Les homélies pseudo-Clémentines et les icônes
8 octobre 2025

Dans l’église Saint-Clément de Wasquehal, que je visitai il y a quelques jours, je fus surpris de voir un vitrail représentant le martyre légendaire de Clément de Rome par noyade, que je savais être issu d’une collection d’homélies pseudépigraphes du IIIe siècle. Ce sont ces homélies que nous considérerons aujourd’hui. Je rappelle que je produis ces derniers temps des articles sur le sujet des icônes en guise de notes préparatoires pour un long dossier vidéo sur le sujet. Après avoir produit dix articles généraux, je passe désormais à l’examen de vingt-six pères de l’Église sur le sujet de la place des images dans le culte chrétien et remercie mon ami Damian Dziedzic pour son travail en polonais sur le sujet. Voici les 10 articles généraux en question :

  • Dans ce premier article de Steven Wedgeworth, plusieurs textes des Pères opposés à la vénération des icônes sont recensés ;
  • Dans ce second article, nous relevons la façon dont les Francs s’étaient opposés pendant plusieurs siècles au second concile de Nicée ;
  • Dans ce troisième article, le cas de Claude de Turin, chapelain de Louis le Pieux, est présenté ;
  • Dans ce quatrième article, la réception occidentale du second concile de Nicée est discutée, étudiant les textes autour du concile de Francfort (794) ;
  • Un cinquième article rapporte les conclusions des deux plus grands érudits contemporains sur la crise iconoclaste, qui concluent que la vénération des icônes n’existait pas avant le VIIe siècle ;
  • Un sixième article examine les anathèmes du second concile de Nicée et conclut qu’une adhésion sérieuse à ce concile implique de croire que ceux qui rejettent la vénération des icônes sont damnés ;
  • Un septième article fait le point sur le consensus académique actuel, à savoir que le culte aux icônes était absent des origines du Christianisme jusqu’à la fin du VIe siècle ou la fin du VIIe siècle selon la position adoptée ;
  • Un huitième article répond à l’accusation de déni de l’incarnation à l’encontre des iconoclastes ;
  • Un neuvième article parcourt les conclusions du concile de Paris (825)
  • Dans un dixième article nous avons examiné les écrits d’Agobard de Lyon.

Pour les pères qui seront examinés, en voici la liste (ceux qui présentent un lien hypertexte sont déjà publiés) : Justin Martyr, Athénagore d’Athènes, Irénée de Lyon, l’auteur des Actes de Jean, Clément d’Alexandrie, Tertullien de Carthage, Origène d’Alexandrie, Minucius Felix, Arnobe l’Ancien, Lactance de Nicomédie, Pseudo-Clément, Eusèbe de Césarée, le Synode d’Elvire, Astérios d’Amasée, Épiphane de Salamine, Ambroise de Milan, Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Évagre le Pontique, Macaire de Magnésie, Augustin d’Hippone, Jean Cassien, Nil du Sinaï, Zacchée le Chrétien, Hypatios d’Éphèse et Grégoire le Grand. Passons donc aux Homélies pseudo-clémentines. Nous vous invitons également à consulter cet article sur Augustin et les images du Père.

Les Homélies pseudo-clémentines, qui constituent « l’un des documents fondamentaux concernant la légende de saint Pierre […] appartiennent à un vaste groupe d’écrits circulant dans la littérature chrétienne ancienne sous le nom de Clément de Rome. […] Elles se composent de deux ouvrages : 20 Homélies précédées d’une Lettre de Pierre à Jacques, de la réponse de Jacques et d’une Lettre de Clément à Jacques (décrivant son ordination épiscopale), ainsi que de 10 livres de Recognitiones, dans la traduction latine de Rufin d’Aquilée (Ve siècle) […] Le texte originel a probablement été composé au IIIe siècle, ou éventuellement au début du IVe. Eusèbe cite les Homélies pour la première fois dans son Histoire Ecclésiastique (HE 3.38.3), preuve de leur existence avant 325 ; Basile le Grand († 379) connaissait le texte grec des Recognitiones ; Rufin d’Aquilée en fit la traduction dans la première décennie du Ve siècle1. »

L’homme créé à l’image de Dieu, véritable icône à servir.

Les Homélies pseudo-clémentines furent probablement rédigées en Syrie. Les païens qui y vivaient, et contre lesquels polémique l’auteur, n’identifiaient pas les divinités à leurs images. Ils affirmaient plutôt que les idoles qu’ils fabriquaient n’étaient que des « images-icônes de Dieu » (θεοῦ εἰκόνα), et qu’on pouvait dès lors leur rendre un culte (σέβειν). Un tel argument païen, refusant d’identifier strictement la divinité avec sa représentation et affirmant plutôt que les images représentent et symbolisent les dieux, se retrouve dans de nombreuses polémiques chrétiennes anciennes, comme nous l’avons vu à l’examen des pères précédents. Ainsi, dans les Homélies pseudo-clémentines, on lit :

Vous êtes l’image du Dieu invisible. Que donc ceux qui veulent être pieux ne disent pas que les idoles sont faites à l’image de Dieu (θεοῦ εἰκόνα) et que, pour cette raison, il faut leur rendre un culte (σέβειν). Car l’image de Dieu, c’est l’homme. Celui qui veut être pieux (εὐσεβεῖν) envers Dieu fait du bien à son prochain, car le corps de l’homme porte l’image de Dieu2.

Et encore :

Par la bouche d’autres, ce serpent a coutume de dire : “Nous adorons des images visibles en l’honneur du Dieu invisible”, ce qui est certainement un mensonge. Car si vous vouliez vraiment honorer l’image de Dieu, vous feriez du bien à l’homme, et vous honoreriez ainsi en lui la véritable image de Dieu. En effet, l’image de Dieu est en tout homme3.

Le traducteur et éditeur de la version anglaise de la Supplique en faveur des chrétiens d’Athénagore d’Athènes (IIe siècle), dans une note relative à l’explication apologétique sur la raison pour laquelle les chrétiens ne pratiquent pas le culte des images, souligne que, tandis que « les Recognitiones pseudo-clémentines présentent un païen disant : Nos ad honorem invisibilis dei imagines visibiles adoramus [“Nous adorons des images visibles en l’honneur du Dieu invisible”], rien n’indique que les chrétiens aient voulu employer un raisonnement semblable4. »

L’auteur des Homélies, en réponse aux arguments païens, insiste sur le fait que les images/idoles faites de main d’homme ne sont pas les images/icônes de Dieu : l’image de Dieu, c’est l’homme. Dès lors, si nous voulons vénérer l’image de Dieu, nous devons faire du bien à notre prochain. Les Homélies constituent ainsi un témoignage chrétien ancien supplémentaire contre le culte des images, qui montre combien cette pratique était étrangère aux premiers chrétiens.


  1. Apokryfy Nowego Testamentu: Ewangelie apokryficzne, tome 2, partie 1, édition Marek Starowieyski, Wydawnictwo WAM, Cracovie 2017, pages 525-526.[]
  2. Homélies 11.4, GCS 42:155.[]
  3. Recognitiones 5.23, GCS 51:177-178.[]
  4. Athenagoras, Embassy for the Christians. The resurrection of the dead, red. Joseph Hugh Crehan, The Newman Press, London 1956, page 144.[]

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs quatre enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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