Astérios d’Amasée et les icônes
11 octobre 2025

Je produis ces derniers temps des articles sur le sujet des icônes en guise de notes préparatoires pour un long dossier vidéo sur le sujet. Après avoir produit 10 articles généraux, je passe désormais à l’examen de 26 pères de l’Église sur le sujet de la place des images dans le culte chrétien et remercie mon ami Damian Dziedzic pour son travail en polonais sur le sujet. Voici les 10 articles généraux en question :

  • Dans ce premier article de Steven Wedgeworth, plusieurs textes des Pères opposés à la vénération des icônes sont recensés ;
  • Dans ce second article, nous relevons la façon dont les Francs s’étaient opposés pendant plusieurs siècles au second concile de Nicée ;
  • Dans ce troisième article, le cas de Claude de Turin, chapelain de Louis le Pieux, est présenté ;
  • Dans ce quatrième article, la réception occidentale du second concile de Nicée est discutée, étudiant les textes autour du concile de Francfort (794) ;
  • Un cinquième article rapporte les conclusions des deux plus grands érudits contemporains sur la crise iconoclaste, qui concluent que la vénération des icônes n’existait pas avant le VIIe siècle ;
  • Un sixième article examine les anathèmes du second concile de Nicée et conclut qu’une adhésion sérieuse à ce concile implique de croire que ceux qui rejettent la vénération des icônes sont damnés ;
  • Un septième article fait le point sur le consensus académique actuel, à savoir que le culte aux icônes était absent des origines du Christianisme jusqu’à la fin du VIe siècle ou la fin du VIIe siècle selon la position adoptée ;
  • Un huitième article répond à l’accusation de déni de l’incarnation à l’encontre des iconoclastes ;
  • Un neuvième article parcourt les conclusions du concile de Paris (825)
  • Dans un dixième article nous avons examiné les écrits d’Agobard de Lyon.

Pour les pères qui seront examinés, en voici la liste (ceux qui présentent un lien hypertexte sont déjà publiés) : Justin Martyr, Athénagore d’Athènes, Irénée de Lyon, l’auteur des Actes de Jean, Clément d’Alexandrie, Tertullien de Carthage, Origène d’Alexandrie, Minucius Felix, Arnobe l’Ancien, Lactance de Nicomédie, Pseudo-Clément, Eusèbe de Césarée, le synode d’Elvire, Astérios d’Amasée, Épiphane de Salamine, Ambroise de Milan, Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Évagre le Pontique, Macaire de Magnésie, Augustin d’Hippone, Jean Cassien, Nil du Sinaï, Zacchée le Chrétien, Hypatios d’Éphèse et Grégoire le Grand. Passons donc à Astérios d’Amasée. Nous vous invitons également à consulter cet article sur Augustin et les images du Père.

Fashion victim

Avec l’établissement du christianisme comme religion officielle de l’Empire et l’afflux de foules de païens nouvellement convertis, il était naturel que certaines pratiques païennes antérieures se mêlassent progressivement à la nouvelle religion chrétienne. Un exemple de ce type de syncrétisme peut être trouvé dans la fête romaine des morts, les Parentalia, au cours de laquelle on visitait les tombes en y déposant nourriture et vin. Beaucoup de convertis continuaient cette pratique et, comme le remarque Maria Boulding, cette fête « en se répandant parallèlement à l’usage de partager nourriture et vin auprès des tombes des martyrs, revêtit une coloration chrétienne1. »

L’un des auteurs qui nous éclaire sur l’influence des pratiques extérieures sur le christianisme est Astérios, évêque d’Amasée dans le Pont. Dans une homélie sur le riche et Lazare (Lc 16,19-31), commentant l’habillement du riche (Lc 16,19), il évoque certaines tendances de la mode parmi les riches, qui faisaient broder leurs vêtements avec des représentations colorées, à la manière de tableaux. Astérios note que cette mode avait gagné aussi les chrétiens fortunés, qui faisaient orner leurs habits de scènes évangéliques.

Bien que cette pratique ne fût pas encore une forme de culte des images – puisqu’on ne leur rendait pas de culte et qu’on ne les traitait pas comme cela adviendra aux VIIe-VIIIe siècles – mais plutôt une expression de piété populaire, Astérios la juge inacceptable. Les chrétiens, dit-il, ne doivent pas représenter le Christ sur leurs vêtements, mais le porter dans leur cœur et lui rester spirituellement attachés :

Les plus pieux parmi ces riches hommes et femmes ont rassemblé les récits évangéliques et les ont transmis aux tisserands. Je veux dire notre Christ lui-même avec tous ses disciples, et chacun des miracles, tels que le récit les rapporte. Tu y verras les noces de Galilée et les jarres, le paralytique portant son lit sur ses épaules, l’aveugle guéri avec de la boue, la femme hémorroïsse saisissant le bord du vêtement, la pécheresse se jetant aux pieds de Jésus, et Lazare revenant à la vie en sortant du tombeau. En faisant cela, ils croient agir pieusement et s’habiller de vêtements agréables à Dieu. Mais qu’ils suivent mon conseil : qu’ils vendent ces habits et honorent les images vivantes de Dieu. Ne représente pas le Christ – car il lui a suffi de l’humiliation unique de l’Incarnation qu’il a volontairement acceptée pour nous – mais porte-le dans ton âme, en portant spirituellement le Logos incorporel. Ne porte pas le paralytique sur tes vêtements, mais recherche le malade étendu sur son lit. Ne raconte pas sans cesse l’histoire de la femme hémorroïsse, mais prends pitié de la veuve affligée. Ne contemple pas avec soin la femme pécheresse agenouillée devant le Seigneur, mais verse, contrit de tes propres fautes, d’abondantes larmes. Ne peins pas Lazare se levant d’entre les morts, mais prépare pour ta propre résurrection une bonne défense. Ne porte pas l’aveugle sur ton habit, mais réconforte par tes bonnes œuvres celui qui est vivant et privé de la vue. Ne peins pas les corbeilles des restes, mais nourris les affamés. Ne porte pas sur tes manteaux les jarres de Cana remplies d’eau, mais donne à boire à l’assoiffé2.


  1. Augustin, Expositions of the Psalms 33-50, t. III/16, éd. John E. Rotelle, New City Press, New York, 2000, page 365.[]
  2. Astérios d’Amasée, Homélie I, 4 sur le riche et Lazare, PG 40, 168, en grec : Ὅσοι δὲ καὶ ὅσαι τῶν πλουτούντων εὐλαβέστεροι, ἀναλεξάμενοι τὴν εὐαγγελικὴν ἱστορίαν τοῖς ὑφανταῖς παρέδωκαν· αὐτὸν λέγω τὸν Χριστὸν ἡμῶν μετὰ τῶν μαθητῶν ἁπάντων, καὶ τῶν θαυμασίων ἕκαστον ὡς ἡ διήγησις ἔχει. Ὄψει τὸν γάμον τῆς Γαλιλαίας καὶ τὰς ὑδρίας· τὸν παραλυτικὸν τὴν κλίνην ἐπὶ τῶν ὤμων φέροντα· τὸν τυφλὸν τῷ πηλῷ θεραπευόμενον· τὴν αἱμορροοῦσαν τοῦ κρασπέδου λαμβανομένην· τὴν ἁμαρτωλὸν τοῖς ποσὶν τοῦ Ἰησοῦ προσπίπτουσαν· τὸν Λάζαρον ἐκ τοῦ τάφου πρὸς τὴν ζωὴν ὑποστρέφοντα. Καὶ ταῦτα ποιοῦντες εὐσεβεῖν νομίζουσι καὶ ἱμάτια κεχαρισμένα τῷ Θεῷ ἀμφιέννυσθαι. Ἐμὴν δὲ εἰ δέχονται συμβουλήν, ἐκεῖνα πωλήσαντες τὰς ζώσας εἰκόνας τοῦ Θεοῦ τιμησάτωσαν. Μὴ γράφε τὸν Χριστόν – ἀρκεῖ γὰρ αὐτῷ ἡ μία τῆς ἐνσωματώσεως ταπεινοφροσύνη, ἣν αὐθαιρέτως δι’ ἡμᾶς κατεδέξατο – , ἐπὶ δὲ τῆς ψυχῆς σου βαστάζων νοητῶς τὸν ἀσώματον Λόγον περίφερε. Μὴ τοῖς ἱματίοις ἔχε τὸν παραλυτικόν, ἀλλὰ τὸν κείμενον ἄρρωστον ἐπιζήτησον. Μὴ ἱστόρει συνεχῶς τὴν αἱμορροοῦσαν, ἀλλὰ χήραν θλιβομένην ἐλέησον. Μὴ τὴν ἁμαρτωλὸν γυναῖκα ἐπιμελῶς ὅρα γονυπετοῦσαν τὸν Κύριον, ἀλλ’ ἐπὶ τοῖς αὑτοῦ πλημμελήμασι συντριβόμενος πυκνὸν ἔκχει τὸ δάκρυον. Μὴ τὸν Λάζαρον ἐγειρόμενον ἐκ νεκρῶν σκιαγράφει, ἀλλὰ τῆς σῆς ἀναστάσεως ἀγαθὴν τὴν ἀπολογίαν εὐτρέπιζε. Μὴ τὸν τυφλὸν ἐπὶ τῆς ἐσθῆτος περίφερε, ἀλλὰ τὸν ζῶντα καὶ τῶν ὄψεων ἀφῃρημένον ταῖς εὐποιΐαις παραμυθοῦ. Μὴ τοὺς κοφίνους ζωγράφει τῶν λειψάνων, ἀλλὰ τρέφε τοὺς πεινῶντας. Μὴ τὰς ὑδρίας ἐπὶ τῶν ἱματίων βάσταζε, ἃς ἐν Κανᾷ τῆς Γαλιλαίας ἐπλήρωσεν, ἀλλὰ πότιζε τὸν διψῶντα.[]

Maxime Georgel

Maxime est médecin à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs quatre enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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