Grégoire de Nysse est un des trois « pères cappadociens », le trio de théologiens qui nous a donné les définitions définitives du vocabulaire trinitaire classique, au IVe siècle. Dans un petit traité, il s’oppose à la pratique naissante des pèlerinages. Il m’a semblé intéressant de faire connaître ce traité pour sa valeur apologétique contre les catholiques romains.
Grégoire est contre que les pèlerinages soient considérés comme normatifs, sur la base du silence de l’Écriture.
Il serait donc bon de se référer à cette Règle, et si le doigt de ses préceptes pointe vers l’observation de telles choses, d’accomplir le service, en tant qu’injonction réelle de notre Seigneur ; mais si elles se situent tout à fait en dehors du commandement du Maître, je ne vois pas ce qu’il y a à ordonner à quelqu’un d’être zélé dans l’accomplissement de quelque chose qui serait devenu une loi obligatoire. Quand le Seigneur invite les bienheureux à leur héritage dans le royaume des cieux, il ne met pas au nombre de leurs bonnes actions le pèlerinage à Jérusalem ; quand il annonce les Béatitudes, il ne nomme pas parmi elles ce genre de dévotion.
Grégoire de Nysse, Des pèlerinages
Loin d’être ordonné, ni même édifiant, le pèlerinage est bien plutôt une occasion de tentation qui nous incite à s’en abstenir. La proximité entre hommes et femmes est rendue nécessaire par les conditions de voyage, ce qui met en danger la modestie (chasteté, en langage plus récent). Exemple simple : les nonnes ont besoin d’être portées pour être mises sur leurs montures, occasion donc d’être touchées. Les tavernes lors des étapes sont propices à toutes sortes de profanités.
Et tout cela, pour quel avantage ? Le Seigneur n’est pas moins éloigné à Jérusalem qu’ici. Le Saint-Esprit n’est pas plus proche à Jérusalem qu’ici. On trouvera en Cappadoce bien des autels et des lieus propices à la sainteté, et on trouvera à Jérusalem beaucoup de lieux de débauches et de rapines. Jérusalem est même une des villes les plus propices au meurtre sur la terre. D’où peut-on dire qu’il y a une grâce divine plus abondante pour ceux qui vont à Jérusalem ?
Grégoire se défend ensuite contre la remarque suivante : qu’il a fait, lui aussi, un pèlerinage à Jérusalem. Il se défend en disant que c’était une visite « professionnelle » pour aller aider les Églises d’Arabie et de Jérusalem, et non un pèlerinage. Il défend aussi sa modestie en disant qu’il a profité des chariots des postes impériales, sans se mêler aux profanes. Enfin, il dit explicitement que le voyage à Jérusalem n’a pas changé son statut spirituel.
Nous confessions que le Christ manifesté est vraiment Dieu, aussi bien avant qu’après notre séjour à Jérusalem ; notre foi en lui n’a pas augmenté par la suite, pas plus qu’elle n’a diminué. Avant de voir Bethléem, nous savions qu’il s’était fait homme par l’intermédiaire de la Vierge ; avant de voir son tombeau, nous croyions à sa résurrection d’entre les morts ; sans avoir vu le mont des Oliviers, nous avions confessé que son ascension au ciel était réelle.
Ibid.
Au final Grégoire déconseille le pèlerinage à Jérusalem. Si les moines veulent s’absenter, qu’ils aillent s’absenter de leur corps pour être auprès du Seigneur, que s’absenter de Cappadoce pour être à Jérusalem.
Objection : Jésus a recommandé de ne pas s’éloigner de Jérusalem (Actes 1,4).
→ Hors contexte. Maintenant que le Saint-Esprit est venu, nous allons là où l’Esprit est. Ceux qui sont devenus croyants sont faits participants à ce don [du Saint-Esprit] en proportion de leur foi, et non comme conséquence de leur pélerinage à Jérusalem…
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