Saint Antoine et saint Athanase contre les reliques
8 février 2023

Saint Athanase, défenseur de l’orthodoxie nicéenne, fut aussi biographe. Plein d’admiration pour saint Antoine, il consigna par écrit sa vie. Traitant de la fin de la vie de ce dernier, il rapporte un épisode intéressant relativement aux honneurs funèbres rendus par les premiers chrétiens.

Ayant achevé ces paroles, comme les frères voulaient le contraindre par leurs prières à demeurer avec eux pour la fin de sa vie, il refusa pour plusieurs raisons que manifestait même son silence. La principale était celle-ci : Les Égyptiens ensevelissent et enveloppent de quantité de linges les corps des personnes qui meurent dans la piété, particulièrement ceux des saints martyrs. Et au lieu de les enterrer, il les mettent sur de petits lits et les conservent ainsi dans leurs maisons, croyant leur rendre beaucoup d’honneur. Sur ce point, Antoine avait souvent prié les évêques d’instruire leurs peuples pour les tirer de cette erreur. Il en avait aussi fait honte à plusieurs laïques et avaient repris sévèrement quelques femmes, leur montrant que cela n’était conforme ni aux lois, ni à la piété, puisque l’on conserve encore aujourd’hui dans des sépulcres les corps des patriarches et des prophètes. Même le corps de notre Seigneur avait été mis dans un tombeau et une pierre avait été roulée à l’entrée pour le fermer jusqu’à ce qu’il ressuscitât le troisième jour. Ainsi il leur fit connaître qu’on ne peut, sans faute, ne pas enterrer le corps des morts, quelque saints qu’ils puissent être, puisqu’il n’y a rien de plus grand ni de plus saint que le corps de notre Seigneur. Et ses discours eurent tant de force que plusieurs de ceux qui les entendirent enterrèrent depuis leurs morts et rendirent grâces à Dieu de l’instruction qu’Antoine leur avait donnée. Ce fut donc principalement à cause de la crainte que l’on rendît à son corps des honneurs superstitieux qu’il avait vu rendre à d’autres, qu’il se hâta de s’en retourner après avoir pris congé des solitaires.

Athanase, Vie de saint Antoine, chapitre XXXI.

On apprend par cet extrait que la pratique de garder des reliques des saints est fort ancienne, puisqu’elle remonte au moins au IVe siècle en Égypte. Pour autant, on voit qu’elle semble issue de la piété populaire, par superstition et que tant saint Antoine que saint Athanase exhortaient les bergers à faire revenir le troupeau de cette erreur. Notons que les arguments que saint Antoine employait et que saint Athanase rapporte avec approbation correspondent à plusieurs des arguments classiques des réformés quant aux reliques :

  1. Ce n’est pas faire honneur aux saints que de les priver de sépulture,
  2. L’Ancien Testament nous rapporte parfois en détail les rites funéraires des croyants sans mentionner autre chose qu’une mise au tombeau,
  3. Les premiers chrétiens rendaient des honneurs funèbres puis enterraient les corps (Calvin cite l’exemple de Polycarpe).

Cette conviction est si forte chez Antoine qu’il préféra quitter l’Égypte, quoiqu’âgé, afin de ne pas servir cette superstition.

Mais voilà, au XIe siècle, les restes de saint Antoine seraient réapparus miraculeusement et sont désormais l’objet de la vénération des fidèles (quoiqu’ils soient infidèles à la volonté de saint Antoine). Bien entendu, il n’en est pas autrement des reliques (très probablement inauthentiques) de saint Athanase, vénérées pour une partie à la cathédrale orthodoxe du Caire (quoique contre la volonté du saint défenseur de l’orthodoxie) et pour le reste à l’église catholique romaine Saint-Zacharie de Venise. L’église orthodoxe Saint-Nectaire d’Égine en Grèce ainsi que divers monastères prétendent aussi posséder des reliques de saint Athanase, dont l’authenticité n’est pas plus établie.

Qui honore le mieux saint Antoine ? Celui qui respecte ses dernières volontés ou celui qui se livre à une superstition qu’il a combattue en vénérant ses reliques, inauthentiques de surcroît ?

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Illustration en couverture : Pieter Brughel, La tentation de saint Antoine, 1600.

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

1 Commentaire

  1. VIVIANE POTTIER

    Merci Maxime

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