31 octobre 2025

Je produis ces derniers temps des articles sur le sujet des icônes en guise de notes préparatoires pour un long dossier vidéo sur le sujet. Après avoir produit 10 articles généraux, je passe désormais à l’examen d’une bonne vingtaine de pères de l’Église sur le sujet de la place des images dans le culte chrétien et remercie mon ami Damian Dziedzic pour son travail en polonais sur le sujet. Voici les 10 articles généraux en question :

  • Dans ce premier article de Steven Wedgeworth, plusieurs textes des Pères opposés à la vénération des icônes sont recensés ;
  • Dans ce second article, nous relevons la façon dont les Francs s’étaient opposés pendant plusieurs siècles au second concile de Nicée ;
  • Dans ce troisième article, le cas de Claude de Turin, chapelain de Louis le Pieux, est présenté ;
  • Dans ce quatrième article, la réception occidentale du second concile de Nicée est discutée, étudiant les textes autour du concile de Francfort (794) ;
  • Un cinquième article rapporte les conclusions des deux plus grands érudits contemporains sur la crise iconoclaste, qui concluent que la vénération des icônes n’existait pas avant le VIIe siècle ;
  • Un sixième article examine les anathèmes du second concile de Nicée et conclut qu’une adhésion sérieuse à ce concile implique de croire que ceux qui rejettent la vénération des icônes sont damnés ;
  • Un septième article fait le point sur le consensus académique actuel, à savoir que le culte aux icônes était absent des origines du Christianisme jusqu’à la fin du VIe siècle ou la fin du VIIe siècle selon la position adoptée ;
  • Un huitième article répond à l’accusation de déni de l’incarnation à l’encontre des iconoclastes ;
  • Un neuvième article parcourt les conclusions du concile de Paris (825)
  • Dans un dixième article nous avons examiné les écrits d’Agobard de Lyon.

Pour les pères qui examinés, en voici la liste (ceux qui présentent un lien hypertexte sont déjà publiés) : Justin Martyr, Athénagore d’Athènes, Irénée de Lyon, l’auteur des Actes de Jean, Clément d’Alexandrie, Tertullien de Carthage, Origène d’Alexandrie, Minucius Felix, Arnobe l’Ancien, Lactance de Nicomédie, Pseudo-Clément, Eusèbe de Césarée, le synode d’Elvire, Astérios d’Amasée, Épiphane de Salamine, Ambroise de Milan, Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Évagre le Pontique, Macaire de Magnésie, Augustin d’Hippone, Jean Cassien, Nil du Sinaï, Zacchée le Chrétien, Hypatios d’Éphèse et Grégoire le Grand. Passons donc à Grégoire.

Les livres des illéttrés

D’une lettre de Grégoire le Grand à Serenus, nous apprenons que cet évêque de l’Église de Marseille, voyant des personnes rendre un culte aux images, décida de les briser et de les détruire, afin d’empêcher qu’on leur rende hommage. Grégoire, le loue tout en le blâmant et écrit que les images devaient être conservées pour que ceux qui ne savaient pas lire aient de quoi apprendre l’histoire, en insistant toutefois qu’il ne faut pas rendre un culte aux œuvres des mains humaines :

De plus, je vous informe qu’il nous est récemment parvenu, vénérable frère, qu’en voyant certains adorateurs d’images, vous avez brisé et rejeté hors des églises ces mêmes images. Certes, nous louons votre zèle, pour que rien de fait de main d’homme ne puisse être adoré, mais nous jugeons que vous n’auriez pas dû briser ces images. En effet, c’est précisément pour cela que la peinture est utilisée dans les églises, afin que ceux qui ne connaissent pas les lettres puissent du moins, en regardant les murs, lire ce qu’ils ne peuvent pas lire dans les livres. Votre fraternité aurait donc dû à la fois conserver ces images et interdire au peuple de les adorer, de sorte que ceux qui ne savent pas lire puissent recueillir de là la connaissance de l’histoire, et que le peuple ne pèche nullement en adorant la peinture1.

Leslie Brubaker et John Haldon remarquent à juste titre :

Une hostilité semblable à celle d’Épiphane envers les images et leur usage fut exprimée par un certain Julien d’Atramyttion en Asie Mineure dans les années 520 ou 530. Hypatios d’Éphèse lui répondit qu’il n’était certes pas favorable à leur usage, mais qu’elles pouvaient néanmoins avoir une valeur éducative. En Occident, la position de Grégoire le Grand sur la fonction catéchétique et didactique des images concordait avec ces idées2.

De même, comme l’a noté lstvrui M. Bugar en commentant la position de Zachée le Chrétien qui s’opposait à tout culte des icônes mais admettait un rôle pédagogique à celles-ci, cela correspond à « la position dominante en Occident encore à la fin du VIe siècle, comme l’indiquent les lettres de Grégoire le Grand à Serenus de Marseille3. »

Ainsi, Ernst Kitzinger déclare-t-il :

La défense originale des arts visuels, initiée par les Pères cappadociens dans la première moitié du IVᵉ siècle, reposait sur leur utilité en tant qu’outils pédagogiques. L’imagerie constituait un moyen d’instruction ou d’édification, notamment pour les illettrés. L’accent pouvait porter soit sur la nourriture intellectuelle, soit sur l’éducation morale. C’est sur ces bases purement pragmatiques que le pape Grégoire le Grand devait se positionner deux cents ans plus tard dans ses lettres adressées à l’évêque Serenius de Marseilles4.

Conclusion : ni vénération, ni destruction

La position de Grégoire le Grand semble donc plus nuancée que celle des chrétiens des premiers siècles. S’il réitère son opposition au culte des images, n’introduisant pas une distinction entre un culte licite et un culte illicite de celles-ci, il s’oppose aussi clairement à leur destruction. C’est cette position qui sera reprise par les Francs, qui citeront Grégoire à cette occasion, comme nous l’avons vu dans les articles introductifs à cette série.

  1. Grégoire le Grand, Lettre IX, 209 à Serenus, CCSL 140A.[]
  2. L. Brubaker & J. Haldon, Byzantium in the Iconoclast Era, c. 680-850: A History, Cambridge University Press 2011, p. 44-45.[]
  3. lstvrui M. Bugar, « Zacchaeus and the Veneration of Images: Image of the Emperor – Image of a Saint », dans Studia Patristica: Historica, Biblica, Theologica et Philosophica, t. 34, dir. M. F. Wiles, E. J. Yarnold, Peeters, Leuven 2001, p. 22.[]
  4. Kitzinger, Ernst. « The Cult of Images in the Age before Iconoclasm », Dumbarton Oaks Papers 8 (1954) : 83–150.[]

Maxime Georgel

Maxime est médecin à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs quatre enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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