L’annonce du règne de Josias (Ésaïe 11) – Notules d’exégèse
22 juillet 2025

Cet article est issu d’une conversation Télégram suivant notre plan de lecture biblique, d’où le style plus léger.

Bon, je viens de lire d’une seule traite Ésaïe 10,5-11,16. Il faut reconnaître qu’il y a une prédominance de l’Assyrie dans cette section qui est impressionnante.

En 10,5-15, l’Assyrie y est en effet présentée comme le « gourdin de YHWH » qu’il va employer pour châtier son peuple impie (10.5-6), mais un instrument de la colère de Dieu qui s’autoglorifie du rôle que Dieu lui donne (10,7-15) et qui sera donc châtié à son tour pour cela (10,16-19). On comprend donc que si l’Assyrie aura un rôle déterminant pour châtier le peuple de Dieu, les envahisseurs devront ensuite rendre des comptes et seront à leur tour humiliés.

La suite de l’oracle se tourne alors vers ceux qui vont subir l’invasion assyrienne : Israël (considéré comme un tout : nord-Israël et Juda). Il y aura un reste qui reviendra (le nom du premier enfant d’Ésaïe !) (10,20-23). Un reste seulement, mais un reste tout de même, qui est donc source d’espérance : la domination assyrienne ne durera pas toujours, et son pouvoir sera brisé (10,24-27). Chose remarquable, la fin du joug assyrien sera la conséquence d’une intervention directe « comme au jour de Mâdian », une référence à la victoire militaire surnaturelle de Gédéon dans le livre des juges (et la référence au jour de Mâdian était déjà présente au chap. 9 juste avant de présenté l’enfant dont le nom est « Merveilleux Conseiller-Dieu puissant-Père éternel-Prince de la paix »). Le livre d’Ésaïe rapporte un tel événement en Ésaïe 36-37 : le siège de Jérusalem par le roi assyrien Sénnachérib est brisé miraculeusement par l’ange de YHWH sous le règne d’Ezéchias, après que le roi de Juda a recherché la face du Seigneur.

La fin du chapitre revient à l’invasion : les vv. 28-34 décrivent une armée qui vient du nord, et qui se rapproche de plus en plus de Jérusalem. Il s’agit de l’armée de Sennachérib qui ravage tout son passage avant de commencer le siège de Jérusalem. Et c’est alors que nous trouvons cette fameuse prophétie :

Ésaïe 11,1-5 (NEG1979)
11 Puis un rameau sortira du tronc d’Isaï,
Et un rejeton naîtra de ses racines.
²L’Esprit de l’Eternel reposera sur lui:
Esprit de sagesse et d’intelligence,
Esprit de conseil et de force,
Esprit de connaissance et de crainte de l’Eternel.
³Il respirera la crainte de l’Eternel;
Il ne jugera point sur l’apparence,
Il ne prononcera point sur un ouï-dire.
⁴Mais il jugera les pauvres avec équité,
Et il prononcera avec droiture un jugement sur les malheureux de la terre;
Il frappera la terre de sa parole comme d’une verge,
Et du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant.
⁵La justice sera la ceinture de ses flancs,
Et la fidélité la ceinture de ses reins.

Il est important de noter que ces versets sont raccrochés à tout ce qui précède (10,5-34) concernant l’invasion assyrienne par le premier mot du chap. 11 : « Puis » ou « Et ». C’est la conjonction vav qu’il y a ici, et qui sert simplement à raccrocher ce qui va être dit à ce qui vient d’être dit.

Autrement dit, le chapitre 11 n’est pas le commencement d’une nouvelle prophétie sans aucun rapport avec ce qui précède. Il y a un lien temporel entre les deux. Le prophète, dans un même mouvement, embrasse l’invasion assyrienne de la fin du chapitre 10 et une figure davidique (rameau du tronc de Jessé) sur lequel repose particulièrement l’esprit du Seigneur.

Aucun indicateur temporel n’est donné pour signaler que le prophète se projette désormais dans un tout autre horizon temporel. Il n’y a pas, par ex., l’expression « Dans la suite des temps » ou « Au temps de la fin » ou « Bien des jours passeront, et…) La venue de ce rejeton de David semble, dans cette prophétie, être proche temporellement de l’invasion assyrienne.

D’ailleurs, le roi Ézéchias est un bon candidat pour l’accomplissement littéral de cette prophétie : il a été un bon roi, réformateur, qui a purgé le pays de l’idolâtrie, et qui a obtenu de Dieu cette grande victoire contre l’Assyrie.

Un autre bon candidat, dont le nom est déjà connu depuis presque deux cents ans, d’après ce que nous en dit le livre des Rois, est le roi réformateur Josias, qui a purgé le pays de l’idolâtrie, et détruit les hauts-lieux. Josias vient moins de 50 ans après Ezéchias : on est bien dans l’horizon temporel assez immédiat du prophète.

Mais il faut regarder aussi la fin du chapitre 11. Il y a les vv. 6-10, avec son fameux langage du loup et de l’agneau. Ce langage est compris, à la fois par des prémillénaristes et par certains postmillénaristes, comme décrivant la période du millénium. Mais il n’y a aucun indice temporel dans le texte suggérant qu’on saute des siècles et des siècles entre le v. 5 et le v. 6 (ou entre la fin du chapitre 10 et le début du chapitre 11). Il faut plutôt y voir un langage hyperbolique qui décrit une nouvelle étape importante de l’histoire de la rédemption comme une nouvelle création.

Les vv. 11-16 vont précisément dans ce sens. Le v. 11 commence par « Alors en ce jour », i.e., à l’époque où le loup et l’agneau, etc., et continue en annonçant un retour des « bannis d’Israël » de toutes les parties du monde connu : Assyrie, Egypte, Elam, Chinéar, Hamath, et les îles de la mer. Il est question d’un retour de l’exil. Le v. 13 souligne que ce sera aussi le temps d’une réunification entre Éphraïm (nord-Israël) et Juda, et que le territoire national reprendre une belle envergure qu’elle avait perdu au fur et à mesure du délitement des deux royaumes.

Une telle description, dans l’histoire biblique, semble principalement correspondre au retour de l’exil babylonien.

Toutefois, il y a eu une autre brève période où Juda a repris une grande expansion, et où les nord-Israélites ont réintégrés le royaume : il s’agit de nouveau du règne du roi Josias.

Il est vrai qu’il est difficile d’y placer un retour de déportation de tous les pays connus du monde : si on n’y voit pas un trop, il faudra attendre le retour d’exil babylonien pour un accomplissement littéral crédible. Mais si l’on remarque que l’ombre de la Babylonie ne plane pas du tout sur ce texte (le nom Babylone étant même invisibilisé par l’emploi du terme Chinéar), il est possible de prendre comme une figure hyperbolique cette idée d’un retour des rescapés de tous les pays du monde. On peut alors y voir une indication d’une reprise de grandeur de Juda, qui eut lieu sous Josias, qui repris militairement une bonne partie du territoire occupé autrefois par David et Salomon (et qui comprenait aussi les nord-israélites qui n’avaient pas été déportés par les assyriens), et qui fit des réformes religieuses salués dans l’Ecriture. Les Rois et les Chroniques ne mentionnent aucun retour d’exilés à cette époque, mais ce silence ne signifie pas qu’absolument rien de cet ordre n’a eu lieu : il est possible que des nord-israélites aient pu profiter de l’écroulement de l’Assyrie sous la pression babylonienne à la fin du VIe s. pour revenir dans le territoire de leur ancêtre.

En bref, il me semble que Ésaïse 11,1-5 prophétise dans son sens littéral plus Josias qu’Ézéchias à cause des éléments qu’il y a dans la fin du chapitre. [Commentaire de l’éditeur : Nous ne parlons ici que du sens littéral d’Ésaïe 11. Nous maintenons bien sûr que le sens spriituel du Messie de ces chapitres est bien le Christ.]

Pierre-Sovann Chauny

Pierre-Sovann est professeur de théologie systématique à la Faculté Jean Calvin, à Aix-en-Provence. Il s'intéresse particulièrement à la doctrine des alliances, à l'interprétation des textes eschatologiques, à la scolastique réformée, aux prolégomènes théologiques et aux bons vins. Il est un époux et un père heureux.

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