Vous connaissez peut-être Pauline Bargy pour son travail dans la confection de ce site, nous vous invitons aujourd’hui à découvrir un autre de ses projets par cet entretien pour Par la foi.
Bonjour Pauline,
Après ton travail de grande qualité sur le graphisme du site Par la foi, c’est une joie de pouvoir présenter aux lecteurs du site ton projet Les faveurs. Ta boutique en ligne a ouvert récemment et c’est l’occasion de faire découvrir ton magnifique travail au plus grand nombre. Merci de te prêter au jeu des questions-réponses afin de nous faire découvrir un peu plus sur ton univers :
1. Tout d’abord présentation : Peux-tu te présenter en quelques lignes ?
— Avant d’être graphiste, je suis une épouse et une maman. Initiée aux arts appliqués en Auvergne et formée au graphisme à Lyon, je crée depuis avec flânerie, minutie et contemplation. Je travaille comme graphiste indépendante à Lausanne depuis la fin de mes études, qui a aussi marqué le début de ma vie de femme mariée. Je suis assez synthétique dans mes productions mais mes créations sont accompagnées de dossiers de recherches remplis de notes littéraires et iconographiques. La croissance de notre foyer, il y a un an, a marqué un tournant dans mon travail et sachant que je garderai notre enfant à plein temps après sa naissance, ma grossesse a été l’occasion d’une réflexion sur l’évolution de mon entreprise.
2. Comment est né le projet Les faveurs ?
— Le besoin, tout à fait pratique, de concilier famille et travail est l’élément déclencheur du projet. Néanmoins, le désir de produire des créations liant le Beau, le Bon et le Vrai était en gestation dans mon esprit depuis plusieurs années. Je ne savais pas comment le matérialiser mais une première expérience professionnelle en imprimerie et mon intérêt grandissant pour le symbolisme et l’iconographie chrétienne m’ont ouvert la voie. Finalement, c’est en conciliant les deux que la papeterie a vu le jour.
3. Pourquoi ce nom ?
— Mon mari affectionne cette métaphore du tissage que Platon emploie pour décrire l’art politique. Son entrelacement de fils de chaîne verticaux et de fils de trame horizontaux représente à merveille le tissu social. La chaîne du tisserand supporte la trame qu’elle utilise pour créer un corps et une unité.
La faveur est aussi divine et humaine, chaîne et trame. Zacharie reconnaît la première quand il clame que Dieu s’est abaissé jusqu’à nous et nous accorde la faveur de le servir sans crainte (Luc 1,74). D’autre part, les faveurs sont celles que les hommes s’accordent entre eux, fruits de la bienveillance. Tout cela s’aligne avec les possibilités de correspondances attentionnées et de cadeaux qu’offre une papeterie. Refléter la faveur de Dieu en offrant une faveur.
4. Peux-tu nous donner trois mots qui décrivent l’univers des Faveurs ?
— Lumineux, traditionnel et symbolique.
5. Comment décrirais-tu ta compréhension de la beauté et le lien avec la foi chrétienne ?
— C’est une question difficile à laquelle je ne peux répondre que modestement. Je ne pense pas que la beauté soit une « valeur ajoutée » au monde, une stratégie commerciale de Dieu pour nous attirer à lui. Je n’ai pas la prétention de trancher la question difficile, de savoir si au sens philosophique, le Beau est un transcendantal, au même titre que le Bon et le Vrai. Il me semble toutefois évident que le Beau est intrinsèquement lié à Dieu et se retrouve dans ce qu’il crée. Si tel est le cas, la beauté n’est pas une option.
Notre lecture matérialiste du monde nous a fait perdre le sens du beau et du sacré dans notre quotidien. Il nous est difficile de comprendre qu’à une époque, on reconnaissait au monde une couche de sens qui dépasse sa simple description scientifique. Nos ancêtres croyaient réellement aux symboles qu’elle incarnait et n’étaient pas naïfs ou crédules pour autant. L’Écriture témoigne de cet usage du passé puisqu’elle regorge de symboles, d’images et de signes. Quand Dieu les emploie, ce n’est pas uniquement pour s’accommoder à nos intelligences humaines limitées. Ils ont, en eux-mêmes, un sens, une fonction. James B. Jordan le décrit à la perfection en ces termes : « Nous qui vivons dans l’ère de l’information post-Gutenberg sommes tournés vers les mots plus que vers les images, or la Bible est une ressource datant de l’ère de l’information pré-Gutenberg. Elle est pleine de descriptions visuelles et d’images importantes». Je crois donc que la beauté a une fonction qui participe à notre croissance spirituelle. Dieu nous a fait à son image, nous devons vivre selon cette image. Ainsi, nous ne pouvons pas seulement rechercher ce qui est bon et vrai, nous devons aussi trouver et goûter à ce qui est beau, pour que notre âme se désaltère et s’élève vers son créateur.
6. On lit sur le lien de ta boutique que Les faveurs s’inspirent de la tradition artistique chrétienne, quels éléments en particulier, ou artistes t’inspirent dans cette tradition ?
— Cela dépend des collections. Celle sur Le fruit de l’Esprit s’inspire de la peinture de la Renaissance italienne mais aussi des planches botaniques comme celles de Pierre-Joseph Redouté. Comparativement, une de mes collections à venir, Initiales, s’inspire des psautiers carolingiens, pour beaucoup de celui de Saint-Gall. À titre personnel, je suis inspirée par ce qui pourrait sembler assez annexe dans l’art, sans doute est-ce dû à ma pratique de graphiste. Les calligraphies des tableaux des frères Van Eyck, celles des triples voussures du retable de Gand par exemple, ou encore les cadres ornementaux parant les codices, dont le superbe livre d’heures noir, m’émerveillent.
7. On voit que la lumière occupe une place importante dans ton travail, peux-tu nous en dire un peu plus ?
— Dans l’art sacré, l’usage de l’or a une valeur symbolique forte, sa noblesse et son éclat pointent vers le divin. La lumière et le soleil sont aussi des symboles bibliques pour désigner Dieu et notamment le Christ. Je trouve le cantique de Zacharie particulièrement saisissant, figurant Dieu comme un soleil levant venu nous visiter, nous qui étions assis dans les ténèbres. En créant Les faveurs, je souhaitais inscrire mon travail dans cette belle tradition artistique pour refléter la lumière qu’est Dieu.
8. Comment a surgi l’idée d’une collection sur les fruits de l’Esprit ?
— En tout honnêteté, elle vient avant tout d’une envie de créer des illustrations de type naturaliste. Même si cette collection est sortie en premier, elle est chronologiquement la dernière des trois que j’ai réalisée. Après avoir travaillé sur les figures des évangélistes et sur les psaumes, je souhaitais changer de médium. Des lectures sur la représentation de plantes comme attributs du Christ et de Marie dans la peinture m’ont amenée à la symbolique des fruits. J’ai alors découvert toute une tradition cherchant à aller au-delà des mots, dans la réalité symbolique du monde, pour figurer autrement les fruits de l’Esprit par l’intimité du regard.
9. Comment as-tu choisi l’association de chaque don à un fruit ?
— Principalement en me fondant sur le livre de l’historienne Mirella Levi D’Ancona, The Garden of the Renaissance : Botanical Symbolism in Italian Painting. Elle répertorie et explique le symbolisme végétal de 160 plantes, découvertes à travers 25 000 peintures de la Renaissance italienne. L’enjeu était alors de trouver au sein de cette richesse figurative les fruits associés aux fruits spirituels de Galates 5. Pour trouver les neuf, il m’a fallu étoffer un peu plus mes recherches.
10. Les collections sont-elles permanentes ou bien des séries limitées ?
— Les tirages sont en série limitée mais les collections devraient rester permanentes. Il y aura donc certainement des rééditions. Néanmoins, je réfléchis encore à maintenir les collections tout en les faisant évoluer au fil des ans.
11. En dehors des collections est-il possible de passer commande pour des projets de créations personnalisés ?
— Oui, tout à fait, je suis disponible pour réaliser des faire-parts (mariage, naissance), des projets d’édition ou encore pour des collaborations par exemple.
12. Et pour finir, peux-tu nous dévoiler quelques projets à venir pour 2023 ? Une nouvelle collection ?
— Ce serait merveilleux que je puisse sortir les deux autres collections. L’objectif est modeste mais je commence aussi à mener une réflexion sur un calendrier ainsi que sur une collection spéciale cérémonie (mariage, baptême). Cette année sera aussi sûrement l’occasion d’une collaboration avec Par la foi, mais je vous laisserai le soin de nous prévenir…
0 commentaires