Contre Vigilantius – Saint Jérôme – résumé
23 décembre 2024

Je continue de proposer mes résumés directs des pères de l’Église, dans le but de faire connaître les écrits de l’Église ancienne, pour eux-mêmes. Le traité de cette semaine n’évite cependant pas les applications apologétiques pour la foi protestante. Contre Vigilantius est en effet le premier traité (à ma connaissance) défendant de façon théologique le culte des reliques apparu (visiblement) au cours du IVe siècle. Vigilantius était un diacre gaulois choqué par les nouvelles pratiques autour du culte des saints et des reliques qui les cristallise, et les dénonce autour de lui. D’autres prêtres gaulois sollicitent un écrit de Jérôme pour attaquer Vigilantius, et voici le résultat. Jérôme mérite ici d’être appelé le « père de l’Église médiévale d’Occident », tant cette défense va solidifier pour plusieurs siècles le culte des reliques en Gaule.

On y apprend ainsi que le culte des reliques est une innovation tardive, qui n’est pas allée sans opposition. Elle n’existait pas chez les pères apostoliques, et elle est dénoncée chez Saint Antoine et Saint Athanase. L’opposition protestante aux reliques fait aussi partie de la tradition occidentale. Il semblerait aussi que l’opposition aux reliques dans l’Antiquité a échoué en Gaule pour les mêmes raisons que du temps de la Réforme : elle a été amalgamée facilement avec un mépris scandaleux des saints eux-même. La leçon pour nous est que nous ne devrions pas attaquer les reliques face aux catholiques sans d’abord les convaincre de notre sincère et profond respect pour les saints.

Pour une défense complète de la position protestante contre le culte des saints et des reliques, je vous renvoie à notre article de Turretin. Je vous souhaite une bonne lecture.


1 Ce traité est écrit contre Vigilantius, un gaulois qui a des thèses semblables à Jovinien :

Il soutient qu’on ne doit point honorer les sépulcres des martyrs, et ne chanter alleluia qu’aux fêtes de Pâques; il condamne les veilles, il appelle le célibat une hérésie, et dit que la virginité est la source de l’impureté.

2 On y apprend que Vigilantius est un diacre marié (situation anormale visiblement, que Jérôme dénonce).

3 Deux prêtres gaulois, Riparius et Didier ont demandé à Jérôme de répondre à Vigilantius.

4 Critiques de Vigilantius contre les reliques :

« Est-il nécessaire que vous respectiez avec tant de soumission je ne sais quoi, que vous portez dans un petit vase, en l’adorant? » Et cet autre, rapporté dans le même livre : « Pourquoi baiser et adorer de la poussière couverte d’un linge? » Et ensuite : « Nous voyons que les coutumes des idolâtres se sont presque introduites dans l’Église sous prétexte de religion. On y allume de grands cierges en plein midi, on y baise et on y adore un peu de je ne sais quelle poussière enfermée dans un petit vase et couverte d’un linge précieux; c’est rendre sans doute un grand honneur aux martyrs que de vouloir éclairer avec de vils cierges ceux que Jésus-Christ, assis sur son trône, éclaire de tout l’éclat de sa majesté. »

5 Réponse de Jérôme : nous n’adorons pas les saints, nous entourons d’honneur leurs restes, tandis que Vigilantius voudrait les jeter à la poubelle. Et tous les évêques et princes de l’église qui respectent ces reliques, ce sont des faux chrétiens?

6 Vigilantius affirme que les âmes des saints sont enfermées dans un lieu spécifique, comme le sein d’Abraham ou un lieu de repos, et qu’elles ne peuvent agir ni se déplacer librement. Jérôme s’insurge contre cette vision restrictive, rappelant que ceux qui suivent le Christ, représenté comme l’Agneau, sont avec lui partout où il se trouve, même après leur mort. Il trouve absurde que les démons aient la liberté de parcourir le monde alors que les martyrs, après avoir sacrifié leur vie, seraient limités à un tombeau.

Jérôme conteste également l’idée que les prières pour les défunts soient inefficaces ou que les martyrs ne puissent intercéder après leur mort. Il cite des exemples bibliques pour montrer que les saints, obtiennent des résultats pour leur intercession. Il mentionne Moïse, qui obtint le pardon pour des milliers de personnes, ou saint Étienne, qui pria pour ses bourreaux, et affirme qu’ils ne peuvent être moins puissants dans l’au-delà1. Il ridiculise l’idée que saint Paul, capable d’obtenir le salut pour ses compagnons de voyage, ne pourrait plus intercéder une fois au ciel.2

Jérôme accuse Vigilantius de s’appuyer sur des écrits apocryphes, non reconnus par l’Église, pour soutenir ses thèses. 3

7 Au sujet des cierges, Jérôme dit que c’est seulement pour aider à passer les veilles (jeûnes de sommeil) et qu’il n’y a rien de mal à ce que les simples chrétiens fassent le même geste pour honorer les martyrs. C’est un geste innocent qui marque le zèle et la piété d’un chrétien ordinaire, il ne faut pas le blâmer.4

Quant aux cierges, nous n’en allumons point en plein midi, comme vous nous le reprochez à tort; nous nous en servons seulement en veillant la nuit, afin de ne pas la passer dans les ténèbres et de ne pas nous endormir comme vous. Et puis, si quelques séculiers simples et ignorants, et quelques femmes, qui ont du zèle pour Dieu, mais non pas selon la science, 5 en brûlent pour honorer les martyrs, que vous en coûte-t-il?

Jérôme renvoie aussi à l’exemple de l’Orient, où les cierges ont une symbolique différente.

8 Appel à l’autorité : Vigilantius insulte le pape de Rome et tous les évêques dont les Églises abritent des reliques. C’est inconvenant.6

Vigilantius dit encore : : « Donc les âmes des martyrs aiment encore leurs cendres; elles sont auprès d’elles et voltigent à l’entour, afin que, s’il venait quelques pécheurs, elles ne pussent pas entendre leurs prières, étant absentes.» Jérôme l’insulte de plein de noms d’hérétiques au hasard, puis fait un homme de paille en disant que Vigilantius ne doit pas non plus approuver la foi et l’héroïsme des martyrs s’il n’approuve pas le culte de leurs reliques.7

9 Vigilantius critiquait les veilles faites sur les tombes des martyrs, en disant qu’elles diminuaient la fête de Pâques, où l’on veillait pour voir advenir le jour de sa résurrection. Jérôme répond que dans ce cas on pourrait tout aussi bien ne plus rendre des cultes le dimanche, de peur de diminuer le dimanche de Pâques. Il dit que les excès irrévérencieux (càd les gens qui s’endorment pendant les veilles) sont la faute des abuseurs et non de la pratique.

10 Thèse de Vigilantius : . Il se déclare contre les miracles qui se font dans les églises des martyrs, disant qu’ils sont inutiles aux fidèles et qu’ils ne servent qu’à ceux qui n’ont pas la foi

Sarcasme de Jérôme qui dit que les miracles servent justement à montrer l’incrédulité des païens. Vigilantius n’a qu’à essayer, il a l’air d’en avoir besoin.8

11 Référence à un épisode obscur où Vigilantius aurait prêché nu en pleine nuit suite à un tremblement de terre.9

12 Jérôme dit qu’il préfère être du côté des petites chrétiennes ordinaires qui rendent un culte aux saints plutôt que de Vigilantius qu’il considère comme débauché.

13 Vigilantius objectait aussi à ce que l’on fasse une collecte en Gaule pour l’Église de Jérusalem. Jérôme rappelle l’exemple apostolique.

14 Vigilantius objecte qu’il y a plus de pauvres que de ressources. Jérôme admet qu’il faut faire le discernement et donner aux pauvres capables de gratitude.

15 Vigilantius attaque l’érémitisme. « Si tout le monde, dites-vous, se renferme dans les cloîtres ou se retire dans le désert, par qui les églises seront-elles desservies ? Qui travaillera au salut des âmes de ceux qui sont dans le monde? » Jérôme répond par un sarcasme en disant qu’on peut tout aussi bien abandonner la supériorité du célibat, de crainte que la population ne s’effondre.

16 Jérôme défend sa vocation d’ermite en disant que c’était la seule façon pour lui d’être sûr de ne pas pécher, notamment au point de vue sexuel.10

17 Conclusion du livre.

  1. Ce paragraphe est un gigantesque non-sequitur. Que l’intercession des saints soit efficace avant la mort n’a aucun lien nécessaire avec le fait qu’il faille rendre un hommage religieux devant leurs reliques.[]
  2. Encore une fois, quel est le rapport avec la nécessité de leur rendre un hommage religieux proscrit par ailleurs dans la parole de Dieu?[]
  3. Je n’ai malheureusement pas pu identifier quels apocryphes. En tout cas, cela renforce la position protestante qui dit que le canon ancien de l’Église rejette les apocryphes.[]
  4. Jérôme confesse donc involontairement que les cierges sont bien une déviation tardive et non une pratique apostolique.[]
  5. Il est important de rappeler que le « zèle pour Dieu, mais pas selon la science » est un reproche que Paul fait aux juifs en Romains 10.2. Ce n’est pas censé être un compliment.[]
  6. C’est un homme de paille, Vigilantius n’a pas dit cela, Jérôme ne fait que l’extrapoler.[]
  7. Pour rappel : les protestants ne méprisent aucunement les saints. C’est seulement que notre hommage et notre culte envers eux est purement civil, consistant en la mémoire et l’imitation de leurs exemples, et non à leur couper la tête et accrocher leur crâne façon tête de sanglier au mur.[]
  8. C’est à ce moment de la lecture que je me suis dit que Jérôme est un insupportable schtroumpf à lunettes.[]
  9. De ce que je comprends dans le texte de Jérôme, suite à un tremblement de terre, le diacre Vigilantius est sorti en habits de nuits pour prêcher aux chrétiens affolés et rassurer les frères, sans attendre de s’habiller. Mais raconté à travers Jérôme, l’épisode est transformé en démonstration de perversité.[]
  10. Il semblerait que le mouvement anti-monacal ait perdu sur cette question d’esthétique. Les hommes comme Vigilantius ou Jovinien n’étaient probablement pas les jouisseurs sensuels que décrit Jérôme. Mais comparés à l’esthétique austère et surhumaine d’un ermite ou un ascète, leurs discours paraissaient moins crédible.[]

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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