Loi euthanasie : un appel à la prière et au jeûne
10 mai 2025

La France est sur le point de légaliser l’euthanasie et le suicide assisté, sur proposition de loi du gouvernement. Nous avons déjà parlé de ce sujet sur notre site. La forme de la loi avant son examen en séance publique à l’Assemblée nationale est très préoccupante à plusieurs égards pour le citoyen chrétien.

Aussi, nous appelons les croyants et les Églises qui le souhaiteraient à se joindre à un jour de prière et de jeûne pour notre pays et pour ce projet de loi en particulier.

L’observance d’un jour consacré à la prière dans le contexte d’un malheur ou d’un péché d’une nation a de nombreux précédents dans la Bible1 et dans l’histoire des Églises protestantes et de l’Église en général2. Il semble que la matière soit particulièrement grave et invite à ce genre de réaction de la part des chrétiens.

Puisque le débat en séance publique débutera la semaine du 12 mai, nous vous proposons de vous joindre à nous pour un jour de prière et de jeûne au milieu de ces semaines de débat, le 21 mai, et à prier régulièrement pour ce sujet tout au long de cette période.

Afin de vous donner de comprendre les enjeux, la suite de cet article exposera dans un premier temps la procédure législative en France pour comprendre où nous en sommes relativement à cette loi. Dans un second temps, nous exposerons ce que contient, avant le débat à l’Assemblée, cette loi. Dans un troisième temps, nous produirons les conclusions de divers synodes réformés dans le monde lorsqu’ils se sont penchés sur ces questions ainsi que diverses instances évangéliques françaises. Enfin, nous listerons à partir de cela quelques sujets de prière qui pourront vous inspirer si vous souhaitez prier pour ce sujet avec nous le 21 mai ou n’importe quel autre jour.


Rappel sur la procédure législative française : où en est la loi sur l’euthanasie ?

  1. En France, un texte de loi peut être proposé par le gouvernement (projet de loi) ou par un parlementaire (proposition de loi). Dans notre cas, il s’agit d’une proposition de loi (reprenant un projet de loi de la précédente législature : son adoption avait été interrompue – euthanasiée, ont ironisé certains ! – par la dissolution de l’Assemblée nationale de 2024).
  2. Ce texte est ensuite examiné en commission : des parlementaires l’examinent article par article, proposent des amendements, les acceptent ou les rejettent. Cette étape est achevée pour la loi euthanasie.
  3. Le texte est ensuite débattu en séance publique à l’Assemblée nationale, il peut alors encore être modifié, des amendements peuvent être proposés.
  4. Le texte transite ensuite par le Sénat, qui peut lui aussi l’amender et il va ainsi faire des allers-retours entre l’Assemblée et le Sénat (on parle de navette parlementaire) jusqu’à ce que les deux chambres s’accordent.
  5. Le texte est enfin promulgué.

Ce que la loi dit, avant son examen par l’Assemblée

La loi vise à légaliser, en France, la pratique de l’euthanasie et du suicide assisté. Plusieurs amendements ont été adoptés et rejetés lors de l’examen en commission et ceux-ci éclairent un peu la nature de cette loi. Parmi les amendements adoptés, l’un a transformé la « possibilité » de recourir à l’euthanasie en « droit » d’y recourir, donnant ainsi plus de force à la mesure. Mais ce sont surtout les amendements rejetés qui doivent retenir notre attention. Voici quelques points à retenir :

  1. La commission a refusé de supprimer le « délit d’entrave » à l’euthanasie. La loi disposerait ainsi que toute « pression morale ou psychologique » sur un patient pour qu’il n’ait pas recours à l’euthanasie serait un délit. Mais qu’est-ce qu’une pression morale ou psychologique ? Est-ce qu’encourager un patient à considérer les alternatives pourrait être un délit ?
  2. Un amendement de M. Juvin et d’autres proposant d’inclure la nécessité de « vérifier que le discernement du patient n’est pas altéré » a été rejeté.
  3. Un amendement de M. Hetzel qui visait à interdire d’appliquer l’euthanasie ou le suicide assisté aux personnes atteintes de déficiences intellectuelles a été rejeté.
  4. Un amendement de M. Hetzel et d’autres qui proposait d’inclure la nécessité de « vérifier que la décision du patient ne souffre d’aucune pression extérieure » a été rejeté.
  5. Un amendement similaire qui proposait de vérifier que le patient ne fait l’objet d’aucune pression « qu’elle soit financière, sociale ou provenant de son entourage » a également été rejeté.
  6. Puisque la loi dispose que l’euthanasie peut être pratiquée dans un lieu du choix du patient, « y compris hors de son domicile », Mme Runel a proposé un amendement ajoutant « sauf dans un lieu public », il a été rejeté.
  7. Plusieurs amendements ont été proposés afin d’exclure la souffrance psychique, c’est-à-dire par exemple la dépression, comme motif de recours à l’euthanasie, ils ont été rejetés.
  8. Un amendement de M. Bazin qui proposait qu’un avis psychologique ou psychiatrique soit recueilli préalablement, a été rejeté.
  9. Un amendement de M. Hetzel qui proposait que la décision soit collégiale, comme elle l’est actuellement pour toutes les décisions d’arrêt des soins, a été rejeté.
  10. Un amendement de M. Bazin qui proposait que le juge des tutelles intervienne lors d’une demande d’euthanasie pour une personne sous tutelle ou curatelle a été rejeté.
  11. Un amendement qui proposait que l’euthanasie ne soit pas pratiquée dans les structures de soins palliatifs a été rejeté.
  12. Un amendement de M. Isaac-Sibille qui proposait que le médecin puisse saisir le procureur en cas de doute a été rejeté.
  13. Le même député avait proposé de supprimer la possibilité d’écourter le délai de réflexion (fixé à 48 heures), l’amendement a été rejeté.
  14. Un amendement proposant que la mort par euthanasie ou par suicide assisté soit inscrite comme mort naturelle sur le certificat de décès a été accepté.

On peut donc, selon les dispositions de cette loi, en moins de 48h, décider de se voir administrer une substance létale, sans vérification qu’une pression extérieure existe, sans possibilité pour le médecin de consulter le procureur en cas de doute, sans que la décision médicale soit collégiale, sans consultation obligatoire avec un psychiatre, et cette mort sera officiellement, bien que fictivement, une « mort naturelle ». Si un soignant intervient pour tenter de dissuader le patient, il se pourrait que son action soit considérée comme un délit.

Les conclusions de divers synodes réformés sur le sujet

L’Église presbytérienne américaine (Presbyterian Church of America, plus grande communion réformée évangélique de ce pays), a adopté lors de son synode en 1988 un rapport sur l’acharnement thérapeutique (heroic measures) qui se positionne clairement contre l’aide à mourir :

Vouloir provoquer la mort d’un patient pour soulager ses souffrances est moralement répréhensible. Une grande partie de la pensée actuelle au sein de la profession médicale et parmi les éthiciens médicaux considère que l’on peut interrompre les soins de maintien des fonctions vitales dans l’intention de soulager les souffrances du patient en provoquant sa mort. En tant que chrétiens, nous devons veiller à ne jamais utiliser la souffrance comme critère pour le retrait ou la non-administration d’un traitement médical. Il y a des moments où le traitement médical peut être moralement suspendu ou arrêté, mais la décision doit être fondée sur des raisons autres que la souffrance. […] Le soulagement de la souffrance n’est jamais une raison pour abréger la vie d’une personne. L’euthanasie, ou « l’euthanasie par compassion » d’un patient par un médecin ou par toute autre personne, y compris le patient lui-même (suicide) est un meurtre.

En France, le synode de l’Union des Églises protestantes réformées évangéliques de France (UNEPREF) de 2001 à La Bastide-sur-l’Hers a également adopté cette déclaration :

La Bible, fondement de notre foi, interdit à l’homme de donner la mort. Dieu est seul souverain. Il assigne à l’homme une vocation particulière, celle de l’amour du prochain, de la sollicitude et de la réconciliation, même et surtout dans les moments les plus tragiques et les plus désespérés. Nous disposons aujourd’hui des moyens médicaux et humains, économiques et sociaux, psychologiques et spirituels pour accompagner dans la dignité les malades incurables en phase terminale, sans avoir à réfléchir sur les circonstances qui justifieraient une mort active et prématurée. Nous souhaitons que notre refus d’euthanasie :

  • Soit un encouragement à l’approfondissement et aux développements plus rapides des soins palliatifs.
  • Contribue à réconcilier dans la confiance tous les intervenants, les malades en fin de vie, les équipes médicales, les familles, les aumôneries et les visiteurs bénévoles.
  • Euthanasier, c’est manquer une occasion unique d’assister, d’entourer, de donner la main à nos semblables tout au long du dernier et dur chemin vers la mort. C’est manquer l’occasion d’une attitude authentiquement chrétienne, être au service des plus faibles.

Par ailleurs, d’autres instances évangéliques dans notre pays se sont prononcées sur le sujet, notamment le CNEF, qui dans son communiqué de déclaration de positionnement sur la fin de vie, présenté le 4 janvier 2023 à Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé, a déclaré :

« La vie de chaque humain a une valeur inaltérable, du fait même de son appartenance à l’humanité. Tout humain étant créé et aimé par Dieu, sa dignité ne diminue pas avec les années, sa condition sociale, ou la baisse de ses facultés physiques et cognitives. Depuis plusieurs millénaires, le 6e commandement interdit explicitement toute atteinte à la vie humaine: “Tu ne commettras pas de meurtre.” Affirmant la valeur absolue de chaque vie humaine, les protestants évangéliques dénoncent tout acte donnant la mort, y compris dans le cadre d’une “aide active à mourir” en fin de vie. […] Le CNEF invite donc les élus français à faire le choix de la vie et non celui de la mort. Nous attendons qu’ils réaffirment le droit de chacun d’être aidé à vivre et jamais à mourir. C’est ainsi que nous gagnerons tous en humanité. »

Le Comité protestant évangélique pour la dignité humaine (CPDH) a fait de ce sujet l’un de ses combats principaux ; une section dédiée figure sur son site.

Par la voix de son président Christian Krieger, lors du débat de l’an dernier, la Fédération protestante de France a elle aussi fait part de son opposition à l’aide à mourir telle qu’elle est aujourd’hui envisagée : son communiqué peut être lu ici. Dès 2019, le comité Éthique et société de la Fédération concluait son rapport ainsi :

Donner la mort est un geste en contradiction totale avec la philosophie des soins palliatifs. Le suicide assisté n’est pas pour la FPF le stade ultime des soins palliatifs. Ces propositions ne lui semblent pas avoir évalué l’impact socio-culturel qu’elles formulent. Passer en cas de sédation mise en œuvre avec un objectif de soin selon des modalités déterminées avec rigueur à une sédation volontairement mortelle, de plus en utilisant les mêmes produits médicamenteux, nous semble discutable sur le plan éthique. Masquer la mort volontairement donnée sous l’apparence d’un acte de soin semble éthiquement problématique. Le suicide assisté est difficilement compatible avec une vision chrétienne du monde : Dieu est à l’origine de toute vie, la vie est un don, la finitude est un élément structurant de l’existence humaine.

Pour quoi prier ?

À la lumière des éléments mentionnés dans cet article, il semble que plusieurs sujets invitent à la prière :

  1. Prions pour les personnes vulnérables, vieillissantes et souffrantes de notre pays et de notre entourage ; qu’elles puissent se voir offrir des soins respectueux de leur dignité d’êtres créés à l’image de Dieu (Genèse 1,27), et plus encore, qu’elles aient l’opportunité d’entendre l’espérance de l’Évangile (Romains 15,13) ;
  2. Prions pour les personnes en position d’autorité dans notre pays et pour les parlementaires (1 Timothée 2,2), qu’ils puissent appeler le bien bien et appeler le mal mal (Ésaïe 5,20), que Dieu incline leur cœur vers la sagesse (Proverbes 21,1) et fasse échouer les projets contraires à sa juste volonté (Job 5,12) ;
  3. Prions que la liberté des soignants chrétiens de rendre un culte à Dieu dans l’honnêteté (1 Timothée 2,3), y compris en pouvant exercer leur vocation avec une conscience pure (2 Timothée 1,3), ne soit pas mise en péril ;
  4. Prions de manière générale pour notre pays, que Dieu y fasse prospérer son Évangile, que nos concitoyens et nos autorités se détournent de leurs mauvaises voies, que Dieu patiente encore envers notre pays.
  5. Prions chacun pour nos représentants dans les deux assemblées.
  6. Prions pour les débats à venir au Parlement, que le mal puisse y être réfréné.

Nous invitons les pasteurs à relayer notre appel à la prière, soit par une invitation auprès des membres de leurs Églises à participer à la journée de prière du 21 mai, soit dans les réunions de prières de leurs Églises ou par tout autre moyen qu’ils jugeront approprié.


Illustration en couverture : Frederick Daniel Hardy, Une prière pour ceux qui voguent sur les mers, 1879.

  1. Citons, en guise d’exemple, Daniel chapitre 9.[]
  2. Ainsi, entre 1567 et 1620, la seule ville de Genève, protestante, proclama à quinze reprises des jours de jeûne et prière, comme le relève l’historien Scott Clark.[]

1 Commentaire

  1. Pieterwas

    L’euthanasie, est un suicide. Jésus a subit les pires souffrances et prit en plus nos péchés ce qui devait être atroce pour un homme pur et Saint

    Réponse

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