Dieu est tout-puissant : « Notre Dieu est au ciel, il fait tout ce qu’il veut ! » Cette toute-puissance ou omnipotence divine est l’expression de sa volonté souveraine : elle est le pouvoir qu’il a d’exécuter sa volonté. On peut identifier cette puissance qui est en Dieu avec l’énergie effective de sa nature, ou la définir, suivant la définition de Berkhof, comme cette perfection de son être par laquelle il est la causalité absolue et suprême de toutes choses. Cela revient à dire que Dieu est la cause première de tout ce qui existe.
I. Une distinction scolastique pour commencer : puissance absolue et puissance ordonnée
Une distinction scolastique qu’il est utile de signaler à ce stade est la distinction entre potentia Dei absoluta et potentia Dei ordinata. Cette distinction est rejetée par les théologiens réformés sous la forme qu’elle a prise dans les débats médiévaux relatifs au nominalisme et qui ont fait dire à certains que, en vertu de sa puissance absolue, Dieu aurait la capacité de se contredire, de pécher ou même de s’annihiler lui-même ! Mais bien sûr, Dieu ne peut pas plus faire cela qu’il ne peut créer un cercle carré ou une pierre qui serait si lourde qu’il ne pourrait pas la porter… Et donc, une telle distinction, comprise ainsi, n’a généralement pas été retenue.
Des théologiens réformés ultérieurs ont toutefois cherché à sauvegarder l’usage de cette distinction, mais en lui donnant un autre sens. Par exemple, pour Hodge comme aussi pour Shedd, la puissance absolue désigne chez eux ce que Dieu peut faire sans l’intervention de causes secondes, c’est-à-dire immédiatement ; alors que sa puissance ordonnée désigne ce que Dieu peut faire aux moyens de causes secondes. L’opinion la plus générale est toutefois celle énoncée par Charnock, cité ainsi par Berkhof :
La puissance absolue de Dieu est cette puissance par laquelle Dieu peut tout faire, même ce qui n’est pas sa volonté, mais qu’il est possible qu’il fasse. La puissance ordonnée de Dieu est celle par laquelle Dieu fait ce qu’il a décrété vouloir faire. Ces deux puissances ne sont pas distinctes, mais constituent une seule et même puissance. Sa puissance ordonnée fait partie de sa puissance absolue, car s’il n’avait pas le pouvoir de faire tout ce qui est possible, il n’aurait peut-être pas le pouvoir de faire tout ce qu’il choisit de faire.
Ainsi conçue, la puissance absolue de Dieu désigne tout ce qu’il pourrait faire, alors que la potentia ordinata désigne, toujours dans les mots de Berkhof, cette perfection de Dieu par laquelle il peut réaliser, par le simple exercice de sa volonté, tout ce qui est présent dans sa volonté ou son dessein. La puissance ordonnée est cette perfection de Dieu par laquelle il peut réaliser, par le simple exercice de sa volonté, tout ce qui est présent dans sa volonté ou son dessein. Elle se limite ainsi à ce qui est compris dans son décret éternel. Dieu pourrait agir autrement si telle avait été son intention. Et c’est ce que désigne sa puissance absolue. Il aurait pu décider et accomplir autre chose. Mais il ne le fait pas et agit en conformité avec son décret éternelle, exerçant ainsi concrètement sa puissance ordonnée.
Ou, pour le dire autrement, lorsque Jésus s’exclame en Mt 3:9 : « ne prétendez pas dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père ! Car je vous déclare que de ces pierres-ci Dieu peut susciter des enfants à Abraham » et qu’il ajoute en Mt 26:53 : « Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père, qui me donnerait à l’instant plus de douze légions d’anges ? », Jésus explique tout simplement que si Dieu avait voulu faire de ces pierres des enfants d’Abraham, il aurait pu le faire (Mt 3:9) ou que s’il avait voulu que douze légions d’ange vinssent à son secours, cela aurait eu lieu. Parce que Dieu a le pouvoir de faire des choses qu’il n’a par ailleurs pas décidé d’accomplir, mais qu’il aurait pourtant pu faire.
II. Ces choses que, selon les Écritures, Dieu ne peut pas faire dans sa toute-puissance
Pour ne pas tomber dans l’erreur nominaliste, il faut souligner et maintenir très fermement que l’Écriture enseigne expressément qu’il y a des choses que le Dieu tout-puissant ne peut pas faire.
1. Dieu ne peut pas mentir
Dieu ne peut mentir : « Dieu n’est pas un homme pour mentir » (Nb 23:19). Il est impossible que Dieu mente (Hb 6:18).
2. Dieu ne peut pas pécher
Dieu ne peut pas pécher. En fait, il ne peut même pas être tenté, ni être l’agent de la tentation chez l’homme tenté : « Car Dieu ne peut être tenté par le mal, et il ne tente lui-même personne. » (Ja 1:13).
3. Dieu ne peut pas changer
Dieu ne peut changer : « toute grâce excellente et tout don parfait descendent d’en haut, du Père des lumières, chez lequel il n’y a ni changement ni ombre de variation. » (Ja 1:17).
4. Dieu ne peut se renier lui-même
Finalement, « Dieu ne peut se renier lui-même » (2 Ti 2:13). Et c’est là finalement la clé de ce que Dieu, même dans sa toute-puissance, ne peut pas faire.
Que Dieu ne puisse se renier lui-même signifie en effet que sa puissance absolue ne peut être séparée de ses perfections. Cela est bien normal si vous considérez la doctrine de la simplicité divine qui implique que chaque attribut désigne non une partie de ce qu’est Dieu, mais ce qu’il est tout entier. Et donc sa puissance ne désigne pas quelque chose qui pourrait être abstraite de son être, mais est identique à l’essence divine elle-même qui est tout autant fidélité et amour que puissance. Dieu ne peut donc agir à l’encontre de ses autres attributs, puisqu’il est lui-même ces autres attributs que Dieu ne saurait renier.
C’est ce que nous devons avoir en tête lorsque nous lisons que Dieu fait ce qu’il veut (Ps 115:3), qu’à Dieu tout est possible (Mt 19:26) et que rien n’est impossible à Dieu (Lc 1:37), qu’il est le Dieu qui déploie l’infinie grandeur de sa puissance se manifestant avec efficacité par la vertu de sa force (Éph 1:19). Le champ des possibles n’est pas quelque chose qui existerait indépendamment de Dieu, comme s’il était devant un choix entre des milliards de combinaisons possibles et qu’il devait rechercher un optimum… C’est le contraire : Dieu est la source de ce qui est possible. Est donc possible ce que Dieu est susceptible de faire advenir. Rien n’est donc impossible à Dieu puisqu’il est lui-même la cause de tout ce qui peut advenir comme de tout ce qui advient effectivement, lui qui accomplit avec puissance toute chose selon le conseil de sa volonté (Éph 1:11).
Et la bonne nouvelle pour nous est ici la suivante : le Dieu tout-puissant ne peut ni mentir, ni tenter, ni changer, ni se renier lui-même. Dieu ne peut cesser d’être lui-même ! Ce Dieu en qui nous nous confions est pour l’éternité un Dieu sûr, ferme, fiable, fidèle, qui ne change pas, sur lequel nous pouvons compter. Que ce soit pour nous la source d’un grand réconfort et d’une grande joie dans un monde qui change si vite et qui nous génère en nous tant d’anxiété !
Illustration : Le Caravage, Le Sacrifice d’Isaac, huile sur toile, vers 1603 (Florence, galerie des Offices).
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