Je produis ces derniers temps des articles sur le sujet des icônes en guise de notes préparatoires pour un long dossier vidéo sur le sujet. Après avoir produit 10 articles généraux, je passe désormais à l’examen d’une bonne vingtaine de pères de l’Église sur le sujet de la place des images dans le culte chrétien et remercie mon ami Damian Dziedzic pour son travail en polonais sur le sujet. Voici les 10 articles généraux en question :
- Dans ce premier article de Steven Wedgeworth, plusieurs textes des Pères opposés à la vénération des icônes sont recensés ;
- Dans ce second article, nous relevons la façon dont les Francs s’étaient opposés pendant plusieurs siècles au second concile de Nicée ;
- Dans ce troisième article, le cas de Claude de Turin, chapelain de Louis le Pieux, est présenté ;
- Dans ce quatrième article, la réception occidentale du second concile de Nicée est discutée, étudiant les textes autour du concile de Francfort (794) ;
- Un cinquième article rapporte les conclusions des deux plus grands érudits contemporains sur la crise iconoclaste, qui concluent que la vénération des icônes n’existait pas avant le VIIe siècle ;
- Un sixième article examine les anathèmes du second concile de Nicée et conclut qu’une adhésion sérieuse à ce concile implique de croire que ceux qui rejettent la vénération des icônes sont damnés ;
- Un septième article fait le point sur le consensus académique actuel, à savoir que le culte aux icônes était absent des origines du Christianisme jusqu’à la fin du VIe siècle ou la fin du VIIe siècle selon la position adoptée ;
- Un huitième article répond à l’accusation de déni de l’incarnation à l’encontre des iconoclastes ;
- Un neuvième article parcourt les conclusions du concile de Paris (825)
- Dans un dixième article nous avons examiné les écrits d’Agobard de Lyon.
Pour les pères qui seront examinés, en voici la liste (ceux qui présentent un lien hypertexte sont déjà publiés) : Justin Martyr, Athénagore d’Athènes, Irénée de Lyon, l’auteur des Actes de Jean, Clément d’Alexandrie, Tertullien de Carthage, Origène d’Alexandrie, Minucius Felix, Arnobe l’Ancien, Lactance de Nicomédie, Pseudo-Clément, Eusèbe de Césarée, le synode d’Elvire, Astérios d’Amasée, Épiphane de Salamine, Ambroise de Milan, Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Évagre le Pontique, Macaire de Magnésie, Augustin d’Hippone, Jean Cassien, Nil du Sinaï, Zacchée le Chrétien, Hypatios d’Éphèse et Grégoire le Grand. Passons donc à Macaire. Nous vous invitons également à consulter cet article sur Augustin et les images du Père.
Même les chrétiens !
Dans l’un de ses écrits, Macaire de Magnésie (?-403) relate un dialogue fictif ou réel entre un philosophe païen et un chrétien sur le sujet du culte. Il est remarquable de relever la similarité entre l’argumentaire païen et l’argumentaire iconodule d’une part mais également de relever que l’argumentaire païen n’aurait pas de sens si les chrétiens vénéraient des images à cette époque.
L’Hellène (païen) :
« Puisque nous sommes d’accord pour dire que les anges participent à la nature divine, ceux qui rendent aux dieux l’honneur qui leur est dû ne pensent pas que Dieu se trouve dans le bois, la pierre ou l’airain dont la statue est faite, ni que, si une partie de la statue est brisée, la puissance divine en soit diminuée. En effet, les anciens érigèrent des statues de bois et des temples comme souvenirs, afin que ceux qui y passaient ou y entraient puissent penser à Dieu ou, s’y reposant et se purifiant de toute autre chose, puissent recourir aux prières et aux supplications, demandant ce dont chacun avait besoin. Car, si quelqu’un fait le portrait d’un ami, il ne pense nullement que l’ami lui-même se trouve dans ce portrait, ni que les membres du corps de l’ami soient enfermés dans les membres de l’image, mais il veut honorer son ami à travers l’image. Les sacrifices offerts aux dieux ne leur rendent pas tant d’honneur qu’ils ne manifestent les dispositions de ceux qui offrent le sacrifice, et qu’il ne faut pas s’approcher d’eux avec ingratitude. Les statues sont, à juste titre, de forme anthropomorphique, puisque l’homme est considéré comme le plus beau des êtres vivants et comme l’image de Dieu. Cette conviction peut être confirmée par un autre passage qui affirme que Dieu a des doigts avec lesquels il écrit : “Et il donna à Moïse deux tables de pierre, écrites du doigt de Dieu” (Ex 31,18). Même les chrétiens, en imitant la construction des temples, bâtissent de grandes maisons dans lesquelles ils se rassemblent pour prier, alors qu’il n’y a rien qui les empêche de le faire dans leurs propres demeures, puisque le Seigneur les entend clairement partout1. »
Macaire (le chrétien) :
« [Le Christ dit cela] afin que quiconque raisonne correctement, ayant entendu parler d’une essence rationnelle dans le ciel, se réjouisse de la parole d’immortalité, règle sa vie sur son exemple et s’efforce d’imiter ses actions […], mais non pas pour qu’il façonne des images à leur ressemblance et, comme tu le dis toi-même, parle à une ombre, se complaise dans un spectre, converse avec une matière inanimée comme si elle était animée, se repaisse des visions mortes de figures, adresser des prières à une créature muette, statuant que la Divinité loge dans la pierre et le bois, s’imaginant que l’ordre indomptable est contenu dans l’airain ou le fer, et supposant absurdement que l’insaisissable peut être capturé dans une image morte2. »
Si, au IVe siècle, les chrétiens avaient fabriqué et utilisé des images des anges, des saints, de Jésus ou de Marie de manière cultuelle (en rendant honneur aux personnes représentées ou en priant par leur intermédiaire) – c’est-à-dire précisément les pratiques que le païen instruit défend ici – nous nous attendrions à ce qu’il mentionne cet argument explicite en affirmant que « même les chrétiens » font de même. Or, il ne dit rien de tel : il se contente de souligner que les chrétiens construisent aussi des temples.
Dans sa réponse, défendant le culte chrétien contre l’assimilation aux pratiques païennes, Macaire précise qu’au lieu de fabriquer des images des anges et de prier des créatures muettes, les chrétiens doivent imiter avec zèle la conduite et les œuvres des anges.





0 commentaires