Le jour où Jésus nous a dit de baptiser nos enfants
14 novembre 2018

Certains diront :
“MATTHIEU 28 :19 NOUS DIT DE BAPTISER LES DISCIPLES, PAS LES ENFANTS.” 

C’est inexact. Matthieu 28 :19 nous dit comment faire des disciples. En les baptisant et en les enseignant. C’est exactement ce que proposent de faire les réformés. L’éducation de l’enfant est vue comme un moyen de faire des disciples. Le moyen par excellence même. Nous baptisons les enfants puis nous les enseignons à garder tout ce que Christ a prescrit.

Je signale en passant qu’en grec ce sont les nations qui sont le sujet du baptême tandis que « disciples » est en fait un verbe et que « aller », « baptiser » et « enseigner » sont des participes. On pourrait dire « Discipulez toutes les nations en allant, en les baptisant […] et en leur enseignant à garder tout ce que je vous ai prescrit ».

Autrement dit, même le Grand Appel à la Mission de Matthieu 28 a un accent plutôt communautaire qu’individuel. Ce sont tous les peuples qui sont en vue, toutes les ethnies. Car ce sont « toutes les familles de la terre » qui doivent être bénies en Abraham.

Ici, je propose un nouvel aparté pour montrer comment la Bible nous parle de la mission principalement en terme communautaires et non individuels. Je montre aussi que quand Jésus nous dit de baptiser les « nations », il désigne par ce terme les familles et les lignées de sang et non pas les États. Je m’inspire là encore de Gregg Strawbridge.

APARTÉ : LA GRANDEUR DE L’APPEL À LA MISSION

Comme je viens de le faire remarquer, le grec (autous) fait référence aux nations (ethnà) et non pas aux disciples puisqu’ici disciples (mathàeuò) est un verbe. L’ordre est donc de discipuler les nations en les baptisant.

Un Juif du premier siècle disciple d’un rabbin lui ayant dit « Faites de toutes les nations des disciples en les cironcisant » n’aurait pas déduit que la circoncision des enfants doive être abandonnée. Il aurait eu en tête toutes les promesses de l’Ancien Testament sur les nations. De même ici, la formulation de notre Seigneur n’implique pas que le baptême ne concerne pas les enfants.

En Actes 15 :3 nous apprenons que des païens se sont convertis et que certains Pharisiens qui avaient cru se demandaient s’il était nécessaire de circoncire ces convertis (v. 5). Nous apprenons en Matthieu 23 :15 que les Pharisiens faisaient des disciples et les circoncisaient. Mais cela ne veut pas dire qu’ils ne circoncisaient pas leurs enfants. Ainsi, le commandement de faire des disciples n’exclut pas nécessairement les enfants puisque les juifs faisaient des disciples tout en incluant les enfants dans le processus.

Lorsque Jésus institue le baptême comme signe de son alliance, il ne le fait pas au hasard. Il fait appel à tout un symbolisme dans l’Ancien Testament. Or, nous constatons que l’Ancien Testament prévoyait déjà que cette purification spirituelle, signifiée par le baptême, aurait un accomplissement dans des communautés, des nations et non seulement des individus. « Il purifiera par l’aspersion un grand nombre de nations » (Esaie 52 :15). Quand Ezechiel annonce la nouvelle alliance, il dit : « Les nations reconnaîtront que je suis l’Éternel […] Je ferai sur vous l’aspersion d’une eau pure, et vous serez purifiés ; je vous purifierai de toutes vos souillures et de toutes vos idoles […] Je vous donnerai un nouveau cœur et mettrai en vous un esprit nouveau » (Ez. 36 :23-28). Nous devons comprendre l’Appel à la Mission à la lumière de ces prophéties.

J’aimerai insister sur le but communautaire de la Mission (car « nations » fait d’avantage référence aux communautés, aux ethnies, qu’aux institutions politiques que nous désignons aujourd’hui par « nations »), en vous suggérant quelques passages à considérer à ce sujet :

« Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai celui qui te maudira. Et toutes les familles de la terre seront bénies en toi » (Genèse 12 :3).

« Ta descendance sera comme la poussière de la terre ; tu t’étendras à l’ouest et à l’est, au nord et au sud. Toutes les familles de la terre seront bénies en toi et en ta descendance » (Genèse 28 :14).

« Toutes les extrémités de la terre se souviendront de l’Éternel et se tourneront vers lui ; Toutes les familles des nations se prosterneront devant sa face. Car le règne est à l’Éternel, il domine sur les nations » (Psaume 22 :28,29).

« Toutes les nations le serviront » (Psaume 67 :7).

« Toutes les nations que tu as faites viendront se prosterner devant ta face, Seigneur, et rendre gloire à ton Nom. » (Psaume 86 :9).

« Louez l’Éternel, vous toutes les nations, glorifiez-le, vous tous les peuples ! » (Psaume 117 :1).

« Rois de la terre et tous les peuples […] qu’ils louent le nom de l’Éternel ! » (Psaume 148 :11,13).

« C’est Toi qui écouteras des cieux, du lieu où tu sièges, et tu accorderas tout ce que l’étranger aura imploré de toi, afin que tous les peuples de la terre connaissent ton nom pour te craindre » (2 Chr. 6 :33).

« On lui donna la domination, l’honneur et la royauté ; Et tous les peuples, les nations et les hommes de toutes langues le servirent. Sa domination est éternelle » (Dan. 7 :14).

Amen !

Des dizaines et même des centaines de passages pourraient être ici listés. Si nous sortons de l’individualisme ambiant dans nos cultures occidentales et nous immergeons (sans jeu de mots) dans cet arrière-plan biblique, nous comprendrons bien mieux l’ordre de faire des disciples, sa dimension communautaire, non pas uniquement dans le sens où l’Église est une communauté, mais dans le sens où l’Église est une communauté de communautés ! Elle intègre des peuples entiers, des familles, des langues !

Oui, la foi est une responsabilité individuelle et je ne peux pas être sauvé par la foi de mes parents ou du chef de ma tribu si je ne crois pas moi-même. Néanmoins, ces textes nous montrent que Dieu accomplit le salut d’individus en passant par les communautés.

Cela est palpable dans les réveils parmi les musulmans actuellement. De nombreux rapports de mission signalent qu’une fois que le chef de tribu a été atteint par l’Évangile, tout le village a suivi. Tout simplement parce que c’est Dieu lui-même qui a créé ces communautés et la grâce de Dieu ne vient pas détruire ce que Dieu a créé, elle l’utilise, le magnifie et s’en sert pour Sa gloire. Dieu utilise la famille qu’il a créé pour y répandre sa grâce, jusqu’à mille générations (Ex. 20 :6) !

Mais cela est aussi palpable, même dans nos pays individualistes où les églises sont composées plus souvent de familles que d’individus isolés.

Cette vision renouvelée de la Mission a des conséquences pratiques réelles, non seulement dans la pratique baptismale mais dans l’intention même et la vision du missionnaire et de l’Église. Après tout, la gloire de notre Agneau immolé n’est-elle pas d’avoir racheté pour Dieu, par son sang, des « hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation » (Ap. 5 :9) ? Dieu n’est-il pas le Dieu des « familles de la terre » (Eph 3 :15) ?

Si donc le Nouveau Testament nous demande de faire de toutes les nations des disciples en les baptisant, ce n’est certainement pas cela qui doit nous faire penser que le baptême est désormais une affaire individuelle, bien au contraire !

Je précise ici la pensée que j’avais mentionnée entre parenthèses, c’est-à-dire que « nations » ne désignent pas dans la Bible les institutions politiques telles que la France ou l’Allemagne mais des communautés comme des familles. En réalité, le monde romain de l’époque était impérial et non pas national, ce n’est qu’à la fin du Moyen-Âge en Europe que le concept politique de nations-états est né. Nous voyons en effet que la Bible utilise « nations » pour désigner « toutes les familles de la terre » (Gen. 12 :3, 28 :14, Act. 3 :25 ; cf. Ps. 22 :14). Nous voyons de plus que les termes « nations », « famille », « maison », « maisonnée » sont explicitement et organiquement reliées dans la Bible (Gen 10 :5, 10 :32). Et les passages cités plus haut montrent que l’Ancien Testament utilise de façon interchangeable « nations » et « toutes les familles des nations ». Le livre de la Genèse ne nous révèle-t-il pas que toutes les nations ne sont en fait que des familles qui se sont répandues et multipliées sur la terre (Cf. les 70 nations-familles de Genèse 10) ? Ainsi, les nations sont des lignées de sang et non pas des nations-états au sens moderne du terme. Cela ne doit pas nous étonner. Le mot patrie a suivi la même évolution, alors qu’il est utilisé (en grec, patria, dérivant de père, pater) pour désigner des familles dans le Nouveau Testament (Luc 2 :4, Actes 3 :25, Eph 2 :15[1]), il désigne aujourd’hui des entités plus larges.

C’est pourquoi, le fait que le texte grec dise qu’il faille « discipuler les nations en les baptisant » est un ordre, non pas de baptiser des individus solitaires qui ont cru, mais des familles entières. Peut-être est-ce précisément parce que les apôtres ont bien compris cet ordre qu’ils ont baptisé autant de familles !

Que notre Seigneur utilise « ethnos » (nations) pour désigner des familles ou des lignées de sang n’a rien d’étonnant. En effet, alors qu’en Genèse 12 :3 Dieu promet que toutes les familles seront bénies en Abraham, Paul traduit ce verset en utilisant ethnos (Galates 3 :8). Les Septantes traduisent ce même verset en utilisant « tribus » (julai) pour traduire familles. D’ailleurs, quand Genèse répète la promesse faite à Abraham, il y a alternance entre « toutes les nations seront bénies en toi » (Genèse 18 :18, 22 :18, 26 :4, 27 :29) et « toutes les familles de la terre seront bénies en toi » (Genèse 12 :3, 28 :14).

La venue du Christ et l’ordre de Mission que Jésus nous lance en Matthieu 28 est l’accomplissement de la promesse faite à Abraham (Luc 1 :55, 68-73). Ce n’est pas pour rien que Jésus utilise l’expression « toutes les nations » (πάντα τὰ ἔθνη), exactement celle que Paul utilise quand il cite la promesse faite à Abraham en Genèse 12 :3 (Galates 3 :8). Il s’agit, à mon humble avis, d’un procédé d’intertextualité. Matthieu ne pouvait pas nous mettre une note de bas de page dans son Évangile redirigeant vers Genèse 12 :3 en Matthieu 28 :19, il a donc utilisé une expression clé, « toutes les nations », faisant écho à la promesse faite à Abraham pour nous faire comprendre qu’enfin Dieu accomplissait sa promesse et que les familles de la terre allaient être bénies en étant « discipulées », c’est-à-dire baptisées et enseignées.

Tout comme les nations, les langues et les familles ont été divisées à Babel et la Grande Mission a pu commencer à appeler toutes les familles à Christ pour les réconcilier ! Diviser les parents de leurs petits enfants qui sont sous leur responsabilité est une idée totalement étrangère au texte biblique (Actes 11 :14, 16 :31).

Vous le voyez donc, loin d’interdire le pédobaptême, Matthieu 28 :19 est en fait un ordre explicite de baptiser des familles entières, selon ce que les Écritures avaient annoncées depuis Abraham. Le texte ne dit donc pas « baptisez les disciples après les avoir enseigné » mais « discipulez les familles en les baptisant et en les enseignant ». Les différents éléments relevés dans cet aparté me poussent à penser que Jésus a véritablement et littéralement ordonné de baptiser des familles. Rejeter cela, c’est restreindre le plan de Dieu et ce n’est pas le glorifier comme il convient. C’est avant tout la gloire de Dieu qui motive les réformés à baptiser des familles entières.

« Discipulez toutes les familles de la terre, en allant et en les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et en leur enseignant à garder tout ce que je vous ai prescrit. »

[1]Dans ce dernier passage, Paul joue sur le fait que patria dérive de pater pour dire que les familles de la terre tirent leur nom du Père.

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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