Le danger des richesses terrestres (2/3)
21 août 2022

Voici la seconde de trois nouvelles méditations sur l’épître de Jacques. Ces méditations suivront le plan suivant :

1/3 : Avertissements bibliques quant aux richesses terrestres

2/3 : Le pauvre et le riche face aux richesses terrestres

3/3 : Le pauvre et le riche face à l’Évangile


Le pauvre et le riche face aux richesses terrestres

Dans le précédent article, nous avons abordé les sérieux avertissements que Dieu nous adresse dans sa Parole quant aux dangers que les richesses représentent pour notre âme. Nous avons conclu que la source d’une mauvaise attitude commune à tout homme vis-à-vis de l’argent, c’est un cœur partagé entre les cieux et le monde, entre Dieu et Mammon ; un cœur qui manque de dévotion sincère et d’attachement total envers Dieu. Nous allons maintenant considérer quels sont les risques plus spécifiques au pauvre et au riche face à l’argent.

Le pauvre

L’argent est un sujet qui possède en réalité de multiples facettes, et l’on peut adresser beaucoup d’exhortations différentes aux frères riche et pauvre en vue de leur sanctification. Mais Jacques, connaissant très bien le cœur humain, choisit d’adresser à chacun d’entre eux une unique exhortation qui pointe exactement le danger principal qui les guette respectivement.

Il dit tout d’abord au frère de basse condition : qu’il se glorifie dans son élévation. Cela nous montre que le principal danger auquel fait face le pauvre, c’est le sentiment d’infériorité, de dévaluation qu’il ressent, à cause de son manque de prospérité. Une personne qui possède peu en voit autour d’elle d’autres qui possèdent plus, parfois beaucoup plus, et elle se sent inférieure à cause de cette différence de prospérité, et son désir est alors d’améliorer sa condition matérielle pour gagner en valeur, en prestige et en gloire aux yeux des hommes.

Lorsque cela arrive, c’est que l’argent cesse d’être un simple outil à nos yeux, mais qu’il devient notre échelle de valeurs pour évaluer notre propre valeur. Nous adoptons cette échelle de valeurs lorsque nos yeux ne contemplent pas assez le ciel mais qu’ils sont figés sur terre, lorsque nous nous voyons à travers le regard des hommes et leurs critères, et non celui de Dieu et de ses critères, lorsque la dignité infinie que nous possédons, encore cachée en Jésus-Christ, ne nous suffit pas, mais que nous désirons une dignité terrestre qui frappe les yeux des hommes charnels.

Le danger principal du frère de basse condition, dans sa chair, est donc de calquer sa valeur sur son niveau de prospérité. Et de là, il peut être poussé à pécher de différentes manières.

Le manque de contentement

Le péché le plus évident est le manque de contentement. Un tel homme n’est pas satisfait des biens que Dieu a décidé de lui accorder. Il en veut plus. Et nous ne parlons pas ici d’une personne qui souhaite améliorer ses revenus ou sa situation pour le bien de sa famille, par le fruit d’un travail honnête. Il est tout à fait possible d’avoir cet objectif sans être animé par un esprit de convoitise ou parce nous nous sentons inférieur à ceux qui sont plus riches que nous. Le manque de contentement dont nous parlons ici est une vraie insatisfaction, un ressentiment, parfois même une colère que la personne ressent envers Dieu à cause de sa modeste condition. « Pourquoi a-t-il droit à tout cela alors que moi j’ai si peu ? ce n’est pas juste. J’ai honte, Seigneur, de devoir aller faire mes courses dans ces enseignes bon marché, je n’ose pas inviter des frères et sœurs chez moi : que vont-ils penser de mon modeste logement ? Je suis misérable. »

Voilà le genre de phrases que la chair susurre à l’esprit d’un frère de basse condition qui n’est pas dans le contentement.

La convoitise

Et ce manque de contentement conduit généralement à la convoitise. Il ne s’agit plus alors de chercher à améliorer sa condition pour des motifs légitimes, mais bien d’une soif insatiable de posséder toujours plus pour atteindre le niveau de gloire que nous pensons mériter. Car il y aura toujours plus riche que nous, et donc empreinter ce chemin, c’est se lancer dans la quête interminable d’une gloire personnelle, basée sur notre seul niveau de prospérité. Et cette quête finit par occuper tellement nos pensées et nos efforts qu’il ne nous en reste plus pour prendre soin de notre âme, que nous reléguons au second plan, alors qu’elle est évidemment ce que nous possédons de plus précieux.

Cette quête de richesse finit par occuper tellement nos pensées et nos efforts qu’il ne nous en reste plus pour prendre soin de notre âme, que nous reléguons au second plan, alors qu’elle est évidemment ce que nous possédons de plus précieux.

Manque de considération personnelle, qui mène à l’insatisfaction puis à la convoitise : voilà le principal danger qui guette le frère de basse condition qui s’évalue selon les critères de ce monde à travers le regard des hommes, et non selon les critères de l’Évangile à travers le regard de Dieu.

Mais il y a une autre manière, plus subtile et plus insidieuse, dont un tel frère peut pécher, non plus en se dévaluant à cause de son manque de richesse, mais justement en se glorifiant de son manque de richesse. Finalement il s’agit toujours de calquer sa valeur sur son niveau de prospérité, mais dans ce cas, ce n’est plus être riche qui vaut quelque chose, c’est être pauvre. Certains dans l’histoire de l’Église ont fait du vœu de pauvreté une vertu chrétienne. Le dépouillement volontaire devient une marque de piété, une manifestation de la vraie foi.

Instinctivement on pourrait se dire que cette pauvreté volontaire est plus biblique que la prospérité, mais tout comme il n’y a pas de richesse intrinsèquement mauvaise, il n’y a pas de pauvreté intrinsèquement vertueuse. Cette pauvreté voulue, recherchée, entretenue, sensée nous rendre plus saint et agréable aux yeux de Dieu, ce n’est rien de plus que de l’orgueil humain dissimulé sous un vernis de fausse piété. La pauvreté peut tout autant être le résultat du péché que la richesse. Par exemple, certains sont pauvres à cause de leur paresse, qui est un péché que la Bible condamne très sévèrement.

D’ailleurs n’est-il pas assez minable, le pauvre qui l’est manifestement à cause de sa paresse et qui ne fait rien pour se sortir de cet état, tout en exigeant de l’aide de tous les côtés ? Et les Français ont besoin d’entendre cela car beaucoup profitent de notre système social généreux pour quitter un travail parfois pour des motifs très discutables, car ils savent qu’ils bénéficieront du chômage ou d’autres avantages financiers. Mais nous ne devons jamais oublier que rien n’est gratuit et que l’aide que nous recevons est toujours le fruit du travail d’un autre. Que pensez-vous qu’il se passera si tout le monde réfléchit de la sorte dans une société ? Il n’y aura très vite plus d’argent pour aider tout ce beau monde qui ne travaille pas. Un tel comportement doit être réprimé et la Bible le fait très clairement, en exigeant de chacun qu’il gagne son propre pain. La paresse est un grave péché dont la pauvreté en est une conséquence logique.

Le cœur d’un homme pauvre peut être tout autant, voire plus, attaché aux richesses terrestres que celui d’un homme riche. La pauvreté en elle-même ne vaut rien, elle n’apporte rien d’elle-même pour la sanctification de notre âme. Donc faire de la pauvreté une vertu, se vanter de son ascétisme, est tout aussi malsain que de se vanter de ses richesses. Et c’est donc un autre danger pour le frère de basse condition de se considérer en meilleure santé spirituelle que son frère plus riche, du simple fait de sa pauvreté.

Le riche

Voyons maintenant quels sont les dangers qui guettent le riche. À priori, selon le témoignage des Écritures, la condition du riche est plus défavorable que celle du pauvre quant au salut, comme nous l’avons vu dans le précédent article. Jacques dit au frère riche : Que lui au contraire s’humilie dans sa bassesse, car il passera comme la fleur de l’herbe. Le soleil s’est levé avec sa chaleur ardente, il a desséché l’herbe, sa fleur est tombée, et la beauté de son aspect a disparu: ainsi le riche se flétrira dans ses entreprises.

Voici une exhortation au style très proverbial et qui elle aussi pointe très précisément le danger principal qui guette le riche.

Le riche est évidemment davantage concerné par les dangers liés à l’argent que nous avons déjà considérés, car mathématiquement, plus on possède de richesses, plus on multiplie les pierres d’achoppement. Mais finalement, ce que l’argent fait en prenant la place de Dieu dans notre vie, en nous promettant à la place de Dieu sécurité, autonomie, pouvoir et gloire, c’est nourrir notre orgueil démesuré. Si le pauvre ne doit pas se dévaluer en alignant sa valeur sur le peu de biens qu’il possède, le riche lui ne doit pas s’enorgueillir en alignant sa valeur sur les nombreux biens qu’il possède. Les biens terrestres ne font la valeur de personne, ceci n’est qu’une illusion, du maquillage, un masque.

Un riche dont l’âme est perdue est semblable à un cadavre habillé en Prada : c’est peut-être stylé, mais ça ne sert à rien. À quoi cela sert-il à un homme de gagner le monde s’il perd son âme ? dit la Parole. Plus le riche se confiera en ses richesses plutôt qu’en Dieu, plus il aimera ses richesses plutôt que Jésus-Christ, plus son trésor sera ici-bas et non dans les cieux, et plus son âme s’approchera de la damnation et non du salut.

Le danger principal du riche selon ce verset, c’est de s’enorgueillir et de rabaisser les autres, et même Dieu, de par la confiance qu’il place en ses richesses. Et tout comme le manque pousse le pauvre à la convoitise, l’abondance pousse le riche à la crainte de perdre et à l’angoisse. Et puisque même un riche sera toujours le pauvre d’un autre plus riche que lui, il est loin d’être immunisé contre la convoitise, bien au contraire, on peut facilement observer que même les milliardaires de ce monde semblent ne jamais être rassasiés de bien, à la fois parce qu’accumuler des biens ne fait que nourrir leur insatiable convoitise, mais aussi parce qu’ils prouvent par-là que toutes ces richesses qu’ils accumulent sont incapables de les satisfaire et d’apporter le repos que leur âme recherche, même inconsciemment.

On constate donc que l’argent, Mammon, comporte des risques différents, mais tous aussi dangereux pour le frère pauvre et le frère riche, car il pousse au péché dans tous les cas, il détourne les pensées du ciel en les ramenant sur terre, et éteint les affections pour Christ en le remplaçant par l’amour ou le désir pour les biens matériels.

Si Mammon est si puissant, c’est parce qu’il est un des meilleurs outils dont Satan dispose pour concrétiser son premier mensonge du jardin d’Éden : faire croire à l’homme qu’il peut vivre comme il veut et obtenir tout ce qu’il désire par lui-même, sans Dieu. C’est cette fausse promesse d’indépendance et de toute-puissance qui confère à l’argent son pouvoir sur le cœur humain, en attisant ce qui fait l’essence du péché originel : le désir d’indépendance vis-à-vis de Dieu et de sa Providence.

Dans le prochain article, nous conclurons ces trois méditations en considérant à la fois quelle solution les Écritures présentent au riche et au pauvre pour éviter les dangers liés à l’argent, et nous terminerons en nous demandant quels bénéfices les différents niveaux de prospérité au sein d’une Église locale représentent pour ses membres.


Illustration : Ferdinand Bol, Cyrus rend le trésor qui avait été volé du temple de Jérusalem, huile sur toile, 1655-1669 (Amsterdam, Rijksmuseum).

Nathanaël Fis

Nathanaël est ancien en formation à l'Eglise Bonne Nouvelle à Paris. Il est l'heureux époux de Nadia et père de Louis. Il étudie la théologie à Thirdmill Institute ainsi qu'au Birmingham Theological Seminary.

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