Prier le Notre Père en Église
1 juin 2021

La Forme des prières ecclésiastiques, parue à Genève en 1542 sous le nom de Jean Calvin (riche de ses expériences pastorales précédentes, notamment auprès de Farel et de Bucer), régule la célébration du culte dominical — le culte quotidien jouissant de plus de liberté — dans les Églises réformées de la République ; la spontanéité y est réduite à la portion congrue. La prière d’intercession, particulièrement structurée, se termine par une paraphrase du Notre Père, qui n’est toutefois pas récité formellement (il semble qu’il ait pu l’être entre la Loi et la prière d’illumination). Nous la citons légèrement adaptée de l’édition de F. Higman et B. Roussel (Gallimard, bibliothèque de la Pléiade, 2009).


Notre Père qui es aux cieux, Que ton nom soit sanctifié

Finalement Ô Dieu et Père, octroye-nous aussi à nous, qui sommes ici assemblés au Nom de ton Fils Jésus, à cause de sa Parole [et de sa sainte Cène1], que nous reconnaissions droitement, et sans hypocrisie, en quelle perdition nous sommes naturellement, et quelle condamnation nous méritons et amassons de jour en jour sur nous, par notre malheureuse et désordonnée vie, afin que, voyant qu’il n’y a rien de bien en nous, et que notre chair et notre sang ne sont point capables de posséder en héritage ton royaume, de toute notre affection, et en ferme fiance, nous nous remettions entièrement à ton cher Fils Jésus notre Seigneur, seul Sauveur et Rédempteur ; afin que lui habitant en nous, mortifie notre vieil Adam, nous renouvelant en une meilleure vie, par laquelle ton nom, selon qu’il est saint et digne, soit exalté et glorifié par tout, et en toutes places.

Que ton règne vienne

Pareillement, que tu aies la seigneurie et gouvernement sur nous tous ; et que journellement de plus en plus, nous apprenions à nous soumettre et assujettir à ta majesté, tellement que tu sois Roi et dominateur partout, conduisant ton peuple par le sceptre de ta parole et par la vertu de ton Esprit, confondant tes ennemis par la force de ta vérité et justice.

Et ainsi, que toute puissance et hautesse contrevenante à ta gloire soit de jour en jour détruite et abolie, jusqu’à ce que l’accomplissement de ton Royaume vienne, et la perfection en soit du tout établie, quand tu apparaîtras en jugement.

Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel

Que nous avec toutes créatures te rendions vraie et parfaite obéissance ; de même, que tes Anges célestes ne demandent rien d’autre sinon que d’exécuter tes commandements ; et par ce moyen, que ta volonté soit accomplie sans aucune contradiction, et que tous se rangent à te servir et complaire, renonçant à leur propre vouloir, et à tous désirs de leur chair.

Donne-nous notre pain quotidien

Que nous, cheminant en l’amour et en la crainte de ton nom, soyons nourris par ta bonté, et que tu nous donnes toutes choses qui nous sont nécessaires et utiles pour manger notre pain paisiblement ; afin que, voyant que tu as soin de nous, nous te reconnaissions mieux comme notre Père, et attendions tous biens de ta main, ôtant et retirant notre confiance de toutes créatures pour la mettre entièrement en toi et en ta bonté.

Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés

Et comme durant cette vie mortelle nous sommes pauvres pécheurs si pleins de fragilité, que nous défaillons continuellement et nous fourvoyons de la droite voie, qu’il te plaise de nous pardonner nos fautes, par lesquelles nous sommes exposés à ton jugement ; et que par cette rémission tu nous délivres de l’obligation de mort éternelle, en laquelle nous sommes. Qu’il te plaise donc de ne point nous imputer le mal qui est en nous ; de même que par ton commandement, nous oublions les torts qu’on nous fait, et au lieu de chercher vengeance, procurons le bien de nos ennemis.

Et ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du mal

Finalement, qu’il te plaise pour l’avenir de nous soutenir par ta vertu, afin que nous ne trébuchions point par l’infirmité de notre chair ; d’autant que, de nous-mêmes, nous sommes si faibles que nous ne pourrions demeurer fermes une minute de temps ; d’autre part, que nous sommes encerclés et assaillis continuellement par tant d’ennemis, que le diable, le monde, le péché et notre propre chair ne cessent de nous faire la guerre, veuille nous fortifier par ton Saint-Esprit, et nous armer de tes grâces, afin que nous puissions constamment résister à toutes tentations et persévérer en cette bataille spirituelle, jusqu’à ce que nous obtenions pleine victoire pour triompher un jour en ton royaume, avec notre capitaine et protecteur, notre Seigneur Jésus-Christ,

Amen.


Illustration de couverture : plafond de la chapelle des Maccabées, cathédrale Saint-Pierre de Genève.

  1. Lorsque ce sacrement est célébré.[]

Arthur Laisis

Linguiste, professeur de lettres, étudiant en théologie à la faculté Jean Calvin et lecteur dans les Églises réformées évangéliques de Lituanie. Principaux centres d'intérêts : ecclésiologie, christologie, histoire de la Réforme en Europe continentale. Responsable de la relecture des articles du site.

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