Dans les lois des Églises réformées de France des XVIe et XVIIe siècles, que l’on appelle la Discipline, il est écrit (ch. II, art. 1er) que toutes les Églises protestantes ont le devoir d’établir des écoles et les entretenir. C’est une chose par ailleurs commune à tout le monde réformé, comme le montre la Politica d’Althusius. Jules Ferry n’a pas institué les écoles primaires et secondaires : il n’a fait que les arracher au contrôle des Églises pour les donner aux francs-maçons. C’est ce que nous allons voir dans cet article, qui est un extrait de la Conformité de Mathieu de Larroque, un théologien réformé du XVIe siècle. Ce livre a pour but de montrer au public de son Église que la discipline est en stricte continuité avec l’Église catholique médiévale, et trace pour ce faire un historique des lois d’Églises antiques et médiévales qui sont en accord avec celui des Églises réformées du XVIe siècle.
Voici ce qu’en dit Matthieu de Larroque. Je me suis permis de moderniser l’orthographe et certaines formulations dont l’archaïsme nuisait à la compréhension.
L’instruction de la jeunesse étant de la dernière importance pour l’établissement de la vérité, pour l’avancement de la gloire de Dieu, pour l’édification de son peuple, on a eu raison d’en procurer parmi nous les moyens : en quoi nos pères ont imité soigneusement l’exemple des premiers chrétiens qui ne négligeaient rien pour l’éducation de leurs enfants ; car ils ne négligeaient pas la grammaire ni la rhétorique dont ils faisaient fréquenter les écoles, jusqu’à ce que l’empereur Julien, qui s’attira par sa désertion de la vérité le surnom d’Apostat, eût défendu aux maîtres de ces deux arts de les enseigner aux chrétiens, ce qu’Ammien Marcellin1, quoique païen, condamne comme un action directement opposée aux loix de la clémence et de l’équité, sans négliger, dis-je à ces choses, non plus les autres sciences humaines, dont la connaissance ne leur a pas été indifférente. Qui ignore que leur principale étude a été dans l’intelligence de la vérité de l’Évangile et des mystères de la piété et la religion ? C’est pour cela que dès les premiers commencements du christianisme, ils eurent des écoles publiques où l’on enseignait les principales matières et points fondamentaux de la religion du Fils de Dieu.
Maintenant, pour avancer dans le temps, je remarque que Charlemagne, qu’on doit regarder comme le premier restaurateur des sciences dans une bonne partie de l’Occident, a eu soin d’établir des Écoles dans les monastères et les maisons épiscopales pour l’instruction des jeunes gens ; c’est ce qu’il a prescrit particulièrement dans son captiulaire de l’an 789. Théodulf, évêque d’Orléans, déclare dans le sien, qui fut fait en 797, qu’il y avait plusieurs écoles en divers lieux de son diocèse; qu’il nomme et ordonne de plus qu’il y en ait dans les bourgs et à la campagne. Le second concile de Chalon-sur-Saône fit un décret qui mérite ici sa place, et qui est de l’an 813 :
Il faut que, conformément à l’ordonnance de l’empereur Charles, prince doué d’une singulière douceur, force, prudence, justice et tempérance, les évêques établissent des écoles où l’on apprenne des sciences et les doctrines de l’Écriture sainte, et où l’on instruise des personnes dont notre Seigneur puisse dire avec raison « vous êtes le sel de la terre » et qui puissent être l’assaisonnement des peuples, et dont la doctrine résiste non seulement à diverses hérésies mais aussi aux sollicitations de l’Antéchrist et à l’Antéchrist lui-même, et qu’ainsi on dise d’eux à bon droit à la louange de l’Église « mille boucliers y pendent, et toutes les armes des vaillants hommes ».
Le sixième synode de Paris supplie en l’an 829 Louis le Débonnaire de bien vouloir marcher sur les traces de son prédecesseur en fondant quelques écoles publiques, pour le moins en trois lieux les plus commodes de son empire, afin que les travaux de son père et les siens ne soient pas sans fruit, outre que cet établissement sera très utile et très glorieux à l’Église de Dieu, et qu’il rendra par cette action son nom immortel.
Le concile de Meaux en l’an 845 veut que chaque évêque ait un homme docte, de bonne mœurs et d’une vie irrépréhensible pour instruire les prêtres, qui sont chargés de la conduite des peuples, dans les vérités de la foi et dans l’observation des commandements de Dieu, et pour les former à la prédication, afin que le flambeau de la parole de Dieu éclaire toujours l’Église qui est la maison du Dieu vivant. C’est encore le sujet du canon 18 du troisième concile de Valence en Dauphiné assemblé en 855, du canon 34 d’un synode romain du IXe siècle sous le pape Eugène II, et qui est répété et amplifié dans un autre sous Léon IV au même siècle.
Comme on le voit, les Églises réformées ont fidèlement poursuivi les lois, l’esprit et le projet de l’Église catholique médiévale jusqu’au XVIIe siècle. Elles se révèlent être les vraies héritières de ce qu’il y a de meilleur dans l’Église du Moyen Âge.
C’est aussi l’occasion de voir que l’Église du Moyen Âge n’est pas que corruption, superstition et papisteries orgiaques : à côté de ces défauts se fraie aussi le pur et vrai Évangile, qui n’a jamais disparu. L’Évangile n’était pas dans des petites sectes parallèles aux pratiques douteuses, mais au cœur même de l’Église catholique. L’Église médiévale est notre mère, et non les cathares.
Enfin, cela doit être l’occasion pour nous de prendre à nouveau conscience que les écoles confessionnelles ne sont pas un projet fou pour radicaux attardés, mais une composante essentielle du christianisme historique qui nous a été arrachée. Les réformés historiques, et tous les chrétiens des temps passés ont toujours eu à cœur que leurs enfants fussent éduqués dans le Seigneur. Et non seulement éduqués dans le Seigneur, mais qu’ils aient aussi une éducation d’élite dans toutes les sciences afin qu’ils soient comme la Grande armée de l’Église, sujet de gloire et de puissance pour Jésus-Christ.
Que cela soit donc un encouragement pour toutes les familles à donner à leurs enfants l’éducation la plus élitaire possible, afin que dans une génération le trône de Mammon et Moloch soit renversé, et que dans deux générations ce soit l’Église qui soit rétablie à sa juste place : celle d’impératrice du monde, à la droite de celui qui siège en maître de l’univers.
- Res gestae, livre 25.[↩]
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