Dans cet article, je ne vise pas à convaincre de l’intérêt de chanter les Psaumes seul, en famille et en Église mais à proposer, à la façon d’un catalogue, les divers moyens pour le faire en français.
Le Psautier de Genève
Le Psautier de Genève est évidemment le moyen par excellence pour chanter les Psaumes en langue française. Mais quelle version choisir pour une Église ou une famille ? Quelles sont les avantages et inconvénients des différentes éditions ?
- L’édition de 1729 est disponible en ligne gratuitement avec des partitions. C’est un bel avantage. Elle a aussi pour force d’être complète, c’est-à-dire que les Psaumes ne sont ni coupés, ni résumés de sorte à faire des chants de quelques strophes mais respectent la longueur du texte original. Son principal défaut, en dehors de l’absence d’édition moderne, c’est le français qui a quelque peu vieilli. Certains psaumes de cette édition ont été enregistré sur la chaîne YouTube de l’Église réformée de Pau.
- L’édition de Chapal en 1995 se vend avec partition. La poésie est belle. Son principal défaut est de n’être pas toujours fidèle au texte. Les Psaumes sont tronqués, l’aspect imprécatoire de plusieurs psaumes est gommé, les formulations prennent de grandes libertés avec le texte original si bien que, selon les psaumes considérés, on ne chante plus tout à fait la parole de Dieu. Pour certains psaumes toutefois, la versification est fidèle. Ce psautier dispose d’une table thématique, du cantique de Marie et de Siméon, de suites liturgiques de tonalité unique et d’indications historiques fort intéressantes en annexe.
- La versification de Gonin en 1998, qui est celle que j’ai choisie pour ma famille. Fidèle au texte comme l’édition de 1729, son français est plus moderne. Le langage est parfois soutenu au point d’être obscur et la poésie parfois plus lourde que chez Chapal. Cette versification est vendue dans une très belle édition comprenant toutefois le texte sans les partitions. En en-tête de chaque psaume figure une brève introduction dont l’origine remonterait à Martin Bucer.
Le Psautier de Lausanne
Dans le Psautier de Genève, certains psaumes ont la même mélodie. C’est le cas des psaumes 36 et 68 par exemple ou des 98 et 118. Leurs textes sont bien différents, mais la mélodie est identique. À l’époque de la Réforme, l’Église de Lausanne a chargé son chantre d’écrire des mélodies pour les psaumes n’ayant pas de mélodie propre, tout en conservant la versification, le texte, du Psautier de Genève. Ainsi, le psaume 118 pourrait être chanté sur une mélodie qui soit la sienne et non en reprenant simplement celle du 98. Le chantre a en réalité surpassé cette demande puisqu’il a aussi écrit des mélodies pour des psaumes ayant déjà une mélodie propre. Le psautier édité par Roger Chapal dont j’ai parlé plus haut propose pour les Psaumes de Genève les partitions des mélodies de Genève et des mélodies de Lausanne. C’est donc une autre raison de s’intéresser à cette édition, malgré les libertés prises pour les paroles.
Utiliser de nouveaux airs pour le Psautier de Genève
Le pasteur Alexandre Sarran, de l’Église réformée de Lyon, a écrit des mélodies contemporaines pour une douzaine de psaumes de Genève. D’autres pourraient compléter ce travail. Autrement, il est aussi possible via hymnary.org de faire des recherches de mélodies qui correspondraient à la métrique de tel ou tel Psaume de Genève. En effet, ce site permet de chercher par nombre de lignes par strophe et par nombre de syllabes par ligne des mélodies.
Le Psautier de César Malan
Une altération de la manière de lire les notes au cours des siècles a entraîné par erreur un ralentissement considérable dans la manière de chanter le Psautier de Genève (certains temps étaient doublés). Aussi, au XIXe siècle, leur popularité commença à décliner auprès des réformés en partie à cause de cette manière bien trop lente de tenir les notes. César Malan s’est lancé dans la production d’une versification du Psautier à partir de zéro.
Je suis parvenu à mettre la main sur le texte pour les psaumes 1 à 147 de sa versification, mais pas sur les mélodies. Mais la structure de ses versifications étant simple, il est assez facile d’y associer des mélodies via Hymnary. Ainsi, sa versification du Psaume 3 se prend aisément sur l’air du cantique Reste avec nous / Reste avec moi :
- Seigneur ! tu vois tous mes persécuteurs.
Ils sont nombreux, et leur foule s’augmente,
Disant de moi, d’une bouche insolente :
Dieu l’abandonne au poids de ses douleurs ! - Mais toi, Seigneur ! es mon fort bouclier ;
L’honneur, l’éclat, qui relève ma tête.
Ta voix bientôt, quand je fais ma requête,
De ton saint mont vient me fortifier. - Dieu me soutient : je puis donc m’endormir
Et m’éveiller, sous ses yeux, sans alarmes.
Si contre moi des peuples tout en armes
Se rassemblaient, Dieu saurait m’affermir. - Lève-toi donc, ô Dieu ! mon défenseur !
Brise les dents de tous mes adversaires !
Que ton salut réponde à nos prières !
Oh ! sur ton peuple établis ta faveur !
Son Psaume 11, pour donner un autre exemple, se chante aisément sur l’air du psaume 100 de Genève, du cantique numéro 5 dans Les Ailes de la foi (la doxologie) ou du cantique anglais When I survey the wondrous cross :
- Sur Dieu je me suis appuyé :
Comment donc osez-vous me dire,
Comme un oiseau tout effrayé,
Vers vos monts fuis et te retire ? - Des gens méchants l’arc est tendu ;
Déjà leur flèche est ajustée ;
Le juste est par eux attendu ;
Sa mort, de nuit, est projetée. - Les plus solides fondements
Ont tous été mis en poussière :
Dans ces fâcheux et durs moments,
Qu’aurait le juste encore à faire ? - L’Éternel a son trône aux cieux,
Au saint palais de sa lumière ;
Et des humains, devant ses yeux,
Il fait passer la race entière. - Du juste il voit les sentiments ;
Mais il abhorre l’injustice ;
Et ses terribles jugements
Des méchants frappent la malice. - Contre eux de son foudre vengeur
L’embrasement déjà s’apprête ;
Sur l’orgueilleux, sur l’oppresseur,
Va fondre une horrible tempête. - Mais Dieu bénit, avec amour,
Le juste qui cherche à lui plaire.
Sur l’homme intègre et sans détour
Il met ses yeux, comme un bon père.
Les recueils évangéliques
Plusieurs recueils évangéliques comprennent des mises en musique, versifiée ou non, des psaumes, plus ou moins fidèles au texte. En voici quelques exemples dans Les Ailes de la foi :
- AF 10 (psaume 24 – plusieurs libertés avec le texte pour les strophes 4 et 5 : mention de Jésus-Christ nommément que César Malan a abandonné dans des éditions ultérieures)
- AF 14 (premiers versets du Psaume 139, quelques libertés)
- AF 16 (psaume 23 – fidèle)
- AF 18 (psaume 121 – fidèle)
- AF 22 (psaume 27 – assez fidèle)
- AF 24 (psaume 90 – assez fidèle)
- AF 29 (psaume 34 – plusieurs libertés significatives avec le texte)
Quelques exemples dans le recueil À toi la gloire :
- ATG 31 (premier verset du psaume 133)
- ATG 51 (4 strophes, chaque strophe reprend un verset d’un psaume différent : 106,1 ; 115,1 ; 98,1 et 33,9 ; 45,6 et 45,1.
- ATG 23 (premier verset du psaume 103)
- ATG 29 (psaume 118,21-24)
- ATG 8 (psaume 25,4-5)
- ATG 25 (psaume 104,33-34)
- ATG 3 (psaume 9,2-3)
- ATG 30 (psaume 118,19 et 24)
- ATG 6 (psaume 23, plusieurs libertés significatives à la strophe 1)
- ATG 4 (psaume 19,15)
- ATG 27 (psaume 118,24)
Quelques exemples dans le recueil Avec des cris de joie de la Mission Timothée, en ordre alphabétique :
- À celui qui offre (psaume 50,5;15;23)
- A toi Seigneur le monde (plusieurs psaumes : 24, 50, 53, 112)
- Ainsi qu’un père (strophe 1 : psaume 103,13-16; strophe 2 : paraphrase le psaume 5)
- Annonce-moi (psaume 50,8;10;12)
- Assieds-toi à ma droite (paraphrase du psaume 110)
- Auprès des fleuves (strophe 1 : psaume 137, strophe 2 : psaume 126)
- Avec des cris de joie (psaume 63 extraits)
- Béni soit celui qui vient (psaume 118 extraits)
- Bénissez l’Éternel, vous ses anges (psaume 103 extraits)
- Bienheureux ceux qui placent (psaume 84 extraits)
- Et bien d’autres…
Quelques exemples dans les JEM :
- JEM 1 (psaume 116,1-2)
- JEM 2 (psaume 8,4-5)
- JEM 3 (psaume 23,1;4)
- JEM 5 (psaume 32,8)
- JEM 6 (psaume 34,6)
- JEM 7 (psaume 37,4-5)
- JEM 8 (psaume 50,14-15)
- JEM 9 (psaume 51,12)
- JEM 10 (psaume 55,23)
- JEM 11 (psaume 63,4-5)
- JEM 12 (psaume 72,18-19)
- JEM 13 (psaume 86,10-12)
- JEM 14 (psaume 100)
- JEM 15 (psaume 119.18)
- JEM 16 (psaume 126)
- JEM 18 (psaume 139,23-24)
- JEM 542 (psaume 93, plusieurs libertés dans le texte et répétitions absentes du texte biblique).
Chez Hymnes21, on a le cantique Là aussi qui paraphrase assez librement le Psaume 139. Dans le recueil Asaph, le Psaume 42 est en partie suivi par le cantique 212.
Autres
On pourrait encore mentionner quelques psaumes mis en musique par Victor Paris, un ami de mon ami Daniel Oddon :
Mentionnons la versification du psaume 90 que l’on peut chanter sur l’air du cantique Amazing Grace faite par Pierre-Sovann Chauny.
Il peut être utile aussi de regarder du côté des recueils catholiques romains ou de moderniser des psaumes mesurés à l’antique tels que les réformés en composaient à la renaissance, comme En son temple sacré, une versification du Psaume 150.
Les réformés écossais ont, dès l’époque de la Réforme, créé une version métrique du Psautier. Une traduction pourrait être faite de ceux-ci afin d’utiliser leurs airs.
Psalmodier le texte biblique
Une autre manière de chanter les Psaumes, qui convient peut-être mieux à la dévotion privée ou au chant en petit groupe, c’est d’apprendre à psalmodier à partir des textes bibliques eux-mêmes. Il s’agit d’une manière ancienne et parfois monotone de chanter les Psaumes que le Theopolis Institute a récemment remis au gout du jour. La mélodie suit une note de base durant un nombre indéfini de syllabes et ne se module qu’en fin de phrase. On peut donc adapter la longueur de chaque vers chanté au nombre de syllabes du texte. Voici par exemple le psaume 47 chanté en anglais selon cette méthode :
Le psaume 46 :
Voici encore le psaume 2 :
Exemples étrangers
Par exemples étrangers, j’entends ceux d’un autre lieu mais aussi d’un autre temps. En effet, je constate que dans certaines confessions, il a été tenté de « traduire » un style de psalmodie. Ainsi, cette version du psaume 118, avec ajout des litanies du psaume 136, bien qu’étant en anglais, sonne pourtant byzantine :
Les Églises réformées gaéliques ont aussi une manière très particulière de psalmodier en gaélique. Il s’agit d’une tradition ancienne, de l’époque de la Réforme. Le principe est proche de celui du Psautier métrique écossais : le texte du Psautier en gaélique a été organisé de telle sorte que les Psaumes aient une structure régulière. Par exemple, certains auront des strophes des 6 vers et 12 syllabes par vers, d’autres de 8 vers et 8 syllabes par vers, etc. L’important étant la régularité. Puis, des mélodies sont composées pour chaque structure existante et il suffit alors de les associer. Chaque assemblée a un chantre qui est chargé, au moment même d’entonner le chant, d’ouvrir le psautier à la page du psaume en question et d’entonner la première ligne sur un air qui corresponde à la structure du psaume. Voici un exemple de ce que cela donne :
Je ne donne pas cet exemple pour qu’il soit importé, mais pour encourager aussi à conserver simplement les traditions locales de psalmodie, que ce soit le Psautier de Genève, les Psaumes mesurés à l’antique ou les psalmodies inspirées du grégorien.
Si vous pensez à une autre manière de chanter les Psaumes en français, merci de nous la suggérer en commentaire !
Illustration en couverture : Thomas Webster, La chorale du village, 1847.
Merci Maxime de nous donner ces informations utiles sur le chant des Psaumes.
Je trouve le Psaume 23 chanté en coréen d’une grande beauté. Voici quelques interprétations:
– Soliste soprano + piano: https://youtu.be/MoDKYGzDJ1k
– Soliste ténor + piano: https://youtu.be/R09pd8HI73o
– Soliste soprano + piano + guitare classique: https://youtu.be/A0gRJgnRQ6g
– Soliste soprano + orchestre: https://youtu.be/BLhpG8_TwV8
– Petite chorale: https://youtu.be/a5rNlDsIRa8
– Chorale plus nombreuse: https://youtu.be/tIwyKDaRcik
Je me demande si les presbytériens coréens ont composé d’autres mélodies de style « coréen » pour d’autres psaumes. Ce serait intéressant à dénicher… J’ai vu qu’il y a un psautier coréen, mais je soupçonne que les mélodies soient des emprunts plutôt que des compositions originales. Ce serait à vérifier.
La liste suivante contenant tous les psaumes sur les mélodies de Genève (musique seulement) donne un exemple frappant de la malheureuse transformation de ces belles mélodies en musique lente et traînante qui n’en finit plus de nous essouffler: https://www.youtube.com/watch?v=ulxmGx57CSA&list=PL15DF46D76CA72F5E
À l’opposé, Kent Dykstra (en Colombie-Britannique) et son orchestre à cordes (sans paroles) font un effort de « rafraîchir » ces mélodies, les « dynamiser » et leur donner une saveur moderne, au point de ne plus toujours pouvoir reconnaître la mélodie d’origine. Ils en ont enregistré 41 jusqu’à maintenant qui sont beaux et intéressants à écouter, mais qui ne nous aident peut-être pas tellement à chanter les psaumes: https://www.youtube.com/channel/UCDlECMCgzxbCaaX84q1OfVA
En français, la dizaine de psaumes (paroles et musique) interprétés par le Choeur Goudimel me semble se rapprocher de la pureté et du rythme originels: https://www.youtube.com/channel/UCNOcvxgcdj8FIvR-r2LJwfg. On en souhaiterait davantage. On ne peut malheureusement pas en dire autant de ceux qu’ils ont « réécrits » et qu’ils ne font que réciter avec des paroles qui n’ont plus grand-chose à voir avec les textes inspirés.
Dans notre bibliothèque en ligne, j’ai référencé (par ordre numérique des psaumes) non seulement le psautier de Genève (texte de 1729), mais également plusieurs autres chants qui sont basés sur des petits extraits des psaumes ou sur des psaumes entiers (entre autres chantés par la chorale de Mission Timothée): https://www.ressourceschretiennes.com/bib/psaumes-0.
Un certain nombre sont très beaux. Je pense par exemple au Psaume 25, À toi mon Dieu, mon coeur monte: https://www.ressourceschretiennes.com/link/toi-mon-dieu-mon-c%C5%93ur-monte
Je signale enfin ces vieux enregistrement des chanteurs traditionnels de Paris: https://www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_mcVMwIeuwRbwFbqCxso4htNo8_SOQigMk
Dans un autre ordre d’idées, je me permets de signaler Baba Yetu (Le Notre Père) en swahili par la fameuse chorale de l’Université Stellenbosch, qui ne manque pas d’intérêt: https://youtu.be/PCa8RxaOPW8. Mais nous nous éloignons des psaumes (et de Genève!).
Merci beaucoup pour toutes ces ressources !