Article de Calvinyps, un auteur invité pour notre série sur les dons de l’Esprit.
Jusqu’au milieu du XXème siècle, la position protestante traditionnelle a toujours été de considérer que les dons spirituels apostoliques avaient disparus avec les Apôtres, si bien que ceux qui prétendaient l’inverse étaient, au mieux, considérés comme des enthousiastes mystiques. Mais depuis un demi-siècle, c’est-à-dire lorsque les églises pentecôtistes et charismatiques sont devenus prédominantes dans le monde protestant, ceux qui ont commencé à être mal vus sont ceux qui soutenaient la position protestante traditionnelle. Et cela est vrai, en particulier, en ce qui concerne la question du don de prophétie.
La plupart des chrétiens d’aujourd’hui pensent que le don de prophétie est toujours disponible. Autrement dit, ils pensent que des hommes et des femmes reçoivent des révélations directes de la part de Dieu. Cela les conduit néanmoins à adopter une position un peu schizophrène : d’un côté, ils disent que la révélation divine n’est pas close, mais qu’elle continue, mais de l’autre côté, ils veulent maintenir l’autorité unique de l’Ecriture. Par conséquent, ce qu’ils considèrent pourtant comme une révélation directe de la part de Dieu, ils ne le traitent pas de la même façon que la Bible : la prophétie moderne est traitée comme une forme secondaire de révélation à laquelle on ne peut pas vraiment faire confiance. Les théologiens charismatiques, pour justifier pourquoi ils mettaient ces deux sources de révélations divines sur deux plans différents, ont développé une théorie selon laquelle la prophétie du Nouveau Testament serait différente de la prophétie de l’Ancien Testament, qu’il s’agirait d’une forme inférieure de révélation. Mais en est-il vraiment ainsi ? Pour répondre à cette question, il nous faut d’abord examiner ce que la Bible dit de la prophétie.
I. Que dit la Bible de la prophétie ?
1. La prophétie dans l’Ancien Testament.
Deutéronome 18.15-22 est le passage qui met en place la législation divine définissant l’office de prophète. Le prophète est celui dans la bouche duquel Dieu met sa parole et qui dit tout ce que le Seigneur lui commande. “Mais le prophète qui aura l’audace de dire en mon nom une parole que je ne lui aurai point commandé de dire, ou qui parlera au nom d’autres dieux, ce prophète-là sera puni de mort. Peut-être diras-tu dans ton coeur : Comment connaîtrons-nous la parole que le Seigneur n’aura pas dite ? Quand ce que dira le prophète n’aura pas lieu et n’arrivera pas, ce sera une parole que le Seigneur n’aura pas dite. C’est par audace que le prophète l’aura dite : n’aie pas peur de lui”.
Il y a selon ce passage deux critères à remplir pour être un vrai prophète. Premièrement, il faut parler au nom du vrai Dieu ; et deuxièmement, tout ce que le prophète prophétise doit se réaliser pleinement. C’est pourquoi, si quelqu’un prétend avoir le don de prophétie, mais qu’il ne donne jamais aucune prophétie qui peut être objectivement testée, il n’y a aucune raison de penser que cette personne est un prophète, puisqu’on ne peut pas l’évaluer selon le critère de Deutéronome 18.22. Ce qui conférait aux prophètes de l’Ancien Testament une autorité unique, reconnu même par les incroyants, c’était que tout ce qu’ils annonçaient arrivaient vraiment. Si ces prophètes n’avaient rien annoncé en ce qui concerne l’avenir, ils n’auraient été rien d’autres que des enseignants de la Loi, et non des prophètes.
Ainsi, la prophétie de l’Ancien Testament contient (même si elle ne se réduit pas à cela) premièrement un contenu doctrinal en accord avec les révélations préalables qui permettait de vérifier s’ils parlent bien au nom du vrai Dieu, et deuxièmement des éléments prédictifs précis et vérifiables concernant l’avenir et qui permettait d’évaluer leur prétention d’être des prophètes du vrai Dieu selon le critère objectif de la réalisation de la prophétie.
2. La continuité entre les prophètes de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Ce qui m’oblige à penser qu’il faut appliquer également aux prophètes du Nouveau Testament, c’est qu’il y a une continuité indéniable entre les prophètes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Par exemple, en Actes 2.17-18, Pierre cite le prophète Joël au jour de la Pentecôte : “Dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes gens auront des visions, et vos vieillards auront des songes. Oui, sur mes serviteurs et sur mes servantes, dans ces jours-là, je répandrai de mon Esprit ; et ils prophétiseront”.
Il faut bien remarquer ici que les prophètes du Nouveau Testament font l’expérience du même genre de phénomènes que ceux que connaissaient les prophètes de l’Ancien Testament : des rêves, des visions et des prophéties (cf. Nb 12.6). Autrement dit, des prophéties semblables à celle de l’Ancien Testament font leur apparition dans l’ère du Nouveau Testament, au moment de la Pentecôte. Nous trouvons d’ailleurs en Agabus le seul exemple précis de prophétie que nous donne le Nouveau Testament, et il faut admettre qu’il s’agit en fait d’un prophète qui agit et parle exactement comme un prophète de l’Ancien Testament. Il parle explicitement au nom de Dieu (donc avec l’autorité de Dieu lui-même) et annonce ce qui va venir : “Un prophète, nommé Agabus, descendit de Judée, et vint nous trouver. Il prit la ceinture de Paul, se lia les pieds et les mains, et dit : ‘Voici ce que déclare le Saint Esprit : L’homme à qui appartient cette ceinture, les Juifs le lieront de la même manière à Jérusalem, et le livreront entre les mains des païens” (Ac 21.10-11).
En 1 Corinthiens 13.2, Paul semble définir le don de prophétie comme la “science de tous les mystères”. Dans le Nouveau Testament, le mot “mystère” apparaît une trentaine de fois, et la plupart du temps dans les écrits de Paul. Le mot “mystère” dans le Nouveau Testament ne désigne pas comme aujourd’hui quelque chose que l’on ne peut ni sonder ni comprendre, mais désigne plutôt un secret révélé, et en particulier, une vérité divine jusque là cachée mais désormais révélée dans l’Evangile. Le “mystère” est donc quelque chose qui est lié à la “révélation”. Et nous pouvons donc dire que le prophète du Nouveau Testament révèle à l’Eglise des mystères jusqu’alors cachés, des choses qui sont révélés pour la première fois.
En 1 Corinthiens 14.30, Paul déclare spécifiquement que les prophètes reçoivent des “révélations” : “Pour ce qui est des prophètes, que deux ou trois parlent, et que les autres jugent ; et si un autre qui est assis a une révélation, que le premier se taise”. Une “révélation” (apokalypsis), c’est la publication de quelque chose qui était jusqu’alors inconnu. Autrefois, Dieu parlait sur le mode de la révélation pour communiquer à l’humanité, par l’intermédiaire de prophètes, des vérités inconnues, et il utilisait dans ce but des rêves, des visions, des communications orales, ou d’autres moyens encore (Dn 2.19 ; 1 Cor 14.26 ; 2 Cor 12.1 ; Gal 1.12 ; Apoc 1.1).” Le fait que les prophètes du Nouveau Testament n’étaient pas différents des prophètes de l’Ancien Testament est corroboré par l’utilisation que Paul fait des mots “mystère” et “révélation” quand il s’agit de décrire l’activité des prophètes. Le lien entre prophète, mystère et révélation est d’ailleurs évident en Ephésiens 3.3-5 : “C’est par révélation que j’ai eu connaissance du mystère sur lequel je viens d’écrire en peu de mots. En les lisant, vous pouvez vous représenter l’intelligence que j’ai du mystère de Christ. Il n’a pas été manifesté aux fils des hommes dans les autres générations, comme il a été révélé maintenant par l’Esprit aux saints apôtres et prophètes de Christ“.
Conclusion 1
Les prophètes de Dieu de l’ancienne et de la nouvelle alliance parlaient donc tout autant sous l’inspiration du Saint-Esprit. C’est pourquoi, ce qu’ils disaient faisait pleinement autorité, comme lorsque par exemple le Saint-Esprit ordonna à l’église d’Antioche de mettre à part Paul et Barnabas pour les envoyer comme missionnaires. Les prophètes pouvaient, sous l’inspiration de l’Esprit, annoncer l’avenir (comme Agabus) ; ils pouvaient dire les mystères de Dieu ; ils pouvaient donner à l’Eglise des doctrines nouvelles faisant autorité. Les prophètes, avec les apôtres, pouvaient expliquer à l’Eglise, sous l’inspiration du Saint-Esprit, la signification de la mort de Christ. C’est le Saint-Esprit qui révéla à l’Eglise, par l’intermédiaire des apôtres et des prophètes, que les lois cérémonielles de l’ancienne alliance étaient mises de côté et que le mur de séparation entre Juifs et païens avait été renversé. Autrement dit, la prophétie de l’Ancien Testament, comme celle du Nouveau, ont la même autorité que la Bible. En fait, ce que nous appelons la Bible est entièrement, de façon directe ou indirecte, l’inscripturation de prophéties.
La raison pour laquelle il est si important de se rendre compte que la prophétie du Nouveau Testament ne diffère pas de celle de l’Ancien, c’est parce que ceux qui croient que ce don est disponible aujourd’hui considèrent pour la plupart que la prophétie a moins d’autorité que l’Ecriture. Le fait que toutes les prophéties inspirés ne se trouvent pas toutes dans la Bible n’entre pas en jeu, parce toutes les affirmations et tous les écrits des apôtres inspirés ne se trouvent pas non plus dans la Bible (comme par exemple la lettre perdue de Paul aux Corinthiens). Lorsque certains disent que l’activité d’un prophète du Nouveau Testament constituaient non à prédire l’avenir mais à donner des exhortations, ils ont peut-être en partie raison. Mais l’exhortation prophétique n’est pas simplement une série de conseils sanctifiés, pas seulement une exposition particulièrement claire de l’Ecriture ; il s’agit plutôt d’une exhortation inspirée par le Saint-Esprit, d’une exhortation à caractère révélationnel, d’une exhortation qui a la même autorité que l’Ecriture, d’une exhortation qui commence par “ainsi parle le Seigneur” et qui révèle les oracles de Dieu.
II. La pratique “charismatique” du don de prophétie.
Si l’on assiste à des cultes charismatiques où des prophètes exercent leur don de prophétie, on entendra extrêmement rarement les prophètes révéler de nouvelles doctrines. Et lorsqu’un prophète révélera de nouvelles doctrines, le pasteur et les anciens demanderont en général à ce “prophète” de se taire. En ce qui concerne les exhortations données à des individus – dont la caricature est peut-être le fameux “Sophie, Dieu m’a dit que tu dois te marier avec Nicolas” – ceux qui reçoivent de telles prophéties savent en général accueillir de telles “prophéties” avec beaucoup de recul… Pourquoi donc ? Parce que les prophètes d’aujourd’hui ne sont pas fiables. Ils ne sont pas plus digne de confiance pour prendre des décision que des dés que l’on lancerait pour faire ces choix ! C’est pourquoi même la plupart des charismatiques prennent les exhortations et les prophéties de ces prophètes avec des pincettes.
Ceux qui pensent que le don de prophétie est toujours disponible sont obligés de le redéfinir, parce qu’ils voient bien que ce que nous voyons aujourd’hui n’est identique ni à ce que nous voyons dans l’Ancien Testament, ni à ce que nous voyons dans le Nouveau. Si l’on ne redéfinissait pas la prophétie comme quelque chose qui n’est au fond rien de plus qu’une exhortation spirituelle vague, alors ceux qui se déclarent prophètes seraient sujets à des vérifications objectives. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer une prophétie typique de la Bible avec une prophétie typique des milieux charismatiques de notre temps.
En 1 Rois 21.17-29, nous lisons qu’Elie le Tishbite descendit à la rencontre d’Achab, le roi d’Israël, et de Jézabel, sa femme (v.17). Il leur annonça très précisément que la famille d’Achab serait retranchée (v.21), mais seulement après sa mort (v.29), que sa femme Jézabel servira de nourriture pour chien près du rempart de Jizréel (v.23), et qu’au lieu même où les chiens avaient léchés le sang de Naboth (qu’Achab avait fait assassiné), les chiens lécherait aussi le sang d’Achab (v.19). Ces prophéties se sont accomplies au détail près (cf. 1 R 22.34-39 ; 2 R 9.32-37, 10.7-11). Après que la dernière de ces prophéties fut accomplie, Dieu dit : “Sachez donc qu’il ne tombera rien à terre de la parole du Seigneur, de la parole que le Seigneur a prononcée contre la maison d’Achab ; le Seigneur accomplit ce qu’il a déclaré par son serviteur Élie” (2 R 10.10).
Comparons la prophétie d’Elie avec une “prophétie” charismatique typique : “Venez à moi, mon peuple. Si vous me revenez, je vous bénirai. Oui, si vous vous approchez, je vous aimerais à nouveau et je vous bénirai”, etc.. Ce genre de “prophétie” vague, sans aucun détail donné ne peut jamais être objectivement testé, parce qu’elle n’annonce rien de spécifique en ce qui concerne l’avenir. Il est vrai que parfois certains prophètes se mouillent et annonce des choses spécifiques concernant l’avenir, et devenez quoi ? Ils ne délivrent jamais de prophétie qui s’accomplit au détail près.
Conclusion 2
Avec les milliers de prophètes charismatiques qui se trouvent sur la terre entière, on pourrait s’attendre à ce qu’au moins certains d’entre eux passent avec succès l’examen de vrai prophète selon les critères donnés en Deutéronome 18. La vérité cependant, c’est qu’il n’y a pas de vrais prophètes aujourd’hui parce que la prophétie n’a plus lieu d’être depuis que la Bible est complète. Il faut ici admettre que le fait qu’une analyse objective et empirique de la prophétie charismatique de notre époque montre que ce que nous appelons prophéties n’est pas la même chose que la prophétie du Nouveau Testament ne prouve pas que la prophétie biblique a cessé. Ce qui est prouvé par une telle enquête, c’est que la prophétie des charismatiques est quelque chose qui n’a rien à voir avec ce que décrit l’Ecriture. Dès lors, la revendication des églises charismatiques et pentecôtistes que leur mouvement est un réveil du christianisme apostolique ne peut être qu’erroné.
III. Le don de prophétie a cessé.
Afin de savoir si la prophétie a cessé à la fin de l’époque apostolique, lorsque les écrits du Nouveau Testament commençaient à être largement diffusés, il nous faut examiner les Ecritures. Il y a deux raisons principales qui me laissent penser que la prophétie a cessé.
1. Les écrits du Nouveau Testament sont suffisants à la vie chrétienne.
Ce dont les chrétiens ont besoin pour pouvoir être parfaitement équipé pour toute oeuvre bonne, c’est l’Ecriture (2 Tim 3.16). Et l’ensemble des livres de la Bible n’ont pas été écrit avant 67 ap. JC (ou 96 ap. JC si l’on adopte la datation tardive de l’Apocalypse). Entre la mort de Jésus et la complétion du canon, il s’est donc passé quelques années pendant lesquelles les chrétiens n’avaient pas tout le Nouveau Testament, et au début il n’avait même rien ! Ainsi, la prophétie avait tout son sens : afin d’aider les chrétiens à être équipés pour toute oeuvre bonne et afin qu’ils ne soient pas emportés à tout vent de doctrine, Dieu révélait par l’intermédiaire de ses apôtres et prophètes la nouvelle doctrine qui découlait des implications de l’événement historique de la Croix et des impacts que cela avait sur la façon dont il fallait lire l’Ancien Testament.
Mais lorsque les écrits du Nouveau Testament ont présenté par écrit la foi transmise aux saints une fois pour toute (Jude 3), lorsque ce qui permettrait aux chrétiens de mieux comprendre ce que Jésus avait fait, alors la prophétie n’aurait plus d’effet. L’interprétation cessassioniste traditionnelle de 1 Corinthiens 13.8-13 est très contestée, mais je ne pense pas qu’elle soit pour autant erronée. Dans ce passage, Paul explique que lorsque ce qui est parfait sera venu, les prophéties cesseront. Nous pensons que “ce qui est parfait”, ce sont les écrits du Nouveau Testament. Certains objectent immédiatement que ça ne peut pas être le cas, puisque le texte parle de voir “face à face” et que cela fait donc référence à la Seconde Venue de Christ. A cela, nous répondons que Jésus-Christ est la révélation finale de Dieu (Hb 1.2), et que nous avons dans le Nouveau Testament une image parfaite de Jésus-Christ. Ce n’est pas pour rien, pensons-nous, que Jésus a promis à ses apôtres que l’Esprit Saint les guiderait “dans toute la vérité” (Jn 16.13), qu’il leur enseignerait “toutes choses” (Jn 14.26). Jésus promet ici que les apôtres connaîtront par l’Esprit Saint la totalité de ce qui leur est nécessaire, et la conséquence, c’est que nous connaissons par les apôtres la totalité de ce qui nous est nécessaire. C’est pourquoi nous pouvons appeler notre Bible complète “ce qui est parfait”. Si ce n’était pas le cas, si nous devions attendre la retour de Jésus-Christ pour voir “face-à-face”, pourquoi a-t-il dit à ses disciples : “il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le consolateur ne viendra pas vers vous ; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai” (Jean 16.7) ? D’après Jésus, son départ nous est plus utile que s’il était resté physiquement avec nous…
1 Corinthiens 13.8 prophétise que “les prophéties prendront fin”, et il faut noter qu’historiquement la prophétie a pris fin vers la fin de la période apostolique. Au cours des siècles, seuls quelques groupes isolés en marge du christianisme – et plus ou moins clairement hérétiques – ont de temps à autres revendiqué la possession d’un tel don. Ce n’est qu’avec le phénomène pentecôtiste que la revendication de la possession de dons miraculeux est devenu un phénomène important et même majoritaire. Pourtant, depuis le temps des apôtres jusqu’à récemment, la vraie église a toujours tenu la Bible pour complète, efficace, suffisante, inerrante, infaillible et faisant autorité ; et toutes les fois que l’on a ajouté à la Bible, que l’on a prétendu avoir reçu de la part de Dieu de nouvelles révélations, cela a eu pour conséquence soit la constitution de sectes ou d’hérésies, soit l’affaiblissement du corps de Christ. Même si les charismatiques nient qu’ils ajoutent à l’Ecriture, leur conception de ce qu’est une manifestation prophétique, de ce qu’est le don de prophétie et de ce qu’est la révélation conduit néanmoins à cela. Et en ajoutant, malgré leur dénégation, à la révélation finale de Dieu, ils sapent peu à peu l’autorité de la Bible. Des nouvelles révélations, des rêves et des visions peuvent très facilement guider la vie du chrétien plus que l’épître aux Romains ou l’Evangile de Jean. Est-ce normal ? Est-ce souhaitable ? Est-ce biblique ?
2. La Bible enseigne que le ministère des apôtres et des prophètes était le fondement de l’Eglise.
Nous lisons en Ephésiens 2.19-22 : “Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers, ni des gens du dehors ; mais vous êtes concitoyens des saints, gens de la maison de Dieu. Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire. En lui tout l’édifice, bien coordonné, s’élève pour être un temple saint dans le Seigneur. En lui vous êtes aussi édifiés pour être une habitation de Dieu en Esprit”.
Au verset 20, Paul n’est pas en train de parler des prophètes de l’Ancien Testament. En effet, lorsque Paul parle des apôtres et des prophètes, ils mentionnent toujours les apôtres en premier (cp. 1 Cor 12.28-29, Eph 3.4-5, 4.11), ce qui ne serait pas logique s’ils parlaient des prophètes de l’Ancien Testament. De plus, le contexte du passage montre que Paul parle des prophètes du Nouveau Testament puisque c’est “le mystère de Christ… [qui] a été révélé maintenant par l’Esprit aux saints apôtres et prophètes de Christ” (Eph 3.4-5) ; et en Ephésiens 4, Paul explique que l’ascension de Christ à la droite du Père est la cause des dons spirituels (v.7-8) qu’il donne pour “l’édification de son corps” (v.12), dont les dons d’apôtres et de prophètes font partie (v.11). Il parle donc bien des prophètes du Nouveau Testament.
Et ce qu’il dit en Ephésiens 2.20, c’est que les apôtres et les prophètes sont le fondement de l’Eglise. Or, chacun sait qu’on ne pose qu’une seule fois la fondation d’un édifice, au tout début de la construction, et que c’est sur cette fondation posée une fois pour toute que l’on érige la superstructure. D’après ce texte, les apôtres et les prophètes sont ce fondement sur lequel s’érige l’Eglise de tous les temps.
Les offices d’apôtres et de prophètes étaient particuliers à la situations de l’Eglise avant la clotûre du canon. Pour produire le Nouveau Testament, il fallait que des révélations soient accordées. Et avant que le Nouveau Testament soit complet, il fallait des révélations directes pour expliquer l’oeuvre de Christ aux croyants et les équiper pour toute oeuvre bonne. Mais après que les écrits du Nouveau Testament ont commencé à être diffusés, et après que les derniers apôtres et prophètes sont décédés, les dons miraculeux de révélation ont cessé.
De plus, il faut noter que la Bible enseigne que la période historique durant laquelle a été accordée cette révélation a aussi été une période durant laquelle de nombreux signe miraculeux publiquement vérifiables ont été donnés (cf. Hb 2.3-4; Ac 14.3 ; 2 Co 12.12 ; cf. Ex 4.5 ; 1 R 17.24 ; Jn 3.2 ; 9.30, 33 ; 10.25 ; Mt 9.6 ; 14.33 ; 12.38-40 ; Ac 2.22). S’il y a toujours d’authentiques prophètes parmi nous, où sont passés les miracles accomplis de façon publiques et vérifiables ?
Conlusion 3
Jusqu’ici, nous avons vu que la prophétie a été redéfinie comme quelque chose qui ne correspond pas aux descriptions que nous trouvons dans le Nouveau Testament. Cette rédéfinition biblique a deux objectifs. Premièrement, cela permet d’éviter de soumettre les prophètes modernes aux vérifications objectives auxquelles ils étaient soumis à l’époque biblique, puisque leurs “prophéties” ne sont que de vagues exhortations sans contenu spécifique et que l’on peut donc juger vrai ou faux ; et deuxièmement, cela permet de dire que l’on maintient la prophétie sans ajouter à la Bible. Mais ce que nous avons montré, c’est que l’office de prophète dans le Nouveau Testament est la continuation de l’office de prophète de l’Ancien Testament. Les exhortations et les prophéties du prophète du Nouveau Testament sont inspirées par l’Esprit et ont la même autorité que l’Ecriture. Nous avons enfin vu que la Bible enseigne que la prophétie remplissait une fonction qui n’est pas répétable, puisqu’il s’agit de fonder l’Eglise, et que les circonstances qui rendaient nécessaires son existence (i.e., l’ouverture du canon) ont disparus depuis que la Bible a fini d’être écrite. La prophétie a cessée parce qu’elle n’était plus utile.
IV. Comment expliquer ce que ces “prophètes” vivent ?
Pour expliquer ce qui se passe chez ces soi-disant “prophètes”, je propose deux explications qui sont peut-être entremêlées. Je juge la première très incertaine alors que la seconde me semble assez sûre.
Premièrement, ce qui est aujourd’hui appelé “prophétie” est autre chose que la prophétie biblique. Il s’agirait ici plutôt d’une expérience supra-normale, d’une intuition extra-lucide forte qui lui donne une perception aiguisée du dessein secret et futur de Dieu, mais il s’agirait là d’une intuition toute faillible. Je n’accorde cependant pas une très grande probabilité à cette hypothèse parce que ce genre de phénomène n’est jamais décrit dans la Bible, et Dieu n’a jamais promis de guider son peuple par des moyens faillibles, que ce soit des intuitions ou je ne sais quoi d’autres.
Ce qui est plus probable, c’est qu’il s’agisse plutôt d’une manifestation extrême du subjectivisme et du mysticime qui caractérise notre époque, et le mouvement charismatique en particulier. Mon hypothèse, tout à fait gratuite et spéculative, c’est qu’un tel mysticisme exploite des capacités cérébrales et émotionnelles inutilisées chez les gens normalement rationnels et que cela déclenche des manifestations inhabituelles pour des gens normalement rationnels.
Conclusion 4
La croyance des évangéliques que le don de prophétie est encore disponible aujourd’hui n’est pas ce qu’il y a de pire. Ce qui me semble plus problématique, c’est que la plupart des évangéliques croit que Dieu parle directement à tous les chrétiens remplis du Saint-Esprit, et qu’il conduit ainsi son peuple sans le moyen des Saintes Ecritures. Des expressions telles que “Dieu m’a dit de…”, “l’Esprit me conduit à…” ou “Jésus m’a parlé et m’a dit ceci et cela…” ne sont plus seulement l’apanage des charismatiques : c’est la majorité du monde évangélique qui est en train de sombrer dans un subjectivisme et dans un mysticisme qui contredit clairement la Parole de Dieu. A l’époque des apôtres, lorsque tous les dons surnaturels étaient distribués, les seuls qui recevaient des révélation directe, c’était les apôtres et les prophètes. L’idée courante que Dieu conduit son peuple en communicant avec ses enfants d’une manière directe est non biblique et dangereuse car, même si la majorité des évangéliques croient théoriquement en la suffisance de la Bible pour la vie du croyant, beaucoup mènent en pratique leur vie chrétienne selon leurs sentiments, impressions et expériences subjectives plutôt que selon l’enseignement clair de la Parole de Dieu.
Notre responsabilité en tant que croyant n’est pas de suivre nos sentiments ou nos impressions, mais d’étudier la parole de Dieu et de l’appliquer à notre vie. Tout ce dont nous avons besoin pour prendre toutes nos décisions peuvent être déduits de principes scripturaires. Les chrétiens doivent arrêter de croire en leurs impressions mystique et commencer à apprendre comment déduire des Ecritures les vérités qui, si nous les appliquons à notre vie, à notre famille, à notre travail ou à nos études, à notre gouvernement ou à quoi que ce soit d’autre, nous permettront de prendre des décisions conformes à la volonté de Dieu.
D’après un article de Brian Schwertley (2004).
Bonjour,
Merci pour cet article !
Je ne saurais répondre (du moins pas pour l’instant) à tous les points abordés mais je veux juste souligner quelques points :
– “Ils ne délivrent jamais de prophétie qui s’accomplit au détail près.” Cette affirmation est un peu rapide…On peut lire “Le Théâtre sacré des Cévennes” comme contre-exemple.
– Comment interpréter “aujourd’hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j’ai été connu” dans 1Co. 13:12 ?
– Que penser de Spurgeon ? (http://www.samstorms.com/enjoying-god-blog/post/when-a-cessationist-prophesies–or–what-are-we-to-make-of-charles-spurgeon)
Bonjour, je réponds aux 2 derniers points :
1) Paul dit simplement ici que la connaissance sera complète.
2) Spurgeon était cessationniste. C’est à prendre en compte. Or, les cessationnistes admettent qu’il existe encore de la prédiction, de l’intuition, des visions, etc. ce que nous rejetons c’est l’existence de l’office de prophète et de révélation verbale doctrinale.
– Je crois plutôt que ce passage parle de la connaissance finale que nous aurons un jour dans l’intimité de la connaissance de Dieu. Supposons que la connaissance dont Paul parle ici soit la complétion du Canon, il n’en reste pas moins que mon interprétation de la Bible et donc ma connaissance n’est pas parfaite.
– Je connais sa position 🙂 Comment définir ce qu’il a vécu alors ? Comme étant de l’intuition ? Si vous croyez que les visions et les songes continuent, cela veut dire qu’une partie des manifestations de Actes 2:17 cesse tandis que l’autre continue ? On peut aussi prendre l’exemple des songes prédictifs de la mère d’Augustin 🙂
1) Oui, je n’ai pas dit que c’était le canon. Je pense qu’il s’agit de l’état éternel. (Je rappelle que je ne suis pas le rédacteur de l’article !)
2) Intuition, visions, songes continuent. Ce qui cesse selon Ephésiens 2 ce sont les offices d’apôtres et de prophètes. Cela nécessitera une définition quand je donnerai ma propre position.
Bon j’ai compris… Gaffin m’a convaincu sur 1 Co. 13
https://www.etsjets.org/files/JETS-PDFs/35/35-2/JETS_35-2_173-181_White.pdf
Cool, on avance ahah !
Cher Maxime. Merci pour cette série.
Concernant la prophétie, je pense que la prophétie de Joël demande que nous la rangions avec le don des langues puisque l’apôtre Pierre explique le phénomène des langues par la prophétie de Joël qui ne mentionne pas les langues. Elle mentionne la prophétie, les visions et les songes. Nous sommes donc dans ce que nous pourrions appeler “les dons révélationnels”.
Paul situe la cessation des dons lorsque “ce qui est parfait sera venu”. Le pronom grec est neutre, c’est-à-dire qu’il ne réfère pas à un individu mais à une réalité future. Et l’adjectif traduit par “parfait” signifie presque toujours l’achèvement, l’accomplissement de quelque chose déjà en processus. Ce qui ouvre la porte à l’achèvement du canon biblique.
Il semble que les apôtres ont fait un lien entre la période des dons et les “autres prophètes excepté Moïse” dont il est question en Exode 33 et Nombres 12. 3 indices nous rapprochent de ces deux textes vétéro-testamentaires qui nous parlent de la tente de la rencontre, lieu où Moïse avait une intimité privilégiée avec le Seigneur accompagnée d’un mode de révélation plus “poussée” que celui dont bénéficiaient les autres prophètes.
1. L’expression “face à face” utilisée par Paul (1 Corinthiens 13.12) est l’écho de ce qui se passait dans la tente de la rencontre (Exode 33.11) et qui ne signifiait pas être devant Dieu littéralement (v. 20).
2. En Nombres 12.6, nous retrouvons la prophétie, les visions et les songes, tout comme dans la prophétie de Joël citée par Pierre en Actes 2.17.
3. Lorsque Paul qualifie la période où les dons sont en force, il dit “nous voyons au moyen d’un miroir, de manière confuse [grec : enigmata]” (1 Corinthiens 13.12). Or, c’est le même mot grec utilisé dans la LXX pour décrire le mode de révélation des “autres prophètes excepté Moïse” (Nombres 12.8). Pour Moïse, le Seigneur lui parle “sans énigmes [grec : enigmata]”.
En conclusion, les apôtres ont rapproché la pratique des dons révélationnels du mode de révélation des prophètes qui ont suivi Moïse. Avec les Écritures complétées, nous avons un mode de révélation supérieur, nous sommes dans la tente de la rencontre avec Dieu.
Intéressant, je ne suis pas tout-à-fait convaincu mais ça mérite d’être creusé. Ravi de te voir contribuer ici, je sais que tu as bien étudié le sujet 🙂
Le développement de cette thèse est connu et globalement acceptable. La démonstration me semble néanmoins quelque peu forcée. Que beaucoup de prophéties des milieux dits «charismatiques» amènent dans le mur me parait une évidence.
Néanmoins la doctrine cessationiste me semble en opposition fondamentale avec la souveraineté de Dieu. Quand on a compris que Dieu est Dieu on doit être prudents dans nos interprétations. Bien que la révélation soit complète l’apocalypse nous montre qu’il suscitera encore d’authentiques prophètes. Notre Dieu est grand et souverain Il fait tout à merveille, et il le fait sans demander notre permission !
Je pense que Apocalypse, quand il parle des 2 témoins, ne nous parle pas d’évènement à venir.
Pour ce qui est de la souveraineté de Dieu : elle ne s’oppose pas du tout au cessationnisme. La question n’est pas “Dieu est-il capable d’accorder tel don ?”. Mais “Dieu a-t-il décidé de le faire, selon sa révélation ?”.
Prenons l’exemple du don de construire le tabernacle, il s’agit d’un don de l’Esprit. Pourtant, nul n’irai dire que Dieu ne serait pas souverain si ce don n’était plus donné. Pourquoi ? Car il a rempli sa mission. Il en est de même de la prophétie : la fondation a été posée.
Je ne savais pas que les charismatiques croyaient aux révélations doctrinales, c’est nouveau^^
Par contre, que l’office de prophète de l’AT soit arrêté, je ne suis pas encore convaincu: que l’office de prophète “scripturaire” (Type Esaïe, Jérémie) soit fini, c’est une évidence. Que les prophètes “oraux” (disciple d’Elie et d’Elisée, Nathan…) ne soient plus d’actualité, cela n’est pas prouvé par l’article. Le fondement des apôtres et des “prophètes” renvoient aux prophètes de l’AT, et plus particulièrement ceux qui ont été retenus dans le canon. Ils ne désignent pas tous ces prophètes qui n’ont laissé aucune trace en dehors de leur mention, ou bien qui donnaient simplement des avis ponctuels, et non doctrinaux (type Nathan, qui s’est planté le jour où il a dit à David qu’il pouvait construire son temple).
Donc je résume: oui l’esprit de prophétie de l’église est bien celui de l’AT. Même Justin Martyr le dit dans son dialogue à Tryphon. Mais il y a plusieurs offices: l’office de prophète “scripturaire”, terminé comme le prouve Calvinyps. Et l’office de prophète “oral” qui est celui dont nous parlons.
Certains y croient.
Non, l’auteur démontre sans l’ombre d’un doute que “prophète” fait référence dans le contexte aux “prophètes de Christ”. Je ne vais pas redétailleur les arguments : apôtres puis prophètes, contexte de discussion des dons. L’auteur a donc démontré que Paul parle des prophètes du Nouveau Testament, dont nous n’avons pas les écrits évidemment puisqu’ils était oraux. As-tu lu ces arguments sur ce que désigne prophète en Ephésiens ? Comment y réponds-tu ?
Deuxièmement, encore une incohérence : les prophètes “oraux” (s’il faut vraiment faire cette distinction artificielle car tous les prophètes étaient dans un premier temps oraux) ont pu apporter des révélations doctrinales. Donc les prophètes oraux modernes n’arriveraient pas aux chevilles de ceux-ci ^^
“Les prophètes oraux modernes n’arriveraient pas aux chevilles de celui-ci”
Rappelons nous de cette histoire du prophète qui a averti Josaphat de ne pas partir en guerre. En rentrant en Judée, il s’arrête chez un compagnon prophète, alors que Dieu lui a expressément dit de ne pas le faire. Juste après un lion le dévore. C’est sûr qu’il n’y avait aucune faillite chez les prophètes de l’AT, ni aucune déclaration précipitée comme dans le cas de Nathan, ni aucune faille morale comme dans le cas de Jonas, ni aucune prophétie qui ne s’accomplit pas…
Sur ce que désigne “prophète” en Ephésiens, je l’avais dit en qq mots au dessus, et je disais qu’il s’agissait d’Esaïe, Ezéchiel, Jérémie etc… les prophètes des écritures de l’AT, dont les apôtres étaient la continuité. Il ne s’agit pas des prophètes ecclésiaux du 1er siècle. Dois je soutenir cela par un argument?
Tu n’as donc pas lu l’article ? L’auteur démontre en long et en large que la formulation “apôtres et prophètes” dans cet ordre ne peut désigner que les prophètes du Nouveau Testament.
Pour ce qui est de ton exemple, c’est nul pour appuyer le continuationnisme : il ne s’agit pas d’une prophétie non accomplie, il s’agit d’une faute morale. Bien sûr que les prophètes peuvent faire des fautes morales, n’attaque pas un homme de paille. Par contre s’ils font une fausse prophétie, ils sont faux prophètes.
Quand je parle de ne pas arriver aux chevilles, je ne parle pas de moralité mais du contenu de la prophétie.
Je copie la section en question :
Au verset 20, Paul n’est pas en train de parler des prophètes de l’Ancien Testament. En effet, lorsque Paul parle des apôtres et des prophètes, ils mentionnent toujours les apôtres en premier (cp. 1 Cor 12.28-29, Eph 3.4-5, 4.11), ce qui ne serait pas logique s’ils parlaient des prophètes de l’Ancien Testament. De plus, le contexte du passage montre que Paul parle des prophètes du Nouveau Testament puisque c’est “le mystère de Christ… [qui] a été révélé maintenant par l’Esprit aux saints apôtres et prophètes de Christ” (Eph 3.4-5) ; et en Ephésiens 4, Paul explique que l’ascension de Christ à la droite du Père est la cause des dons spirituels (v.7-8) qu’il donne pour “l’édification de son corps” (v.12), dont les dons d’apôtres et de prophètes font partie (v.11). Il parle donc bien des prophètes du Nouveau Testament.
Et ce qu’il dit en Ephésiens 2.20, c’est que les apôtres et les prophètes sont le fondement de l’Eglise. Or, chacun sait qu’on ne pose qu’une seule fois la fondation d’un édifice, au tout début de la construction, et que c’est sur cette fondation posée une fois pour toute que l’on érige la superstructure. D’après ce texte, les apôtres et les prophètes sont ce fondement sur lequel s’érige l’Eglise de tous les temps.
Les offices d’apôtres et de prophètes étaient particuliers à la situations de l’Eglise avant la clotûre du canon. Pour produire le Nouveau Testament, il fallait que des révélations soient accordées. Et avant que le Nouveau Testament soit complet, il fallait des révélations directes pour expliquer l’oeuvre de Christ aux croyants et les équiper pour toute oeuvre bonne. Mais après que les écrits du Nouveau Testament ont commencé à être diffusés, et après que les derniers apôtres et prophètes sont décédés, les dons miraculeux de révélation ont cessé.
Oui je t’en prie ! Montre-nous que Paul fait référence aux prophètes “scripturaires” (s’il faut accepter cette distinction) de l’AT et non pas à tous les prophètes du NT.
Je reconnais avoir dans le premier paragraphe avoir fait davantage de réthorique que d’argumentation, mais je suis un peu agacé de voir le critère du Deutéronome être agité partout alors que les disciples des apôtres eux même ne demandaient que des critères moraux! (cf Didaché, et l’avertissement sur les faux prophètes d’Hermas) Cela revient à dire “nous savons mieux que les apôtres et leurs disciples directs sur comment discerner un faux prophète”. Mais laissons ça là, c’est un sujet à part entière.
Pour ma part, la formulation de la lettre aux éphésiens me rappelle celle qui apparaît partout dans l’AT et qui désigne toujours les prophètes de l’AT.
Tu parlais des apôtres? Voici ce que dit Pierre 1 Pierre 1.10,12″ Les prophètes, qui ont prophétisé touchant la grâce qui vous était réservée, ont fait de ce salut l’objet de leurs recherches et de leurs investigations,[…]Il leur fut révélé que **ce n’était pas pour eux-mêmes, mais pour vous,** qu’ils étaient les dispensateurs de ces choses, que vous ont annoncées maintenant ceux qui vous ont prêché l’Évangile par le Saint-Esprit envoyé du ciel, et dans lesquelles les anges désirent plonger leurs regards.”
Dans les évangiles, “prophètes” est un terme très courant pour désigner Esaïe, Ezéchiel etc. Voici une tripotée
“Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi **ou les prophètes** ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir.” Mt 5.17 “Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux ; car c’est ainsi qu’on a persécuté **les prophètes qui ont été avant vous.**” Mt 5.12
“C’est pourquoi la sagesse de Dieu a dit : Je leur enverrai **des prophètes et des apôtres** ; ils tueront les uns et persécuteront les autres, afin qu’il soit demandé compte à cette génération du sang de **tous les prophètes qui a été répandu depuis la création du monde**” Luc 11.50 Celui est intéressant parce qu’il parle des prophètes et des apôtres -comme la formule des éphésiens- A ceci près qu’il amalgame d’un seul coup tous les prophètes “depuis la création du monde”
Quant à Paul, dans les actes tu le verras très couramment utiliser l’expression “les prophètes” pour désigner la “deuxième partie de l’AT” tout comme le faisait Pierre par exemple.
Bon je ne vais pas multiplier les exemples: il suffira de dire que Calvinyps trace une grosse ligne blanche là où il n’y a même pas de pointillés dans la Bible
Tu as donc un problème d’exégèse : ce n’est pas en faisant appel à des textes éloignés que l’on détermine le sens direct. Il faut prêter oreille premièrement au contexte immédiat dans l’exégèse.
La question n’est pas “le mot prophète peut-il désigner, même dans la bouche de Paul, les prophètes de l’AT ?”. La question est : est-ce le cas ICI ?
Or, *tous tes exemples* ne font que montrer que le mot prophète peut désigner les prophètes de l’AT, ce que personne ne conteste à ma connaissance. Toutefois, l’auteur montre sans aucun doute que “prophètes” *en Ephésiens* est une référence aux dons de l’Esprit répandu par le Christ : “prophètes du Christ”, dit Paul.
Pour ce qui est du Didaché, j’y viendrai quand je commencerai à écrire sur le sujet. Je n’ai pas la même lecture que toi.
Merci pour cette réflexion sur les dons prophétiques. Ma remarque concerne surtout la conclusion 4.
Je ne comprends pas pourquoi on ne pourrait pas dire “Jésus me dit” ou “Dieu me dit”… C’est une personne et il parle remarquablement bien, même au 21ème siècle ! Dieu serait-il devenu muet ?
Je conçois le danger de tous ces nouveaux prophètes qui poussent de partout et disent que Dieu est ici, non plutôt là… mais dans le cadre d’une relation personnelle avec lui ? Ne nous (re)dira-t-il pas tous ses secrets ? Son esprit ne nous explique-t-il pas tout ce qui a été révélé ? Moi, je n’arrive pas toujours à comprendre toute seule, et alors, Dieu me dit voilà ce que tu es, voilà comme je t’aime, et il me montre des passages dans la Bible, et aussi d’autres choses, des arbres, des écureuils, rien d’hérétique heureusement, sinon je pourrais me questionner sur l’esprit qui me parle…
Même si la liberté de relation que Dieu nous donne aujourd’hui provoque beaucoup de risques de déviations, de faire Dieu dire ce qu’il n’a pas dit (et on le fait dans toutes nos relations affectives), je crois qu’il a pris ce risque en faisant de nous ses enfants, qui pouvons entrer en communion avec lui directement, au travers de Christ, même sans avoir de rôle prophétique. Les émotions mystiques indépendantes de tout ancrage dans la Bible et la raison sont dangereuses, comme la raison sans émotions spirituelles est dangereuse. Tout simplement parce que c’est Dieu qui a fait l’un et l’autre, et qu’il veut qu’on l’adore avec tout ce qu’on est. Non ?
Est-ce qu’il m’aurait donné la capacité d’avoir des “sentiments, impressions et expériences subjectives” juste pour le plaisir de me voir me torturer l’esprit parce que ce seront toujours des leurres ? Ou est-ce que je dois plutôt examiner et soumettre ces sentiments, impressions et expériences à son regard dans le cadre de ma relation à lui ? Et hop, une fois que j’ai vérifié que c’est bien en accord avec sa volonté, je fonce, ce qui alimente ma foi et mon expérience de lui.
Ou alors il ne faut pas de relation personnelle à Jésus-Christ ? On m’aurait menti ?
Je dirai 2 choses :
1) “Dieu me dit” peut porter à confusion. Aujourd’hui Dieu ne parle plus par une révélation verbale et directe. Il le fait par son Esprit via la Parole. Bien-sûr que Dieu parle, mais pas de telle façon que nous puissions dire comme les prophètes : “l’Eternel m’est apparu en vision et m’a dit…”
2) “On m’aurait menti ?” Presque ! Je vais te provoquer un peu mais la Bible parle beaucoup plus souvent de notre relation communautaire avec Dieu que de notre relation personnelle avec Lui. C’est bien un peuple, une église, un corps, un temple fait de pierres, un royaume que Jésus est venu bâtir et non un tas d’individus indépendants ;-).
1) Lorsque Dieu me console ou lève un de mes blocages, je dis souvent “Dieu m’a dit/montré que je ne devais pas me centrer sur moi-même, me soumettre, changer d’attitude, etc.” C’est vrai que je ne l’ai pas entendu prononcer des mots, mais j’ai senti son regard sur ma vie et son toucher qui me révélait ce qui clochait. Comment exprimer cette expression de Dieu qui n’est pas passé par des mots ?
2) Oui, je suis d’accord, mais l’un conduit à l’autre… Un peuple est fait d’individus interdépendants. Dieu se fait une famille. Comme un père aime ses enfants et prend soin de tous, et de chacun. Qui a une volonté personnelle pour l’ensemble prioritairement et chaque personne faite à son image (personnelle) en particulier.
Notre nature déchue trouble nos sentiments, oui, mais elle trouble aussi notre raison. Et la raison que tu utilises pour démontrer ces arguments, mes sentiments peuvent s’y opposer. Lesquels ont raison ? Ne doivent-ils pas l’un et l’autre être soumis à l’esprit ? Mon expérience subjective (et je ne vois pas comment je pourrais en sortir un jour) me dit que Dieu est à la source de la doctrine de référence, saine et sainte, qu’il a révélé dans la Bible, et qu’il est aussi à la source de la révélation particulière pour son application dans ma vie. Honnêtement, je crois qu’il ne se prive pas de parler à des individus sur leur situation personnelle. Et dans sa liberté de parler tantôt d’une manière, tantôt d’une autre, il nous rend libres.
Mais bon, dans sa grâce, il nous donne de nous aider à réfléchir ensemble, et à nous rapprocher de la vérité, c’est-à-dire lui-même. J’ai conscience de ne pas traiter directement du débat décrit dans l’article, donc je vais m’arrêter là !
Merci pour les réactions !
Je suis d’accord.
Pour ce qui est du point 1), je suis peut-être rigide (faut me pardonner, c’est la théologie qui nécessite d’avoir un vocabulaire précis) mais je parlerai plutôt d’une action de Dieu dans ma conscience. “Dieu m’a poussé” pourquoi pas, “Dieu m’a fait comprendre”… Dieu m’a dit donne l’idée que des mots ont été prononcés. Mais bon, là c’est plus qu’une question de formulation, rien de grave.
J’avoue que je suis perdu dans le débat et dans les différentes définitions de prophètes ou de prophéties (cessationistes et continuationalistes). J’aimerais bien un article qui fait une synthèse, qui résume les différentes positions précisément avec leurs nuances.
Les cours Transmettre font ça plutôt bien.
Vous avez une compréhension restrictive de la prophétie hors la prophétie a des fonctions diverses dans la Bible. De plus, l’apôtre Paul la décrit comme un don accessible à tous et non pas comme l’apanage exclusif des apôtres et des prophètes. D’ailleurs, pourquoi certains passages suggèrent-ils d’examiner les prophéties?
Nous n’avons jamais nié qu’elle avait diverses fonctions dans la Bible. Nous avons publié une série de Richard Gaffin qui explore plus à fond ce sujet ainsi qu’une série qui analyse les arguments de Wayne Grudem.
Oui ce don n’était pas réservé aux apôtres.
Les prophéties doivent être examinées, tout comme elles devaient l’être dans l’Ancien Testament : si la personne qui prétend parler au nom de Dieu annonce quelque chose qui ne se produit pas, c’est un faux prophète, si au contraire elle annonce quelque chose qui arrive, c’est un prophète véritable.
Il y a ce livre qui présente 4 points de vue différents sur la question des dons en général (mais je ne sais pas ce qu’il vaut) 🙂 https://www.amazon.com/Miraculous-Gifts-Today-Wayne-Grudem/dp/0310201551
Oui, je l’ai.
Si tu le veux Laurent je peux te le filer.