Dieu est Seigneur de notre âme, qui est le Seigneur de notre corps ? — Conférence Foi et vie réformées
22 avril 2024

Cette conférence a été prononcée lors du camp de Foi et vie réformées, à Plan d’Aups–Sainte-Baume le 2 mars 2024. Nous remercions encore Foi et vie réformées et son bureau pour l’invitation.


Introduction

La première question à poser est : qu’est-ce que j’en ai à faire ? Pourquoi m’intéresserais-je à cette question ? Ma réponse est que tout simplement, elle est importante et que c’est un gros enjeu actuel au moins pour les thèmes suivants :

  • Bioéthique : La première et principale des objections à la plupart de nos positions en bioéthique, c’est que chacun décide de ce qu’il fait de son corps. En d’autres termes : ce sont les individus qui sont souverains sur leurs corps, nul ne peut leur dire que faire. C’est mon corps c’est mon choix. Il est donc essentiel de se poser la question de si c’est vrai, et de réfléchir à qui est souverain sur nos corps.
  • Politique sanitaire : de 2020 à 2022, différentes contraintes très concrètes ont pesé sur nos cultes au nom d’un devoir du magistrat à veiller sur la santé de nos corps. Je fais bien sûr référence à la période de la covid-19. Je rappelle qu’au Québec par exemple, l’accès au culte a été conditionné au vaccin contre la covid. Ce que je trouve extraordinaire depuis cette période de chamboulement et d’atteinte à la liberté de culte, c’est que personne parmi les cadres n’a pris le temps de débriefer ce qui s’est passé. Le magistrat était-il vraiment souverain sur nos corps ? Pouvait-il nous forcer à la vaccination ? Je laisserai de côté la question de la liberté religieuse, pour ne pas faire de hors sujet.
  • Transhumanisme : cela rejoint les thèmes bioéthiques, mais notre corps fait l’objet de différents fantasmes transhumanistes, où l’on espère pouvoir dépasser les limites naturelles du corps pour rejoindre l’idéal du cyborg (l’hybride homme-machine) ou bien dépasser la nature humaine. Cette idéologie concerne peu de monde, mais son influence est démesurée par le budget de ces associations. Il y a un discours chrétien à développer ou à rappeler à ce sujet.

Alors, certes, le sujet est intéressant, mais pourquoi faut-il développer un discours chrétien ? En quoi cela concerne-t-il l l’Église ? Parce que c’est un enjeu pour l’Église, tout simplement :

  • Parce que la Bible en parle. Cette raison est suffisante et nous verrons où la Bible en parle.
  • Parce que si nous n’avons pas de vision, d’autres en auront une pour nous. C’est important de voir qu’aucune neutralité n’est possible en réalité quand on parle de vision du monde. Si vous n’avez pas la vision de Christ, vous aurez celle d’un philosophe quelconque. Si vous n’êtes pas motivé pour développer vous-même une vision du monde chrétienne, ce sera un athée zélé qui vous la donnera.
  • L’Évangile parle du salut de l’âme et de bien plus de choses encore. Quand on y regarde de près, Jésus-Christ a acquis à la Croix une victoire de dimension cosmique, qui dépasse de beaucoup notre petite relation privée avec lui. Il y a aussi une régénération de la Création qui est promise. Il s’intéresse non seulement à notre âme, mais aussi intéressé à notre corps et à ce que l’on en fait.

Je vais donc préciser explicitement quelle est ma position : je suis chrétien, de confession réformée, de sensibilité évangélique. Cela veut dire que je confesse les 40 articles de la confession de foi de La Rochelle, et que je suis attaché à l’autorité de la Parole de Dieu pour toute la vie chrétienne.

Pour savoir qui est souverain sur notre corps, on se rend vite compte qu’il y a trois acteurs possibles : l’individu, le magistrat qui a autorité sur les individus, et Dieu au-dessus de tous. Nous allons donc regarder du plus petit au plus grand, et regarder quelle est la souveraineté corporelle de l’individu d’abord, ensuite du magistrat, et enfin de Dieu. Après cela, nous en tirerons quelques applications en bioéthique, sur la politique sanitaire ou le transhumanisme.

1. L’individu seigneur du corps

La sagesse actuelle quand on se pose la question de la souveraineté sur le corps de chacun c’est le proverbe mon corps, mon choix. Il semble donc que la doctrine officielle de notre époque soit celle d’une autorité strictement individuelle de chacun sur son propre corps, sauf lorsqu’il s’agit de vaccination. On exclut ainsi qu’un mari puisse décider pour sa femme, qu’une femme puisse décider de quoi que ce soit sur le corps de son enfant, qu’un supérieur hiérarchique puisse décider quoi que ce soit sur la santé, les habitudes de vie d’une personne située plus bas. À dire vrai, le proverbe c’est mon corps c’est mon choix ne s’applique que dans un seul cas : rejeter l’autorité du mari sur la femme. Mais l’autorité des parents sur le corps de l’enfant est complètement assumée en matière de santé et d’éducation, où l’on ne peut pas faire une sortie scolaire sans que le parent signe son accord. Voilà déjà un signe que ce proverbe est faux et que les individus n’ont pas autorité sur leur propre corps.

Je vais maintenant développer pourquoi il n’y a pas de souveraineté individuelle sur le corps.

1.1. L’individu n’existe pas

Tout d’abord, si l’on est rigoureux, « individu » désigne une personne à laquelle on retire toutes ses relations : c’est un atome d’humain, une abstraction la plus complète. Ce qui existe dans la réalité, ce sont des personnes concrètes, qui sont liées à d’autres personnes par des alliances, des accords, des coutumes et des droits. Il est possible de dire qu’un individu est souverain sur son propre corps, puisqu’un objet platonique, une pure idée n’est reliée à rien. Mais dire la même chose d’une personne concrète n’est pas si simple : que deviennent toutes ces relations qu’elle a avec d’autres ? On ne peut pas si simplement distinguer entre « son domaine » et celui des autres. Dans le mariage par exemple, il y a un droit aux relations sexuelles, où l’on attend que chacun les réserve à une seule personne. Où est la limite nette qui partage entre la souveraineté du mari et celle de la femme ?

Notre réaction a souvent été de mutiler la réalité, et forcer « les individus » à exister sous un mode concret. C’est avec cette idée que la République a :

  • brisé nos associations, même lorsqu’elles étaient les seules façons d’avoir nos retraites et caisses maladie (loi Le Chapelier 1791) ;
  • interdisant les syndicats (la loi Waldeck-Rousseau de 1884 a été hautement combattue par les républicains) ;
  • diminuant la force des mariages et attaquant la liberté d’éducation (gouvernement d’Émile Combes ; loi de 2015 ; régime d’autorisation pour l’instruction en famille de 2021).

Loin de se calmer, cette tendance à mutiler la personne pour qu’existe les individus s’est accéléré au cours de la dernière décennie. Ainsi, la dernière loi bioéthique qui a autorisé la PMA sans père part de la vision que chaque parent est un objet platonique qui peut, s’il le désire engendrer un autre objet platonique qui n’a pas besoin de relation, ni avec son père, ni de savoir avec précision qui est sa mère. C’est hélas un mensonge qui n’apportera rien de bon.

1.2. Qui applique ce principe ?

Si vraiment il était naturel que notre corps ne soit dirigé que par nous-mêmes, alors nous n’aurions même pas besoin de lois pour « protéger » cette souveraineté : il nous serait aussi naturel d’avoir la souveraineté sur notre propre corps que de marcher sur le sol. Point n’est besoin de magistrat pour faire ce qui est naturel.

Or, c’est à grand renfort de lois que dans notre pays, la souveraineté de chacun sur son corps est faite. L’entrave à l’IVG, c’est-à-dire empêcher une femme d’exercer sa souveraine autorité sur son utérus, est punie de deux ans de prison et de trente mille euros d’amende. Au Canada, un père a été condamné à six mois de prison pour s’être opposé au changement de sexe de sa fille. Pas la peine de multiplier les exemples, mais cela montre que les actes du corps ne sont pas naturellement du domaine de l’individu : si c’était le cas, il n’y aurait pas de conflit possible, avec l’intervention nécessaire du magistrat. Le fait que les juges doivent rendre des jugements sur des conflits d’usage de notre corps montre où se trouve le véritable souverain du corps ici-bas : le magistrat.

1.3. La nécessité d’un troisième agent.

Je reviens un peu en arrière : j’ai dit que ce qui existait réellement, ce sont des personnes, c’est-à-dire un individu plus ses relations. Or le fait même qu’il y ait des relations implique que nous ne sommes pas souverains, mais qu’il faut une tierce personne pour faire l’arbitre en cas de conflit d’usage. Si une femme accuse son mari de ne pas avoir les relations sexuelles auxquelles elle a droit, que se passe-t-il ? On ne peut pas dire « le mari est souverain sur son corps, il peut retenir ses relations s’il en a envie ». Le contrat de mariage stipule qu’il les doit à sa femme. Et justement, parce que c’est un contrat qui a été passé devant les autorités, ce sont les autorités judiciaires qui viennent trancher la querelle.

Je récapitule : nos corps n’existent pas dans une bulle platonique, ils sont impliqués dans un monde réel. Dans ce monde réel, ils sont liés par nos relations à toutes sortes de relations, alliances, et contrats, qui contraignent la jouissance de notre corps.

  • Exemple d’alliance : Si nous sommes mariés, nous ne pouvons pas avoir des relations sexuelles avec qui nous voulons ;
  • Exemple de relation naturelle : si nous sommes un enfant, nous ne pouvons pas subir une opération chirurgicale par notre seule demande, ce sont nos parents qui sont souverains ;
  • Exemple de contrat : si nous sommes salariés, nous nous sommes engagés à être physiquement présents sur tel site à telle période.

Or, dans toute société, lorsqu’il y a un conflit dans une relation, c’est à un tiers agent que les deux parties s’adressent, et que j’appellerai par la suite : le magistrat. C’est lui qui est le garant des alliances, le gardien des relations naturelles et l’arbitre des contrats. C’est donc lui qui administre la souveraineté sur les corps.

Bien évidemment, une telle chose ne peut pas être dite sans préciser la fondation de ce pouvoir, ses limites et sa fin. C’est ce que nous allons faire ensuite.

2. Le magistrat seigneur du corps

Principal verset : Si quelqu’un verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé ; car Dieu a fait l’homme à son image. (Genèse 9,6) Verset qui fonde l’État en tant qu’institution chargée de juger et appliquer la peine capitale. Principe d’interprétation : Dans tous les préceptes, il faut reconnaître la synecdoque → cela veut dire que lorsqu’il est écrit tu ne tueras pas, ce sont toutes les atteintes physiques qui sont exclues. Et si inversement Dieu donne à l’homme le droit de pratiquer la peine capitale, ce sont toutes les atteintes au corps qui sont permises. Il y a donc au moins une situation où le magistrat a pouvoir sur les corps : celui de la justice pénale.

On pourra objecter que cela ne s’applique qu’à la justice pénale. → Il y a un autre principe d’application des lois de l’Ancien Testament dans le genre, l’espèce ; dans le relatif, le corrélatif est inclus. C’est ce qui fait que l’interdiction de commettre l’adultère inclut aussi tout ce qui touche à la pureté sexuelle. Appliqué à Genèse 9,6, si le magistrat a le pouvoir suprême et pénal sur le corps, il a aussi un pouvoir plus ordinaire et civil sur celui-ci.

Maintenant, on va faire un panorama pour couvrir toutes les sections de la Bible :

  • Première mention d’un pouvoir des magistrats sur le corps : Genèse 4,14 : Voici, tu me chasses aujourd’hui de cette terre ; je serai caché loin de ta face, je serai errant et vagabond sur la terre, et quiconque me trouvera me tuera. → C’est donc qu’avant même que la peine de mort ne soit formellement confiée à l’homme, il y avait un droit de vengeance naturel, et que Caïn connaît et craint.
  • Noé agit en tant que seigneur de la Création en sauvant une partie des animaux, et parmi eux, il y a ses enfants. Donc il est seigneur et responsable sur le corps de ses enfants, ne serait-ce que comme père.
  • En Genèse 12,17 sq. : Mais l’Éternel frappa de grandes plaies Pharaon et sa maison, au sujet de Saraï, femme d’Abram. Alors Pharaon appela Abram, et dit : Qu’est-ce que tu m’as fait ? Pourquoi ne m’as-tu pas déclaré que c’est ta femme ? → Lorsque Pharaon prend Sarah afin de l’adjoindre à son harem, ce qui déclenche la colère de Dieu n’est pas le pouvoir que Pharaon exerce sur le corps de Sarah, mais l’adultère qui est impliqué.
  • En Genèse 17,13 : le commandement de la circoncision implique que le patriarche est le maître des corps de sa maison, puisqu’il doit appliquer la circoncision même sur les esclaves qu’il achète adulte : On devra circoncire celui qui est né dans la maison et celui qui est acquis à prix d’argent.

Passons à la Loi : rappelons qu’il ne s’agit pas d’appliquer la loi de Moïse telle quelle, mais de l’utiliser comme témoignage divin de ce que prescrit la loi naturelle qui est au dessus.

  • La première chose que nous remarquons est que la peine de mort — et donc le biopouvoir qu’elle inclut — est assumée dans la loi de Moïse pour au moins sept commandements sur dix. Même s’il n’y a pas de roi assumé dans cette loi, il y a déjà quelques mécanismes judiciaires, tels que la règle qui exige d’avoir deux ou trois témoins avant que les anciens de communauté ne puissent recevoir une accusation. C’est donc bien un magistrat ou un organe de pouvoir qui doit appliquer cette peine capitale.
  • D’autres formes de contrôle du corps sont assumées dans cette loi, telle que l’esclavage.
  • Les lois lévitiques de pureté contre la « lèpre » implique un biopouvoir du prêtre sur le corps des israélites, puisque ce corps est soumis à examen et peut entraîner un bannissement temporaire du camp.
  • De même les lois de pureté au sujet des règles des femmes montre qu’il existe un biopouvoir, puisque une affaire purement biologique — le cycle menstruel des femmes — devient une loi de société, que les prêtres doivent enseigner.
  • La condamnation de la castration masculine est un autre interdit qui régule ce que l’on peut faire de nos corps.
  • L’interdiction des mariages mixtes est une application du biopouvoir, puisqu’il est interdit aux israélites que leurs corps aillent pour des femmes étrangères.
  • Il en va de même pour les interdictions de prostitution sacrée, de scarifications rituelles : autant d’exemples où le magistrat, quel qu’il soit, a le pouvoir de vous interdire de faire ce que vous voulez de vos corps.

D’autres exemples pourraient sûrement être trouvés, mais il n’y a pas besoin d’être exhaustif. Dans la loi de Moïse, nous voyons que les magistrats ont un biopouvoir pénal et civil (interdiction des mariages mixtes). Les rois, les sages et les prophètes n’ajoutent rien de bien concret sur cette question : leur but était de ramener les rois et le peuple à l’obéissance à la loi, ils n’ont jamais contesté le pouvoir du roi à disposer du corps des autres dans certaines limites. Passons au Nouveau Testament :

  • Le pouvoir du magistrat institué en Genèse 9,6 est rappelé en Romains 13,4 : ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal. Outre la confirmation de ma lecture de Genèse 9,6 ; on voit aussi qu’il exerce le biopouvoir en tant que serviteur de Dieu mais j’y reviendrai pleinement dans la partie suivante.
  • Lorsque Jésus est entre les mains de Pilate, celui-ci lui rappelle qu’il a le pouvoir de crucifier son corps, ou d’épargner son corps : Jean 19,10 : Pilate lui dit : Est-ce à moi que tu ne parles pas ? Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te crucifier, et que j’ai le pouvoir de te relâcher ? Jésus répondit : Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, s’il ne t’avait été donné d’en haut. Ce qui est intéressant ici, c’est que Jésus ne conteste pas ce biopouvoir : il dit simplement que Pilate pèche contre Dieu en punissant le Christ en particulier. C’est donc que ce biopouvoir est légitime dans son principe.

Cela suffira pour cette section.

3. Dieu, le Seigneur du corps

Arrivé à ce point, on peut prendre peur : eh quoi, le magistrat peut-il donc ordonner tout ce qu’il veut, et ce serait légitime ? On imaginera facilement tous les abus possibles qui seraient rendus légitimes : le droit de cuissage, mener des expérimentations médicales dangereuses sur toute la population sans rendre des comptes, exposer nos enfants trop tôt à la sexualité… L’imagination humaine ne manquera pas pour trouver des abus possibles.

Mais comme nous l’avons dit plus haut, je n’ai parlé ici que du principe. Jusqu’ici, j’ai été assez lâche dans mon vocabulaire, mais il est temps que je devienne plus précis. J’identifie trois échelons de contrôle du corps :

  1. Dieu est souverain sur le corps.
  2. Le magistrat est arbitre et administrateur sur les corps.
  3. La personne est propriétaire de son corps.

J’insiste un peu plus :

  1. Dieu est souverain, parce que c’est lui qui a toute autorité et toute puissance pour tracer les limites de ce que nous pouvons faire avec notre corps. Il a aussi le pouvoir de sanctionner ceux qui abusent des corps humains.
  2. Le magistrat n’est pas souverain, parce qu’il manque de cette puissance et de ses moyens, et qu’il applique à son niveau les lois éditées par un autre. C’est pourquoi je dis qu’il est administrateur des corps. Il est là pour mettre en application les lois de Dieu. Et il est aussi arbitre sur les corps, parce qu’il arbitre dans les conflits d’usage de nos corps, lorsque deux personnes sont en désaccord.
  3. La personne est propriétaire de son corps : Elle n’est pas souveraine puisque la loi qui règle l’usage de son corps est déterminée par Dieu. Elle est limitée par des lois extérieures sur l’usage de son corps aussi. Mais nous sommes bel et bien propriétaires de notre corps, parce qu’il nous est propre, nous seuls avons ce corps-là. Donc nous sommes les premiers décideurs de notre corps. Il en va de la propriété de notre corps comme de n’importe quel propriété. Je fais ce que je veux de mon terrain, mais si je commence à en faire quelque chose qui empoisonne le sol de la région, le magistrat me l’interdit. Si j’érige un temple idolâtre dessus, Dieu me l’interdit. Il en va de même pour mon corps ; je suis le propriétaire et premier décideur, mais je suis aussi contraint par Dieu et son officier temporel : le magistrat. C’est mon corps, mais je n’ai pas tous les choix.

Le pouvoir des magistrats sur les corps admet deux limites :

  • Par le haut : le magistrat est limité par la loi naturelle supérieure à toute loi politique humaine.
  • Par le bas : le magistrat est limité par le principe de subsidiarité qui l’oblige à respecter l’intégrité de l’échelon inférieur. Je reviendrai dessus après.

3.1. La limite de la loi naturelle

La loi naturelle, c’est l’ensemble de la volonté et les commandements de Dieu, tels qu’on peut les connaître dans la nature. L’existence de cette loi naturelle est établie en Romains 1,18-21 :

La colère de Dieu, en effet, se révèle depuis le ciel contre toute l’impiété et l’injustice des gens qui tiennent la vérité captive dans l’injustice ; car ce qu’on peut connaître de Dieu est manifeste parmi eux : c’est Dieu qui, pour eux, l’a rendu manifeste. En effet, ce qui chez lui est invisible – sa puissance éternelle et sa divinité – se voit fort bien depuis la création du monde, quand l’intelligence le discerne par ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables, puisque, tout en ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâce ; mais ils se sont égarés dans des raisonnements futiles, et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres.

Pour en retenir seulement ce qui nous concerne sur le pouvoir des magistrats :

  • Ce qu’on peut connaître de Dieu, c’est aussi sa volonté et ses commandements. Tous les hommes savent donc ce que Dieu demande et ordonne.
  • La révélation naturelle est donc plus générale, mais aussi plus confuse que la révélation biblique, parce que nous nous y opposons et la rendons confuse.
  • Cependant, malgré tous nos efforts de confusion, cette loi est suffisamment claire pour justifier l’exercice de la justice contre les hommes, que ce soit dans l’intimité de notre conscience, ou au niveau suprême de Dieu. Les magistrats aussi donc peuvent et doivent l’invoquer pour rendre la justice.

Pour établir que le magistrat est soumis à la loi naturelle, je pourrais répéter tous les versets ci-dessus qui parlaient de la soumission des magistrats à Dieu. Et à la limite, une étude du Psaume 2 ferait la même chose. Mais vu que je l’ai déjà fait, je vais me concentrer sur des objections courantes :

  • Première objection : les magistrats servent le prince du monde qui est Satan. Cette idée s’appuie sur Jean 15, la tentation de Jésus au désert et d’autres textes qui indiquent une collaboration entre les chefs d’État et les forces sataniques. À ceci, je renvoie à l’exemple de Nabuchodonosor dans Daniel 4 : voici un roi païen, mauvais, orgueilleux, qui pourtant tombe immédiatement sous le jugement de Dieu, et ne s’en sort qu’après avoir fait une complète confession que Dieu est son souverain. Ou bien encore, Jésus qui dit à Pilate tu n’aurais nul pouvoir sinon celui qui t’est donné d’en haut. Les textes qui parlent de Satan au contrôle du monde n’excluent pas la souveraineté de Dieu sur le monde, et ses officiers. Si parfois ils collaborent, aucun des démons ou des magistrats n’échappe au contrôle de Dieu.
  • Autre objection : ce n’est pas conforme à nos traditions républicaines, qui admettent la séparation entre l’Église et l’État. Je réponds d’abord en disant que la loi de Dieu est par nature supérieure à toute loi républicaine. Ensuite, il n’en a pas toujours été ainsi. Si vous regardez bien la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de 1789, vous remarquerez qu’elle a été écrite sous les auspices de l’Être suprême. C’est parce qu’initialement, les idées des Lumières étaient une réinterprétation séculière de la loi naturelle chrétienne. Aujourd’hui, pour nous, les droits de l’homme sont simplement quelque chose que le magistrat décide de reconnaître ou pas, mais c’est important de voir que même les traditions des Lumières ont de la place pour une sorte de loi naturelle.
  • Dernière objection : nous aurions une éthique différente des non-croyants. Pour une réponse complète, je vous renvoie à Maxime Georgel, qui a écrit un article sur ce sujet sur Par la foi. Dans cet exposé, je rappelle seulement que Romains 1 parle d’une loi naturelle inscrite dans la nature et connu de tous les hommes. Si certains seulement connaissent la Bible, tous connaissent la loi naturelle que Dieu exige de l’homme. Les commandements de Dieu ne sont donc pas l’éthique privée du club des chrétiens, selon la formule de mon ami Maxime.

Ainsi, dans la pratique, un magistrat peut décider de ce que l’on peut faire de nos corps, oui. Mais il n’a pas le droit d’autoriser quelque chose que Dieu interdit. Et comme l’autorité du magistrat vient directement de Dieu, on peut dire avec assurance : il n’y a jamais d’autorité pour faire le mal. Point. C’est ainsi que l’apôtre Pierre a pu dire : il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes.

3.2. La limite de la subsidiarité

J’ai dit : le magistrat est limité par le haut avec la loi naturelle, et il est aussi limité par le bas avec la subsidiarité. Voilà un terme qu’on utilise rarement en dehors de philosophie politique, alors je dois donner une définition.

La subsidiarité, cela veut dire qu’une autorité supérieure ne doit pas faire, ce qui peut être fait à un échelon inférieur. Ce n’est par exemple pas à l’État de décider du mode d’instruction de ses enfants, considérant que ce sont les parents qui peuvent faire ce choix (contrairement à la loi française). L’emplacement du futur aéroport de Nantes ne devrait pas être décidé à un niveau supérieur au département ou à la région de Nantes.

Le fondateur de ce principe philosophique est le philosophe réformé Johannes Althusius, dans son livre appelé la Politique, qui date du XVIIe siècle. Bibliquement, le principe de subsidiarité est établi de la façon suivante :

  • La famille a été établie dès Genèse 1,23-24, et le magistrat en Genèse 9. C’est donc que la famille est plus fondamentale et première par rapport au magistrat. Par ailleurs, la famille n’a jamais été abolie ou mise en-dessous du magistrat : c’est donc que chaque institution cohabite en toute intégrité.
  • Chacun des échelons, du plus petit au plus grand doivent une obéissance directe et immédiate à Dieu. Donc il faut laisser aux échelons inférieurs un espace de liberté, pour qu’ils puissent obéir à Dieu directement. Si tout passe par le magistrat suprême d’un État, alors seul le magistrat devrait obéir à Dieu et les autres devraient obéir seulement aux magistrats. Or ce n’est pas le cas.

Cela veut dire que, si le magistrat respecte la création dont il est l’administrateur, il n’a pas le droit non plus de prendre une décision sur des affaires proprement familiales. Il n’a pas le droit de prescrire par exemple un certain nombre de relations sexuelles par mois dans le cadre d’un mariage, ou de dissoudre des mariages stériles. Il n’a pas le droit de décider du traitement de la maladie d’une personne particulière.

En revanche, c’est son domaine de décider des formes institutionnelles et légales du mariage, et les droits qu’apporte le mariage. Il a le droit d’organiser les hôpitaux et surveiller leur bon fonctionnement. Ce sont des affaires publiques qui doivent être gérées au niveau public, celui du magistrat. Toutes les notions de « responsabilité parentale » sont en fait une application de la subsidiarité : les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, et donc ils doivent être les premiers à prendre des décisions. Ce n’est qu’en cas d’abus ou d’intérêt public que le magistrat peut intervenir contre la volonté d’un parent.

Donc non seulement le magistrat ne peut pas prescrire quelque chose qui est interdit par Dieu, mais il n’a pas non plus le droit de briser l’intégrité des familles en dessous pour atteindre un objectif ou des projets privés. Il ne peut intervenir que dans la sphère publique, pour les affaires publiques. Voilà les deux limites que le magistrat dans son pouvoir sur les corps.

Je rappelle donc ma réponse synthétique à la question posée : la souveraineté des corps appartient à Dieu, l’administration des corps appartient au magistrat, et la propriété des corps appartient aux personnes. Aussi longtemps que ce que nous faisons de nos corps ne concerne que nous-mêmes et n’a aucune implication sur la vie des autres, il n’y a aucune raison que le magistrat intervienne.

4. Applications

Maintenant qu’on a la doctrine complète, j’aimerais conclure cet exposé par trois cas d’application :

  1. Le don d’organe, qui mélange ensemble des enjeux personnels, et des enjeux de santé publique.
  2. Le transhumanisme, qui se vend comme une amélioration du corps humain, mais a aussi des enjeux politiques et publics.
  3. La politique vaccinale, un sujet qui a été brûlant il y a quelques années, et sur lequel il serait utile de revenir plus à froid.

4.1 Don d’organes

Ce n’est pas un exposé sur le don d’organes, mais la souveraineté des corps, aussi je me contenterai uniquement de ce qui est pertinent. Le don d’organes consiste en l’acte d’autoriser à ce que l’on prélève un des organes d’un donneur vers un receveur qui en a besoin. Il y a donc une personne qui est donneur, l’autre personne qui est receveur, et un magistrat qui organise les hôpitaux et les lois qui entourent cette pratique.

Question : qui est souverain ici ? Qui décide du corps de l’un ou de l’autre ? Ce ne peut être ni le donneur ni le receveur, puisqu’aucun n’a de droit sur le corps de l’autre. Dieu est souverain, certes, mais ni la Bible, ni la loi naturelle ne donnent d’indications claires là-dessus. Certaines dénominations chrétiennes soutiennent que c’est un acte positivement bon et donc un devoir pour le chrétien, mais la plupart disent que la question est moralement neutre, et donc nous sommes libres de faire ce que nous voulons sur ce sujet, vis-à-vis de Dieu, et je suis cette voie.

Alors qui est souverain dans ce cas neutre ? Il ne reste que le magistrat. Il peut en toute légitimité interdire la pratique, l’autoriser contre rémunération, ou l’autoriser tout en interdisant la rémunération. Cela ne veut pas dire que toutes ses décisions seront également sages. Dans les pays qui autorisent le don d’organes contre rémunération, on observe que l’appât du gain crée des trafics d’organe et des exploitations qui sont incompatibles avec le sixième et le dixième commandement [l’interdiction du meurtre et de la convoitise]. De même, il y a des pratiques de greffe ou de prélèvement qui ne respectent tout simplement pas la dignité du corps humain, et le magistrat doit les interdire. Donc même sur un sujet ouvert, il y a quand même la loi naturelle pas loin.

Mais il y a un point dans la loi française où, à mon sens, la loi ne respecte pas le principe de subsidiarité : c’est lorsqu’elle prescrit le consentement présumé. Cela veut dire que le magistrat français s’est donné le droit de dire « oui » au prélèvement d’organe à la place de tout le monde, au nom de la solidarité nationale. Pour préserver la liberté, il existe un registre national des refus de don d’organes.

Ce consentement présumé viole le principe de subsidiarité, parce que justement le magistrat prend ici une décision à notre place, alors qu’elle devrait venir de nous-même seulement. C’est d’ailleurs pour cette raison que je me suis inscrit sur le registre national des refus, non parce que je suis opposé au don d’organe, mais parce que je suis opposé à ce principe légal abusif.

Voici pour un cas où le magistrat a autorité sur les corps, mais en enfreignant la limite inférieure, celle de la subsidiarité.

4.2 Transhumanisme

Je conclurai sur un thème que l’on m’a demandé d’aborder, celui du transhumanisme. Par ce mot, je définis le mouvement intellectuel qui prône l’usage des sciences et des techniques pour augmenter l’être humain, voire sortir même de notre espèce pour évoluer en une créature supérieure. Je ne parle donc pas ici de l’usage des prothèses sophistiquées ou des techniques de réparation avancées. Je parle ici de la volonté de transgresser les limites de l’être humain.

Le magistrat a ici trois voies possibles:

  • Le transhumanisme est positivement bon : le magistrat doit alors soutenir et encourager les projets transhumanistes.
  • Le transhumanisme est moralement neutre : Il est en position de neutralité, en n’aidant ni ne s’opposant aux transhumanistes.
  • Le transhumanisme est mauvais : Il réprime et interdit ce mouvement.

Rappelez vous la limite « supérieure » du pouvoir du magistrat : le transhumanisme étant fondamentalement un piratage de la création et une idolâtrie particulièrement scandaleuse, le magistrat ne peut pas soutenir et encourager des projets transhumanistes. Mais le cœur de la question est le suivant : doit-il se contenter de ne pas encourager, ou bien doit-il activement réprimer ?

Afin d’éviter de rester trop abstrait, prenons un exemple concret : il y a la fondation Alcor aux États-Unis qui pratique et fait des recherches sur la cryogénisation des corps dans de l’azote liquide. L’idée derrière cette pratique est de « congeler » les corps d’une telle façon que la médecine future puisse les ressusciter. On voit dans cette fondation la foi en une technologie toute-puissante, et l’espoir de dépasser une limite créationnelle typique du transhumanisme.

Actuellement, cette fondation est laissée en paix par le magistrat américain. En effet, selon la philosophie politique américaine, les personnes qui participent à cette fondation sont libres de faire ce qu’elles veulent et ce serait violer cette liberté que d’intervenir. Pourtant, je vais défendre ici que le magistrat serait en droit de dissoudre la fondation et rendre les corps aux familles. Il n’y a pas d’abus à ce qu’il interdise une pratique et sanctionne ceux qui la font.

Cela vient du fait que le transhumanisme est mauvais, pour les raisons suivantes :

  • Les transhumanistes cherchent à briser l’ordre naturel, puis le reconstruire selon leurs propres délires se faisant ainsi l’égal du Créateur.
  • Ils traitent la science et la technologie comme des sauveurs à la sagesse et la puissance parfaite, ce qui est de l’idolâtrie.

Aussi ne faut-il pas considérer ces cryogénisations comme autre chose que de la superstition, et il est juste que le magistrat soit non seulement permis, mais contraint de réprimer le transhumanisme, si nous étions dans un monde bien ordonné.

Objection : cela ne transgresse-t-il pas le principe de subsidiarité ? N’est-ce pas plutôt aux personnes elles-mêmes de s’abstenir de la pratique ? Considérant que cette pratique n’a aucune empreinte publique, il n’y a pas de raison en apparence que les magistrats interviennent.

Voici ma réponse : tous sont également soumis à la loi de Dieu. Donc si le transhumanisme est une transgression, ça l’est aussi pour les personnes individuelles et il n’y a pas de « droit au transhumanisme » pour elle. Or, la tâche du magistrat est, selon les termes de Jean Calvin d’être un officier de la colère de Dieu. Donc non seulement il n’y a pas de raison de rester neutre, mais le magistrat a un devoir positif de venir punir le mal.

Toute la difficulté pour lui sera de le faire avec une bonne prudence. En effet, la technologie reste un don de Dieu pour mettre en œuvre le mandat créationnel, et souvent les transhumanistes couvrent leurs intentions par des recherches de prothèses et de soins innovants. Je pense par exemple aux exosquelettes pour paralytiques. En soi, ce n’est qu’une prothèse très sophistiquée pour compenser la perte de mobilité d’un paralytique. Sur le principe, je ne vois rien de condamnable. Mais ces recherches servent aussi à approfondir les interfaces homme–machine et certains font avancer l’idée d’un cyborg (hybride homme–machine) qui elle est une idée blâmable. Si j’étais magistrat, où mettrais-je la limite ? Irais-je interdire toute recherche sur les exosquelettes de crainte que cela ne fasse avancer la cause transhumaniste ? Ou bien est-ce que je laisserai faire toutes les applications « réparatrices » qu’on proposera jusqu’à ce que, de fait, on soit entré pleinement dans des projets transhumanistes ?

Je ne vais pas répondre à cette question, mais seulement montrer que si le principe est très clair, l’application peut vite être délicate, et je n’ai même pas encore compter les problèmes de pression politique et influence de lobbies qui peuvent exister.

4.3. La politique vaccinale

Revenons aux grandes questions qui ont été posées en 2021 lorsque notre magistrat a jugé bon d’encourager le plus possible, jusqu’à la contrainte financière, le vaccin ARN contre le covid-19. Dès la première minute, plusieurs ont crié à l’atteinte aux libertés individuelles. D’autres ont affirmé au contraire que nul ne devrait résister au magistrat, et que les contraintes les plus fortes pouvaient être mises en œuvre. Je vais profiter de cette conférence pour montrer un exemple de vision chrétienne à l’œuvre.

Reprenons le raisonnement que nous avons déjà vu trois fois. Par défaut, on va se poser la question des limites de ce que le magistrat peut faire. Première limite : la loi naturelle. Est-ce conforme à la volonté de Dieu ? Il y a deux choses à considérer : d’abord ce qui est conforme à la parole de Dieu, et ensuite ce qui est conforme à la droite raison. Pour ce qui est de la conformité avec la parole de Dieu, je tiens à faire remarquer que les vaccins à ARN posent une question de conformité avec la loi naturelle. Pour l’argumentaire complet, je renvoie à l’article de Maxime Georgel sur Par la foi « Problèmes éthiques posés par la vaccination covid ». Ici, je me contenterai d’évoquer l’argument principal : le « gain de fonction » apporté par les vaccins à ARN est un piratage de la Création, l’usurpation des pouvoirs de créateur. Cela s’opposerait donc au premier commandement. Premier problème.

Deuxième problème avec la loi naturelle : il faut que ce soit conforme à la droite raison, à ce qui est objectivement raisonnable, puisque Dieu est la sagesse même. Or, une partie importante de la sagesse, c’est d’avoir des actions proportionnées au niveau de menace. Si nous sommes dans une situation de vie ou de mort tous les moyens sont permis, mais l’étions-nous ? Et le moyen utilisé – la vaccination à ARN – était-elle efficace pour justifier qu’on en fasse un tel pilier de notre action, avec de telles contraintes ? La réponse est plus compliquée à estimer, mais l’inefficacité et la nuisance de ces vaccins à ARN semble être de mieux en mieux établie, et donc toutes les contraintes qui ont été permises sont irrationnelles, avec le recul. Si elles le sont vraiment, cette irrationalité est un péché.

Il y a une autre question, cette fameuse limite basse de la subsidiarité : à quel moment est-ce à moi de décider de mon corps, et à quel moment est-ce au magistrat de décider quant à une vaccination ? Ici, je déploie la distinction suivante :

  • Le corps en tant que création : seul Dieu peut décider ce que l’on en fait.
  • Le corps en tant qu’interface avec la société, que composant de la société : c’est le domaine du magistrat.
  • Le corps en tant qu’objet de notre âme : c’est notre domaine.

Le vaccin ne change pas la nature humaine (avec une réserve pour le vaccin à ARN) donc il ne concerne pas Dieu directement. Il ne touche pas non plus à notre for intérieur, puisque la vaccination concerne aussi la vie des autres. C’est donc que c’est d’abord au magistrat de décider ce que l’on fait de la vaccination dans la société. Les vraies limites sont celles de la loi naturelle, qui comprend deux aspects : la volonté explicite de Dieu (et cela dépend de la technologie utilisée) et la droite raison, qui comprend des jugements sur la proportionnalité, sur le respect des coutumes, sur le rapport bénéfice-risque, sur l’efficacité, sur les dommages encourus…

Le débat aurait donc dû porter sur la question suivante : est-ce bien rationnel de donner un vaccin sans recul, sans efficacité prouvée, et avec un tel niveau de contrainte ?

Comme vous le voyez, la vision peut être chrétienne, mais la réponse peut intéresser tout le monde, et pas seulement les croyants.

Conclusion

Nous sommes partis de l’idée que Dieu était le Seigneur de notre âme, et nous nous sommes posé la question qui est le Seigneur de notre corps ?

  • Ce n’est pas nous-mêmes, puisqu’il y a des arbitrages à faire dans des conflits inévitables sur l’usage de nos corps.
  • Les magistrats administrent et arbitrent sur nos corps, en tant qu’officiers et administrateurs de la Création de Dieu.
  • Mais la véritable souveraineté est à Dieu.

C’est ainsi que l’on peut retenir la formule suivante : Dieu est le souverain du corps ; le magistrat est l’arbitre du corps ; nous sommes les propriétaires de nos corps.

Nous avons vu que cet arbitrage du magistrat admettait deux limites :

  1. La loi naturelle : le magistrat n’arbitre pas selon ses délires personnels, mais selon la volonté supérieure de Dieu. C’est pourquoi il a une autorité réelle sur nous, tout en étant dépendante de Dieu.
  2. Le principe de subsidiarité : le magistrat n’a pas le droit de déborder de son rôle pour intervenir dans notre vie et décider à notre place. Les seuls cas où il intervient sont : les cas d’abus et les affaires qui concernent plusieurs personnes.

Christ est le Seigneur de nos âmes, et il les administre à travers les officiers de l’Église, nos pasteurs.

Christ est le Seigneur de nos corps et il les administre à travers les officiers de la Création, nos magistrats.


Illustration : Le Tintoret, Portrait d’un jeune homme en David, huile sur toile, 1555-1560 (Tokyo, musée national de l’Art occidental).

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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