Conformément à notre désir de faire connaître les pères de l’Église, nous continuons ici de faire quelque chose que même les catholiques ne proposent pas : une vulgarisation des textes mêmes des pères de l’Église, indépendamment de leur contenu apologétique ou historique.
Le traité du jour est une lettre de Saint Jérôme où il polémique (encore) contre l’évêque Jean de Jérusalem, dans une embrouille assez complexe. Je laisse la place ici la parole à son traducteur : W.H. Fremantle.
« La lettre contre Jean de Jérusalem a été écrite vers 398 ou 399, dans le contexte de la controverse origéniste. Son origine immédiate remonte à la visite d’Épiphane, évêque de Salamine à Chypre, à Jérusalem en 394. Lors d’un sermon prononcé dans l’église de la Résurrection (§11), Épiphane critiqua ouvertement l’origénisme, ce qui fut perçu comme une attaque directe contre Jean. Ce dernier envoya alors son archidiacre protester auprès du prédicateur (§14). Après plusieurs scènes tumultueuses, Épiphane conseilla à Jérôme et à ses amis de se séparer de leur évêque (§39).
Cependant, se posait la question des sacrements. Épiphane y remédia en emmenant le frère de Jérôme dans un monastère qu’il avait fondé à Ad, dans le diocèse d’Éleuthéropolis, où il l’ordonna contre son gré, allant jusqu’à user de force (Jérôme, Lettre LI, 1). Épiphane tenta de justifier son acte (Jérôme, Lettre LI, 2), mais Jean fit appel à Alexandrie, accusant Jérôme et ses partisans de schisme. L’évêque Théophile prit immédiatement le parti de Jean. Toutefois, une lettre d’Isidore, émissaire de Théophile destinée à Jean, tomba entre les mains de Jérôme (§37). Cette lettre révélait qu’Isidore venait en tant que partisan de Jean, ce qui conduisit Jérôme à traiter cette missive et son porteur avec mépris.
Le différend dura environ quatre ans. Malgré plusieurs tentatives de réconciliation, les tensions atteignirent un point où Jérôme et ses alliés furent pratiquement excommuniés. Finalement, le conflit prit fin, peut-être grâce à Théophile ou sous l’influence de Mélanie. La lettre adressée à Pammachius à Rome en 397 ou 398 contre Jean fut brusquement interrompue et probablement jamais publiée du vivant de Jérôme. Ironiquement, Jérôme exerça plus tard une telle influence sur Théophile qu’il intercéda en faveur de Jean lorsque ce dernier tomba en disgrâce auprès du pontife. […] La lettre est, dans son ensemble, violente et méprisante dans son ton, avec une présomption arrogante selon laquelle l’auteur détient toute la vérité sur le sujet difficile qu’il aborde et qu’il a le droit d’exiger de son évêque une confession de foi sur chaque point qu’il choisit d’interroger. Son importance réside dans le fait qu’elle a, dans une large mesure, influencé les croyances des ecclésiastiques sur les points qu’elle traite, ainsi que la manière de gérer les supposées hérésies, et ce, pendant plus de mille ans. »
Pour clôturer cette introduction, je précise que les doctrine « d’Origène» dénoncées par Jérôme sont en réalité des mésinterprétations de disciples tardifs, ainsi que le défendait déjà à l’époque l’ancien ami de Jérôme, Rufin.
Ouverture de la lettre (§§1-5)
1 Jérôme ouvre sa lettre à Pammachius en expliquant qu’il a été forcé d’intervenir.
2 Que Jean de Jérusalem s’explique donc et assume les hérésies qu’il défend.
3 Saint Jérôme exhorte son interlocuteur à répondre point par point aux accusations portées contre lui, en veillant à ne rien omettre pour éviter que ses ennemis exploitent la moindre faille. Il souligne que les amis jugent avec indulgence, mais que seul le jugement des ennemis est véritablement impartial. Jérôme critique toute ambiguïté dans l’expression de la foi, appelant à une proclamation claire et sincère des croyances, car les observateurs avertis démasqueront toute dissimulation. Il met en garde contre l’hypocrisie doctrinale, prenant l’exemple des Ariens qui, sous des apparences de prudence, cachaient leurs hérésies. Enfin, il rappelle que l’Église accueille les pénitents, mais critique la dissonance entre ce que prêchent certains prêtres et ce qu’ils croient réellement.
4 Saint Jérôme critique l’arrogance de Jean de Jérusalem, qui refuse de répondre aux questions sur la foi, notamment à celles posées par les fidèles et les moines en Palestine, ce qui le rend distant et inapprochable. Il l’exhorte à suivre l’exemple du Christ, qui a montré humilité et attention même envers les pécheurs, et à répondre clairement aux accusations doctrinales pour dissiper tout doute et apaiser les divisions. Enfin, il lui reproche de détourner les questions locales en répondant ailleurs, une attitude qu’il attribue à l’orgueil et au mépris des préoccupations légitimes.
5 Saint Jérôme reproche à Jean, évêque de Jérusalem, de se vanter de l’approbation du patriarche d’Alexandrie sans avoir traité les accusations spécifiques portées contre lui. Il critique son habileté à utiliser un langage ambigu pour éviter de déplaire tout en éludant les véritables questions, ce qui revient à une admission tacite des fautes non adressées. Enfin, Jérôme souligne l’incohérence de son « Apologie, » qui prétend répondre aux critiques, mais passe sous silence les charges les plus importantes et pertinentes.
Sujet de la querelle (§§6-10)
6 Sur les huit accusations de Jérôme, Jean de Jérusalem n’en a répondu qu’à trois.
7 Voici les points hérétiques d’Origène identifiés par Jérôme dans le Περὶ Αρχῶν :
- « Il est aussi inapproprié de dire que le Fils peut voir le Père qu’il ne convient de penser que l’Esprit Saint peut voir le Fils. »
- Les âmes sont emprisonnées dans le corps comme dans une prison et, avant la création de l’homme dans le Paradis, elles habitaient parmi les créatures rationnelles dans les cieux.
- Le diable et les démons se repentiront un jour et régneront finalement avec les saints.
- Les vêtements de peau, donnés à Adam et Ève après leur chute et leur expulsion du Paradis, sont interprétés comme des corps humains, impliquant qu’avant leur chute, ils n’avaient ni chair, ni tendons, ni os.
- La résurrection de la chair, de la structure corporelle et des sens est ouvertement niée, notamment dans l’explication du premier Psaume et dans d’autres traités.
- Le Paradis est tellement allégorisé qu’il perd sa vérité historique, avec des anges interprétés comme des arbres, des vertus célestes comme des fleuves, détruisant ainsi le récit historique du Paradis par des interprétations figuratives.
- Les eaux mentionnées dans l’Écriture comme étant au-dessus des cieux sont des essences saintes et célestes, tandis que celles au-dessus de la terre et sous la terre sont interprétées comme des essences démoniaques.
- L’image et la ressemblance de Dieu, dans lesquelles l’homme a été créé, ont été perdues et ne sont plus présentes en l’homme après son expulsion du Paradis.
8 Contre ces accusations, Jean de Jérusalem s’est contenté de réfuter l’arianisme chez lui. Mais ce n’est pas le problème! Que Jean s’explique tout de suite sur ces hérésies origénistes!
9 Sur la thèse que le Père est invisible au Fils, Jean se contentait de dire que Dieu est effectivement invisible. Mais ce n’était pas la question : la question n’était pas de savoir si Dieu était invisible aux hommes, mais à son Fils au sein de la Trinité.
10 Le vrai problème n’est pas l’ordination pirate du frère de Jérôme, ce sont ces propositions hérétiques que Jean de Jérusalem couvre.
Récit de la querelle (§§11-14)
11 Lors d’une homélie d’Épiphane de Salamine (anti-origéniste, de Chypre) dans une église de Jérusalem, où il critiquait Origène, l’évêque Jean, visé indirectement, a tenté de discréditer Épiphane, le qualifiant de « vieil homme vaniteux ». Épiphane, malgré les attaques, a publiquement approuvé les condamnations faites contre une autre hérésie par Jean (l’anthropomorphisme) et a ajouté qu’Origène devait aussi être condamné, ce qui a suscité l’approbation de la foule.
12 Jérôme reproche à Jean de Jérusalem son comportement orgueilleux et vaniteux.
13 Comme exemple de vantardise, Jérôme cible (et sort probablement du contexte) une déclaration de Jean comme quoi il aurait fait le tour de la foi chrétienne en un sermon. Eh quoi, une catéchèse de 40 jours résumée en un seul sermon?
14 Jérôme dénonce des fausses louanges et vraies insultes de Jean de Jérusalem contre Epiphane de Salamine.
Les doctrines origénistes problématiques (§§15-36)
La préexistence des âmes
15 Jérôme cite Epiphane niant que les hommes soient des anges déchus devenus incarnés. Les hommes ont été créés directement par Dieu dans leur nature propre.
16 Jérôme rappelle promptement la sotériologie origéniste :
- Existence préterrestre des âmes :Les âmes auraient existé parmi les créatures raisonnables avant la création d’Adam et l’établissement de l’homme en paradis.
- Déclin progressif des créatures raisonnables : Toutes les créatures raisonnables, initialement incorporelles et invisibles, peuvent progressivement décliner si elles deviennent négligentes dans leur service de Dieu.
- D’abord éthérés,
- Puis aériens,
- Et enfin, au niveau le plus bas, des corps humains physiques.
- Rôle des démons et leur possible réhabilitation : Les démons, ayant volontairement abandonné le service de Dieu, peuvent, par une amélioration de leur conduite, être incarnés dans des corps humains pour entamer un processus de repentir.
- Retour à la proximité divine après la résurrection : Après avoir parcouru un cycle de purification et abandonné leurs corps (éthérés et aériens inclus), les âmes repentantes pourraient revenir à la proximité de Dieu.
- Restauration universelle (apocatastase) : Finalement, tout genou fléchira devant Dieu, y compris ceux des cieux, de la terre et des enfers. Dieu deviendra « tout en tous », suggérant une réintégration universelle.
17 Jérôme précise que ses accusations ne portent pas sur l’idée que Jean de Jérusalem nierait que la Trinité soit créatrice des hommes (chose qu’il affirme, mais que personne ne lui reproche). Jérôme fait aussi la nuance suivante sur la doctrine d’Origène : ce n’est pas tant que les hommes sont des « anges déchus », c’est que toutes les créatures sont de nature désincarnée, et certaines d’entre elles deviennent des anges (compris comme une fonction plutôt qu’une nature spécifique) et d’autres des hommes, et d’autres des corps célestes.
18 Que Jean évite de tortiller et réponde clairement à la question suivante : l’âme humaine a-t-elle préexisté à son incarnation, oui ou non? 1
19 Jérôme accuse Jean d’avoir un langage ambigu et d’utiliser des analogies complexes pour cacher en réalité une doctrine platonicienne.
20 Jérôme s’appuie sur les paroles d’un disciple de Jean de Jérusalem pour prouver qu’il croit en la préexistence spirituelles des âmes humaines à leur propres corps. Mais si elles ont d’abord été sans âmes, alors c’est que l’état désincarné leur convient mieux et que le corps est contraire à notre nature. La doctrine origéniste attaque donc le dogme de la résurrection des corps.
21 Jérôme cite Jean de Jérusalem qui niait très fort et très haut des opinions dont personne ne l’accusait (que Dieu a créé l’âme humaine etc). Il fait remarquer que Jean de Jérusalem est très vocal sur ce dont on ne l’accuse pas, mais silencieux sur la préexistence des âmes, et se cache derrière un vocabulaire non technique pour éviter d’être détecté.
22 Pourquoi ne pas préciser aussi que Caïn, Abel et tous les descendants d’Adam sont des âmes humaines directement créées par Dieu elles aussi, et non préexistantes? Objection de Jean de Jérusalem : ah donc Dieu crée aussi les enfants issus d’adultères et d’incestes? Jérôme : Une conception est une conception, quelque soit la faute qui la précède ou non, et Dieu assiste à la conception.
La résurrection
23 Jérôme cite Jean de Jérusalem sur la résurrection, en un passage apparemment innocent2
24 Deuxième citation de Jean, innocente en apparence :
« Nous n’avons pas omis le second avènement glorieux de notre Seigneur Jésus-Christ, qui viendra dans sa propre gloire pour juger les vivants et les morts. Il réveillera tous les morts et les fera comparaître devant son tribunal, et rendra à chacun selon ce qu’il aura fait dans le corps, que ce soit bien ou mal. Car chacun sera soit couronné dans son corps pour avoir vécu une vie pure et juste, soit condamné pour avoir été esclave à la fois du plaisir et de l’iniquité. »
25 Jérôme explique pourquoi il est si critique. Sur les neuf références à la résurrection, pas une seule fois Jean ne dit explicitement que c’est la résurrection de la chair. Or, Origène [rappelons qu’il s’agit plutôt de l’interprétation tardive du maître] dont Jean est le disciple disait qu’on ne ressuscitait pas dans la même chair. La doctrine d’Origène décrite dans ce texte se résume ainsi :
- Rejet des deux extrêmes : Origène, dans De la résurrection, Exposé du Psaume premier, Miscellanées critique deux conceptions extrêmes sur la résurrection :
- D’une part, l’idée « simpliste » selon laquelle les corps ressuscitent exactement dans leur état terrestre (os, chair, sang, organes, etc.), avec des fonctions corporelles identiques (manger, boire, se marier, procréer).
- D’autre part, la vision hérétique qui nie totalement la résurrection corporelle, affirmant que seul l’âme est sauvée et que le corps de Jésus lui-même n’était qu’une illusion (docétisme).
- Un compromis philosophique : Origène propose une vision intermédiaire, basée sur les quatre éléments fondamentaux (terre, eau, air, feu), expliquant que les éléments du corps retournent à leurs sources après la mort.
- Transformation de la matière : Selon lui, bien que la matière originelle de la chair et du sang subsiste, elle ne peut pas être réassemblée dans sa forme précédente. Ainsi, la résurrection n’implique pas le retour exact au même corps, mais une transformation adaptée à une existence spirituelle.
- Critique des interprétations littérales : Origène rejette l’idée d’une résurrection purement charnelle ou d’une absence totale de corps, considérant ces deux visions comme incompatibles avec la vraie nature spirituelle de la résurrection promise.
26 Jérôme apporte une autre citation d’Origène où il dit en somme que notre corps ressuscité sera un corps éthéré et non matériel, tout en étant en continuité avec notre corps de chair. Dans la citation on voit que:
- Résurrection personnelle et juste : Origène affirme que les corps ressuscités seront ceux dans lesquels les âmes ont vécu et péché. Chaque personne retrouvera son propre corps, car il serait injuste qu’une âme soit jugée ou récompensée dans un corps différent de celui avec lequel elle a vécu.
- Transformation des corps : Bien que les corps ressuscitent, ils ne seront pas identiques à ceux que nous connaissons actuellement. Origène utilise l’analogie des semences pour expliquer que les corps actuels sont comme des graines : en mourant, elles donnent naissance à une forme transformée, mais continuellement liée à leur origine.
- Corps spirituels : Les corps ressuscités seront spirituels et glorifiés, adaptés à leur nouvelle condition céleste. Ils ne conserveront pas leurs limitations physiques (chair, sang, organes, etc.), qui sont incompatibles avec la vie divine.
- Différence avec le corps du Christ : Origène distingue la résurrection du Christ de celle des autres. Le corps du Christ, n’étant pas né de la semence humaine, avait des propriétés uniques (il pouvait manger et être touché, mais aussi passer à travers des portes fermées). Cependant, ces caractéristiques spécifiques ne s’appliqueront pas aux corps humains ressuscités.
- Rejet des notions grossières : Il critique les conceptions littérales ou matérialistes de la résurrection (où les corps auraient des fonctions biologiques comme manger, se reproduire, ou vieillir) comme incompatibles avec la promesse de transformation en immortalité.
27 Considérant cette doctrine subtile, il ne suffit pas de dire « Jean a parlé de corps, cela désigne forcément la chair, non? » Jérôme critique l’origénisme, qui distingue entre « chair » et « corps » pour nier la résurrection de la chair tout en affirmant une forme de résurrection spirituelle. Les origénistes enseignent que le terme « corps » peut désigner des réalités éthérées ou célestes, comme les astres ou des corps subtils non tangibles, et qu’il faut comprendre la résurrection dans ce sens immatériel, réservé aux « parfaits. » Jérôme dénonce cette subtilité et montre qu’elle est une manipulation visant à confondre les croyants ordinaires. Il oppose à cela un argument scripturaire solide, tiré de l’épître aux Colossiens, où Paul insiste sur le fait que Christ a souffert et est mort dans un « corps de chair, » (Col 1,22) non dans un corps spirituel ou imaginaire. Jérôme souligne que Paul utilise l’expression « corps de chair » pour éviter toute ambiguïté, prouvant ainsi que le corps ressuscité de Christ inclut véritablement la chair. Cette précision réfute l’idée origéniste selon laquelle « corps » pourrait exclure la chair et montre que la résurrection promise englobe une restauration réelle et tangible du corps humain.
28 Le symbole des apôtres parle de résurrection de la chair mais Jean de Jérusalem réussit à esquiver neuf fois le mot chair pour ne parler que de corps. Ils citent les mêmes versets qu’Origène, mais bizarrement ils ne citent pas ceux-là :
- Luc 24:39 « Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi. Touchez-moi et voyez : un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai. »
- Jean 20:27 « Puis il dit à Thomas : Avance ton doigt ici, et regarde mes mains ; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; ne sois pas incrédule, mais crois. »
- Genèse 6:3 « Alors l’Éternel dit : Mon esprit ne restera pas toujours dans l’homme, car l’homme n’est que chair, et ses jours seront de cent vingt ans. »
- Galates 1:16 « Quand il plut à Dieu […] de révéler son Fils en moi, afin que je l’annonce parmi les païens, aussitôt, je ne consultai ni la chair ni le sang. »
- Romains 8:9 « Pour vous, vous ne vivez pas selon la chair, mais selon l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, il ne lui appartient pas. »
29 Jérôme continue son avalanche de références bibliques :
- 1 Corinthiens 15:53-54 (« Ce qui est corruptible doit revêtir l’incorruptibilité, et ce qui est mortel doit revêtir l’immortalité. ») → Jérôme explique que ces versets montrent que le corps humain, bien que transformé en une forme glorifiée, conserve sa réalité et son essence matérielle. L’incorruptibilité et l’immortalité ne suppriment pas la chair, mais la rendent glorieuse.
- 2 Corinthiens 5:2-4 (« Nous soupirons dans cette tente, désirant revêtir notre domicile céleste, si du moins nous sommes trouvés vêtus et non pas nus. ») → Jérôme souligne que le désir n’est pas d’être dépouillé de la chair, mais de la voir revêtue de gloire. La métaphore du vêtement céleste implique que la chair est transformée, non remplacée.
- Matthieu 17:2 (La transfiguration : « Son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. ») → Selon Jérôme, la transfiguration montre que le corps du Christ n’a pas été remplacé ou annulé, mais qu’il a été illuminé et glorifié, tout en restant tangible et identifiable.
- Psaume 16:9 (« Et ma chair reposera avec assurance. ») → Jérôme interprète cela comme une promesse que la chair, même après la mort, repose dans l’espoir de la résurrection et de la glorification.
- Actes 2:31 (« Sa chair n’a pas vu la corruption. ») → Jérôme voit ici une preuve que même la chair du Christ a été préservée dans sa résurrection, affirmant la continuité entre le corps terrestre et le corps glorifié.
- Luc 3:6 (« Toute chair verra le salut de Dieu. ») → Jérôme en conclut que la rédemption et la résurrection impliquent la chair entière, soulignant que la chair elle-même participera à la glorification et à la vision du salut.
- Ézéchiel 37:5-10 (La vision des os desséchés : « Je mettrai des nerfs sur vous, je ferai croître sur vous de la chair, je vous couvrirai de peau. ») → Jérôme utilise cette vision pour illustrer la puissance de Dieu dans la résurrection, où le corps humain est restauré et glorifié, intégrant tous ses éléments physiques dans une nouvelle vie.
- Enoch a été glorifié dans sa chair, tout comme Elie.
30 Jérôme se concentre ensuite sur l’exemple de Job 19.25ss :
- « Je sais que mon Rédempteur est vivant » : Pour Jérôme, cela signifie que Job voit déjà le Christ ressuscité, bien avant l’Incarnation.
- « Je serai revêtu de ma peau et dans ma chair je verrai Dieu » : Job ne parle pas d’un corps spirituel ou immatériel, mais de son propre corps restauré, y compris la peau, les os, et tous ses membres.
- « Mes yeux le verront, et non un autre » : Cela réfute l’idée que la résurrection implique un autre corps ou une forme différente. Job affirme qu’il verra Dieu avec les mêmes yeux qu’il possède actuellement, ceux qui contemplent sa misère.
Pour Jérôme, ces déclarations sont une opposition directe à l’origénisme, qu’il associe à la négation de la chair réelle dans la résurrection. Job, selon Jérôme, anticipe ce débat en affirmant que la résurrection restaurera l’intégrité de la personne dans sa chair réelle, et non sous une forme symbolique ou spirituelle. Ainsi, Jérôme conclut que la foi en la résurrection doit inclure l’idée d’un corps concret et identique à celui souffrant, mais glorifié par la puissance de Dieu.
31 En dehors de l’aspect biblique, Jérôme avance un argument philosophique en réponse à l’origénisme, qui rejette la résurrection de la chair, en affirmant que la réalité d’une résurrection sans corps tangible, sans chair, os, sang et membres, est incompréhensible. Il soutient que là où il y a chair et os, il y a nécessairement distinction des sexes, et donc l’identité individuelle reste préservée : Jean est Jean, Marie est Marie.
Il réfute l’idée que l’absence de mariage dans la résurrection implique l’absence de sexe. Lorsque l’Évangile dit qu’ »ils ne se marieront ni ne seront donnés en mariage, » cela s’applique à ceux capables de mariage, non à des êtres angéliques qui n’en ont jamais été capables. Jérôme distingue ici la promesse de ressemblance aux anges : cette ressemblance ne signifie pas devenir des anges ou perdre la chair et le sexe, mais vivre dans la chair glorifiée, dépourvue des fonctions sensuelles associées au sexe, tout en préservant leur réalité.
Il pousse plus loin en affirmant que le mérite d’une vie chaste n’a de sens que si le sexe existe, car la chasteté est un triomphe sur les tentations associées à la chair. Si nous n’avons plus de sexe après la résurrection, alors les vertus morales comme la continence n’auraient aucun sens. Enfin, il précise que la ressemblance aux anges concerne l’immortalité et la gloire, et non un changement de nature, affirmant que les hommes ressuscitent dans leur propre corps, enrichis par cette immortalité, tout en conservant leur individualité humaine.
32 Les origénistes objectaient à la résurrection de la chair en disant qu’il était inimaginable que les bébés réssuscitent en ayant besoin de nourriture, ou les vieillards ressuscitent dans la même chair décatie. Jérôme leur reproche d’abord d’utiliser des arguments de païens.
Il admet certains des points soulevés, comme l’idée que des nourrissons ont besoin de nourrices et des vieillards de soins, tout en faisant référence aux exemples bibliques d’Énoch et Élie qui, bien qu’ayant des corps, vivent sans besoins alimentaires. Jérôme défend la toute-puissance de Dieu, capable non seulement de restaurer la chair mais aussi de transformer un corps, en évoquant des exemples comme la création de l’homme à partir de la poussière, ou la transformation de l’eau en vin, pour montrer qu’il n’y a rien d’impossible dans la résurrection. Il rappelle que la résurrection n’est pas plus étonnante que la création de l’homme à partir de la terre ou d’Adam et Ève à partir de côtes. Enfin, il rappelle que, malgré les différentes façons dont les humains sont créés, la nature humaine reste une, soutenant ainsi la possibilité d’une résurrection corporelle dans toute sa réalité.
33 Puis Jérôme fait une nouvelle avalanche de citations bibliques :
- Ecclésiaste 9:8 : « Que tes vêtements soient toujours blancs, et que l’huile ne manque point sur ta tête. » → Jérôme utilise cette citation pour souligner que ceux qui ne portent pas de « vêtements blancs » — symbole de pureté et de préparation pour la résurrection — sont exclus de la fête éternelle, c’est-à-dire du salut.
- Matthieu 22:13 : « Alors le roi dit aux serviteurs : ‘Liez-le, pieds et mains, et jetez-le dans les ténèbres du dehors. Là seront les pleurs et les grincements de dents.' » → Cette citation met en avant le rejet des impies, ceux qui ne sont pas préparés pour la résurrection. Jérôme l’utilise pour montrer qu’un corps ressuscité est nécessaire pour que l’individu participe à la vie éternelle ou au châtiment.
- Luc 12:7 : « Mais même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Ne craignez donc point ; vous valez plus que beaucoup de passereaux. » → Jérôme insiste sur l’importance de chaque détail de la création, affirmant que rien n’est perdu et que tout le corps, même les cheveux, sera préservé et ressuscité.
- Jean 5:25 : « En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient, et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront. » → Cette citation est utilisée par Jérôme pour montrer que, dans la résurrection, non seulement les morts entendront la voix de Dieu, mais leurs corps tout entiers seront ressuscités : oreilles pour entendre, pieds pour marcher.
- Isaïe 26:20 : « Va, mon peuple, entre dans tes chambres, et ferme derrière toi tes portes ; cache-toi un instant, jusqu’à ce que la colère soit passée. » → Jérôme interprète ce passage comme une référence aux tombes, où les morts attendent la résurrection. Ces « chambres » symbolisent les lieux de repos temporaires avant la résurrection des corps.
- Daniel 12:2 : « Et plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour l’opprobre, pour la honte éternelle. » → Jérôme utilise ce verset pour affirmer que la résurrection implique la restauration des corps, certains recevant la gloire éternelle, d’autres la honte éternelle. Cela met en évidence la nature physique de la résurrection.
- Isaïe 66:24 : « Et ils sortiront, et verront les cadavres des hommes qui ont péché contre moi ; car leur ver ne mourra point, et leur feu ne s’éteindra point ; ils seront en horreur à toute chair. » → Cette citation est employée par Jérôme pour renforcer l’idée que la résurrection des corps inclut aussi la rétribution des impies. Le corps ressuscité est donc lié à la souffrance éternelle pour ceux qui ont péché.
- Romains 6:4 : « Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous marchions en nouveauté de vie. » → Jérôme explique que la résurrection des chrétiens suit le modèle de la résurrection du Christ, non seulement spirituellement, mais également physiquement, avec des corps ressuscités et glorifiés.
- Romains 8:11 : « Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Christ d’entre les morts vivifiera aussi vos corps mortels, à cause de son Esprit qui habite en vous. » → Cette citation est utilisée pour montrer que la résurrection des corps humains est rendue possible par l’Esprit Saint, et qu’il vivifiera même les corps mortels, leur apportant l’immortalité.
- Actes 7:55 : « Mais Étienne, plein du Saint-Esprit, fixa les yeux vers le ciel, et vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. » → Jérôme évoque cette vision de saint Étienne pour illustrer la glorification des corps dans la résurrection, avec l’âme et le corps unis dans la gloire divine.
- Exode 4:6 : « L’Éternel lui dit encore : ‘Mets ta main dans ton sein.’ Il mit sa main dans son sein, et lorsqu’il la retira, voici, sa main était pleine de lèpre. » → Jérôme interprète ce passage comme un symbole de transformation, où même ce qui est impur (la lèpre) peut être restauré, comme le sera le corps humain dans la résurrection.
- Jérémie 18:3-4 : « Je descendis à la maison du potier, et voici, il faisait son ouvrage sur la roue. Et le vaisseau qu’il faisait de l’argile se gâta dans sa main, et il en fit un autre vaisseau, comme il sembla bon au potier de le faire. » → Jérôme compare le corps humain au vase du potier : bien que le corps soit abîmé ou détruit, il peut être refait par Dieu, comme il est question de la résurrection.
- Luc 10:34 : « Il s’approcha de lui, banda ses plaies, versa de l’huile et du vin, puis, le mettant sur sa monture, il le conduisit à l’auberge, et prit soin de lui. » → Jérôme utilise cette parabole pour symboliser la guérison des blessures du corps dans la résurrection, où tout ce qui est abîmé sera restauré à la perfection par Dieu.
34 Suite de l’avalanche :
- Matthieu 27:52 : « Les sépulcres s’ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui étaient morts ressuscitèrent. » → Jérôme évoque cet événement de la Passion du Christ pour souligner que, lors de la résurrection de Jésus, plusieurs saints ressuscitèrent, montrant ainsi la réalité de la résurrection des corps et la victoire de la vie sur la mort.
- Ésaïe 63:1 : « Qui est celui-ci qui vient d’Édom, du pays de Bozrah, dans des habits rouges ? » → Jérôme interprète cette citation comme une allusion à la résurrection, où celui qui vient d’Édom (le monde) et de Bozrah (la chair ou la tribulation) symbolise Christ, ressuscité dans un corps glorifié.
- Genèse 49:11 : « Il liera son âne à la vigne, et le fils de son ânesse à la meilleure vigne ; il lavera son vêtement dans le vin, et son manteau dans le sang des raisins. » → Jérôme y voit la prophétie du sacrifice de Christ, qui a été « vêtu » de la souffrance et de la gloire, illustrée par la couleur rouge de ses vêtements.
- Jean 16:33 : « Je vous ai dit ces choses afin que vous ayez la paix en moi ; vous aurez des tribulations dans le monde ; mais prenez courage, j’ai vaincu le monde. » → Jérôme rappelle que la victoire de Christ sur le monde est un modèle de la résurrection et de la transformation du corps dans la gloire, ce qui renforce la réalité physique de la résurrection.
- Psaume 45:2 : « Tu es le plus beau des fils de l’homme ; la grâce est répandue sur tes lèvres, c’est pourquoi Dieu t’a béni pour toujours. » → Jérôme interprète cette citation pour souligner la beauté physique et spirituelle de Christ, qui, après sa résurrection, devient plus glorieux que jamais.
- Cantique des Cantiques 8:5 : « Qui est celle-ci qui monte du désert, appuyée sur son bien-aimé ? » → Jérôme voit ici l’allusion à l’Église, ou à l’âme fidèle, qui monte dans la gloire à travers la résurrection, et dont les vêtements sont devenus blancs.
- 1 Corinthiens 2:9 : « Mais, comme il est écrit : Ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, et ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. » → Cette citation est utilisée pour souligner la nature mystique et glorieuse de la résurrection, une expérience divine que l’humanité ne peut pleinement comprendre.
- Jean 21:9 : « Quand ils furent descendus à terre, ils virent là des charbons, et du poisson posé dessus, et du pain. » → Jérôme mentionne cet épisode post-résurrection où Jésus mange avec ses disciples pour prouver que la résurrection de son corps est réelle et physique. Cela contraste avec l’idée d’un corps fantomatique.
- Marc 5:42 : « Et aussitôt la jeune fille se leva et marcha ; car elle avait douze ans. Ils furent hors d’eux-mêmes, frappés d’une grande étonnement. » → Jérôme rappelle cet exemple de la résurrection de la fille de Jaïrus pour souligner la réalité de la résurrection physique.
- Jean 12:2 : « On lui fit un souper à Béthanie ; Marthe servait, et Lazare était un des convives de Jésus. » → Jérôme mentionne ici Lazare, qui, après sa résurrection, prend part à un repas, illustrant la continuité de la vie corporelle après la résurrection.
- Luc 24:16 : « Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. » → Jérôme fait référence à l’apparition de Jésus ressuscité aux disciples d’Emmaüs, où ils ne le reconnaissent pas immédiatement, ce qui montre que le corps ressuscité de Jésus a une nature transfigurée, mais réelle.
- Cantique des Cantiques 5:10 : « Mon bien-aimé est blanc et vermeil, il se distingue entre dix mille. » → Jérôme interprète cette citation comme une allusion à la gloire et à la pureté de Christ ressuscité, son corps glorifié étant plus brillant que tout autre.
- Apocalypse 14:4 : « Ceux-ci ne se sont pas souillés avec des femmes, car ce sont des vierges ; ils suivent l’Agneau partout où il va. » → Jérôme associe cette citation à ceux qui, à la résurrection, seront purifiés et glorifiés, ayant su conserver leur pureté, symbolisée par leur vêtement blanc.
- Jean 6:39 : « Et ce que le Père m’a donné, je ne le perdrai pas, mais je le ressusciterai au dernier jour. » → Jérôme cite ce verset pour confirmer que tout ce qui a été pris par Dieu, y compris nos corps, sera ressuscité au dernier jour dans sa plénitude.
- Luc 15:3 : « Il leur dit cette parabole, en disant : Quel homme de vous, ayant cent brebis, si il en perd une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert, et ne va après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée ? » → Jérôme utilise cette parabole pour illustrer la résurrection, où ceux qui étaient perdus (les morts) seront retrouvés et ramenés à la vie.
- Jean 19:6 : « Quand les principaux sacrificateurs et les huissiers le virent, ils crièrent : Crucifie-le, crucifie-le. » → Jérôme rappelle que ceux qui ont crucifié le Christ le verront ressuscité dans sa gloire, soulignant la réalité de la résurrection corporelle, contre ceux qui nient cette vérité.
- Luc 23:28 : « Jésus, se retournant vers elles, leur dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ; mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants. » → Cette citation est utilisée par Jérôme pour rappeler que, bien que Christ ait souffert, la véritable souffrance appartient à ceux qui n’ont pas la foi en la résurrection.
- Actes 1:11 : « Lesquels leur dirent : Hommes galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder vers le ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé d’avec vous dans le ciel, viendra de la même manière que vous l’avez vu aller au ciel. » → Jérôme cite cet événement de l’Ascension pour rappeler que le Christ ressuscité reviendra de manière visible et physique, accomplissant ainsi la pleine résurrection des corps.
- Jean 21:3 : « Simon Pierre leur dit : Je vais pêcher. Ils lui dirent : Nous allons aussi avec toi. » → Jérôme fait allusion à cette scène où les disciples, après la résurrection de Jésus, reprennent une activité normale, mais dans la lumière de la réalité physique de leur Seigneur ressuscité.
- 1 Corinthiens 2:9 : « Mais, comme il est écrit : Ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, et ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. » → Jérôme réutilise ce verset pour évoquer les merveilles de la résurrection, qui surpassent tout ce que nous pouvons imaginer, mais qui sont réelles et promises à ceux qui croient.
Le problème d’ordre de l’Église entre Jean et Jérôme. (§§37-44)
37 Jérôme passe ensuite aux offenses personnelles. Jérôme dénonce une tentative de Jean de Jérusalem de déborder de son patriarcat. Il a des paroles qui sont alors très peu compatibles avec le papisme :
Jean écrit à l’évêque Théophile une apologie dont l’introduction est ainsi rédigée : « Vous, en effet, en tant qu’homme de Dieu, orné de la grâce apostolique, avez sur vous le soin de toutes les Églises, en particulier de celle qui est à Jérusalem, bien que vous soyez vous-même accablé par d’innombrables préoccupations pour l’Église de Dieu qui est sous votre autorité. » C’est une flatterie éhontée et une tentative de concentrer l’autorité dans les mains d’un individu.
Vous, qui demandez des règles ecclésiastiques, utilisez les canons du Concile de Nicée, et revendiquez une autorité sur des clercs appartenant à un autre diocèse et qui vivent effectivement avec leur propre évêque, répondez à ma question : quel lien la Palestine a-t-elle avec l’évêque d’Alexandrie ? À moins que je ne sois dans l’erreur, il est décrété dans ces canons que Césarée est la métropole de la Palestine, et Antioche celle de tout l’Orient. Vous devriez donc soit faire appel à l’évêque de Césarée, avec lequel nous sommes en communion alors que nous refusons de communiquer avec vous, soit, si un jugement devait être sollicité à distance, adresser des lettres à Antioche.
Le plus intéressant ici, ce n’est pas tant que le système pentarchique soit rappelé (c’était devenu une évidence à l’époque), mais que le principe même d’une monarchie universelle de l’Église (le papisme) soit rejeté. Il est à noter aussi que Jérusalem est un patriarcat, mais que la métropole (soit la vraie capitale ecclésiale de Palestine) est Césarée, ne laissant à Jérusalem qu’une position prestigieuse.
Continuons le résumé : Jérôme parle alors d’un ambassadeur de Jean, Isodore, accusé d’origénisme par le patriarche d’Alexandrie. Jérôme a reçu par erreur une lettre d’Isidore qui appelle au complot contre Jérôme.
38 Jérôme dénonce alors le caractère d’Isidore, l’accusant d’être hypocrite et faux pasteur.
39 Jérôme concède avoir rencontré Isidore lorsque l’évêque Jean de Jérusalem a cherché réconciliation avec Jérôme. Mais le comportement dissimulateur et les mots durs d’Isidore dans sa lettre ont fait capoter cette tentative. Le comte Archélaüs avait aussi organisé une rencontre pour réconcilier Jérôme et Jean, mais Jean ne s’est pas présenté car un de ses proches était malade, disait-il. Jérôme ironise abondamment dessus. Jean objectait aussi à cette rencontre en disant qu’il n’avait pas l’intention d’être jugé pour hérésie. Jérôme répond à l’objection en disant qu’il n’y avait à l’époque encore aucune accusation d’hérésie, mais qu’elle n’est venue qu’après l’interpellation d’Epiphane de Chypre.
40 Jérôme cite la lettre de Jean de Jérusalem : Jean accuse Jérôme d’inventer de fausses accusations d’hérésies pour détourner l’attention de l’infraction bien réelle que représente l’ordination du frère de Jérôme, par un évêque de Chypre (et non de Palestine).
41 Jérôme répond en disant que si c’était vraiment le problème, pourquoi avoir refusé les réunions de conciliation? Il suffirait d’une simple dénégation pour évacuer toute accusation d’hérésie. Par ailleurs, il est bizarre de se réveiller treize ans après l’ordination pour soudainement en faire un procès. L’objectif de cette ordination n’était de toute façon pas de semer le trouble dans la province de Jérusalem.
42 Qui est le vrai schismatique ? N’est ce pas plutôt celui qui refuse de se rendre aux réunions de médiations et qui cache son hérésie? Qui fait du tort à l’église ? Moi, dit Jérôme, qui ait fourni à votre église, à la dernière Pentecôte, quarante candidats aux baptêmes? Jérôme fait valoir qu’il n’a pas voulu faire ces baptêmes avec les prêtres irréguliers qu’il avait sous la main, mais par déférence pour Jean voulait que ce soit son clergé qui le fasse. Ces candidats aux baptêmes ont pourtant été refusés par Jean de Jérusalem, les forcant à aller voir encore d’autres évêques.
43 Le vrai schismatique, le vrai danger pour l’Église, c’est Jean de Jérusalem.
44 Jean accuse Jérôme de prendre ses ordres d’Epiphane de Chypre, comme un clergé rival au sein de sa province. Jérôme nie avoir une telle lettre. Jean ment. La lettre semble inachevée.
- Comme le fait remarquer Fremantle : il n’est probablement pas convenable que le patriarche Jean de Jérusalem soit tenu de répondre aux cris d’un moine latin de Bethléem. Mais Jérôme a plus le sens de son propre égo que celui des convenance.[↩]
- « Nous confessons également sa passion sur la croix, sa mort et son ensevelissement, qui ont été le salut du monde, ainsi que sa résurrection, réelle et non imaginaire. En étant le premier-né d’entre les morts, il a porté au ciel les prémices de notre substance corporelle qu’il a relevée à la vie après avoir été déposée dans le tombeau, nous donnant ainsi l’espérance de la résurrection à travers celle de son propre corps. C’est pourquoi nous espérons tous ressusciter des morts, comme il est ressuscité lui-même, non pas dans des corps étrangers et étranges, qui ne seraient que des formes fantomatiques momentanément assumées, mais dans ce même corps qui fut déposé dans le saint sépulcre, juste à nos portes. De la même manière, nous espérons ressusciter dans les corps mêmes avec lesquels nous sommes aujourd’hui vêtus et dans lesquels nous serons enterrés, pour la même raison et par le même commandement.
Car les corps qui, comme le dit l’Apôtre, sont semés dans la corruption, ressusciteront dans l’incorruptibilité ; semés dans le déshonneur, ils ressusciteront dans la gloire. ‘Il est semé corps animal, il ressuscitera corps spirituel’; et à leur sujet, le Sauveur a dit dans son enseignement : ‘Car ceux qui seront jugés dignes du siècle à venir et de la résurrection des morts ne prendront ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir, mais seront comme les anges de Dieu, puisqu’ils sont fils de la résurrection.’ »[↩]
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