourtant, il peut arriver que cette légende paraisse encore ici et là sur internet.
Avant de poursuivre, je rappelle que je produis ces derniers temps des articles sur le sujet des icônes en guise de notes préparatoires pour un long dossier vidéo sur le sujet. Ces notes contiennent des articles généraux ainsi que des textes examinant des auteurs en particulier :
Les pères et les icônes
Plusieurs articles concernent les pères de l’Église des premiers siècles. Dans ce premier article de Steven Wedgeworth, plusieurs textes des Pères opposés à la vénération des icônes sont recensés. Plusieurs pères ont ensuite été examinés individuellement, en voici la liste : Justin Martyr, Athénagore d’Athènes, Irénée de Lyon, l’auteur des Actes de Jean, Clément d’Alexandrie, Tertullien de Carthage, Origène d’Alexandrie, Minucius Felix, Lactance de Nicomédie, Pseudo-Clément, Eusèbe de Césarée, le synode d’Elvire, Astérios d’Amasée, Épiphane de Salamine, Ambroise de Milan, Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Évagre le Pontique, Macaire de Magnésie, Augustin d’Hippone, Jean Cassien, Nil du Sinaï, Zacchée le Chrétien, Hypatios d’Éphèse et Grégoire le Grand.
La crise iconoclaste et le second concile de Nicée
D’autres articles s’intéressent à la crise iconoclaste et au second concile de Nicée qui eut lieu dans ce contexte. Un premier article sur ce sujet rapporte les conclusions des deux plus grands érudits contemporains sur la crise iconoclaste, qui concluent que la vénération des icônes n’existait pas avant le VIIe siècle. Un deuxième article fait le point sur le consensus académique actuel, à savoir que le culte aux icônes était absent des origines du Christianisme jusqu’à la fin du VIe siècle ou la fin du VIIe siècle selon la position adoptée. Un autre article examine les anathèmes du second concile de Nicée et conclut qu’une adhésion sérieuse à ce concile implique de croire que ceux qui rejettent la vénération des icônes sont damnés. Un dernier article répond à l’accusation de déni de l’incarnation à l’encontre des iconoclastes.
Les Francs et les icônes
Plusieurs articles ont été consacré à la façon dont les Francs, au Moyen-Âge, ont considéré les icônes. Cet article propose un survol de la question. Ce deuxième article se concentre sur le concile de Francfort (794) et ce troisième sur le concile de Paris (825). Pour compléter le tableau, cet article étudie le cas de Claude de Turin, chapelain de Louis le Pieux et cet autre article le cas d’Agobard de Lyon.
La théologie des icônes
Un article consacré à la distinction entre dulie et latrie a également été publié dans cette série.
Saint Luc le peintre
Revenons à l’histoire de saint Luc. Voici ce qu’en dit l’historien John Carpenter dans un récent article sur les icônes :
L’Église orthodoxe orientale est convaincue que l’évangéliste Luc aurait peint la première icône, offrant à la postérité une icône de Marie, la « Théotokos » (c’est-à-dire la Porteuse de Dieu), et de l’enfant Jésus, connue sous le nom de Hodegétria, aujourd’hui conservée dans une église du Mont Athos. Ce récit vise à ancrer l’iconographie dès la fondation de l’Église. Cependant, cette affirmation semble remonter au plus tôt au VIᵉ siècle. Des auteurs postérieurs ont rapporté que l’impératrice Eudocie, épouse de Théodose II, aurait envoyé depuis Jérusalem à Pulchérie l’icône de la « Mère de Dieu » peinte par l’apôtre Luc. D’autres sources indiquent que la première mention de cette icône attribuée à Luc remonterait à André de Crète (vers 712–740). Il n’existe aucune preuve de la revendication d’icônes de Luc dans l’Église primitive. Augustin d’Hippone (354–430) écrit en effet que personne ne connaissait l’apparence de Jésus ni celle de Marie : « Car nous ne connaissons pas davantage le visage de la Vierge Marie ». Il est donc très peu probable qu’un évêque aussi érudit qu’Augustin aurait ignoré l’existence d’une prétendue représentation réalisée par un témoin oculaire si cette affirmation avait existé de son vivant.
Bissera V. Pentcheva conclut que ce mythe a été inventé afin de soutenir la légitimité de la vénération des icônes lors de la controverse iconoclaste (VIIIᵉ–IXᵉ siècles). En affirmant l’existence d’un portrait de la Théotokos peint de son vivant par l’évangéliste Luc, les auteurs de cette fiction ont fabriqué une preuve de l’origine apostolique et de l’approbation divine des images1.
De même, le patrologue Philipp Schaff déclare :
Aucun auteur ancien ne mentionne que Luc ait été peintre ; la tradition est entièrement post-nicéenne et vraisemblablement apocryphe2.
Il est aujourd’hui admis dans le monde académique qu’il s’agit d’une légende3. Cela est également concédé par les apologètes orthodoxes comme Craig Truglia4.
- Carpenter, John B. « Answering Eastern Orthodox Apologists Regarding Icons. » Themelios 43, no. 3 (2018), p. 424.[↩]
- Philip Schaff (éd.), Nicene and Post-Nicene Fathers, Series II, vol. 1, 1885, book III.[↩]
- Rebecca Raynor, “The shaping of an icon: St Luke, the artist,” Byzantine and Modern Greek Studies 39, no. 2 (2015), pp. 161-172.[↩]
- Truglia, Craig. « Answering John Carpenter’s Aniconist Historical Arguments. » Orthodox Christian Theology, 23 avril 2020.[↩]





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